• C’est quoi un artiste africain ?

    Artiste africain. La formule suscite moue ou courroux chez les commissaires d’exposition. « Ce n’est pas un sujet. C’est totalement dépassé », balaye, agacée, la Nigériane Bisi Silva, directrice artistique des dernières Rencontres de Bamako. « Oh là là, encore cette question ! », soupire pour sa part la commissaire d’exposition indépendante Marie-Ann Yemsi. Quant aux artistes, ils ne sont pas moins dubitatifs. « Artiste oui, africain oui, artiste africain, pas très sûr », glisse le Sénégalais Soly Cissé.

    Pourquoi l’épithète « africain » fait-il tant tiquer ? C’est qu’il agit en marqueur. Il fige et essentialise les artistes en lissant un continent réfractaire à la synthèse. Marie-Ann Yemsi le résume ainsi : « Ramener les artistes à leurs origines, c’est les ramener à ce qu’on attendrait d’eux. » Autrement dit à une grille de lecture confortable, une taxinomie évidente, un cortège de poncifs au long cours, un retour du refoulé colonial aussi et son corollaire, une identité victimaire. « On attend de l’artiste africain d’être haut en couleur, haut en revendication, et de préférence pauvre en matérialité afin qu’il soit identifié par l’inconscient de l’acheteur mondialisé de l’art contemporain », ironise Abdelkader Damani, directeur du Fonds régional d’art contemporain du Centre (Frac).