• [Babeuf] Manifeste des Plébéiens (1795) | labyrinthes
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    Il est temps que le peuple, foulé, assassiné, manifeste d’une manière plus grande, plus solennelle, plus générale qu’il n’a jamais été fait, sa volonté, pour que non seulement les signes, les accessoires de la misère, mais la réalité, la misère elle-même soient anéanties. Que le peuple proclame son Manifeste. Qu’il y définisse la #démocratie comme il entend l’avoir, et telle que, d’après les principes purs, elle doit exister. Qu’il prouve que la démocratie est l’obligation de remplir, par ceux qui ont trop, tout ce qui manque à ceux qui n’ont point assez ! Que tout le déficit qui se trouve dans la fortune des derniers, ne procède que de ce que les autres les ont volés. Volé légitimement, si l’on veut ; c’est-à-dire, à l’aide de lois de brigands qui, sous les derniers régimes comme sous les plus anciens, ont autorisé tous les larcins ; à l’aide de lois, telle que toutes celles qui existent en ce moment ; à l’aide de lois, d’après lesquelles je suis forcé, pour vivre, de démeubler chaque jour mon ménage, de porter, chez tous les voleurs qu’elles protègent, jusqu’au dernier haillon qui me couvre ! Que le Peuple déclare qu’il entend avoir la restitution de tous ces vols, de ces honteuses confiscations des riches sur les pauvres.

    Nous prouverons que le terroir n’est à personne, mais qu’il est à tous.

    Nous prouverons que tout ce qu’un individu en accapare au-delà de ce qui peut le nourrir, est un vol social. […]

    Nous prouverons que tout ce qu’un membre du corps social a au-dessus de la suffisance de ses besoins de toute espèce et de tous les jours est le résultat d’une spoliation de sa propriété naturelle individuelle, faites par les accapareurs des biens communs.

    Que, par la même conséquence, tout ce qu’un membre du corps social a au-dessus de la suffisance de ses besoins de toute espèce et de tous les jours est le résultat d’un vol fait aux autres co-associés, qui en prive nécessairement un nombre plus ou moins grand de sa quote-part dans les biens communs.

    Que c’est sans doute à tort que cette opinion a apprécié la journée de celui qui fait une montre, vingt fois plus que la journée de celui qui trace des sillons.

    Que c’est cependant à l’aide de cette fausse estimation, que le gain de l’ouvrier horloger l’a mis à portée d’acquérir le patrimoine de vingt ouvriers de charrue, qu’il a, par ce moyen, expropriés.

    Que tous les prolétaires ne le sont devenus que par le résultat de la même combinaison dans tous les autres rapports de proportion, mais partant tous de l’unique base de la différence de valeur établie entre les choses par la seule autorité de l’opinion.

    Qu’il y a absurdité et injustice dans la prétention d’une plus grande récompense pour celui dont la tache exige un plus haut degré d’intelligence, et plus d’application et de tension d’esprit ; que cela n’étend nullement la capacité de son estomac.