Arsenine Lupiac

Venimeuse laideur de l’être

  • Alexandre Benalla, se donner pour la France - Brave Patrie
    http://bravepatrie.com/editorial/alexandre-benalla-se-donner-pour-la-france,2034

    L’un des principaux enseignements de ladite « affaire Benalla », c’est que le courage, l’abnégation et le don de soi sont des qualités bien mal récompensées — voire ouvertement méprisées par la chienlit cryptotrotskiste — dans la France du XXIe siècle en marche.

  • Les 400 culs - Abolissons toute #identité sexuée !
    http://sexes.blogs.liberation.fr/2015/06/15/il-faudrait-supprimer-madame-et-monsieur
    Le fait de supprimer les notions de race ou de religion des documents administratifs n’as pas supprimé le racisme ou l’intégrisme... mais, j’ai toujours pensé que c’est tout de même une bonne idée d’en finir avec le sexe officiel, ce serait-ce que pour tous les intersexués et trans qui sont dans la merde à cause de ce classement archaïque.

    Le héros du roman défend une idée plus radicale : il faudrait éliminer les #sexes de l’état civil. « De la maternelle au baccalauréat, l’école est mixte, les enfants sont élevés ensemble, sur des programmes communs, avec des examens communs. Il est révolu le temps où, pour obtenir le certificat d’études, les filles devaient subir une épreuve de couture et les garçons de travaux manuels. À la majorité, qui est la même pour tout le monde, il n’y a plus en France de service militaire. Tous les citoyens de plus de dix-huit ans ont le droit de vote et paient leurs impôts de la même manière. […] Ainsi, dans de multiples composantes de la vie publique, la République se passe très bien de connaître le sexe des individus. Pourtant, on le fait toujours figurer à l’état civil. Au nom de quoi ? ».

  • Contre l’amour
    https://infokiosques.net/imprimersans2.php?id_article=158

    « On ne dit pas « avec untel il y a des bisous, de l’écoute et de la complicité » ou « avec unetelle il y a un peu de sexualité et beaucoup de rires », on dit « avec untel il y a de l’Amour » ou « avec toi c’est juste de l’amitié » . On classe nos relations dans deux cases très réductrices. Et ces deux cases ne sont pas équilibrées, loin de là. « L’amitié » recouvre une énorme variété d’échanges affectifs. « L’Amour » , lui, n’est rien d’autre qu’un point culminant, une totalité, l’amitié au centuple, l’amitié à l’extrême. Il est à la fois énorme et rarissime. »(Permalink)

    #polyamour

  • Quelque chose en plus

    C’est un petit bout de femme. Au propre comme au figuré. À moins que ce ne soit une femme à laquelle il manque des bouts.
    Mais elle ne se vit pas comme ça. Non pas qu’elle le refuse, le nie, le cache. Pas plus qu’elle ne le porte en étendard, qu’elle s’en revendique.
    Ça ne la définit pas. Ça ne la réduit pas. Ça la gêne. Ça l’emmerde. Ça finira peut-être par la tuer avant l’heure. Mais elle refuse de n’être que cela, tout en acceptant que ce soit une partie d’elle.

    Toute la vie qui n’a pas pu investir ses jambes et son bassin atrophiés s’est concentrée dans son torse de nageuse et son regard pénétrant. Et dans son rire aussi. C’est fou ce qu’elle peut rire. Un bon gros rire même pas beau mais heureux de gonfler, d’exploser et d’occuper tout le quartier.

    Elle aime bien rencontrer les gens debout, même s’il lui en coûte, entre les prothèses qui meurtrissent ses membres presque embryonnaires et les béquilles sur lesquelles elle doit s’appuyer lourdement. Elle débusque les regards fuyants, la pitié pincée, les gentillesses trop démonstratives.

    Parfois ses organes internes inachevés ou atrophiés la lâchent subitement et elle passe des semaines ou des mois à l’hôpital en espérant que les chirurgiens feront un miracle de plus. Juste un peu plus de temps. Du temps pour ses amis. Du temps pour sa famille. Du temps pour son couple.

    Elle sait qu’il y a des tas de gens qui se demandent ce qu’il fout avec elle. S’il n’est pas un peu pervers d’aimer quelqu’un d’aussi handicapé qu’elle.
    Comme si elle n’était pas assez bien pour être aimée comme elle est.

    Eux, ils ont quelque chose en moins, mais ça ne se voit pas.

  • « #Mots_doux », un projet qui donne du corps aux remarques sexistes entendues dans les rues de #Nantes.

    Cela peut paraître étrange, mais en s’approchant d’un peu plus près des devantures, des façades, des vitrines…, on remarque des messages collés qui expliquent la démarche d’une lycéenne.

    SWEG retranscrit les remarques sexistes qu’elle entend dans la rue et de les affiche aux endroits même où elles ont été lancées.

    Une démarche qui pourrait se transposer un peu partout.

    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/675903_w1020h450c1cx451cy448.jpg?w=920&h=405
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/1.png?w=788&h=594
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/2.png?w=788&h=591
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/3.png?w=788&h=590
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/4.png?w=788&h=485
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/5.png?w=788&h=590
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/6.png?w=788&h=589
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/7.png?w=788&h=592
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/8.png?w=788&h=590
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/9.png?w=788&h=593
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/10.png?w=788&h=593
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/11.png?w=788&h=593
    https://sanscompromisfeministeprogressiste.files.wordpress.com/2015/06/12.png?w=788&h=596

    https://sanscompromisfeministeprogressiste.wordpress.com/2015/06/02/une-lyceenne-nantaise-placarde-les-phrases-sexistes-entendues-dans-lespace-public
    #sexisme #dénonciation #sexisme_ordinaire

  • Carnets du réveil | TANXXX
    http://tanxxx.free-h.fr/bloug/archives/7904

    lassée de mon #dessin, lassée de mon propos, bref, saoulée de tout, un beau jour je me suis mise à dessiner en roue libre, comme je le fais habituellement dans mes carnets mais ce coup ci en laissant – autant que possible – ma tête de côté. La méthode pourrait être assez proche du dessin automatique sans en être vraiment (c’est difficile), et se rapproche encore plus du cadavre exquis, sauf que je suis seule à participer. Je fais ces dessins au réveil, d’où le nom. Parfois je les continue en journée, toujours en tous cas dans une sorte de torpeur lasse, c’est mon côté poète maudit. En attendant de leur trouver un support imprimé adéquat, je les mets ici.

  • Je viens juste de tomber sur le blog « Les fesses de la crémière » et je dois dire que je suis surprise (agréablement) par les articles et les commentaires qui, même s’ils abondent dans le sens de l’auteur généralement, montrent qu’il peut y avoir de nombreux modèles de couple (et de vie par extension, ou peut-être l’inverse). En tout cas, à parcourir, c’est beaucoup de bon sens (contrairement au « bon sens » qu’on voudrait nous imposer, et qui n’a de sens que la normativité de l’individu, en tout cas c’est mon impression).
    Les articles sur l’exclusivité sont très rationnels (ce qui est preuve que la rationalité, même en amour peut casser les codes actuels). Ils ont le mérite, non pas de convaincre ou de tenter de convaincre le lecteur, que de démocratiser la simplicité d’un choix de vie différent de celui qui semble « normal ».
    On apprend beaucoup de choses, surtout sur soi, beaucoup sur sa moitié (qui finalement est juste un +1) et sur le fonctionnement par couple en général.

    https://lesfessesdelacremiere.wordpress.com

  • N°60 Dossier Sexe - Revue À bâbord !
    https://www.ababord.org/Sexe

    Comment expliquer que dans une société supposée libérée, émancipée et tolérante nos sexualités soient encore marquées par la méconnaissance, voire la violence ? Un élément de réponse est certainement la suppression des cours d’éducation sexuelle dans les écoles au début des années 2000. Mais aussi la présentation médiatique, culturelle, sociétale, pornographique d’une sexualité normée, stéréotypée, étroite – au détriment de la diversité des vécus qui sont de fait invisibilisés, marginalisés. Le script sexuel par défaut implique des individus hétéros, cisgenres [2], blancs, jeunes, sans handicap, minces, dont les pratiques sexuelles sont basées sur la pénétration et la performance, qui culmine en orgasme simultané. Loin de représenter la sexualité telle qu’elle est vécue par la majorité d’entre nous, ce « scénario idéal entre personnes idéales » prend racine dans divers systèmes d’oppression (sexisme, racisme, capacitisme [3], colonialisme, hétéronorme…) qui participent à la construction de nos fantasmes, de nos relations, de nos intimités. Qui contribuent à établir quelles sexualités, quels corps, quels types de relations sont socialement acceptables, valides. Ces systèmes d’oppression affectent le destin de communautés entières : les femmes et les mineur·e·s, dont la sexualité et le désir sont considérés subalternes, et qui sont les principales victimes d’agressions sexuelles ; les personnes racisées et autochtones, qui sont stéréotypées et hypersexualisées ; les personnes handicapées, dont on nie, voire empêche la sexualité ; les personnes non hétérosexuelles, encore victimes d’intimidation, de violence, etc.

    La sexualité est politique. C’est un espace qui doit être investi politiquement. Et positivement. Car trop souvent les discours sur la sexualité ne font que dénoncer : la pornographie, l’hypersexualisation, les agressions ou les enjeux de santé publique. Il est nécessaire de produire des discours positifs sur la sexualité, avec une perspective politique, pour repenser nos intimités, notre rapport à nous-mêmes et aux autres. Il faut connaître les corps, leurs mécanismes, leurs réactions pour déconstruire les catégories arbitraires et les complexes liés à nos morphologies. Il faut pouvoir parler de/montrer les sexualités telles qu’elles sont vécues par la plupart d’entre nous, avec nos corps parfois croches, gras ou douloureux, nos traumas, nos fantasmes et nos configurations relationnelles diverses. Il faut créer des outils, offrir des ressources qui vont nous accompagner dans la découverte et l’évolution de nos sexualités, sans jugement. Bref, il faut s’outiller individuellement et collectivement afin que nos sexualités soient des espaces de plaisir et d’émancipation. Les contributrices et contributeurs à ce dossier, dans leurs différents domaines, œuvrent en ce sens.

    Dossier : Sexe

    Introduction / Pinote

    La sexualité : un champ de recherche universitaire / Sara Mathieu-C., Martin Blais, Joanne Otis

    Biologie, sexe et compétitions sportives / Pinote

    Clitoris, vagin, plaisir...

    Une éducation sexuelle pour les jeunes, par les jeunes / Entretien avec Gabrielle

    Sexe et liberté / Entretien avec Anne Archet

    Une boutique érotique, vue de l’intérieur... / Mélanie Dion

    Pourquoi je suis devenue une pornstar / Loree Erickson

    L’asexualité. Redéfinir l’amour et le sexe / Charlotte Poitras

  • La revue lesbienne Well Well Well a été entièrement rédigée selon des règles de #grammaire égalitaires
    http://www.huffingtonpost.fr/2015/06/06/revue-lesbienne-well-well-well-regles-grammaire-non-sexistes_n_751191

    De quoi s’agit-il ? « Adjectif et participe passé s’accordent en genre et en nombre avec le dernier terme d’une énumération. S’il y a plusieurs substantifs ou groupes nominaux sujets, l’accord se fait avec le plus proche », explique la charte de Well Well Well. Si cela a l’air compliqué, en fait, ça ne l’est pas. Par exemple, au lieu de dire « les hommes et les femmes sont géniaux », il faudrait écrire « les hommes et les femmes sont géniales », l’adjectif « génial » s’accordant avec le dernier groupe nominal « les femmes ».

    Surtout, cet accord n’est pas une élucubration féministe. Il était d’usage avant que certains grammairiens en décident autrement. Un argument historique que les quarante gardiens de l’Académie française ne sont pas prêts à entendre. Car comme le souligne un article du Monde publié en 2012 suite à la pétition féministe, l’Académie n’aime pas les révolutions. « La règle de l’accord de l’adjectif est d’un usage constant depuis trois siècles, et je n’ai pas l’impression qu’elle fasse l’objet de débats chez les grammairiens, ni que l’usage, chez les Français, soit hésitant », expliquait alors Patrick Vannier, chargé de mission au service du dictionnaire de l’Académie. « L’Académie ne cède pas aux modes, elle s’inscrit dans la durée », ajoutait-il.


    Pour la bande de filles derrière Well Well Well, c’est néanmoins tout sauf une mode. « Il faut se rendre compte que ce n’est pas un détail. L’idéologie derrière la langue est sexiste », insiste Marie Kirschen. C’est pourquoi, quand elle a proposé à l’équipe de bâtir ce deuxième numéro avec une autre grammaire et en réhabilitant plusieurs règles de formation des noms féminins, l’enthousiasme s’est fait sentir. « On était tout de suite emballées », nous confirme Mathilde Fassin, journaliste, auteure pour ce magazine de l’article « ’Le masculin l’emporte sur le féminin’, vraiment ? » et de la charte, que Well Well Well nous autorise à publier dans cet article :

    #égalité #sexisme #les_mots_sont_importants

  • Solitude

    Elle est seule. Et rien ne l’exaspère plus que la compassion des autres à ce sujet.
    Elle a toujours été seule, comme une évidence.
    Déjà, petite, les jeux et les passions des autres enfants la plongeaient dans un ennui profond. Elle n’avait pas envie de faire meute. Pas envie de s’intégrer. Ni même de faire semblant d’être la rebelle de service. Non, juste qu’on lui fiche la paix.

    Elle a toujours préféré les animaux aux hommes. Elle n’a jamais voulu d’enfants. Même jouer à la poupée l’insupportait.
    On l’a traitée de gouine. De frigide. De vieille fille.

    Elle a aimé. Quelques hommes. Aussi profondément et totalement qu’elle peut être entière.
    Elle a toujours été déçue. Par leur faiblesse, leurs lâchetés.
    Maintenant, elle se contente des coups d’un soir, pas terribles mais pas décevants non plus.

    Pour ses quarante ans, elle s’est offert une stérilisation.
    Elle voulait le faire avant, mais il y avait toujours un crétin pour prétendre qu’elle finirait par le regretter un jour.
    Il y a toujours un crétin pour mieux savoir qu’elle ce qu’elle veut faire de sa vie.

    Alors elle préfère rester seule.

  • Si tu m’aimes...

    Si tu entends ça, fuis. Surtout si c’est pour toi. Surtout si ça vient de quelqu’un que tu aimes. Surtout si ce quelqu’un prétend t’aimer.

    Ferme les yeux, bouche-toi les oreilles, hurle s’il le faut, mais n’écoute surtout pas la suite.

    N’aie ni regrets, ni peine, ni nostalgie. Tu ne rates rien, tu ne perds rien, tu te donnes une meilleure chance, une meilleure vie.

    L’amour ne s’énonce pas au conditionnel. Jamais.
    S’il le fait, c’est que ce n’est pas de l’amour, mais du pouvoir. Du chantage. De la manipulation.

    L’amour n’enferme jamais.
    Il te libère ou il n’est qu’une mascarade.

  • Le joueur

    Tous les samedis soirs, ça le dévore et ça l’entraîne en haut de la colline qui brille comme un phare dans la nuit.

    C’est plutôt comme le chant des sirènes. Une attraction solide comme un élastique tendu à la limite de la rupture. Il s’est déjà cherché des excuses et des raisons. Il a même pensé à se faire interdire de casino. Plusieurs fois. À chaque fois, en fait. Mais c’est plus fort que tout.

    Ce ne sont pas les lumières. Il les voit à peine. Ni le bruit de l’argent qui coule et des machines inlassables. Pas plus la foule indifférente et fébrile. Ce n’est surtout pas l’argent. Les autres pensent que c’est pour l’argent. L’argent n’est important que pour les banquiers et les propriétaires du casino.

    Non, il vient, fébrile, inlassable pour briser le hasard. Ce hasard absurde et aveugle qui gouverne sa vie et toutes les autres. Ce hasard stupide qui fait qu’on change de vie sans jamais le savoir, juste parce que ce jour-là, il pleuvait ou que cet autre, il avait envie d’aller au cinéma. Pour défier le destin. Pour cracher à la gueule de Dieu, éventuellement.

    Trouver la logique, la faille, la méthode. Repérer la machine qui va donner. Renifler les trajectoires invisibles de la chance. Anticiper la physique qui propulse la boule dans une case et une autre et encore une autre.

    Il vient surtout pour se prouver qu’on peut maîtriser sa vie. Ne pas subir, mais choisir, anticiper. Qu’il n’est pas un pion sur un échiquier trop grand pour lui, mais qu’il est la main qui distribue les points et ramasse les mises dérisoires de l’existence.

  • Inutile

    La technologie l’a rattrapée pour ses 55 ans. D’un seul coup, son métier n’existe plus.

    Pourtant, ce n’est pas rien, un métier. Il faut souvent des années pour commencer à le maîtriser, entre la formation à l’école et celle sur le tas.

    Son grand-père lui racontait que c’était l’œuvre d’une vie et, souvent, de plusieurs vies, comme une longue chaîne qui traverse le temps. Il tenait son métier de son père qui le tenait lui-même du sien. L’apprentissage commençait avant même de sortir de l’enfance et se poursuivait tout au long de la vie. Une histoire de famille.

    Son père lui racontait qu’un métier meurt avec celui qui le maîtrise. Lui, il a vécu la mort des métiers, la fin de la transmission.

    Mais pour elle, c’est trop tôt : voilà que son métier a disparu avant elle. Avant même qu’elle arrive au bout de sa vie de travail. D’ailleurs, il n’y a plus de métier, tout juste des carrières. Chacun cherche à jongler d’un métier à l’autre sans se faire rattraper par ce que l’on appelle aujourd’hui l’obsolescence. Pas celle des objets. Celle des gens. La sienne.

    Elle n’a plus de métier. Elle devrait vendre ses compétences. Mais elle n’est pas vendeuse non plus.
    Jusqu’à présent, vendre, c’était aussi un métier.

    • L’entreprise de dépossession.

      http://www.laviedesidees.fr/L-entreprise-de-depossession-3054.html

      Et aussi : http://agone.org/lyber_pdf/lyber_401.pdf - P73
      Chronique des luttes.
      Premier volet. Un métier dans les luttes. Entretien avec Jacques Toublet. Propos présentés par Franck Poupeau.
      Sur la disparition du métier de correcteur et comment la CGT a favorisé l’émergence de syndicats d’industrie en fédérant les syndicats de métier par secteurs d’activité.
      Les arguments ne manquent pas aux correcteurs pour réaffirmer leur volonté de préserver cette forme
      collective : d’une part, parce que la réorganisation de l’outil syndical en dehors du métier oublie l’importance, dans nombre de structures à base
      industrielle, des luttes pour la qualification et la formation ; d’autre part, parce que la régression du syndicalisme de métier a eu pour effet
      d’affaiblir l’engagement dans les luttes, entraînant l’apparition, en marge des syndicats, de coordinations détentrices d’un savoir-faire (infirmières, agents de conduite SNCF , etc.) mal représentées en l’absence de syndicats de métier. Ensuite, un mouvement organisé par catégories peut mobiliser plus d’adhérents sur des revendications déterminées, et
      bloquer à lui seul la production
      2 . Si la notion de métier a disparu du
      vocabulaire managérial moderne au profit de celle d’emploi, c’est que la promotion de « compétences » permet de favoriser « l’employabilité » et la « flexibilité » – on peut ainsi se demander pourquoi la CGT n’a rien fait, à la fin des années 1990, pour empêcher la liquidation des derniers
      syndicats de métier. De plus, c’est le métier lui-même qui est attaqué avec l’introduction des nouvelles technologies. Alors que le développement fulgurant des« industries de la communication » et du numérique bouleverse les processus de fabrication des imprimés, ces innovations permettent l’accélération des concentrations d’entreprises et l’embauche massive de
      salariés en situation précaire. En effet, les modifications du processus de
      fabrication font disparaître les frontières professionnelles qui délimitaient auparavant les fonctions de chaque salarié qualifié, entraînant la
      disparition de nombreux postes – le syndicat des correcteurs est passé en moins de dix ans de plus de mille adhérents actifs à un peu moins de cinq cents."

    • Il me semble qu’il faille d’abord situer le travail, le métier ou l’emploi dans son cadre, le capitalisme. Ce qui permet d’aborder une approche plus radicale du travail - la critique de la centralité du travail du monde capitaliste.

      On vient de me faire connaître l’existence du livre de #Moishe_Postone, au sujet duquel #Dominique_Meda a écrit un article :

      http://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2010-2-page-175.htm

    • Mais cela dit, la disparition des métiers a peut-être un rapport avec le fait que le capitalisme tend à rendre le travail et la production complètement abstraits, par la taylorisation, la spécialisation, ou l’automatisation. Et à rendre le travail manuel ou humain obsolète ou inutile.

      Ce qui compte n’est pas l’artisan, mais l’objet marchand que je peux acheter avec la valeur produite par mon travail abstrait.

  • Pilier

    Il ne se presse pas vraiment, mais ne dévie pas de sa route. Fidèle au poste, au rendez-vous, par tous les temps, par tous les moyens. Des années que sa carcasse trouve toute seule le chemin, dans un sens comme dans l’autre.

    Quand il était commerçant, il collait une pancarte sur la vitrine et il y allait. Les clients s’étaient habitués aux 10 minutes à rallonge, à la joie molle des fins de journées. Pas lui. Le seul truc qui le tient toujours en vie, c’est le rendez-vous avec les copains, tous les jours, même si, avec le temps, les copains aussi ont changé.

    Le seul qui ne change pas, c’est le besoin. Bien plus que l’envie. C’est l’appel des tripes, de la bouche sèche et de la tête vide. Il ne boit pas pour oublier, mais juste pour rendre la vie un peu moins imbuvable.

  • "Tu ne trouves pas qu’on est bien ensemble ?"

    Il est vautré sur les oreillers, la bite déjà molle et toujours luisante, avec l’air d’être arrivé premier au marathon de New York.

    Ça finit toujours comme ça. Avec ce sourire satisfait qui se croit engageant et qui raconte les Charentaises, le marcel et les pets au lit. Elle ne va même pas prendre le temps de doucher leurs sueurs ni de lui répondre. Elle n’a rien à répondre. Ce n’est pas comme si elle l’avait choisi pour sa conversation.

    Elle ne comprend pas cette obsession de vouloir ranger dans le même corps un amant inlassable, un mari attentif et un ami fidèle. Elle a toujours pensé que ça revenait à vouloir chevaucher des licornes. Un fantasme idiot qui rend la plupart des gens malheureux.

    Il est rare qu’un mec avec un beau petit cul et des sourires enjôleurs ne finisse pas un jour par traîner sa décrépitude en famille, en jogging, dans un Bricorama du dimanche. Et ce n’est pas avec ce genre d’homme qu’elle a envie de partager ses tartines le matin ni discuter de politique internationale le soir.

    C’est aussi idiot que de vouloir kidnapper son meilleur ami dans une relation incestueuse et d’emménager avec lui jusqu’à ce que mort s’en suive.

  • Cantine
    C’est un hôtel-restaurant à l’écart des circuits touristiques et des pistes aux étoiles. Il est presque laid à force de banalité. Il se fond dans le voisinage anonyme et grisâtre, comme s’il était déjà oublié. Et pourtant, dans l’arrière-cour ne se pressent que de grosses cylindrées.

    Le #restaurant fait penser à une salle à manger des années 70, avec son papier peint à grosses fleurs et son gros buffet de bois sombre assorti à une table longue comme un jour sans pain. Entre les cuisines et la table unique, deux vieilles sœurs renfrognées et moustachues font la navette. Ici, pas de carte, ni de menu, pas même une ardoise du jour. Des hommes riches et puissants prennent la place qui leur est attribuée d’un revers de louche et attendent la ronde des plats en discutant à voix basse.

    Pas de service à l’assiette, mais des plats où chacun se sert sous l’œil sévère de la matrone. En fait de gastronomie de haut vol, une cuisine rustre quelque part entre la cantine et le dimanche chez les grands-parents. Celui qui ne finit pas sa macédoine mayonnaise se fait rudement rappeler à l’ordre, il est interdit de faire l’impasse sur la salade de betteraves qui colore l’urine en rose fushia.

    Après un café-filtre Melitta®, les plus sages auront un fruit macéré à l’alcool sorti d’un bocal au verre stratifié par des années de pêches et de remplissages. L’addition se règle à l’écart, comme une chose un peu honteuse et les hommes riches et puissants sont rendus à leur vie d’artifices et de domination, en attendant un nouveau rendez-vous secret avec les saveurs brutales et douces d’une enfance depuis longtemps disparue.

  • Conversions

    Quand il te parle, son regard fixe toujours un point situé juste au-dessus de tes cheveux. Quand tu n’es pas habitué, tu as l’impression qu’il parle à un fantôme derrière toi. Après tu te dis que c’était une stratégie pour déstabiliser les patrons à l’époque où on pouvait encore leur parler entre 4 yeux.

    C’est qu’il vient de cette époque pourtant pas si lointaine où les cheminées des usines enveloppaient la vallée d’un luxuriant manteau noir. Du temps de la fierté ouvrière, de la camaraderie virile qui descendait du gros rouge pour se donner des forces et secouait le bureau du patron pour se donner une vie meilleure.

    Il était le camarade syndicaliste, droit dans ses bottes, raide comme la justice de classe. Il était le roi des piquets de grève, le défenseur des travailleurs aux côtés desquels il transpirait sa part.

    Et puis un jour, les investisseurs sont venus. Des gens d’ailleurs. De très loin ailleurs. Avec des costumes en teflon qui n’accrochaient pas la poussière de la vallée. Ils ont tout racheté et tout rationalisé. Dans leur langue à eux, ça veut dire commencer par virer les intérimaires, puis, par paquets de 10 ou 50 ou 200, virer les camarades.

    Ils ont lutté. Comme ils savent si bien le faire. Avec courage et détermination. Mais il n’y avait déjà plus de patron à secouer ou pourchasser. Plus de responsables. Plus personne. L’une après l’autre, les usines se sont éteintes et la vallée s’est reconvertie au tourisme.

    Fini les camarades ouvriers. Leurs enfants sont devenus saisonniers. Ils travaillent quand les bourgeois des villes ont besoin de se détendre ou de s’amuser. Ils tentent de manger avec ces petits boulots que leurs pères faisaient pendant les vacances, pour se payer une belle voiture ou un voyage là où l’océan est plus clair que leurs yeux.

    Sur les ruines de la vallée et le désespoir d’un petit peuple abandonné, ils sont arrivés, avec leurs histoires de salut au bord des lèvres. Comme les syndicalistes en leur temps, ils frappent aux maisonnées et apportent la bonne parole. Il les a rejoints avec la même ardeur que son engagement au syndicat. Il a retrouvé ses accents prophétiques, il emploie sa conviction à sauver des âmes plutôt que des emplois, et comme toujours, son regard clair interpelle des fantômes.

  • Troubles dans les classes populaires par @la_vie_des_idees
    http://www.laviedesidees.fr/Troubles-dans-les-classes-populaires.html

    Le livre de Beverley Skeggs récemment traduit par les éditions Agone est plutôt « décoiffant » vu depuis la sociologie française des classes populaires (plus souvent focalisée sur les ouvriers s’agissant des jeunes et sur l’espace domestique s’agissant des #femmes). Les jeunes des milieux populaires sont ici des femmes, des femmes qui ne sont ni des mères, ni des épouses et qui vivent dans une région du nord-ouest de l’Angleterre où le taux d’emploi féminin est traditionnellement fort. Ce livre met ainsi en lumière l’entre-soi des jeunes femmes de milieux populaires, observé au lycée, dans les sorties au pub ou en boîte de nuit. Bien que l’enquête ait été menée au cours des années 1980-1990, ce livre est également d’une actualité saisissante : ces jeunes femmes sont alors déjà massivement encouragées à faire valoir leur supposé dévouement aux autres (caring) sur le marché du #travail et à s’investir dans les emplois de la prise en charge de l’enfance et de la vieillesse.

  • Lutter

    Vivre est un sport de combat. Plutôt une course de fond. Ou les deux.
    Surtout la sienne.
    Elle tient la distance. Tranquillement. Calmement. Même si elle avoue parfois son immense fatigue.

    Elle encaisse. Un coup après l’autre. Méthodique.
    Il y a eu son premier #cancer à lui. Jeune. Très jeune. Les cancers sont toujours plus mauvais sur les jeunes. Toute cette vie, ça les excitent. Il y a eu l’annonce, la peur, l’hôpital, le combat. Surtout le #combat. Et la rémission.

    Puis, le petit dernier. Trisomique. Une chance sur 2000. Après dépistage précoce. Polyhandicapé. Comme un uppercut. Il y a eu l’annonce, la peur, l’hôpital, les opérations. Et la plongée dans une vie différente pour toute la famille.

    Il y a eu son deuxième cancer à lui. Les médecins ont dit que ce n’était pas une récidive. Mais c’était tout de même un nouveau coup dur, bien bas et bien dur. Mais presque le début d’un rythme. Lutter pour la survie, lutter pour grandir, lutter aussi pour les aînés, qui n’avaient rien demandé. Et ensemble, ils y arrivent, ils surmontent. 2 points à 0.

    Les grands commencent à partir, le dernier n’arrive pas à grandir et comme le train, le cancer sifflera trois fois. Comme une vengeance dégueulasse, un mauvais karma.

    En tout, ça lui fera 12 ans de lutte contre le cancer, à chaque fois avec une nouvelle sale gueule. Et à la fin, le crabe a gagné.

    « Tu vois, des fois, c’est tellement moche que les gosses préfèrent que je ne raconte rien à personne. Sinon, ça fait trop mélodrame sponsorisé par Kleenex. Mais ce n’est que ma vie. »

    Elle va bien. Elle fait d’ailleurs très attention à sa santé, à ce qu’elle mange, tout. Parce qu’avec le dernier, c’est 24H/24 7J/7. Sans congés #maladie. Cette année, elle a eu la grippe. Pas de chance. Parce qu’il ne comprend pas : même si elle ne tient pas debout, il faut qu’elle s’occupe de lui.

    Elle a tenté les institutions spécialisées pour souffler. Même une demi-journée par semaine. Pas de place. Pas de personnel. Bientôt ado, souvent violent, il vient juste d’apprendre à boire tout seul. Impensable en institution. Trop lourd.

    « Mais tu vois, le pire, ce n’est pas ça. Le pire, c’est qu’en même temps, j’ai perdu mon meilleur ami. Maintenant, je n’ai plus personne à qui parler. Personne avec qui partager ma merde en fin de journée. Ça, c’est vraiment dur ! »

  • Sac à foutre

    C’est parce qu’il aime les femmes qu’il n’en a jamais trop. C’est ce qu’il aime penser, surtout.
    Alors il en a quatre.

    Il y a sa femme, la seule l’unique, l’indétrônable, la gardienne du temple, celle qui a le droit de le voir dormir.

    Il y a la meilleure amie de sa femme. C’est une vieille histoire, presque une pantouflade. Mais ce n’est pas de sa faute si sa femme choisit toujours des amies plus bandantes qu’elle. À croire qu’elle le fait exprès, pour l’agacer. C’est pratique, en tout cas. Toujours une bonne excuse pour traîner dans le coin.

    Il y a sa jeune collègue. Toujours pratique. Permet de tirer un coup au boulot quand il cumule trop de stress. Et puis ça compte, la maîtrise de l’emploi du temps, quand on est un homme à femmes. Un peu lassante. Il faudra penser à la faire muter.

    Et il y a la babysitteuse. Il la raccompagne après une soirée et il la prend vite fait avant de rentrer. Pratique.
    C’est la seule qui connait l’existence de toutes les autres. Elle s’en fout. Lui aussi.
    La dernière fois qu’il l’a sautée, elle lui a demandé pourquoi il collectionnait les femmes.
    « Parce que je ne vais pas foutre ma queue dans la bouche qui embrasse mes enfants tous les matins »

  • Phoning

    Qu’est-ce que tu crois ? Que le phoning, c’est pas assez bien pour toi ? Que la princesse à son papa vaut mieux que ça ? Que j’ai envie de t’entendre geindre ?
    Je m’en fous de tes états d’âme. Moi, je sais ce que je fais ici. Je sais d’où je viens. J’ai commencé comme toi. Non, j’ai commencé bien plus dur que toi, avec les combinés à fil qui nous pétaient les bras en fin de journée et des bleus aux coudes. Oui, j’appelais tellement que j’avais des bleus aux coudes et on se collait des paquets de Kleenex dans les manches pour pouvoir continuer à appeler.

    Tu vois, dans le phoning, au moins, ils n’en ont rien à foutre de ta gueule et de ton nom, du moment que tu parles bien, du moment que tu en veux, que tu ne te la racontes pas. Je suis arrivée dans le phoning, je n’avais rien. Je venais de me tirer de ma cité parce que mon père ne voulait pas que je sorte avec un Français. En fait, il ne voulait pas que je sorte du tout, ou avec un frère.
    Mais tu vois, je suis Française, j’ai été à l’école et je me suis barrée de chez moi pour ne pas finir mariée avec n’importe qui.

    Alors oui, j’ai appelé, j’ai décroché des rendez-vous pour les commerciaux et j’ai pris ma part. Et je n’ai fait chier personne avec mes problèmes, j’ai juste bossé.
    Tu vois, mon fils, je l’élève seule, je ne rends de compte à personne et tout ce que j’ai, tout ce qu’il a, je l’ai gagné, moi, et personne d’autre. J’ai trimé dur et maintenant, j’ai mon équipe, parce que c’est comme ça que ça marche, ici. On s’en fout de qui tu es, d’où tu viens et tout ça. Si tu bosses, si tu fais du chiffre, tu prends ta part. Alors je prends ma part.

    Ça te fait chier que j’ai pris ta commande ? J’en ai rien à foutre. On m’a pris les miennes avant et au lieu de me faire chier avec tes plaintes, tu devrais déjà être en train de téléphoner pour te refaire. C’est comme ça que ça marche ici.

    Et si ça ne te plait pas, c’est pareil. Tu te casses. Il y en a 50 dehors qui ne demandent que ça, prendre ton casque et décrocher des rendez-vous pour se payer une vie.
    Alors arrête de me faire chier : tu reprends ton casque ou tu te casses.

  • Exil

    Ils sont venus nous chercher jusqu’au village. Tu imagines ça ? Nous, on n’avait rien. Rien que nos bras. Et eux, ils allaient dans les villages parce qu’ils avaient besoin de nous. Ils sont venus et ils nous ont proposé un bon travail, de l’argent. Alors, je suis parti, comme beaucoup d’autres, en me disant que quand j’aurai assez d’argent, je reviendrai au pays.

    C’était vrai : il y avait du travail. Beaucoup de travail. Fallait pas être feignant, mais le travail ne nous faisait pas peur. Et il y avait la paye. Bien meilleure qu’au pays. Tous les mois, j’envoyais tout ce que je pouvais à la mère, au pays.
    Après, il y avait le reste, qu’ils n’avaient pas dit : le froid, la pluie, les foyers et les Français. Bon, pas tous les Français, tu sais, il y en avait aussi des biens. On avait des copains au boulot. Mais quand même, on n’avait pas de vie en dehors du travail.

    À la fin de la première année, je suis rentré au pays avec des cadeaux pour tout le monde. Et là, tu ne peux pas savoir. J’étais comme un prince. Il y avait tout ce que mon argent avait acheté à la maison, les parents qui étaient fiers, les voisins qui nous enviaient. Alors je n’ai pas raconté qu’en France, on nous traitait comme des chiens, que des gens voulaient nous tuer juste parce qu’on était là. Tu vois, je ne pouvais pas le dire. Et à la fin des vacances, je suis reparti. Juste le temps de gagner plus d’argent.

    Évidemment, ça ne pouvait pas durer comme ça. J’étais jeune, tu comprends ? Et au village, les filles m’avaient regardé autrement. J’avais de l’argent, je pouvais avoir une femme. Mais tu ne te maries pas pour vivre sans ta femme, d’accord ? Et au pays, je n’aurais jamais trouvé de quoi la faire vivre.

    Alors elle est venue et on a pris un petit appartement, ce qu’on a pu. Pour moi, c’était plus facile. Pas pour elle. Mais bon, même si on gardait moins d’argent à cause du loyer, on savait que ça n’allait pas durer comme ça. Et qu’un jour, on rentrerait au pays et qu’on se paierait une belle maison. En dur. En plus de celle de mes parents.

    Et puis, tu sais ce que c’est, les enfants sont arrivés. Attention, je suis content. C’est une bénédiction, les enfants. Tous les étés, on rentrait au village pour leur montrer le pays, la famille, la maison des parents, les cousins, tout ça. Ils aimaient ça, les enfants, les vacances au pays. On savait que ça prendrait plus de temps, maintenant, le retour, mais il y a l’école en France et l’école, c’est important pour avoir un vrai métier, ne pas finir à l’usine. Il fallait attendre que les enfants finissent les études, qu’ils aient un bon métier pour rentrer au pays pas comme des va nus pieds, pas comme moi quand j’étais jeune.

    Et puis un jour, on a compris. On a compris qu’on ne rentrerait jamais au pays, même à la retraite. À cause de la loi sur les pensions, mais surtout parce que c’était fini. Là-bas ce n’était plus chez eux. Ici non plus. Ils seront toujours comme sans pays, les enfants. Mais c’est en France qu’ils ont grandi, c’est en France qu’ils vivent et c’est en France que vont naître nos petits-enfants.
    Voilà, c’est fini. Même avec les Français, notre pays, c’est ici, maintenant.