Nidal

“You know what I did? I left troops to take the oil. I took the oil. The only troops I have are taking the oil, they’re protecting the oil. I took over the oil.”

    • Arg, il faut arrêter de citer ces « diplomates » à Damas, en prétendant qu’ils « décryptent » des choses :

      Devant les caméras de la télévision syrienne, il pose aux côtés de Khaled Mechaal, le chef en exil du bureau politique du Hamas. À l’ambassade de France à Damas, un diplomate décrypte : « Bachar voulait montrer qu’il avait une capacité de nuisance. Mais ce n’est pas très adroit comme message. » D’autant que les organisations palestiniennes n’ont rien à voir avec Al-Qaïda. L’effet produit à Washington n’en est pas moins désastreux.

      À part dans la narrative occidentalo-centrée, qui considère que s’afficher avec le chef du Hamas palestinien, c’est vouloir « montrer […] une capacité de nuisance » ?

      Quand les responsables américains vont – tous – s’exhiber aux côtés des dirigeants israéliens, viendrait-il à l’idée de ce diplomate de « décrypter » qu’ils viennent ainsi « afficher une capacité de nuisance » (ce qui est, pourtant, ce que pensent à peu près tous les habitants de la région) ?

    • Toujours cette amusante bonne conscience française :

      – en mai 2003 (« quelques semaines après la chute de Bagdad »), Colin Powel débarque à Damas et vient menacer clairement Bachar Assad :

      Powell exige la fermeture des bureaux des organisations radicales palestiniennes, la rupture avec le Hezbollah libanais et le verrouillage de la frontière avec l’Irak.

      avec cette remarque élégante :

      Enfin, le chef de la diplomatie américaine pose un ultimatum à Bachar et lui dit en substance : « Vous êtes du côté des perdants. Vous pouvez participer au processus de paix ou vous pouvez rester en arrière. Le train a quitté la gare. Faites votre choix ! »

      – six mois plus tard (novembre 2003), Chirac envoie « son sherpa diplomatique » à Bachar. Lequel témoigne dans le livre, avec une candeur qui laisse coi :

      Mon message était de lui signifier combien la région avait changé avec l’intervention américaine en Irak et d’en tirer les conclusions en prenant lui-même une initiative diplomatique montrant qu’il bougeait lui aussi car son immobilisme n’était plus tenable. Il ne pourrait rester longtemps isolé sans en payer le prix.

      Il n’est pas difficile de se rendre compte qu’en termes à peine plus courtois, le français (qui était encore récemment l’allié des syriens dans l’opposition à l’invasion américaine) vient de répéter mot pour mot la logique et la menace du cow-boy : suivez le courant américain ou bien vous en paierez le prix.

      Très logiquement, Bachar s’énerve, dénonce le « “complot américain” visant à lui tordre le bras ». (Le livre vient d’ailleurs d’expliquer que Chirac était déjà en train d’essayer de se rapprocher des Américains et de se faire pardonner son opposition à l’invasion à l’ONU ; de fait, la réaction de Bachar Assad est d’autant plus logique que le simple coup de colère.)

      Ce qui provoque dans le livre la conclusion psychologisante à deux sous :

      « Bachar el-Assad a ainsi montré une sorte de complexe d’enfermement qui correspondait finalement bien à sa personnalité et à son régime », estime aujourd’hui Maurice Gourdault-Montagne

      Tous ces jugements de valeur emplis de bonne conscience franco-française exprimés par des anciens diplomates, à peine trois chapitres et j’en suis déjà gavé. Le reste est intéressant, mais ces petites considérations vaseuses, c’est vraiment très faible.

    • Mais enfin, qui cite sérieusement Marwan Hamadé en se contentant de le présenter comme « ancien ministre libanais » ?

      Pis, selon Marwan Hamadé, ancien ministre libanais, le régime syrien se cabre : « Après la guerre d’Irak, explique-t-il, nous avons senti un durcissement. Le gouvernement de Rafic Hariri était relégué au second plan et ne devait être qu’un simple exécutant des volontés de Bachar el-Assad. De pair avec l’Iran et le Hezbollah, les Syriens ont décidé d’asseoir leur pouvoir au Liban de manière plus solide et plus profonde.… »

      Marwan Hamadé, faut faire attention tout de même : les gens pourraient ne pas savoir qu’il s’agit d’un effet comique.

    • Encore une considération franco-française assez indéfendable :

      « Or l’affaire Total, c’est un peu la crise d’adolescence de Bachar el-Assad qui n’en fait qu’à sa tête vis-à-vis de son supposé tuteur. »

      Qu’est-ce que c’est que cette histoire de crise d’adolescence ? Ils parlent vraiment comme ça, nos diplomates à nous ?

    • Intéressant:

      Les Syriens vont finalement constituer un Comité pour le projet national du gaz. Tous les contrats signés avec des compagnies internationales sont annulés. L’idée retenue après l’affaire des champs de Palmyride est de nationaliser le secteur en faisant appel à des sociétés étrangères uniquement pour la sous-traitance.

    • J’arrive à la fin du chapitre, c’est vraiment intéressant. Comme pour le chapitre précédent, je pense que ça aurait largement gagné à ne pas citer les élucubrations et les rodomontades des « anciens diplomates » français, qui n’apportent rien mais font perdre le fil dans des considérations psycho-pouèt-pouèt remplies de bonne conscience françaoui.

      Paragraphe final avec un (oui !) retour aux fondamentaux (malgré la personnalisation déplacée : « c’est inacceptable pour lui », alors qu’on peut tout de même se demander qui trouverait acceptable de se faire soudoyer son vice-président, son chef d’État major et son chef des services de renseignement par le représentant d’une puissance étrangère assez souvent hostile – ici l’Arabie séoudite).

      S’il n’a pas décroché d’affaires en Syrie, Rafic Hariri a en revanche beaucoup « investi » sur des responsables de la nomenklatura syrienne. Au fil des ans, il a soudoyé le vice-président Abdel Halim Khaddam, le chef d’État major de l’armée, Hikmat Chehabi et Ghazi Kanaan, le proconsul au Liban. « Que Hariri achète des Libanais, Bachar le comprend, analyse Karim Pakradouni, ancien ministre de Rafic Hariri, mais qu’il achète des hauts responsables syriens, c’est inacceptable pour lui ! »

    • @Nidal : amusant : j’en suis moi aussi à peu près là de ma lecture. A noter que ce chapitre, intéressant, ne fait que confirmer ce que le livre de Labévière ("Baghdad-Beyrouth, le grand retournement", de 2006) qui avait eu un bien moindre retentissement médiatique, disait déjà - mais qu’il ne cite pas -, à savoir que le retournement de Chirac contre Assad date de 2003 quand il voit celui-ci comme un obstacle à son rabibochage avec les States une fois l’invasion de l’Irak faite ; et par ailleurs que l’initiative de la résolution 1559 de 2004 vient de Paris, qu’elle prend sa source dans la relation Chirac-Hariri et qu’elle trouve Condoleeza Rice et l’équipe Bush trop heureux de l’aubaine. Par contre, rien chez Chesnot-Malbrunot sur l’origine du Syria Accountability Act américain de 2003 que Labévière comme Walt et Mearsheimer imputent au lobby pro-Israël aux Ztazunis.

      SPOILER ;-) : dans la suite du livre une révélation intéressante : l’existence d’un plan américain (CIA) de regime change en Syrie en misant sur le tandem Kanaan-Khaddam pour faire chuter Assad...

    • Remarques très justes, @souriyam. Ça ne m’avait pas du tout effleuré, je n’avais pas vu le lien avec Labévière ; l’impression de lire quelque chose que je savais déjà, sans me demander d’où ça me venait. Ce genre de choses, parmi les gens que je fréquente, c’est une sorte d’évidence, je ne l’avais donc pas relié au « Grand retournement ». Mais vous avez bien raison de signaler le lien.