Philippe De Jonckheere

(1964 - 2064)

  • http://internetactu.blog.lemonde.fr/2015/11/07/cameras-films-familiaux-une-promesse-qui-ne-se-realise-jam

    « L’instant que l’on capture n’est jamais banal, même quand on prend en photo des banalités. Le moment que l’on capture est finalement un moment trop difficile à penser sur le moment présent. C’est pourquoi on l’enferme dans une boîte. C’est un moratoire. » C’est-à-dire un moment que l’on suspend pour pouvoir en profiter plus tard, pour pouvoir en vivre les émotions plus tard. « Ca fonctionne comme un bon vin. On vendange les premiers pas de nos enfants, la sortie avec le club de foot, la réunion de famille… Et puis on l’ouvre des semaines ou des années plus tard, pour en avoir encore le bouquet. A ce moment-là, on est plus disponible. On n’est plus en prise avec l’événement, on peut se l’approprier plus calmement, revivre ses émotions. »

    Voilà qui décrit on ne peut mieux ce que je fais en me voilant le regad avec une boîte noire, voire en me cachant derrière. Depuis plus de 35 ans.

    • En passant, sur l’aspect technique :

      On a l’impression d’un éternel recommencement, alors que la promesse technologique demeure constante. Chaque nouvelle technologie d’enregistrement nous promet de mieux conserver nos souvenirs. D’être plus souple, plus malléable…

      J’aimerais mentionner ici un vieil article de @grosse_fatigue qui m’a marqué durablement (malheureusement il n’est plus en ligne) : un enfant va dans le grenier de ses grands-parents, qui lui indiquent que s’y trouve toute la mémoire familiale. Il trouve des jolis disques qui font des arcs-en-ciel quand on les fait tourner dans la lumière, mais impossible de voir ce qui est gravé dessus.

      Ça nous a suffisamment marqués pour que, depuis la naissance des enfants, on fasse au moins un album par an, constatant que c’est quand même le papier qui vieillit le moins.

    • Fieffée bonne réflexion, ça :

      Mais alors pourquoi arrête-t-on d’enregistrer nos vies ? Pourquoi abandonne-t-on ? « Arrivé à un certain âge, le besoin de traiter les événements sous la forme de moments capturés se fait moins sentir. C’est un peu comme si on avait un stock d’images internes suffisant pour nourrir notre psychisme. Si on veut le dire autrement, avec l’âge, la plasticité de chacun est moins grande : les personnes font moins le travail de s’approprier les choses venant du monde extérieur. »

      Pour le psychologue, tout n’est pas que question de motivation et de compétences. « La première moitié de notre vie est liée à des événements qui nous bouleversent. Nous avons besoin de faire un travail de symbolisation intense de ces événements », notamment parce que beaucoup sont nouveaux pour nous et transformateurs, comme le fait de se mettre en couple ou d’avoir des enfants. « Les objets techniques, comme la photo et la vidéo, sont des points d’appui pour intérioriser et transmettre cette vie psychique ». Avec l’âge, cette intériorisation se fait ensuite avec d’autres moyens ou avec une autre intensité.