• Devant, et sur les flancs, lettre un peu péremptoire mais amicale au mouvement zadiste

    http://juralib.noblogs.org/2014/12/28/devant-et-sur-les-flancs-la-zad-est-un-moyen-de-faire-face-au-capit

    Que la petite bourgeoisie s’allie un temps au peuple dont elle est issue pour se forger une position dominante, n’est pas une première. Mais revenons à nos moutons : ce petit détour permet à présent de répondre à notre question initiale : qui sont les « pro » ? C’est par opposition à cette partie du mouvement que nous avons définie ensemble comme la nouvelle avant-garde du P.d.P., que nous pouvons définir l’alliance hétérogène des « pro », à Roybon, à Sivens, ou en Maurienne : vieux souteneurs de l’industrie, agriculteurs forcés à l’intensif depuis 50 ans et ne voyant plus d’autre voie, commerçants sans plan B, suivis d’une partie de leur main-d’œuvre prolétaire, et des partis qui les représentent ; ils forment l’arrière-garde du Parti du Progrès, ceux qui ont nourri la France d’après-guerre, mais qui ont loupé le virage des années 80, de l’innovation et de l’information.

    Ils ne sont pas fascistes, même si la xénophobie les traverse allègrement ; même pas forcément de droite, mais certainement tous productivistes. Laissés pour compte de la mondialisation, pas rentables, tout aussi sous perfusion de subventions étatiques que les allocataires RSA qu’ils montrent du doigt, ils vomissent les réformes sociétales et les taxes. Et s’ils se mobilisent, c’est parce qu’ils sentent bien que, derrière les zadistes, les peluts, les anti-tout, il y a le nouveau modèle des dominants, intellos, verts et technophiles, avec un vrai projet de société, leur relève en quelque sorte, qui va s’approprier leur territoire. Ce sont ces « extérieurs » qui représentent une menace réelle pour les pro.

    Avant et arrière-gardes, ces deux composantes encerclent les ZAD, et tout en l’ignorant, forment deux appendices du même animal : le Parti du Progrès, alias le capitalisme nouvelle vague. Nous, les anarchistes, les militants, les zadistes, nous sommes, pour l’instant, les mercenaires aveugles (et gratos) du P.d.P. On défriche, on ouvre une brèche, et on la tient un temps, comme dans les villes depuis 20 ans. Et contrairement à ce que nous laisse supposer la situation aujourd’hui, « pro » et « anti » peuvent très rapidement s’entendre sur plusieurs points :

    • un point technique d’abord : les écotechs expliqueront aux pécores qu’il faut opter pour un projet alternatif et durable ; qu’il faut plus de zones compensatoires, plus de CNDP ; ils négocieront via la FRAPNA, la FNSEA ou d’autres (tiens, c’est le cas en ce moment même, sous l’égide du gouvernement), et s’entendront sur un modus vivendi. Souvenons-nous que EELV a soutenu le TAV jusqu’en 2011, puis changé de camp pour réclamer, depuis, une autoroute maritime à la place d’une autoroute ferroviaire. Techniquement, tout devient possible.

    • pragmatique : les zadistes sont encombrants et ingouvernables. Bref, pro et anti diront bientôt, et à l’unisson : « foutez le camp, on est chez nous », ou des variantes de gauche : « maintenant, il faut laisser place à la démocratie ». S. Royal, dans le Monde du 22/12/14 : « Quand une solution sera trouvée, il faudra que les occupants partent ». Nous sommes prévenus.

    On sait ce qui nous attend. À ce moment là, on sera seuls contre les réacs, les flics et les légalistes. Once again. Inutile de patienter poliment, de se forger une image médiatique de gentils jeunes, ou d’adorateurs des merveilles de Gaïa, on ne se fera balayer que plus rapidement. Si on rentre sur le champ de bataille de l’opinion publique, c’est toujours par tactique, non pour la gagner. Entre un front et l’autre, notre position est courageuse, mais glissante. Pour rester offensive, elle doit chercher la stratégie qui nous permette de gagner la bataille politique, derrière la bataille géographique. La ligne de crête que l’on doit voir dès maintenant dans le brouillard, entre pro et anti, c’est celle où l’on assume nos ambitions : la ZAD est un moyen de faire face au capitalisme, à l’industrie des flux, aux avant-postes de la métropole, auxquels nous opposons nos forces, en mettant en pratique notre idée du commun, la fusion de la vie collective et de la lutte politique. Chacun peut nous rejoindre, mais qu’ils sachent que nous ne serons ni les sauveurs de la France périphérique, ni les larbins des bourgeois métropolitains.