• Ma visite au Sénat,

    En ce mercredi 9 mars, j’ai décidé de ne pas aller à la manifestation contre la loi El Khomri car l’occasion m’était donnée de me rendre dans un des antres décisionnaires de notre Vème république : le Sénat. A l’ordre du jour de cet après-midi était inscrit un débat autour du revenu base auquel je voulais assister avec d’autres membres de mon association soutenant l’idée (Mouvement Français pour un Revenu de Base). Ce débat était précédé d’un examen de la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation adoptée par l’Assemblée nationale le 14 janvier dernier. Malheureusement pour le revenu de base, l’examen de la proposition de loi a duré plus longtemps que prévu et s’est tenu toute l’après midi. Mais le débat n’en fut pas moins intéressant et je souhaite ici partager ce dont j’ai été témoin, dans ce haut lieu de la démocratie française.

    La première impression en rentrant au Sénat est celle d’une coupure d’avec le monde de la rue, celui de notre quotidien : entouré du jardin du Luxembourg, le bâtiment respire la sérénité et le luxe. Nous sommes guidés consciencieusement jusqu’aux tribunes pour les observateurs. La salle de l’hémicycle est impressionnante, lambrissée, ornée de statues monumentales de Charlemange et Saint-Louis, le mobilier est en chêne, et une de mes collègue de dire pour résumer nos impressions :”ça dégouline de dorures, quand même”... Dans la salle, seuls 64 sénateurs sont présents sur les 348 sièges disponibles, donnant la sensation d’une salle de classe vide. Majoritairement des hommes, en costume, moyenne d’âge supérieure à 50 ans, la parfaite représentation du Français moyen, en somme. Autour d’eux grouillent une vingtaine de personnes chargés de s’occuper du bon déroulement de la séance, faisant circuler des missives en papier, ou décomptant, lorsqu’un scrutin public est réalisé, les bulletins qui avaient été déposés dans des urnes somptueuses prévues à cette effet. Tout ce remue-ménage me donnait l’impression saisissante d’être transporté dans un salon mondain du milieu du XIXème siècle. Ce qui n’est pas franchement un cadre idéal pour débattre des idées de demain, convenons-en.

    En contre-bas, nous pouvions observer les députés. La plupart discutaient entre eux ou tapotaient sur leurs téléphones, d’autres vaquaient sur leurs fils d’actualités Facebook et une sénatrice, brillante au demeurant mais dont nous ne citerons pas le nom, a réussi à débloquer quatre niveaux ardus sur Candycrush. Indemnisation pour ce dure labeur : 11 416 € nets par mois. Sans s’écouter attentivement, le débat entre sénateurs a été d’une lenteur injustifiée. Le processus de discussion en lui même était pauvre, presque archaïque, et m’a donner l’impression d’un amateurisme indigne à cet échelon décisionnel de notre pays. Quand au contenu des pourparlers, ils avaient environ le même niveau que n’importe quelle discussion entre amis un temps soit peu sérieuse. Des argumentations approximatives, se basant sur des chiffres quelquefois faux (et croyez moi, je suis bien renseigné sur le fond du débat, ayant réalisé un mémoire sur la thématique de l’éthique dans l’alimentation) étaient lancées dans des interventions parfois pertinentes, mais souvent répétitives, et sans grand intérêt pour faire avancer le débat. Sans compter les quelques altercations puérils entre politiciens, se renvoyant la balle pour savoir finalement qui l’emportera dans un combat d’ego assez affligeant. Certes, des interventions étaient pleines de bon sens, et quelque fois l’art oratoire s’est vu déployé avec finesse, mais les trois heures que nous avons passées dans l’hémicycle m’ont laissé un goût amer. A titre d’exemple, ces personnes, qui discutaient aujourd’hui d’un sujet pleinement ancré dans l’actualité et le quotidien des gens, n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour instaurer un objectif de 20% de part du bio dans les restaurants collectifs.

    La première impression que j’ai eue en entrant au Sénat s’est maintenue et renforcée lorsque j’en suis sorti : celle d’une coupure d’avec notre réalité, celle de la rue et de notre quotidien. Mais s’y est également ajoutée celle d’être représenté par des gens ordinaires, pas des plus brillants, et sûrement pas les plus enthousiastes quand on sait la noble mission qu’ils ont de voter les lois qui régissent la vie de près de soixante-huit millions de Français. Il suffit de regarder les images du parlement Espagnol, où les représentants de Podemos montent à la tribune en jean avec un franc-parler et emprunts d’une vigueur à la hauteur de leur responsabilité pour reprendre espoir. Il serait temps de déloger nos hommes politiques moulés aux mêmes enseignes de leurs confortables fonctions pour les remplacer, enfin, par des gens comme la plupart d’entre nous qui souhaitent s’investir à la construction de la France de demain : simples, volontaires et enthousiastes. 2017 n’attend que nous.

    Sébastien Shulz
    Étudiant en M2 de Philosophie à Paris 1 - Panthéon Sorbonne

    Pour aller plus loin : http://www.mavoix.info / https://laprimaire.org / http://baztille.org https://www.parlement-et-citoyens.fr et bien d’autres…

    • En contre-bas, nous pouvions observer les députés. La plupart discutaient entre eux ou tapotaient sur leurs téléphones, d’autres vaquaient sur leurs fils d’actualités Facebook et une sénatrice, brillante au demeurant mais dont nous ne citerons pas le nom, a réussi à débloquer quatre niveaux ardus sur Candycrush. Indemnisation pour ce dure labeur : 11 416 € nets par mois. Sans s’écouter attentivement, le débat entre sénateurs a été d’une lenteur injustifiée. Le processus de discussion en lui même était pauvre, presque archaïque, et m’a donner l’impression d’un amateurisme indigne à cet échelon décisionnel de notre pays. Quand au contenu des pourparlers, ils avaient environ le même niveau que n’importe quelle discussion entre amis un temps soit peu sérieuse. Des argumentations approximatives, se basant sur des chiffres quelquefois faux (et croyez moi, je suis bien renseigné sur le fond du débat, ayant réalisé un mémoire sur la thématique de l’éthique dans l’alimentation) étaient lancées dans des interventions parfois pertinentes, mais souvent répétitives, et sans grand intérêt pour faire avancer le débat. Sans compter les quelques altercations puérils entre politiciens, se renvoyant la balle pour savoir finalement qui l’emportera dans un combat d’ego assez affligeant.

      Les Ors (durent) de la Raie-Publique

    • Certains écrivent même des livres. Le député Nicolas-Dupont-Aignan en sort un prochainement : « France ! lève toi et marche »
      J’ai entendu ça ce matin au réveil. Ni une ni deux, je suis retourné me coucher direct !