La révolution sexuelle vue par Andrea Dworkin.
Je réalise aujourd’hui que je m’étais construit une lecture historique très proche de celle de Dworkin, simplement en visualisant des oeuvres et témoignages de l’époque, de Hair aux films porno présentés comme culte des 70’s aux 80’s, et qui font apparaître très clairement la grande illusion/désillusion sur ce mouvement...
Cela corrobore la conclusion que je m’étais faite, à savoir que la libération sexuelle a plus libéré l’homme que la femme.
Et encore au niveau de l’homme, cette libération est relative : il s’est un peu aliéné dans une addiction à la culture pornographique, ersatz d’une sexualité épanouie sur la durée dans le couple, sans pour autant que cela fasse disparaître la prostitution. Dans le registre du plaisir sexuel, la pornographie semble être à la prostitution, ce que la production documentaire de type « faut pas rêver » est aux clubs med dans le registre du tourisme. Un ersatz plus « esthétique », qui permet de rester confortablement installé dans un fauteuil...
Un extrait des « Femmes de droite » d’Andrea Dworkin (Montréal, Les Editions du remue-ménage, 2012, pp. 93-104)
►http://rememberresistdonotcomply.wordpress.com/2013/08/01/la-liberation-sexuelle-une-supercherie-pour-exp
Le portrait était simple : une bande de salopards qui détestaient faire l’amour faisaient la guerre ; une bande de garçons qui aimaient les fleurs faisaient l’amour et refusaient de faire la guerre. Ces garçons étaient beaux et merveilleux. Ils voulaient la paix. Ils parlaient d’amour, d’amour et d’amour, pas d’amour romantique mais d’amour des hommes (ce que les femmes traduisaient par « amour de l’humanité »). Ils laissaient pousser leurs cheveux, se peignaient le visage, portaient des vêtements colorés et prenaient le risque d’être traités comme des filles. En résistant à la conscription, ils étaient lâches, efféminés et faibles, comme des filles. Pas étonnant que les filles des années soixante aient pensé que ces garçons étaient leurs amis spéciaux, leurs alliés spéciaux, leurs amants tous autant qu’ils étaient.
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Les filles étaient idéalistes parce que, contrairement aux garçons, beaucoup d’entre elles avaient été violées ; leur vie était en jeu. Elles étaient idéalistes, surtout, parce qu’elles croyaient à la paix et à la liberté au point de penser qu’elles aussi y avaient droit. Elles savaient que leurs mères n’étaient pas libres – elles voyaient l’existence limitée et contrainte des femmes – et elles ne voulaient pas devenir leurs mères. Elles acceptèrent la définition masculine de la liberté sexuelle parce que, plus que toute autre pensée ou pratique, cette liberté les différenciait de leurs mères. Alors que leurs mères gardaient le sexe secret et privé, entouré de tant de crainte et de honte, les filles proclamèrent que c’était leur droit, leur jouissance et leur liberté. Elles décrièrent la stupidité de leurs mères et s’allièrent en termes ouvertement sexuels aux garçons à cheveux longs qui voulaient la paix, la liberté et de la baise partout. Cette vision du monde sortait les filles des foyers où leurs mères étaient des captives ou des automates abruties, et faisait, potentiellement, du monde entier le foyer idéal. En d’autres mots, les filles n’ont pas quitté le foyer pour vivre l’aventure sexuelle dans une jungle sexuelle ; elles ont quitté le foyer pour chercher un foyer plus chaleureux, plus tendre, plus vaste et plus inclusif.
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Les filles des années soixante vivaient ce que les marxistes appellent – mais ne reconnaissent pas dans ce cas-ci – une« contradiction ». C’est précisément en tentant d’éroder les frontières du genre par une pratique apparemment neutre de libération sexuelle que les filles investirent de plus en plus l’acte le plus réificateur du genre : la baise. Les hommes devinrent plus virils et la contre-culture, plus agressivement dominée par les hommes. Les filles devinrent des femmes – elles se découvrirent possédées par un homme, ou par un homme et ses copains (dans le jargon de la contre-culture, leurs frères à tous deux) ; elles furent échangées, baisées collectivement, collectionnées, collectivisées, objectifiées, transformées en nouvelle pornographie excitante, et socialement renvoyées à la ségrégation des rôles féminins traditionnels. En termes empiriques, la libération sexuelle fut pratiquée à une vaste échelle par les femmes durant les années soixante, et elle échoua : c’est-à-dire qu’elle ne les libéra pas. Son but – découvrit-on – était de libérer les hommes afin qu’ils puissent utiliser les femmes hors des contraintes bourgeoises, et en cela elle a réussi.