• L’Islamophobie en France de 2015 à 2016 : comparer ce qui est comparable | CCIF - Collectif contre l’Islamophobie en France

    http://www.islamophobie.net/articles/2016/05/10/islamophobie-2016-par-rapport-2016-comparer-ce-qui-est-comparable

    Le Ministère de l’Intérieur, par l’entremise de Bernard Cazeneuve s’est félicité hier que « 80% des actes antisémites et antimusulmans ont baissé au premier semestre de 2016 comparée au premier semestre de l’année 2015 » lors d’une réunion des amis du CRIF. 

    Si le CCIF a constaté une baisse de 55,5% des actes islamophobes entre ces deux périodes, nous mettons en doute la conclusion tirée par le Ministre de l’Intérieur sur la régression supposée « rassurante » de l’islamophobie en France. 

    Des précisions s’imposent afin d’aboutir à une lecture de l’évolution du phénomène islamophobe qui soit au plus proche de la réalité. 

    D’entrée, c’est une erreur d’analyse statistique élémentaire que de prendre l’année 2015 comme année de référence pour conclure que le phénomène islamophobe est en baisse en 2016. 

    C’est l’explosion des actes islamophobes à la suite des attentats de Janvier 2015 qui explique cette amplitude numérique (et donc un retour à une tendance de fond, s’exprimant sous la forme d’une baisse arithmétique).

    Cette « anormalité » statistique s’illustre aussi par la violence des actes de haine que nous avons enregistré durant cette période : 21 agressions physiques ont ciblé des citoyens français en raison de leur appartenance réelle ou supposée à l’Islam et 33 lieux de culte ont été profanés.

    Nous n’avions jamais enregistré autant d’actes de cette nature lors d’une période aussi courte en 13 ans d’existence.

    Autre problème, le Ministère de l’intérieur ne prend en compte que les plaintes et les mains courantes pour menaces et actions. Les discriminations sont de fait absentes des statistiques de la Place Bauveau. Pour illustration, sur les 588 cas de discrimination enregistrées en 2015, seuls 20 ont donné lieu à un dépôt de plainte. 

    Cela pose d’autant plus problème que les victimes d’islamophobie sont rarement promptes à déposer plainte. Plus problématique, nous avons également noté à plusieurs reprises que certains agents de police dissuadent des victimes de déposer plainte. 

    Ce problème des plaintes refusées par les commissariats de police avait d’ailleurs été évoqué par Mr Bernard Cazeneuve lui même lorsqu’il s’était engagé à envoyer une note de rappel pour qu’ils acceptent les plaintes des victimes. 

    En réalité, ce vide statistique pose un problème majeur dans l’analyse du phénomène islamophobe en France, sa spécificité se traduisant par une institutionnalisation du phénomène et ce, à deux niveaux : d’une part dans le leadership, à travers des discours de haine au plus haut niveau de l’Etat, validant le rejet à l’égard des musulman-e-s, d’autre part dans la phénoménologie, puisque plus de deux tiers des discriminations ont lieu dans des services publics.

    Or, dans ces deux registres spécifiques à l’islamophobie en France, nous ne saurons conclure en une « baisse rassurante ». 

    La multiplication des discours islamophobes dans les espaces publics a été dénoncée début mars par dans un rapport du Conseil de l’Europe. Ne l’oublions pas, ce sont les discours des représentants des institutions et des médias qui font le lit d’un racisme qui s’exprime, de plus en plus violemment, dans la société française. 

    Et chaque semaine apporte son lot de propos dangereux prononcés au plus haut sommet de l’Etat, répétés et soutenus au sein de la classe parlementaires, des haut fonctionnaires et des médias mainstream, qui, loin de se positionner en contre pouvoir ou du moins, en contradicteurs, s’en font les relais voir même les chambres d’écho.

    La semaine dernière, le Premier Ministre a une nouvelle fois tenu à se faire entendre sur l’opinion qu’il se fait des musulmanes, particulièrement des femmes voilées, en répétant qu’il voulait interdire le voile à l’université. 

    La dite opposition, n’est pas en reste, non satisfaite de l’exclusion programmée des citoyens de confession musulmane, la voilà s’attelant à un nouveau projet de loi visant à encadrer les écoles privées musulmanes

    Le 30 mars dernier, c’était une ministre du gouvernement qui avait réussi l’exploit de rassembler plus de 400 plaintes contre elle pour des propos racistes et islamophobes. Rappelons-le, elle avait comparé les femmes voilées à des « nègres afric..américains pour l’esclavage » sur les ondes de RMC. 

    Le chef de l’Etat et le Premier Ministre avaient également soutenu le projet de loi sur la déchéance de nationalité pour les binationaux.

    Le gouvernement adopte ainsi une méthode comptable pour parler d’un phénomène sociétal qu’il nourrit et auquel il refuse de faire face. 

    Les deux dernières campagnes #TousUnisContreLaHaine et celle contre les discriminations, faites de clichés et de « sensibilisation » après des décennies de racisme strutcturel, démontrent le refus d’agir de manière concrète contre le phénomène.

    Nombre des discriminations que nous enregistrons pourraient être évitées avec un simple effort de prévention auprès des agents de la fonction publique. 

    Certes, nous avons constaté une baisse de 55,5% des actes islamophobes par rapport au premier trimestre de 2015, mais aboutir au même pic de violence islamophobe en ce début 2016 dans un climat de plus en plus préoccupant serait un indice très inquiétant. 

    Mais là où Mr Bernard Cazeneuve se distingue, c’est par sa reconnaissance que la situation est loin d’être idyillique et que les problèmes de fond persistent malgré les déclarations comptables.