Monolecte đŸ˜·đŸ€Ź

Fauteuse de merde 🐘 @Monolecte@framapiaf.org

  • La domination adulte - Les mots sont importants (lmsi.net)
    â–șhttp://lmsi.net/La-domination-adulte

    Une domination sociale n’est jamais aussi efficace que lorsqu’elle nous apparaĂźt comme « naturelle » et demeure en grande partie invisible. Les multiples rapports de domination qui structurent notre vie sociale sont visibles Ă  des degrĂ©s divers : certains sont connus et reconnus (la domination masculine par exemple), d’autres ont Ă©tĂ© mis en Ă©vidence mais restent en partie cachĂ©s (on pourra citer la domination culturelle et symbolique). On sait aussi que mettre au jour un rapport de domination ne suffit en rien Ă  le faire disparaĂźtre, mais c’est pourtant une Ă©tape nĂ©cessaire : il faut prendre conscience de quelque chose pour pouvoir commencer Ă  lutter contre. Or il existe au moins un type de domination qui reste aujourd’hui presque totalement invisible, que nous cĂŽtoyons pourtant tous les jours, et pour lequel nous avons tous Ă©tĂ© Ă  la fois dominĂ© et dominant : il s’agit de la domination exercĂ©e par les adultes sur les enfants.

    • Ah lĂ  lĂ , les ravages de Bourdieu.... La sociologie rĂ©duite Ă  la dimension verticale de la domination.... Quand on pense Ă  la richesse de la pensĂ©e de gauche avant les usurpateurs (Bourdieu, Foucault....), qui ont mis de grands mots et surtout de l’inconscient sur des phĂ©nomĂšnes autrefois bien plus simples Ă  comprendre, oĂč l’économique Ă©tait quand mĂȘme, la plupart du temps, Ă  la source de toutes les causalitĂ©s... La domination des adultes sur les enfants est la derniĂšre Ă©norme connerie qui permet de jeter le bĂ©bĂ© avec l’eau du bain. Comme si l’utopie devait absolument se rĂ©aliser maintenant et qu’éduquer des mĂŽmes pouvait Ă©viter les contraintes. La centralitĂ© de l’"Ă©panouissement" est une belle connerie. L’appauvrissement intellectuel exercĂ© par cette « pensĂ©e »-lĂ  est sans limite, et nous conduit pas mal Ă  ce que l’on connaĂźt aujourd’hui... Un monde de consommateurs, pourtant critiquĂ© autrefois, mais par des penseurs d’une autre trempe, Vance-Packard par exemple, et tant d’autres. Il faut vraiment oublier nos penseurs français....

    • Je n’entre vraiment plus dans le jeu du on/off intellectuel. Je suis moi-mĂȘme une mĂšre sĂ©vĂšre parce que mon job est d’éduquer ma fille Ă  entrer dans la sociĂ©tĂ© des humains, quoi que je puisse penser de cette sociĂ©tĂ© par ailleurs.
      Par contre, il se trouve que je me questionne aussi tout le temps par les modalitĂ©s mĂȘmes de mon Ă©ducation, par l’usage d’une forme de violence que je n’ai dĂ©jĂ  vraiment jamais tolĂ©rĂ©e pour moi-mĂȘme et qu’il me semble suspect de tolĂ©rer pour les autres.
      C’est juste un axe de pensĂ©e, le creusement d’une rĂ©flexion sur le sens de la relation que l’on Ă©tablit avec ses proches et la maniĂšre dont on construit les liens. Si je balance un lien ici, c’est toujours pour alimenter mon dĂ©bat interne et pas forcĂ©ment parce que je souscris, tout ou en partie, aux idĂ©es dĂ©veloppĂ©es par l’auteur.

      Je n’aime pas la chosification des gosses, la maniĂšre aussi dont d’autres parents se projettent dans leur progĂ©niture pour transcender leurs propres Ă©checs, les parents parfaits me gonflent, les agendas de ministre des mouflets me tĂ©tanisent et j’oscille en permanence entre la nĂ©gociation bienveillante et le totalitarisme le plus arbitraire avec ma fille, pour des raisons que je m’efforce souvent de comprendre aprĂšs coup.
      Je lutte contre des gĂ©nĂ©ralitĂ©s rĂ©ductrices quand j’en croise au fil des discussions, du genre : « je ne suis pas inquiet pour l’adolescence de mon fils, mais je ne supporte pas l’idĂ©e qu’un petit con va coucher avec ma fille ».

      AprĂšs, je ne goĂ»te que modĂ©rĂ©ment aux grilles de lecture uniquement tirĂ©es des trucmuches freudiens, nous sommes tous le fruit de multiples influences plus ou moins dĂ©clarĂ©es comme notre milieu, notre trajectoire, nos lectures et rĂ©flexions, nos expĂ©riences, nos Ă©changes avec les autres, la normalisation Ă  l’Ɠuvre dans les mĂ©dias (avec l’espĂšce de super coaching du monde par les M6 and co qui prĂ©tendent « Ă©duquer » les masses Ă  chaque geste et pensĂ©e de la vie quotidienne : comment acheter une maison, la dĂ©corer, faire la bouffe, Ă©lever ton gosse, niquer, etc., comme tout le monde !). Ce qui est certain, c’est qu’on si on ne prend jamais le temps de questionner nos certitudes, on finit forcĂ©ment Ă  vivre et Ă  penser comme des porcs !

    • Tribune intĂ©ressante et troublante, mĂȘme si elle peut donner l’impression que rien n’a Ă©tĂ© pensĂ© depuis Libres enfants de Summerhill.
      Autant sur l’aspect « Comme si la sociĂ©tĂ© n’aidait pas dĂ©jĂ  les hĂ©tĂ©rosexuel-les Ă  avoir des enfants quand ils/elles ne le peuvent pas. Comme si, surtout, les enfants des familles hĂ©tĂ©rosexuelles Ă©taient protĂ©gĂ©s de toute violence. Parce que, au moins aussi urgent que le dĂ©bat sur l’homoparentalitĂ©, un vrai dĂ©bat sur l’hĂ©tĂ©roparentalitĂ© - ses normes, ses violences, ses tragĂ©dies - s’impose [
] », j’adhĂšre. Autant le dĂ©veloppement de l’argumentation me laisse perplexe. L’auteur semble Ă©vacuer le fait que l’enfant est un individu en construction particulier contrairement aux autres dominĂ©s. Ce n’est pas un hasard, si l’auteur ne pousse pas le parallĂšle avec les autres dominations sur la question des luttes et des voies d’émancipation possibles, par exemple. De mĂȘme, on vient bien les fondements et les objectifs des revendications d’égalitĂ© pour les autres dominĂ©s - les minoritĂ©s ou les femmes (qui n’en sont pas une) -, autant ils paraissent moins Ă©vidents pour ce qui est des enfants. Et ce point qui indique aussi un peu les limites de l’analogie n’est pas dĂ©veloppĂ© non plus dans la tribune.

      Plus humoristiquement :

      [L’enfant] n’est jamais totalement maĂźtre de son temps et de ses activitĂ©s car c’est en gĂ©nĂ©ral toujours l’organisation et la volontĂ© des adultes qui l’emportent (« on doit partir, tu joueras plus tard »).

      HĂ©, ce gars n’a pas d’enfants ! :)

      Sinon, ça me rappelle un livre sur des questions Ă©ducatives lu lorsque j’ai passĂ© le concours d’instit’, qui rĂ©sumait les principaux dĂ©bats, dont celui de "l’enfant-citoyen". Ci dessous, ma prise de notes (Ă  la hache donc) (je grasseye certains passages) :

      L’enfant peut-il ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un citoyen ? L’enfant possĂšde des droits et jouit d’une existence juridique, attestĂ©s par la Convention des droits de l’enfant (adoptĂ©e par les Nations-Unies en 1989, ratifiĂ©e par la France en 1990), aboutissement d’une histoire des droits de l’enfant. Le dĂ©bat porte sur le sens de ces droits : valeur rĂ©elle ou formulation de principe ?
      – Les droits de l’enfant sont une imposture. Il s’agit d’une dĂ©claration de pure forme sans effets rĂ©els. En donnant des droits Ă  l’enfant comme s’il Ă©tait un adulte, la spĂ©cificitĂ© de l’enfance est paradoxalement niĂ©e. L’idĂ©e d’éducation, nĂ©cessitĂ© et droit, se fonde sur le fait que l’enfant n’a pas le mĂȘme statut que l’adulte (censĂ© ĂȘtre un individu libre, responsable et raisonnable). D’oĂč cet autre paradoxe : « Le droit Ă  l’éducation signifie que l’enfant a le droit de devenir un citoyen et, par consĂ©quent, qu’il ne l’est pas encore ».
      – Les droits de l’enfant ne sont pas une imposture. Les droits de l’enfant ont le mĂȘme caractĂšre formel que les Droits de l’homme et du citoyen. Les droits de l’enfant ne nient pas l’enfance mais au contraire affirment l’existence d’enfants, ĂȘtre complets Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre achevĂ©s . De mĂȘme, l’enfant peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un citoyen dĂšs que le processus d’apprentissage est en cours : « refuser Ă  l’enfant toute existence juridique sous le prĂ©texte de son droit Ă  l’éducation, c’est mal comprendre l’idĂ©e mĂȘme d’un ĂȘtre en devenir : un ĂȘtre en devenir est en puissance ce qu’il deviendra ».

      En conclusion les auteurs s’interrogent sur les conditions d’émergence des droits de l’enfant dans leur sens juridique et sur les consĂ©quences nĂ©fastes rĂ©sultantes.
      Les auteurs observent que l’émergence des droits de l’enfant est la rĂ©sultante d’une double logique : celle d’une « logique dĂ©mocratique d’égalitĂ© » fondĂ©e sur la remise en cause de la hiĂ©rarchie des Ăąges de la vie et de la crise de l’autoritĂ© (notamment parentale) ; et celle d’une idĂ©alisation de la jeunesse, Ăąge enviable, Ă©tat idĂ©al, et finalement norme sociale.
      L’enfant devient personnalitĂ© juridique parce que la rĂ©alitĂ© sociale est celle de l’enfant-roi (acteur de la sociĂ©tĂ© civile, consommateur, prescripteur, etc.). Il est certes important de dĂ©fendre « cette exigence tant affirmĂ©e en Ă©ducation que l’enfant doit ĂȘtre Ă©coutĂ©, respectĂ©, en somme qu’il est un sujet humain » et qu’à ce titre il est dangereux de lui dĂ©nier tout droit. NĂ©anmoins, il ne faut pas que l’enfant devienne l’otage d’une « inflation du droit » qui reviendrait Ă  le responsabiliser trop tĂŽt, dĂ©responsabilisant du mĂȘme coup les adultes, et Ă  « oublier que l’enfant a peut-ĂȘtre d’abord le droit Ă  l’innocence, Ă  l’irresponsabilitĂ©, au jeu, Ă  tout ce qui peut retarder sa vie d’adulte et de responsabilitĂ© de citoyen ».

      #enfants #domination #violence #droits #Ă©ducation

    • Lis Boudon, Raymond Boudon. L’anti-Bourdieu. Il est libĂ©ral, mais on peut le lire sans ĂȘtre libĂ©ral. Ça demande du boulot, de la lecture, c’est assez loin du clichĂ© « dominant/dominĂ© » (et encore, Bourdieu, ça n’était pas que ça, mais c’est tellement plus simple de ne retenir que ça), tu peux lire « Raison, bonnes raisons », par exemple. On en reparlera. Je me sens pisser, no problemo.

    • Boudon Ă©tait mon prof en socio et on s’est bien pris la tĂȘte d’un point de vue conceptuel pendant l’annĂ©e que j’ai passĂ© avec lui, mais je dois lui reconnaĂźtre une certaine honnĂȘtetĂ© intellectuelle ainsi que quelques bons apports qui ont Ă©tĂ© amoindris, effectivement, par la vague bourdieusienne. Sa vision de l’intĂ©riorisation des normes et des rĂšgles, en particulier, me semble effectivement plus pertinente que la formule de la « boĂźte noire » de son ennemi intime.
      J’ai toujours pensĂ© qu’il Ă©tait un peu le Salieri de la sociologie française.

    • Encore un argument qui me fait dire que l’analyse de l’auteur ne fonctionne que partiellement et que la domination adulte/enfant est spĂ©cifique : la capacitĂ© du corps social Ă  reconnaĂźtre en tant que victime.
      Lors de violences ou crimes contre les Noirs ou de violences ou crimes (sexuels notamment) contre les femmes, dans un contexte de domination, les rĂ©actions de l’ensemble du corps social vont en porter la marque : difficultĂ© Ă  porter plainte, enquĂȘte peu zĂ©lĂ©e, jugement biaisĂ©, sanction allĂ©gĂ©e, et regard comprĂ©hensif du corps social et des mĂ©dias (« il a tuĂ© un Noir mais ça aurait pu ĂȘtre un cambrioleur », « il a violĂ© une femme mais elle l’avait bien cherchĂ© »).
      Dans le cas d’un crime (y compris sexuel) sur un enfant, c’est exactement l’inverse : le corps social est vent debout contre "le(s) monstre(s)", l’enfant est aussi un des derniers tabous de nos sociĂ©tĂ©s.
      Donc le « statut infĂ©rieur accordĂ© aux enfants » (et sa stigmatisation dans le langage, par exemple) n’a pas les mĂȘmes consĂ©quences sociales que pour les autres dominations : on n’entendra jamais dire d’un enfant mort sous les coups d’un proche ou victime d’un pĂ©dophile, qu’en dĂ©finitive "il l’a bien cherchĂ©".

      (Sauf peut-ĂȘtre si l’enfant est une fille noire
)

    • Je me permets de rĂ©agir vu qu’en l’occurrence je suis l’auteur du texte. C’est d’ailleurs grĂące Ă  Seenthis que je dĂ©couvre que LMSI vient de le republier.

      Un mot sur le texte en lui-mĂȘme : je n’ai aucune compĂ©tence particuliĂšre sur les questions qu’il aborde, et le texte n’a Ă©videmment aucune prĂ©tention Ă  ĂȘtre complet ou mĂȘme approfondi sur le sujet. En fait, c’est aprĂšs avoir eu des enfants (oui, j’ai des enfants !) que j’ai rĂ©alisĂ© leur Ă©tat profondĂ©ment « dominĂ© », chose dont je n’avais pas conscience jusque-lĂ  (ça m’a fait un peu le mĂȘme effet que quand j’ai dĂ©couvert la « domination culturelle » en lisant la Distinction de Boudieu. Oui, j’ai un peu lu Bourdieu). L’idĂ©e du texte Ă©tait seulement d’attirer l’attention sur ce rapport de domination et sur la position sociale globalement occupĂ©e par les enfants, sans autre prĂ©tention.

      Ce qui a pu m’étonner dans certaines rĂ©actions au texte, c’est que beaucoup portaient plus sur des projections que sur le contenu du texte lui-mĂȘme. Certains y ont par exemple lu qu’il ne fallait rien imposer aux enfants, alors qu’il ne s’agit pas de cela : il s’agit de dire qu’on doit considĂ©rer les enfants Ă  l’égal des adultes, notamment en ce qui concerne leurs besoins, l’expression de leurs sentiments, et qu’aujourd’hui ça n’est globalement pas le cas.

      L’idĂ©e du texte Ă©tait de montrer que le rapport adulte/enfant est un rapport de domination au mĂȘme titre que d’autres rapports de domination. Ça peut paraĂźtre banal pour certains, mais pour moi ça ne l’était pas il y a encore peu de temps, et je ne dois donc pas ĂȘtre le seul. Mais il ne s’agissait pas de dire (et je ne pense pas l’avoir Ă©crit) que ce rapport de domination est identique aux autres (qui ne sont de toutes maniĂšres pas identiques entre eux) : il y a effectivement des diffĂ©rences et des spĂ©cificitĂ©s. Mais il y a aussi pas mal de points communs.

      De mĂȘme revendiquer l’égalitĂ© entre adultes et enfants ne revient pas Ă  considĂ©rer qu’ils sont « identiques » ou que leurs besoins sont les mĂȘmes ou s’expriment de la mĂȘme maniĂšre. Enfants et adultes ont tous besoin d’ĂȘtre protĂ©gĂ©s des dangers extĂ©rieurs par exemple, mais ça ne signifie Ă©videmment pas que les enfants n’ont pas besoin d’une vigilance spĂ©cifique.

      La question de l’enfant comme « ĂȘtre en construction » est intĂ©ressante. Si elle me semble vraie par certains aspects, je pense qu’elle est souvent dĂ©voyĂ©e pour justifier des choses qui n’ont pas forcĂ©ment lieu d’ĂȘtre. Je pense qu’on pourrait trĂšs tĂŽt considĂ©rer l’enfant comme un citoyen Ă  part entiĂšre, notamment pour les questions qui le concernent assez directement. Je pense que les pĂ©dagogies nouvelles ont pu montrer que c’était vrai dans le cas de la vie de classe, par exemple. Et je pense aussi que la perception des adultes comme « citoyens » Ă  part entiĂšre, y compris parmi ceux considĂ©rĂ©s comme les plus « Ă©clairĂ©s », pourrait ĂȘtre pas mal remise en question.

      VoilĂ  pour une rĂ©action rapide. Et juste pour finir, autant j’apprĂ©cie
      beaucoup les commentaires et critiques argumentés qui portent sur le fond, autant les rejets globaux se contentant de renvoyer vers des écoles de pensée me laissent perplexes.

    • Ce qui m’a intĂ©ressĂ© dans ce texte, c’est que le fait de repenser nos relations avec les enfants en gĂ©nĂ©ral et les nĂŽtres en particulier pose la question Ă©minemment cruciale de l’usage de la violence et de sa lĂ©gitimation.
      Quand ma fille Ă©tait trĂšs jeune et que la discussion Ă©tait, de fait, assez limitĂ©e, il m’arrivait d’user de la force pour obtenir un rĂ©sultat/conditionnement efficace et immĂ©diat. Un peu sur le modĂšle du chat : un grand bruit au moment de l’acte que l’on souhaite empĂȘcher marche assez bien, surtout quand l’urgence (les doigts qui vont dans la prise) Ă©vacue les autres moyens.
      Ensuite, il y a tout ce qui est de l’ordre du dressage, c’est Ă  dire de tous ces moments oĂč la volontĂ© de l’enfant et celle de l’adulte s’oppose frontalement. L’usage de la violence, rĂ©elle (comme la fessĂ©e) ou symbolique (comme la punition, la confiscation ou l’engueulade) a pour objet d’imposer par la force la volontĂ© de l’adulte. De ce point de vue-lĂ , on est bien dans un rapport de domination, non ? Qu’on lui trouve des justifications ou non.

      Plus ma fille grandit et plus je tente d’obtenir ce que je veux par la discussion, l’adhĂ©sion volontaire (la fameuse intĂ©riorisation des rĂšgles et de leurs bienfaits supposĂ©s de Boudon, @grosse_fatigue) mais aussi, dans certains cas, par la menace ou la coercition. Mais cela me met mal Ă  l’aise, surtout que j’ai une vieille tendance anarchiste pas bien digĂ©rĂ©e, que dans ma vie quotidienne, je tente toujours d’échapper aux hiĂ©rarchies, aux contraintes, aux rapports de force et aux dominations de toutes sortes... y compris celle que ma fille tente aussi de mettre en place (chantage affectif, ruses, omissions, contre-vĂ©ritĂ©, etc.)
      Du coup, Ă©lever un gosse est pour moi assez dissonant.

      Et de repenser les rapports avec les enfants sous l’angle de la domination est une approche intĂ©ressante qui permet justement d’éclairer certains comportements et de nous remettre en question.

    • La question « dominant/dominĂ© » pollue l’ensemble des questions sur l’éducation (et les autres, mais bon). Les enfants sont Ă©gaux en droit avec les adultes, on est bien d’accord. Mais l’on confond - comme toujours avec les bourdieuseries - l’autoritĂ© et l’autoritarisme. L’autoritĂ© parentale, c’est la force de l’expĂ©rience, c’est ce qui permet aux enfants de devenir, parfois souvent, libres eux aussi. Donner des limites aux enfants, c’est les protĂ©ger. Leur raconter que Dieu existe, c’est de la domination. Mais personne n’en parle. La croyance au rĂŽle central de l’épanouissement de l’enfant fait disparaĂźtre l’importance de l’exigence vis-Ă -vis du gamin, et de tout ce que l’on peut lui apporter d’immatĂ©riel.
      La plupart des gens que je connais me disent que j’ai obligĂ© mes enfants Ă  faire de la musique. J’assume. La plupart des gens que l’on n’a pas obligĂ© Ă  continuer Ă  faire de la musique le regrettent. Les gens que l’on a obligĂ© bĂȘtement Ă  faire de la musique n’en font plus (autoritarisme). Les gens que l’on a obligĂ©s dans la joie et l’intelligence continuent d’en faire. (AutoritĂ©). La musique est un bon exemple : on ne peut pas faire semblant. Et l’on ne peut pas s’y Ă©panouir sans une P...... de volontĂ© que les enfants n’ont pas sans quelqu’un derriĂšre. AprĂšs, il y a un niveau d’exigence qui peut ĂȘtre peu ou prou intĂ©grĂ© par le gamin, selon des tas de paramĂštres qui m’échappent encore. Mais ce que je sais, dans ce cas-lĂ , c’est qu’avec mes gamins, on joue de la musique en famille (j’ai des preuves...), et que c’est un grand plaisir, mĂȘme si ça rĂąle souvent. Au bout du compte, inutile de parler de dominant/dominĂ©. Il est Ă©vident qu’en tant que pĂšre, je « domine » mes enfants, et heureusement. Un enfant peut vite devenir un monstre s’il ne reçoit pas de limites. L’important, c’est la gĂ©nĂ©rositĂ© absolue des parents (ou des profs), vers les enfants....

      Allez, je vais jouer un blues.

    • VĂ©rifier de quelle maniĂšre on utilise le cadre dominant/dominĂ© ne signifie pas dĂ©missionner de son job de parent et de s’en remettre Ă  un certain laisser-faire joyeusement Ă  la mode actuellement, y compris et surtout dans la sphĂšre sociale. C’est une grille de lecture, mais pas la seule.
      En ce moment, je m’interroge beaucoup sur la question de l’intentionnalitĂ©. Quand j’use de mon autoritĂ© d’adulte ou de parent (encore un truc qui s’use surtout quand on ne l’utilise pas), je pense que ce qui importe, c’est la raison pour laquelle je le fais : parce que je veux que mon gosse me foute la paix ou parce que je veux qu’il apprenne quelque chose, par exemple ?
      Je refuse de faire entrer bonbons et sodas Ă  la maison. Ce que fait mon conjoint. Mais forcĂ©ment en contrebande plutĂŽt que de maniĂšre massive si je coopĂ©rais. J’ai expliquĂ© mes motivations Ă  ma fille : la question du sucre-addiction lourde, l’impĂ©ratif de santĂ© Ă  long terme. La nĂ©cessitĂ© d’éduquer son goĂ»t Ă  une alimentation trĂšs variĂ©e (Ă©largir la palette alimentaire !) et Ă  des saveurs subtiles et non pas d’obtenir un shoot gustatif immĂ©diat, tout de suite satisfaisant mais terriblement dĂ©lĂ©tĂšre Ă  long terme. Bien sĂ»r, le long terme, ça ne parle pas des masses Ă  un gosse : il y a dĂ©jĂ  une Ă©ternitĂ© entre maintenant et la fin de la semaine.
      Bref, pendant longtemps, malgrĂ© l’argumentation, j’étais plutĂŽt en mode retranchĂ©e et dogmatique. Et puis, coup de bol, la fille adulte d’une amie est passĂ©e chez le dentiste. Elle n’a plus d’émail. BouffĂ© par un certain soda hĂ©gĂ©monique dont elle s’est abreuvĂ©e exclusivement pendant son adolescence, sa mĂšre dans le job du dealer. Histoire affreusement vraie qui a provoquĂ© une sorte de dĂ©clic alimentaire chez la gosse. Elle vient de comprendre le fondement de nos rĂšgles alimentaires, elle mesure les consĂ©quences Ă  longs terme de la transgression. Bref, elle coopĂšre.

      Cela dit, j’ai Ă©tĂ© ravie qu’elle laisse tomber le foot au bout d’un an (une activitĂ© ne peut ĂȘtre abandonnĂ©e pendant l’annĂ©e).

    • Notez que je n’ai jamais Ă©crit qu’il ne fallait pas donner de limites aux enfants. Phrase parfaitement absurde d’ailleurs, puisqu’il n’est pas possible de ne pas leur donner de limites. La question Ă©tant Ă©videmment de savoir oĂč on les pose et comment on les pose.

      Bien sĂ»r qu’à certains moments une forme d’autoritarisme ou de violence est nĂ©cessaire : si mon enfant se met en danger ou s’il en frappe un autre par exemple, je ne vais pas rentrer dans une forme de nĂ©gociation. J’interromps la situation de la maniĂšre que je peux et le dialogue viendra aprĂšs. Mais il n’empĂȘche qu’on accepte bien des fois des comportements vis-Ă -vis d’enfants qu’on n’accepterait pas vis-Ă -vis d’adultes. La situation des Ă©lĂšves dans certaines classes (charge de travail trĂšs Ă©levĂ©e, compĂ©tition et Ă©valuation permanentes, interdiction d’aller aux toilettes...), si elle se retrouvait dans certaines entreprises ou institutions, entraĂźnerait des mouvements de grĂšve et autres protestations bien lĂ©gitimes. C’est notamment en cela que je pense que parler de rapport de domination se justifie.

      Quant Ă  la question de l’autoritĂ© et de l’autoritarisme, c’est Ă©videmment trĂšs dĂ©licat. Personnellement je passe mes journĂ©es Ă  imposer des choses Ă  mes enfants (d’aller Ă  l’école, de se laver, de ne pas se coucher trop tard, etc.). Certaines sont sans doute lĂ©gitimes, d’autres pourraient ĂȘtre remises en question (si je rentre le soir fatiguĂ© notamment, mon comportement de parent est loin d’ĂȘtre exemplaire).

      L’exemple de la musique est sans doute un bon exemple. AprĂšs je ne suis pas d’accord avec tout : les enfants sont parfaitement capables de faire preuve d’une putain de volontĂ© quand ils en trouvent la motivation. Ils sont tout Ă  fait Ă  mĂȘme de faire du sport ou de jouer Ă  certains jeux par exemple, pendant trĂšs longtemps, mĂȘme si les taches en question peuvent sembler tout Ă  fait rĂ©pĂ©titives. Peut-ĂȘtre que dans l’idĂ©al on pourrait trouver des formes d’apprentissage dans d’autres domaines qui pourraient davantage motiver les enfants Ă  produire les efforts nĂ©cessaires pour certaines acquisitions. Quand je lis la description du fonctionnement de ce que Bernard Collot appelle des « Ă©coles du troisiĂšme type », par exemple, ça fait rĂ©flĂ©chir :

      ▻http://b.collot.pagesperso-orange.fr/b.collot/index2.htm

      Évidemment au quotidien on n’est pas dans l’idĂ©al et on fait de notre mieux avec le contexte qui nous est donnĂ©.

    • L’oppression Ă  la quelle on expose nos enfants pour les aider Ă  « rĂ©ussir dans la vie », la mauvaise (in)conscience aprĂšs les moments oĂč on s’est « imposĂ© », les rĂ©ussites qui ne le sont pas en rĂ©alitĂ©, tout ça a des consĂ©quences bizarres pour notre conscience, pour nos idĂ©es. Voici un exemple de ce phĂ©nomĂšne, une des chansons Ă  succĂšs les plus importantes des annĂ©es 80. Elle s’appelle Kinder an die Macht (Les enfants au pouvoir !). Herbert Grönemeyer, que vous connaissez peut-ĂȘtre comme acteur dans le rĂŽle d’officier de sous-marin allemand dans le Film Das Boot , a rĂ©ussi Ă  faire chanter ces paroles idiotes Ă  des stades entiers remplis de jeunes gens trĂšs bien.

      ▻https://www.youtube.com/watch?v=mllS-X4HP1g


      ▻http://de.wikipedia.org/wiki/Herbert_Gr%C3%B6nemeyer

      J’ai dit plus haut que les paroles de la chanson sont idiotes, alors il faut que je le prouve par des arguments, au moins un peu, pas de discours peudo-scientifique ici.

      AprĂšs avoir regardĂ© la vidĂ©o vous savez qu’il s’agit du genre de musique conçu afin que tout le monde se sente bien, c’est une sorte se sauce sucrĂ©e et collante qui rĂ©unit bien les esprits de fans qui ont dĂ©pensĂ© 100 euros pour voir leur star.

      Die Armeen aus GummibÀrchen
      Die Panzer aus Marzipan
      Kriege werden aufgegessen kindlich genial

      J’avoue qu’ici il est aussi question de goĂ»t personnel, mais je permets de supposer que l’image des enfants qui bouffent des chars en pĂąte d’amande pour terminer les guerres est pour le moins bizarre.

      Es gibt kein gut, es gibt kein böse
      Es gibt kein schwarz, es gibt kein weiß
      Es gibt ZahnlĂŒcken
      Statt zu unterdrĂŒcken
      Gibt’s Erdbeereis auf Lebenszeit
      Immer fĂŒr ’ne Überraschung gut

      Dans cette strophe l’auteur prĂ©tend que les enfants ne font la diffĂ©rence entre ce qui est mĂ©chant ou gentil, parce qu’ils ne s’intĂ©ressent qu’á la glace aux fraises, et pour leurs les parents on mentionne Ă  quel point ils sont mignons avec avec leur trous dans la denture.

      Gebt den Kindern das Kommando
      Sie berechnen nicht, was sie tun
      Die Welt gehört in KinderhÀnde
      Dem TrĂŒbsinn ein Ende
      Wir werden in Grund und Boden gelacht
      Kinder an die Macht

      On arrive ĂĄ la conclusion. A cause de tous ces qualitĂ©s positives il faut donner le pouvoir aux enfants. Ainsi le monde serait plus gai ; les petits gagneraient contre tous (ou leurs parents) simplement en riant.

      Sie sind die wahren Anarchisten
      Lieben das Chaos, rÀumen ab
      Kennen keine Rechte, keine Pflichten
      Ungebeugte Kraft, massenhaft
      UngestĂŒmer Stolz

      Ensuite on nous rappelle les nombreux moments quand on a traitĂ© les morveux d’anarchistes parce qu’ils avaient encore rĂ©ussi Ă  laisser leur chambre dans un Ă©tat chaotique. L’auteur prĂ©tent que ces enfants seraient fiers, plein de force et ne connaitraient ni droits ni devoirs.

      Gebt den Kindern das Kommando
      Sie berechnen nicht, was sie tun
      Die Welt gehört in KinderhÀnde
      Dem TrĂŒbsinn ein Ende
      Wir werden in Grund und Boden gelacht
      Kinder an die Macht

      Et rebelotte, il faut mettre les enfants au pouvoir et tout est bon.

      Sans le vouloir Herbert Grönemeyer dĂ©crit prĂ©cisĂ©ment l’état d’esprit des parents de gauche allemands dans les annĂ©es 1980, aujourd’hui je remarque que la plupart aimerait bien se permettre une telle attitude mais a trop peur pour l’avenir de leur gosses pour ne pas ĂȘtre sĂ©vĂšre.

      Et moi lĂ  dedans ? J’avoue qu’aprĂšs le temps nĂ©cessaire pour digĂ©rer les nombreux Ă©checs lors des tentatives d’imposĂ©r ma vision des choses aux gamins, je suis fier des « petits » parce qu’ils ont tous eu raison, parce que finalement j’ai appris que je peux leur faire confiance.

      J’évite ici de parler de conceptions politiques ou idĂ©ologiques parce que d’aprĂšs mes observations il faut de l’amour, de la disponibilitĂ© d’esprit, un peu de temps, un peu d’argent et beaucoup de confiance pour faire des enfants heureux qui rĂ©ussissent leur vie comme ils l’entendent.

      Apparamment en Autriche on est assez nostalgique pour apprĂ©cier la chanson encore aujourd’hui. La jeune chanteuse Christina StĂŒrmer l’a interprĂ©tĂ©e rĂ©cemment devant un public enthousiaste.
      ▻https://www.youtube.com/watch?v=O70V4LARXOM

      Mais bon, tout ça est beaucoup mieux que les idĂ©e sur l’éducation dont nos parents et grand parents ont Ă©tĂ© les victimes.
      ▻https://www.youtube.com/watch?v=D8bCuNiJ-NI


      Ce film est l’oeuvre d’exilĂ©s qui on prĂ©cisĂ©ment observĂ© comment le fascisme est nĂ©.

    • Je confesse que j’impose lourdement les lego Ă  la maison, plutĂŽt que les playmobil. Sans autoritarisme aucun. Juste un peu d’autoritĂ©. Ouf. Et dĂ©sormais, il en convient que j’ai eu totalement raison, pour son bien : « Les lego, c’est mieux que les playmobil, parce que quand on en a marre d’un modĂšle, on peut construire autre chose de diffĂ©rent avec. »