• Le récidiviste, voilà l’ennemi !, par Laurent Bonelli (Le Monde diplomatique, août 2014)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2014/08/BONELLI/50705

    Ainsi, lorsque, au XVIIIe siècle, les développements de l’industrie et du grand commerce font émerger un nouvel ordre économique, le crime et la pénalité doivent être réévalués. Les pratiques populaires de braconnage, d’appropriation de bois ou de matières premières, tolérées dans l’Ancien Régime, ne sont plus acceptables dès lors qu’elles se transposent dans les manufactures ou les entrepôts. Elles sont donc requalifiées en vols et deviennent la principale préoccupation des tribunaux, le principal motif des châtiments.

    Dans le même temps, les fraudes, les opérations commerciales irrégulières, les évasions fiscales sont renvoyées vers des juridictions spéciales et des commissions d’arbitrage plus feutrées, où dominent les transactions, les accommodements, les amendes. « L’illégalisme des biens a été séparé de l’illégalisme des droits, constate Michel Foucault. Partage qui recouvre une opposition de classes, puisque, d’un côté, l’illégalisme qui sera le plus accessible aux classes populaires sera celui des biens — transfert violent des propriétés — ; que, d’un autre, la bourgeoisie se réservera, elle, l’illégalisme des droits : la possibilité de tourner ses propres règlements et ses propres lois (6). »