• Un Etat unique pour Israéliens et Palestiniens ?

    L’article de Gideon Levy (voir ci-après) défend l’idée de l’Etat unique où cohabiteraient Israéliens et Palestiniens en prenant pour modèle le processus historique qui a mis fin à l’apartheid en Afrique du Sud. Il préconise l’adoption du principe « un citoyen, un vote » qui donnerait théoriquement aux citoyens israéliens, palestiniens, juifs, musulmans ou d’une autre confession, les mêmes droits.

    L’hypothèse de l’Etat unique, ou binational, sur le territoire de la Palestine mandataire est connue. Elle est régulièrement avancée par des Palestiniens et des Israéliens, les uns par conviction, les autres parce qu’ils jugent que le point de non-retour est atteint et qu’il est vain de continuer à négocier ou à prétendre de négocier. Ceux-là estiment que les deux peuples peuvent vivre ensemble sur un même territoire comme ils l’ont déjà fait. Ceux-ci sont convaincus que l’enchevêtrement de revendications anciennes et nouvelles comme l’irrésistible avancée de la colonisation rendent impossible tout compromis durable et qu’il vaut mieux renoncer à l’utopie de l’Etat indépendant.

    Pour le moment « la solution des deux Etats », qui verrait la création d’un Etat palestinien aux côtés d’Israël, reste la stratégie de l’Autorité palestinienne dans le cadre des Nations Unies, du processus de paix et de ses avatars. Cette option a aussi la préférence d’une partie des Israéliens qui pensent que la création d’un Etat pour les Palestiniens, indépendant mais démilitarisé, est de nature à réduire les risques de violence dans le contexte des soulèvements arabes inachevés, de l’évolution du fondamentalisme islamique et des menaces venues d’Iran ou de Syrie. Quant au Hamas, il n’exige pas un Etat mais la fin de l’occupation israélienne. « L’option jordanienne » est une autre hypothèse qui verrait le retour de la Jordanie en Palestine, mais elle est largement démonétisée aujourd’hui. On peut aussi mentionner le Parti de la Libération islamique qui a récusé le concept d’Etat-nation pour réclamer la restauration du « califat universel ».

    Dans son message aux Palestiniens, Gideon Levy juge que le rapport des forces entre l’Etat israélien et l’idéologie de libération nationale portée par les Palestiniens est tellement déséquilibré que la meilleure solution est d’adopter la solution sud-africaine pour faire émerger un Etat unique et binational. Sa conviction est que les Palestiniens devraient être en mesure de prendre conscience de leur faiblesse politique et diplomatique et de renoncer à leur indépendance en tant qu’Etat. Sa thèse sous-entend que les Palestiniens ont abandonné la lutte nationale. Elle suppose que la « résistance », armée ou pas, ne sera plus utilisée par ceux qui jugeront que la diplomatie et la légalité internationale ont échoué à porter leurs aspirations nationales. Elle donne pour acquis, en creux, que l’unité du peuple palestinien restera préservée dans le cadre d’un Etat unique, ce que contesteront beaucoup de Palestiniens qui ne manqueront pas de souligner qu’Etat unique ou pas, Israël restera la patrie du peuple juif et qu’il n’est pas certain que tous ses habitants y auront les mêmes droits. En définitive, l’Etat unique est l’une de ces bonnes idées qui sont soit tardives soit prématurées.

    Like Israel, Palestinians must also learn the lessons of South Africa
    If the Palestinians focus on demanding ’one person, one vote’, Israel won’t have a leg to stand on. What can it say - that the Palestinians aren’t human ?

    By Gideon Levy 25.04.13 (Haaretz)

    http://www.haaretz.com/opinion/like-israel-palestinians-must-also-learn-the-lessons-of-south-africa.premiu

    PRETORIA - Not only Israelis but Palestinians, too, must learn the lessons of South Africa. The struggle of the black population focused on one issue : universal vote. Nelson Mandela’s demand for "one person, one vote" was more than a slogan, it was a strategic goal. It became reality on April 27th, 19 years ago, when the first multiracial elections were held. Ever since, democracy has been safeguarded, elections are held regularly and the new constitution is upheld and guides this state, despite its hardships and complexities.

    South Africans have proved that the impossible is possible ; that the dream of the majority and the nightmare of the minority can be translated into a new language. That hatred, threats and fears can be replaced by a reality of hope. Mandela, yesterday’s ’terrorist,’ and his ’terror organization," the African National Congress, managed to quell the fears of the white population.

    It was probably the most important step in their struggle, which was managed with full awareness of the limitations of their power. They understood that violence would lead them nowhere, that the regime was stronger, and that reckless terror would lead to the loss of essential international support. The ANC limited its use of force. This is an important lesson the Palestinians should consider.

    Of no less importance was the dissidents’ unity. The Palestinians, so far, have failed on that score. But the most important factor in South Africa’s success was the agreed-upon goal - one person, one vote. It is about time the Palestinians adopt this goal. It is time for them to understand that the two-state dream is becoming impossible. That the occupation is stronger than them, that the settlements are already too large and that the Palestinian state, even if established, will be no more than a group of Bantustans separated by the "settlement blocs" that grew to monstrous proportions and have won consensus approval from Israelis and the international community.

    It is time, dear Palestinians, to change strategy. Not to fight the occupation or the settlements ; they’re here to stay. It is time to follow the South African example and demand one basic right : one person, one vote. (…)