• Le sociologue militant #Mathieu_Rigouste nous parle de son livre : « l’ennemi intérieur » la généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine paru aux éditions de la découverte.
    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=wUpNOhM5xiE

    Une excellente présentation de l’ouvrage par l’historien #Benjamin_Stora
    http://blogs.mediapart.fr/blog/benjamin-stora/300109/a-propos-de-l-ennemi-interieur

    La thèse de Mathieu Rigouste soutenue en 2008 à l’université Paris 8, l’Ennemi intérieur, vient d’être publiée aux Editions La Découverte. Mathieu Rigouste a réalisé un travail de recherche sur lesreprésentations de l’immigration en France à partir d’une problématique audacieuse, originale, différente.

    La figure de l’immigré qui se dégage de cette étude est celle d’un « ennemi intérieur », sorte de « cinquième colonne »comme greffée sur le corps de la société française. L’auteur, pour sa démonstration, pour sa thèse (car il s’agit là d’une vraie thèse, d’un engagement sur un point de vue, et pas d’une simple compilation prudente et savante d’archives) valorise la pensée politico-militaire à l’œuvre dans le champ intellectuel et médiatique. Dans la construction d’un système de représentations, à base militaire donc, la séquence guerre d’Algérie joue un rôle essentiel. La guerre d’Algérie, mais on pourrait ajouter aussi, la guerre d’Indochine, dont les références relativement faibles dans ce travail, auraient du être davantage exploitées.

    Avec finesse, Mathieu Rigouste cherche dans les discours (« la production de contrôle ») et trouve des liens entre les imaginaires de la menace, et les théories militaires. Il se situe résolument dans le registre de l’histoire des idées, si difficile à manier, pour comprendre, situer les niveaux d’encadrement des populations étrangères sur le territoire français. Accompagnant cette pensée politico-militaire, il tente de dresser une sociologie des réseaux dominant la justification du contrôle des immigrés dans ce qu’il appelle « l’institution médiatico-sécuritaire ». Et il aboutit à la conclusion que « la guerre coloniale a constitué une matrice institutionnelle » de la cinquième République », elle est l’un des principaux « répertoires techniques » du contrôle sécuritaire.

    Pour construire patiemment son argumentation, Mathieu Rigouste s’est appuyé sur un fond inédit, d’archives inédites, celui de l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, une structure « civilo-militaire chargée de promouvoir l’esprit de défense ». Puis il a croisé ces archives avec un sous-corpus de presse militaire, les articles parus dans Défense Nationale, dans Défense, la revue de l’IHEDN depuis son premier numéro en 1974. Cette thèse nous permet ainsi de découvrir L’IHEDN, institut chargé de la mise en œuvre de la « pensée de défense ». Mathieu Rigouste rapproche cette visée de diffusion à de « l’action psychologique » qui connu un essor sans précédent durant la guerre d’Algérie. Il analyse le « public » de l’IHEDN (dirigeants d’entreprise, patrons de presse et de publicité, journalistes, industriels de l’armement, dirigeants d’ONG, préfets, magistrats, universitaires, syndicalistes…). Un tiers de ce public appartient la haute fonction militaire (officiers généraux ou supérieurs).

    « Immigration comme menace », « administration de la peur », « ennemi intérieur » : des liens s’établissent ainsi avec la doctrine de la « guerre révolutionnaire » des théoriciens de la guerre d’Algérie….. Est ce à dire pour autant que la France d’aujourd’hui se trouve en état de guerre ? Ou est-ce simplement l’utilisation d’un vocabulaire héritée des périodes antérieures ? D’autre part, peut-il exister une continuité, simple et évidente, entre un contexte d’une guerre coloniale située en un moment de guerre froide, et la situation présente ? La France vit-elle en situation de pratiques de lois d’exceptions généralisées (camps d’internement, expulsions massives quotidiennes), de pratiques terribles d’arbitraires (tortures systématiques, massives, corvées de bois, disparitions de personnes….) ? Non, bien sûr, et je ne crois pas que Mathieu Rigouste soit un adepte de cette thèse. Son travail, plus subtil, nous aide à comprendre la transmission de représentations négatives, leurs transmissions d’une génération à l’autre, dévoile l’installation d’une pensée dominante dans le champ intellectuel français.

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