Lâ#Ă©cole traditionnelle : pourquoi faut-il quâelle change et en quoi ?
â»http://charmeux.fr/blog/index.php?2015/10/16/275-ce-qu-il-faut-vraiment-changer-dans-l-ecole
Survivre, câest durer. Vivre, câest changer.
QuâĂ©tait cette Ă©cole disparue ? LâĂ©cole française fonctionne depuis toujours sous le rĂ©gime du statu quo et de lâhomĂ©ostasie.
Les notes, les bons points, les moyennes, les classements, les devoirs Ă la maison, les interrogations, la leçon magistrale frontale suivie de lâexercice dâapplication notĂ©, les dictĂ©es, lâerreur impardonnable renommĂ©e « faute », le faire-semblant, les mĂ©canismes des mĂ©thodes de « lecture » au son (Ă lâunitĂ© de langue atomisĂ©e) qui font dĂ©chiffrer phonologiquement, la journĂ©e de classe centrĂ©e sur la transmission du « programme » par enseignement magistral, non sur lâ#apprentissage et les besoins de lâĂ©lĂšve, la recherche fĂ©brile de lâhomogĂ©nĂ©itĂ© et de lâuniformitĂ© avec exclusion des diffĂ©rences et de la diversitĂ©, le culte du bon Ă©lĂšve et le mĂ©pris du « mauvais », toutes ces obsessions, tous ces rituels qui se perpĂ©tuent, immuables, de siĂšcle en siĂšcle, câest lâĂ©cole traditionnelle. LâĂ©ternel recommencement.
Cette Ă©cole est bien prĂ©sente, toujours actuelle. Câest celle de la #compĂ©tition, dĂ©connectĂ©e du rĂ©el et de la souffrance sociale, « profitant essentiellement aux dominants en Ă©liminant les faibles ». Les ministres se suivent, les rĂ©formes passent, lâĂ©cole rĂ©publicaine maintient son cap, sĂ©lectionner les Ă©lites, et sa stratĂ©gie, trier et Ă©liminer les incapables. DĂšs le CP, on y prĂ©pare les concours aux grandes Ă©coles, on bachote.
Des enseignants sans formation professionnelle, sortis gagnants de la #sĂ©lection scolaire, homologuent, sans indulgence et sans compromis, des savoirs appris ailleurs et valorisent par des renforcements positifs ceux qui les dĂ©tiennent. On rĂ©compense ceux qui savaient avant dâentrer dans la classe, on humilie les naĂŻfs ignorants qui croyaient venir sâinstruire dans un lieu dâapprentissage. Les enfants de milieux culturellement pauvres, les enfants du peuple, nâont que leur ignorance (au sens scolaire) Ă faire valider par le systĂšme dâ#Ă©valuation traditionnel, avec notes et commentaires moralisants, qui les culpabilise Ă vie, comme les sermons des clercs culpabilisĂšrent la misĂšre jusquâau milieu du XXe siĂšcle, avant lâinstauration de la SĂ©curitĂ© sociale.
La sociĂ©tĂ© sâest dĂ©mocratisĂ©e, pas lâĂ©cole. Appareil de reproduction sociale, juge-arbitre « impartial », elle confirme les #inĂ©galitĂ©s dâorigine ou de classe et renforce les injustices de lâexistence. Pour la grande satisfaction des nantis qui dĂ©plorent hypocritement « la panne de lâascenseur social ».
Pour expliquer « lâĂ©chec scolaire », en le justifiant par des facteurs Ă©trangers Ă lâenseignement sĂ©lectif, lâĂ©cole traditionnelle, jusquâici musĂ©e des mĂ©thodes, sâest convertie en temple des lĂ©gendes. La #lĂ©gende du mĂ©rite, la lĂ©gende du travail rĂ©compensĂ©, la lĂ©gende de lâascenseur social, la lĂ©gende du par-cĆur, la lĂ©gende de la globale, la lĂ©gende du code de correspondance, la lĂ©gende de la dyslexie. Les gardiens du temple, mythologues mythomanes modernes, y ont ajoutĂ© le #mythe des troubles du langage et des apprentissages, le mythe des troubles du comportement, le mythe du pĂ©dagogisme, le mythe de lâĂąge dâor. Câest le culte de ce dernier qui compte le plus de prĂȘtres et de fidĂšles au sein des classes favorisĂ©es. Pour le cĂ©lĂ©brer, il faut impĂ©rativement avoir « rĂ©ussi » Ă lâĂ©cole. En effet, ce mythe coĂŻncide avec la pĂ©riode, variant en fonction de lâĂąge de chacun, oĂč ses croyants sortirent de leur parcours scolaire primaire, couronnĂ©s de lauriers. Parce quâils ne sâĂ©taient pas retournĂ©s en faisant la course en tĂȘte, ils nâont pas vu tomber, derriĂšre eux, la masse des Ă©clopĂ©s, abandonnĂ©s sur le bord du chemin. Bref, lâĂ©cole traditionnelle serait un paradis si elle nâĂ©tait pas pervertie (nâavait pas Ă©tĂ© dĂ©truite) par les machinations du diable.
Aujourdâhui, la #mĂ©decine de la rĂ©paration scolaire et la #psychologie du neurone Ă©colier ennoblissent le tableau clinique des troubles « spĂ©cifiques » en y collant lâĂ©tiquette « DYS ». Elles sâattachent ainsi une clientĂšle captive en lui assurant une « prise en charge » coĂ»teuse mais remboursĂ©e. Ce faisant, elles adressent aux enseignants un feed-back nĂ©gatif : « Ne changez rien ! Les pathologies sont de notre ressort. » MĂ©dicaliser dispense de questionner les pratiques et les thĂ©ories. Ainsi, les professeurs peuvent continuer Ă noter leur classe en trois tiers (lâĂ©cole Ă trois vitesses), pour tracer une courbe de Gauss parfaite, la « constante macabre », que la mĂ©decine ne sait pas soigner, ni diagnostiquer.[1] Pour expliquer le dĂ©sastre en innocentant lâĂ©cole, les experts ont donc le choix contradictoire entre la maladie scolaire infantile locale, dĂ©finie avec une prĂ©cision chirurgicale, et le mystĂ©rieux complot « pĂ©dagogiste » national, indĂ©finissable. Mais ce nâest surement pas lâĂ©cole de la compĂ©tition qui est Ă lâorigine de lâĂ©chec des perdants. Câest impensable.
[1] « Dans notre systĂšme Ă©ducatif, un professeur qui donne de trop bonnes notes est immĂ©diatement jugĂ© comme un fumiste. La constante macabre, câest quand, quel que soit le niveau des Ă©lĂšves, il y a toujours un tiers de trĂšs bons Ă©lĂšves, un tiers de moyens, et un dernier tiers de mauvais Ă©lĂšves. Et je constate que les Ă©lĂšves dĂ©favorisĂ©s sont souvent dans le dernier tiers. Il y a trop dâenfants qui sont en Ă©chec de façon artificielle. » AndrĂ© Antibi