Articles repérés par Hervé Le Crosnier

Je prend ici des notes sur mes lectures. Les citations proviennent des articles cités.

  • Vandana Shiva : « Sur une planète morte, on ne fait plus d’affaires » | Mediapart
    http://www.mediapart.fr/journal/international/060714/vandana-shiva-sur-une-planete-morte-ne-fait-plus-d-affaires?onglet=full

    La convention de l’ONU sur le changement climatique a été signée en 1992. En 1995, l’OMC a été créée, marquant l’apogée de l’économie mondialisée. C’est non scientifique d’avoir une économie mondialisée qui externalise sa pollution en Chine. 90 % de ce que vend Wall-Mart est fabriqué en Chine : ces émissions creusent-elles l’empreinte carbone américaine, chinoise ou celle de Wall Mart ? Je crois qu’il faut changer de méthode de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre. Les grandes entreprises mondialisées qui polluent la terre doivent internaliser leur pollution. Ce n’est pas aux pays de rendre des comptes mais aux entreprises.

    Mais comment faire pression sur les multinationales pour les obliger à internaliser leurs coûts autrement que par les États ? Quelle autorité serait assez forte pour les y contraindre ?

    Par les mouvements sociaux. Il n’y a pas d’autre façon. Les citoyens doivent s’organiser pour construire des mouvements vraiment forts autour du « bien vivre », avec une faible empreinte écologique. Il faut aussi que les citoyens se mettent à demander des comptes aux grands groupes mondiaux. Les seuls moments où les grandes entreprises internationales sont défaites, c’est lorsque d’énormes scandales éclatent. La seule manière de faire éclater le scandale, c’est que les gens prennent conscience qu’ils se retrouvent coincés dans un système qui saccage la planète, détruit de l’emploi, produit de la souffrance, du stress, des maladies, des dépressions.

    On parle de plus en plus d’anthropocène. Que pensez-vous de cette notion ?

    Je pense que c’est un très mauvais paradigme. C’est une chose d’admettre que l’irresponsabilité des humains fait du mal à la planète. Mais l’anthropocène, c’est l’arrogance de l’hubris. L’anthropocène revient à dire : « O.K., la planète est en pagaille, mais maintenant, nous allons devenir totalement des manipulateurs de la planète. » Nous allons faire de la géo-ingénierie, fabriquer des volcans artificiels, mettre des polluants dans l’atmosphère pour rafraîchir la planète…

    Si nous sommes dans une telle difficulté, c’est à cause de l’ignorance humaine cumulée à l’arrogance. Ignorance des processus biologiques subtils qui permet à Gaïa de fonctionner. Arrogance de croire que nous sommes supérieurement intelligents. Nous n’avons pas besoin d’anthropocène, mais de l’âge de Gaïa. L’anthropocène, c’est maintenir cette idée d’humains irresponsables et dominants, c’est une vision très patriarcale. Je crée le désordre ? Je vais en créer encore plus. Nous devons dire que nous sommes plus petits que la Terre, que nous en sommes une partie. Pas des maîtres et des conquérants. Un empire humain a semé le désordre sur cette Terre. Perpétuer cet empire, en l’appelant anthropocène, serait la plus grande erreur.

    Vous ne distinguez pas l’anthropocène de la géo-ingénierie ?

    Les gens qui ont commencé à parler d’anthropocène promeuvent aussi la géo-ingénierie (le prix Nobel de chimie, Paul Crutzen, par exemple – ndlr). Parler d’un « âge » de l’« anthropos » signifie que l’homme en est le facteur dominant. Que l’homme soit un facteur dominant de destruction ne signifie pas qu’il sera le facteur dominant de la régénération. La planète ne se régénérera que lorsque nous travaillerons avec elle. Et donc, parler d’anthropocène sent l’arrogance, celle d’êtres humains pensant qu’ils déterminent la vie de la planète.

    Nous ne résoudrons pas cette crise si nous ne nous repositionnons pas comme une partie de la toile de la vie et non comme les maîtres de la toile de la vie. L’idée d’anthropocène redonne du pouvoir aux multinationales qui veulent fabriquer des semences résistantes au changement climatique. Ce serait un désastre.