« Aborder la ségrégation à partir des quartiers populaires, c’est prendre le problème à l’envers »
▻http://www.lemonde.fr/banlieues/article/2015/01/24/aborder-la-segregation-a-partir-des-quartiers-populaires-c-est-prendre-le-pr
Ceux-là même qui répètent qu’il ne faut pas faire d’amalgames, qu’il faut prendre garde à ne pas stigmatiser les musulmans, alimentent par leurs discours sur les quartiers populaires un autre amalgame. Passer d’un événement dramatique à la dénonciation des « territoires perdus de la République » est d’autant plus absurde que les frères Kouachi ont passé une bonne partie de leur adolescence en Corrèze ! On peut donc redouter que ce genre de déclarations choc de Valls, sous couvert d’un « parler vrai » consistant à développer une lecture racialisée du monde social et de l’espace urbain (tout en la dénonçant !), contribue au renforcement des préjugés qui servent de terreau aux discriminations. D’autant plus que dans le déferlement d’annonces de ces derniers jours, la lutte contre les discriminations est une nouvelle fois la grande absente.
Aborder la ségrégation à partir des quartiers populaires, c’est prendre le problème à l’envers. Parce que la situation des quartiers pauvres n’est que le résultat de mécanismes qui se jouent à l’échelle de la ville, en partant des quartiers riches, ces « ghetto du gotha » décrits Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot au regard desquels les quartiers HLM sont des quartiers de mixité sociale ! C’est par le haut du marché immobilier que se déploient les processus de spécialisation, avec des mécanismes d’éviction qui se diffusent des quartiers riches vers les quartiers mixtes et, en bout de chaîne, vers les quartiers pauvres. Si on veut lutter contre la ségrégation, partons des mécanismes qui en sont à l’origine et non des conséquences.
Cf. aussi
L’invention des "quartiers sensibles", par Sylvie Tissot (2007)
▻http://www.monde-diplomatique.fr/2007/10/TISSOT/15252