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Romancier styliste, poète lyrique, critique mordant, musicien techno-classique, polémiste libertaire, autobiographe douloureux, prof autonome de l’art narratif. Vit à Berlin - 75% de votes à gauche aux dernières élections :-) (CDU 20%, FDP quelques %, et extrême-droite = 0. Le pays fasciste, aujourd’hui, c’est la France.)

  • Cannabis Sans Frontières - La guerre ratée contre la drogue mise à mal par trois évolutions majeures

    Par Jorge G. Castañeda, Professeur de science politique à l’Université de New York

    http://cannabissansfrontieres.org/la-guerre-ratee-contre-la-drogue,780.html

    MEXICO CITY – Il y a tout d’abord eu le référendum sur la légalisation du cannabis dans les États américains du Colorado et de Washington le 6 novembre. Pour la première fois, les électeurs du pays qui est le plus gros consommateur de drogues illicites en général, et du cannabis en particulier, ont approuvé, avec une majorité confortable, des projets de loi qui autorisent la possession, la production et la distribution de cannabis.

    Bien qu’une initiative similaire ait échoué en Oregon, et que la Proposition 19 (un projet de loi qui prévoyait une légalisation limitée du cannabis) ait été rejetée en Californie en 2010 (par une majorité de 7 pour cent), l’issue des référendums dans les États du Colorado et de Washington a envoyé un message éloquent au reste des Etats-Unis. Ces résultats n’ont pas seulement donné lieu à un conflit entre la loi fédérale et la législation de ces États, mais également souligné un changement d’attitude analogue à celui concernant le mariage homosexuel.

    Mais la réaction du président Obama à ces référendums, dans deux États qui ont largement voté en faveur de sa réélection, est tout aussi importante. Les défis politiques et juridiques posés par ces nouvelles lois ne sont pas minces : la marijuana est toujours un produit illicite aux termes de la loi fédérale américaine et des conventions internationales ratifiées par les Etats-Unis. Sur d’autres questions – notamment l’immigration – Obama a indiqué que l’autorité fédérale avait la primauté sur la législation des États. Le sujet reste par ailleurs sensible : si des sondages d’opinion réalisés en 2012 montrent pour la première fois qu’une petite majorité des Américains est favorable à la légalisation du cannabis, une grande partie de la population s’y oppose vivement.

    Lors d’une interview le 14 décembre, Obama a émis trois points de vue novateurs : il a tout d’abord indiqué que l’application de la loi fédérale sur le cannabis dans les États du Colorado et de Washington n’était pas une priorité de son administration, qui a « d’autres chats à fouetter ». Il a ensuite réitéré son opposition personnelle à la légalisation, en ajoutant « à ce stade ». Pour la première fois, un président en exercice a sous-entendu qu’un changement de la ligne politique à ce sujet était possible, voire probable. Enfin, Obama a préconisé la tenue d’un « débat national » sur la question de la législation fédérale par rapport à celle des États à ce sujet. L’importance de ces déclarations ne doit pas être sous-estimée.

    Le troisième changement de ces derniers mois est intervenu dans les principaux pays fournisseurs de drogues : au Mexique, par lequel transitent pratiquement toutes les drogues à destination des Etats-Unis – cocaïne, héroïne, marijuana et métamphétamines. Le 1er décembre, Enrique Peña Nieto a succédé à Felipe Calderon comme président. Comme ailleurs, la période de transition a permis d’examiner les politiques du gouvernement sortant, même si la nouvelle administration n’entend pas modifier ces politiques à court terme. Heureusement pour le Mexique, l’histoire semble juger sévèrement la « guerre à la drogue » de Calderon.

    Fin novembre, le Washington Post a publié des documents internes du gouvernement mexicain, communiqués au correspondant local du journal, montrant que plus de 25.000 personnes ont disparu au cours du mandat de six ans de Calderon, en sus des quelques 60.000 morts directement liés aux guerres entre narcotraficants. L’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch a envoyé une lettre ouverte au nouveau président, lui demandant ce qu’il comptait faire au sujet des milliers de Mexicains disparus. Ensuite, par une série de fuites et de déclarations explicites, la nouvelle administration a souligné le coût élevé, aux plans juridique, bureaucratique et financier, de l’action du gouvernement sortant, et que la criminalité, sous diverses formes, était en nette hausse malgré l’augmentation des dépenses consacrées à la sécurité et à l’application des lois.❞