Nidal

“You know what I did? I left troops to take the oil. I took the oil. The only troops I have are taking the oil, they’re protecting the oil. I took over the oil.”

  • À la fin d’une longue bouffée délirante sur RFI, le 23 janvier dernier, François Burgat balance un vilain petit secret : en bombardant ISIS, nous avons « renforcé le régime, indirectement, en le libérant de la pression militaire de Daech », et du coup, il n’a plus « d’intérêt existentiel à négocier »

    C’est vers la trentième minute, j’en ai fait la transcription :
    http://telechargement.rfi.fr/rfi/francais/audio/magazines/r192/geopolitique_le_debat_20160123.mp3

    Burgat : L’urgence est plus que jamais là, mais la difficulté que vous connaissez qu’il y a eu à fixer le timing de ces négociations, montre bien que nous sommes dans une conjoncture particulièrement difficile. Il faut revenir à mon sens à l’essentiel, l’attitude du camp des dits "Amis de la Syrie" – fermez les guillemets – depuis août 2014, qui ont adopté cette option à mon sens paradoxale, à mon sens dangereuse, restrictive, pour plusieurs raisons, du « Tous contre Daech, et seulement contre Daech », hein. Après avoir expliqué pendant des années que nous ne voulions pas, nous ne pouvions pas, c’était dangereux, c’était contre-productif… nous impliquer, non pas dans une ingérence, mais dans un rééquilibrage de l’ingérence russe et iranienne massive, nous l’avons fait, mais nous l’avons fait paradoxalement contre un acteur dont la responsabilité dans le flux des réfugiés est de un à dix par rapport aux bombardements du régime – donc c’est très paradoxal, hein – nous l’avons fait, si j’étais très méchant, je dirais que Agnès Levallois tout à l’heure aurait pu employer un mot à propos de l’Iran qui est l’"électoralisme", c’est-à-dire… il y a des considérations de politique intérieure… hé bien moi j’ai le sentiment, que notamment en France, notre durcissement très sélectif contre un seul des acteurs… on envoie le Charles de Gaulle, est-ce qu’un expert militaire pourrait nous démontrer que nous avons rehaussé le niveau de sécurité des français en envoyant le Charles de Gaulle, ou est-ce que nous avons virilisé l’image du Président, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy en Afghanistan – avec le succès que l’on sait – donc j’ai l’impression que la posture occidentale et notamment française s’est mâtinée de considérations électoralistes, qui nous ont amenés à prendre une posture qui a renforcé le régime, indirectement, en le libérant de la pression militaire de Daech, nous lui avons permis de se concentrer contre l’opposition utile, avec l’aide substantielle de Poutine. Donc nous nous retrouvons dans une posture où il n’a pas d’intérêt existentiel à négocier. Et donc, ça légitime, cela explique son arrogance relative : « je vais faire la liste, enfin, je vais faire faire par les Russes la liste des représentants de mon opposition ». Et donc, bien sûr, cette configuration ne nous permet pas à l’heure où nous parlons d’être optimiste sur l’issue de ces négociations.

    Trois jours plus tard, dans son billet de l’Obs, le même reprend son explication quasiment mot pour mot ; en revanche, cette histoire de « pression militaire de Daech contre le régime » s’exprime dans une forme tellement euphémisée que le sens n’en est plus du tout évident : Syrie : notre stratégie "tous contre Daech" est une impasse. Elle renforce Bachar Al-Assad
    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1473438-syrie-notre-strategie-tous-contre-daech-est-une-impasse-el

    Le difficile départ des négociations vient par dessus tout de confirmer que l’option française du « tous contre Daech, et seulement contre Daech » a envoyé à Bachar Al-Assad une bouffée d’oxygène telle qu’elle lui a permis de différer, en multipliant des exigences inacceptables, la solution d’alternance négociée à laquelle nous aurions dû nous employer à le pousser.
     
    Il fallait pour cela que le régime ait, autant que son opposition non djihadiste aujourd’hui écrasée sous les bombes russes, un identique intérêt existentiel à négocier. Or, le soulagement que lui ont apporté les armes françaises, en prenant sa place sur le front anti-Daech, a permis au président syrien de concentrer ses efforts répressifs, avec de surcroît le soutien décisif de la Russie, contre la seule opposition non djihadiste.
     
    C’est à l’affaiblissement militaire du régime, et non à son renforcement, fût-il indirect, que nous aurions dû œuvrer.

    (Merci à Houari Boumediene.)

    • Au passage, j’aime beaucoup la novlangue qui consiste à expliquer que notre ingérence ne serait pas de l’ingérence, mais seulement « un rééquilibrage de l’ingérence russe et iranienne massive ». Oh… (admiratif)