• Nomos et cosmos : coloniser le ciel
    Inégalités climatiques et sociales Nord/Sud

    Par Adrian Lahoud - Traduction par Ferdinand Cazalis

    http://jefklak.org/?p=2626

    L’accusation de génocide émise par Di-Aping peut être comprise comme un appel pour l’instauration d’une échelle de calcul différente, un prérequis pour établir des termes justes dans les négociations sur le climat – une échelle de critères suffisamment précis pour saisir les effets inégaux du réchauffement. À mesure que les modélisations du climat s’améliorent, ce qui apparaissait autrefois comme un opaque réservoir de complications commence à révéler une architecture occulte de relations diffuses et atténuées. Cette architecture est un nouveau genre de carte qui explique comment l’activité d’une partie de la planète peut affecter la vie dans une autre partie du globe. De telles simulations sont en train de devenir les véhicules du droit et de la politique. Sous la question du degré de résolution que l’on adopte pour ces modèles se cachent des crimes en attente d’être poursuivis.

    • Au cours des cinquante ans qui séparent la publication du Theatrum Orbis Terrarum en 1570 de celle de l’ Instauratio Magna en 1620, il s’est produit quelque chose de complètement inattendu dans l’atmosphère terrestre : le niveau global de CO2 a soudainement chuté. Mais pourquoi une telle modification du niveau de CO2, des siècles avant l’invention des moteurs à vapeur et à combustion ? Les estimations les plus récentes indiquent que la colonisation des Amériques a coûté la vie à 50 millions de personnes dans la population autochtone5. En plus des registres écrits recensant une telle hécatombe, un témoignage macabre perdure dans la stratigraphie terrestre. La mémoire historique enveloppée dans les carottes glaciaires a enregistré cet événement : les populations d’Amérique ayant disparu, il ne restait plus personne pour entretenir leurs cités, et les arbres n’ont pas tardé à reprendre leurs droits sur de vastes étendues de terres auparavant cultivées. Toutes les villes, tous les canaux, les terrassements et les chaussées, en somme toutes les traces des civilisations amazoniennes et méso-américaines, sont rapidement retournées à l’état de forêts. Une poignée de générations a suffi à l’Amazonie pour réoccuper ce que les conquistadors avaient détruit. Assoiffé de CO2, cet accroissement sans précédent de vie végétale a été si fort qu’il a laissé sa marque dans la mémoire globale de l’atmosphère. Et c’est seulement parce que le génocide a été si total qu’une telle chose a pu se produire.