hubertguillaud

Journaliste et rédacteur en chef de http://www.internetactu.net - aka @iactu -, le média de la Fondation internet nouvelle génération http://www.fing.org

  • Le #trading_haute_fréquence est un « système de fraude de grande ampleur » - Mediapart.fr
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    « Le marché est truqué » : les accusations de Michael Lewis, qui avait révélé le scandale des subprimes, sur les manipulations liées aux transactions boursières passées à la vitesse de la lumière (le trading haute fréquence) provoquent un séisme à Wall Street. Plusieurs enquêtes judiciaires sont ouvertes. Jean-François Gayraud, auteur du Nouveau Capitalisme criminel, explique pourquoi les États sont aveugles et s’interroge : « Où est l’intérêt général et l’utilité sociale de tout cela ? » Mediapart.fr

    • Les régulateurs n’ont pas envie, selon vous, de s’attaquer au problème ?

      Le trading haute fréquence est une illustration des contradictions de la modernité et de l’éclatement du monde. D’un côté, il y a la verticalité lourde et pataude d’États toujours plus nombreux et faibles, ne pouvant intervenir que dans les limites de leur territoire. De l’autre, vous avez l’horizontalité fluide et agile de la finance transnationale, désormais hors sol, qui profite de toutes les failles du système. Cette finance dérégulée invente constamment des outils juridico-financiers qu’elle impose aux États. Les gouvernants sont aveugles à ces innovations, n’en comprennent les effets mortifères et frauduleux qu’a posteriori. Ils ne se réveillent qu’après la crise, comme en 2007-2008 lors des subprimes, pour d’ailleurs s’assoupir à nouveau immédiatement après. Les États sont comme tétanisés et capturés par plus puissants qu’eux, en l’occurrence les grandes institutions financières. Et pendant ce temps, les flux financiers passent de place en place, à la vitesse de la lumière.

    • Ce sont les financiers qui sont les maîtres du jeu. Ils disposent des bonnes cartes et fixent eux-mêmes les règles. Les lois dites de re-régulation, nées après la crise des subprimes, ont été cosmétiques. Elles ont consisté non à dérouter le Titanic mais à lui adjoindre un peu plus de canots de sauvetage qui, de toute façon, ne profiteront qu’aux premières classes lors de la prochaine tragédie.

    • N’avez-vous pas une vision trop criminelle, trop policière de la finance ? Certains vous reprochent de manquer ainsi les vraies explications sur les raisons de la crise.

      C’est un débat que j’ai eu avec l’économiste Paul Jorion, notamment. Mais en fait les points de vue ne sont pas si éloignés que cela. Des modèles faux, comme les dénonce Paul Jorion, peuvent être aussi malhonnêtes. En fait, pour être parfaitement malhonnêtes, les systèmes doivent être faux. L’explication de faits macroéconomiques par la grille de lecture criminologique n’avait peut-être pas beaucoup de pertinence du temps d’un capitalisme régulé ; elle devient au contraire centrale, me semble-t-il, dans un capitalisme financiarisé, dérégulé et mondialisé à l’excès. Je sais que la criminologie, ou si vous préférez « l’explication par le crime », est mal vue par la communauté des chercheurs en France, et plus généralement par les élites. Chez les économistes, depuis le moment où cette discipline s’est forgée, le crime est un impensé complet, un angle mort. Il ne s’agit pas pour moi d’ériger une naïve et absurde théorie du complot, mais de décloisonner les champs intellectuels. Ainsi, dans ma réflexion sur l’articulation entre criminalités et crises financières nées de la dérégulation, je montre que les fraudes sont une dimension non négligeable de la formation des bulles immobilières et boursières ; ce qui n’exclut pas d’autres causalités spécifiquement économiques et financières, mais vient simplement les compléter et les éclairer. La causalité criminelle que je tente d’exposer n’est pas destinée à produire un « effet de diversion » au moyen de « boucs émissaires providentiels » ; je recherche plutôt « un effet de révélation » de l’anomie et de la déviance structurelle du système.

    • Il y a eu beaucoup d’enquêtes de la SEC, d’amendes spectaculaires imposées aux banquiers de Wall Street après la crise, sans que les pratiques changent. La nouvelle enquête des autorités américaines sur le trading haute fréquence n’est-elle pas vouée à connaître le même sort ?

      La justice transactionnelle, telle qu’elle est pratiquée aux États-Unis, n’est pas vraiment la justice telle que nous pouvons la concevoir en Europe. C’est en effet une justice qui vise moins à élucider des faits et à rechercher la vérité qu’à mettre fin à une situation embarrassante. Ces amendes gigantesques impressionnent les médias mais ne changent rien en termes de dissuasion. Ce sont en définitive de simples taxes perçues par l’État, une sorte de droit à frauder ou à blanchir. Comme personne ne va en prison, l’impunité règne en maître. À l’image d’un vulgaire voleur de banque, un bankster impuni tend à récidiver.

    • Cela dit, même si les efforts des autorités américaines ne sont pas tous couronnés de succès, l’État américain offre au moins le « spectacle » ou l’illusion de vouloir lutter. Tous ne peuvent pas en dire autant…