• Alain Chouet : « L’Etat islamique manquera bientôt de ressources humaines et financières » | Oumma.com
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    Comment expliquez-vous que la presse francophone n’ait parlé que tardivement de cette scission d’Al-Qaida, aujourd’hui à la tête de l’Etat islamique. On sait pourtant que depuis la mort de Ben Laden, certains djihadistes ont refusé de prêter allégeance à Zawahiri.

    Alain Chouet : La réalité est que, depuis 2002 et l’offensive alliée contre le régime Taliban d’Afghanistan et ses protégés djihadistes, Al-Qaïda relève plus du mythe que de la réalité. C’est un mythe qui a été entretenu par le fait que tout contestataire dans le monde musulman, quelles que soient ses motivations et ses objectifs, a bien compris qu’il devait se réclamer de l’organisation qui avait épouvanté l’Amérique s’il voulait être pris au sérieux. C’est un mythe qui a été entretenu par certains dirigeants des pays musulmans qui ont bien compris qu’ils devaient coller l’étiquette Al-Qaïda sur leurs opposants s’ils voulaient pouvoir les réprimer tranquillement. C’est enfin un mythe qui a été entretenu par les dirigeants et les médias d’un certain nombre de pays occidentaux pour légitimer leur politique sécuritaire intérieure et extérieure.

    Mais dans la galaxie salafiste, tout le monde sait bien que Al-Qaïda se résumait depuis 2003 à un Ben Laden réfugié dans un « resort » des services pakistanais et à un sentencieux Ayman Zawahiri distribuant les bons et les mauvais points de djihadisme et s’appropriant verbalement des actes de violence commis un peu partout dans le monde qu’il n’avait ni commandités, ni prescrits ni contrôlés.

    Il était difficile pour des djihadistes ambitieux de remettre en cause la figure emblématique de Ben Laden mais plus facile de s’affranchir de la tutelle morale de Zawahiri. En particulier pour des chefs de bande locaux qui n’avaient que faire du « djihad mondial » sans bénéfice immédiat et souhaitaient plutôt se bâtir un petit sultanat local où ils pourraient exercer un pouvoir sans partage et rançonner la population. C’est ce type de raisonnement, joint aux aléas des rivalités locales et des surenchères entre l’Arabie et le Qatar, qui a poussé un Abou Bakr al-Baghdadi à rejeter le parrainage d’Al-Qaïda et - comme on dit en France - à s’autoproclamer « Calife à la place du Calife ».