les médias que nous critiquons sont les médias dominants, et de ce fait, leur langue spontanée n’est au fond pas la leur. La langue première des médias dominants n’est pas la langue des médias mais la langue des dominants : c’est la langue du MEDEF, la langue des préfectures de police ou du ministère de l’Intérieur, la langue de Tsahal ou du Pentagone… C’est dans ces lieux extra-médiatiques que sont inventés les « réformes » et les « modernisations », les « plans sociaux » et les « plans de sauvegarde de l’emploi », les « clandestins » et les « reconduites à la frontière », les « violences urbaines » et les « interventions musclées », les « bavures » et leurs victimes « bien connues des services de police », le « terrorisme » et la « guerre au terrorisme », les incursions, les frappes et autres opérations de défense du territoire…
Nos grands médias portent en somme bien leur nom puisqu’ils ne sont en la matière rien d’autre que des instances de médiation, qui assurent la diffusion massive, au sein de la société civile, d’une langue qui n’est au départ que le jargon d’un tout petit nombre. Une critique des médias conséquente est donc à nos yeux indissociable d’une critique sociale plus fondamentale : la critique de l’ordre dominant – un ordre qui, le plus souvent, se construit et invente sa langue ailleurs que dans les sphères médiatiques.