• Phallo logos version française | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2016/05/21/phallo-logos-version-francaise

    « Flamby », « Bâton de Berger »,… les métaphores publicitaires rappellent l’identité phallique des personnages politiques français. Le sexe masculin et la fonction politique ne font qu’un et doivent exprimer une force incarnée, démonstrative, auprès de tous ceux que les individus qui détiennent ce sexe/fonction représentent ou dirigent. Il s’agit de donner l’exemple – puissant, stable, « qui en a » –, de viser l’auto-identification du Français, victime de la crise, en perte de repères, etc. En opposition aux « histoires de bonnes femmes », sous-entendues futiles, insignifiantes, sans poids, cette force incarne le pouvoir politique et plus elle est sexuelle, plus elle est haut placée. Ou inversement. L’homme politique en position de prendre des responsabilités d’État doit avoir une sexualité « normale » et les deux – responsabilité et sexualité – font la paire. La normalité de cette sexualité se mesure à sa virilité. Cette virilité se doit de s’exprimer librement, sans obstacle et par tous les moyens, très majoritairement sur le terrain hétérosexuel. Plus l’appropriation du corps des femmes est aguerrie, plus la formule est aboutie. Violer, agresser sexuellement, harceler, faire des blagues salaces à longueur de journée et publiquement, font partie de l’arsenal quotidien, sans qu’aucune hiérarchie criminelle n’interfère. L’homme politique se sent dans son bon droit, tout simplement.

    Empêcher l’expression de cette sexualité masculine revient à nuire à la raison d’État. L’omerta est alors de mise, bon fonctionnement de la maison oblige. Si, à l’occasion, sans nul doute politique, les engrenages de la machine se rouillent, deux attitudes se révèlent : masculiniste et antisexiste. D’un côté, on ignore les faits – la majorité des parlementaires – ou plus grotesque, on s’effarouche de l’agression faite à l’homme politique dans la libre expression de sa sexualité, on le plaint, on souhaite qu’il soit rétabli dans son bon droit, victime qu’il peut être d’un système législatif oppressif – Boutin et ses acolytes. De l’autre, on manifeste soudainement un ras-le-bol – de la honte aussi –, au coude à coude, par media interposés, ouvrant la porte à des amalgames entre viol, harcèlement sexuel et blagues « un peu lourdes » – la tribune des dix-sept anciennes ministres, les témoignages des élues EELV.

    Dans les deux cas, on assiste publiquement à ce qui s’organise au quotidien et depuis longtemps dans les tribunaux, à savoir à un glissement des termes – viol/agression/harcèlement – et à une disqualification des crimes liés aux violences faites aux femmes. Heureusement l’AVFT est là pour nous rappeler cette aberration démocratique, mais qui lit les conclusions de ce travail exemplaire ? Par ailleurs, l’ex-vice-président de l’Assemblée nationale siège toujours, les élus EELV changent de parti mais ne demandent pas une application de la loi au sein-même de l’hémicycle ou en leur sein – les partis politiques n’ont pas l’obligation légale de sanctionner leurs élus ou leurs militants –, les hommes restent majoritaires au Parlement, etc., si bien que l’impunité des criminels, tant décriée ces derniers jours, risque de durer.

    Avec l’affaire Baupin, on aura gagné une bataille, celle de voir enfin remplacer les terminologies misogynie, machisme,… ou déviance sexuelle, par le mot sexisme, dans les colonnes des journaux, sur les tweets, dans les bouches des présentateurs TV. Ça fait du bien. Mais le soufflé peut vite retomber si on n’ajoute pas le mot masculiniste pour caractériser ce système politique sclérosé et si on n’oppose pas une vision féministe des faits : les identités de genre, les hiérarchies sexuelles, les rapports de domination, en n’étant pas remis en cause, demeurent et se renforcent. Le défi politique pour bousculer cette institution reste énorme.

    Joelle Palmieri, 20 mai 2016

    #féminisme #culture_du_viol #masculinisme