Sombre

“Only the mob and the elite can be attracted by the momentum of totalitarianism itself. The masses have to be won by propaganda.” (Hannah Arendt)

  • BALLAST George Ciccariello-Maher : « Les Lumières, un mensonge élevé au rang d’Universel »
    http://www.revue-ballast.fr/george-ciccariello-maher-les-lumieres-un-mensonge-eleve-au-rang-dunive

    Ciccariello-Maher a prévenu tout de go : les propos qu’il tient dans l’entretien qui suit vont certainement « hérisser quelques poils ». Auteur de l’essai We Created Chávez, enseignant à Philadelphie et intervenant régulier sur Al Jazeera, celui qui se positionne à mi-chemin entre l’anarchisme et le communisme entend bien secouer les mouvements libertaires contemporains. Il ne mâche pas ses mots et n’hésite pas à fouler aux pieds les repères des uns et le sacré des autres : la religion ne serait pas le mal décrit par d’aucuns ; la sécularisation n’est pas sacro-sainte ; le siècle des Lumières gagnerait à faire profil bas ; l’État ne devrait plus être une cible « obsessionnelle » ; Charlie Hebdo jette de l’huile sur le feu impérialiste et l’on a tort de tourner, pudiques, autour du mot « race ». Qu’en penser ? Au lecteur de décider.

    • Assauts contre les Lumières #paywall
      http://www.monde-diplomatique.fr/2015/02/ROBERT/52631

      Un autre extrait :
      " - La raison conduit à la République, qui ne reconnaît pas d’autre souverain que le peuple :
      Or, pour les Lumières, si elle est un outil, la raison est surtout l’expression, selon les mots de Jean Jaurès, de la « préformation morale de l’humanité », c’est-à-dire de la capacité de l’être humain à vouloir le bien et, concrètement, à transformer la société dans un élan fraternel. Elle conduit à la République, qui ne reconnaît pas d’autre souverain que le peuple, ni d’autres lois que celles votées par ses représentants. En outre, elle se fonde non pas sur des certitudes, mais sur le doute méthodique qu’avait exposé Descartes. Rien n’est moins habité par le doute qu’une chambre à gaz ; et rien n’est plus irrationnel que l’idée de hiérarchie des races.
      La puissance libératrice des Lumières comme sa traduction politique la plus universelle, la révolution de 1789, ne sont plus pour de nombreux Français qu’un vague souvenir. L’envie d’être libre est-elle encore suffisamment présente ? »
      Anne-Cécile Robert Le Monde Diplomatique fev 2015"

    • A priori le texte du diplo porte sur un assaut contemporain, je n’ai pas d’accès derrière le paywall.
      S’il n’y a pas de référence à l’Ecole de Francfort c’est peut etre qu’il n’y a pas de continuité critique et que ce nouvel assaut est aussi germanophobe que je le suis^^ et qu’elle procéde d’une autre motivation. Je oeux voir cet assaut comme celui contre l’esprit de la laicité.
      Le texte de Maher est une charge brute sans référence et j’aime bien que l’on m’explique les choses. "Les soi-disantes « Lumières »", "génocide"... Je déteste ce vocabulaire dogmatique et péremptoire qui disparait dans les autres chapitres du texte.
      L’Ecole de Francfort a l’air plus fine dans ses critiques.

      WP . "Le constat sur lequel s’ouvre le livre est, en effet, que l’Aufklärung a eu pour but de libérer les hommes, mais que partout le monde « éclairé » est soumis aux calamités. L’Aufklärung a eu pour but de libérer de la pensée magique, mais elle est elle-même soumise au mythe. Le détournement a consisté à instrumentaliser la raison, dont la finalité réelle n’a pas été la connaissance ou le bonheur, mais l’explication du monde pour la domination de la nature, soit l’auto-conservation.

      Le processus d’autodestruction consiste dans la destruction du mythe par la raison qui est au principe des Lumières. Car les mythes sont en réalité déjà des produits d’Aufklärung, des formes d’affranchissement à l’égard de la nature. À l’inverse, l’Aufklärung est toujours prise dans la mythologie au moment même où elle croit s’en affranchir.

      Les Lumières sont totalitaires dans leur volonté de supprimer toute trace mythique en vue d’un système duquel tout peut être déduit. La vérité de ce processus est la domination. Le résultat est que les hommes paient leur pouvoir en devenant de plus étrangers à ce sur quoi ils l’exercent (la nature dans l’homme et hors de l’homme).

      Dans le monde rationalisé, la mythologie n’a pas disparu, mais elle envahit au contraire le domaine du profane. Les Lumières ont abouti à une forme de régression, dans laquelle l’homme est transformée en chose (phénomène de réification). Dans sa crainte du mythe, l’Aufklärung a condamné l’art et la pensée et a érigé les marchandises en fétiches. La régression de l’Aufklärung dans la mythologie n’est donc pas à chercher en dehors de l’Aufklärung.

      Le récit d’Homère, l’Odyssée, est analysé, dans un premier ex-cursus, comme texte fondamental de la culture européenne et témoignage originaire de la dialectique de l’Aufklärung. L’épopée s’affranchit du mythe et le détruit au nom de la raison mais elle éclaire en même temps le processus de sacrifice de la nature dans l’homme et la conception de la raison comme ruse, domination et impassibilité.

      Le deuxième ex-cursus est une réponse à la question de Kant sur l’essence de l’Aufklärung à partir d’une analyse de l’Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice du Marquis de Sade et de la Généalogie de la morale de Nietzsche. L’ordre totalitaire s’en tient à la science, et le sujet éclairé libre de toute tutelle se dérobe à toute pitié. L’émancipation aboutit à la domination de la nature aveugle et à une indistinction entre la rigueur morale et l’amoralité absolue."

    • N’est pas Bourdieu qui veut.
      POur poursuivre :
      "D’un point de vue théorique, nous serions tentés de rapprocher les ressorts idéologiques de l’islamophobie contemporaine de ceux de l’antisémitisme moderne. Nous nous référons ici à la thèse iconoclaste de l’historien Arthur Hertzberg qui « démontre avec force que l’antisémitisme moderne est davantage l’enfant des Lumières que du christianisme ; qu’il découle moins de la théologie chrétienne que du dogmatisme doctrinaire d’un Voltaire, d’un Holbach, d’un Diderot ou d’un Marat15 ». L’auteur américain conclut à l’existence d’une véritable théorie de l’antisémitisme laïque : « C’est ainsi que les hommes de gauche esquissaient une théorie selon laquelle, pour pouvoir se régénérer, la France se devait d’exclure les juifs. Ce que Voltaire ou Holbach avaient dit ou sous-entendu était devenu un programme politique16. » L’on comprend dès lors que cette thèse (l’antisémitisme produit de notre modernité) soit irrecevable pour une partie de l’intelligentsia française qui, non seulement refuse de rapprocher analytiquement les deux phénomènes (antisémitisme/islamophobie)17 mais, en plus, y voit davantage la perpétuation des vieux préjugés chrétiens que l’expression d’un racisme post-révolutionnaire, se nourrissant directement des ambivalences de la pensée républicaine. La France ne peut être islamophobe, puisqu’elle est « laïque » et « universaliste » (donc forcément tolérante), et sa relation à l’islam aussi passionnelle soit-elle, relèverait d’abord d’une démarche critique à l’égard de toutes les religions. C’est ce type d’argumentaire que l’on retrouve dans la pétition de soutien à l’écrivain Michel Houellebecq18 qui assimile ses propos à l’égard de l’islam non pas à une expression de peur et/ou de racisme « anti-musulman » mais à une démarche de libre-penseur :" http://books.openedition.org/editionscnrs/2871

    • La suite de la citation de Bourdieu sus-citée :

      Tout projet de réforme de l’entendement qui compte sur la seule force de la prédication rationnelle pour faire avancer la cause de la raison reste prisonnier de l’illusion scolastique. Force en est donc d’en appeler à une Realpolitik de l’universel, forme spécifique de lutte politique destinée à défendre les conditions sociales de l’exercice de la raison et les bases institutionnelles de l’activité intellectuelle, et à doter la raison des instruments qui sont la condition de son accomplissement dans l’histoire. Prenant acte de l’inégale distribution des conditions sociales de l’accès à l’universel,défi ou démenti à la prédication humaniste,....favoriser partout et par tous les moyens l’accès de tous aux instruments de production et de consommation des acquis historiques que la logique interne des champs scolastiques institue à un moment donné du temps comme universels (..en veillant à les débarrasser de tout ce qu’ils doivent à leur seule fonction sociale de légitimation).