Helena Noguerra : « A quand Vincent Lindon tout nu sur la moquette pour son prochain film ? »
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A 44 ans, l’édifice est posé, on perçoit un peu qui je suis. Pour ceux que cela intéresse. Les autres voient une actrice à poil dans un magazine et se disent : « Encore une connasse à poil. » Quand je l’ai fait, je venais de tourner un film et c’était le seul espace qu’on m’offrait pour le promouvoir. Encore aujourd’hui, les femmes font des disques ou des films de qualité, et on leur demande de livrer leurs secrets de beauté ou de poser à poil. A quand Vincent Lindon tout nu sur la moquette pour son prochain film ?
J’ai été objet de désir non-stop. Dans le mannequinat, on vous affame, on vous mesure tout le temps… C’est l’école de l’humilité. A 16 ans, on me demandait de baisser mon pantalon dans un bureau pour montrer mes jambes. Il y a même une directrice de casting qui soupesait les seins et qui a voulu que j’ouvre ma bouche en grand. Sans doute pour vérifier que je n’avais pas de caries. Du coup, après, on est obsédée par le moindre pli, la moindre matière changeante, on décortique tout, les coiffures, les photos. Je continue cette discipline, je mange mais je maîtrise tout avec la balance, comme un vieux sportif. C’est une lutte constante.
Dans les années 50-60, les actrices étaient considérées comme des sex-symbols, mais elles tenaient un film sur leurs épaules. Aujourd’hui, le rôle est souvent périphérique. On me propose celui de la petite amie, de la maîtresse, de la môme Belles-Fesses. Je le fais, je suis contente qu’elles existent, ces femmes-là, mais à quand « Eva » de Losey ou les rôles écrits pour Anna Karina ? La position de la femme régresse. Et je ne vois pas d’issue. Dans les années 70, les féministes ont brûlé leurs soutiens-gorge, aujourd’hui les femmes veulent redevenir sexy pour montrer que tous les corps sont beaux mais, en même temps, elles redeviennent des objets de désir. J’ai souvent l’impression qu’on vit dans un monde fou. Si j’avais une fille, je ne saurais pas quoi lui dire…