Michel Guillou

Naturaliste, observateur, citoyen, tout ça...

  • Parution en février du livre de Stéphanie de Vanssay, « Manuel d’auto-défense contre le harcèlement en ligne ». L’auteure, malheureusement, sait de quoi elle parle, ayant été fréquemment victime de #harcèlement sur Twitter et ailleurs. Sans surprise, les trolls s’attaquaient à son physique, la menaçaient de viol…

    http://www.2vanssay.fr/situationsmotivantes/?p=6266

    #misogynie #DompterLesTrolls

  • Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant le code ! le code ! le code !…
    http://www.culture-numerique.fr/?p=634

    Pour moi, la question pour l’école, sa mission essentielle, n’est pas de former des informaticiens ni même de préparer à « l’emploi dans les métiers du numérique qui peinent déjà à trouver les professionnels dont ils ont besoin »… En tout cas, pas seulement et pas de manière prioritaire. Non, sa mission essentielle est d’abord de former des citoyens éclairés, autonomes, responsables, possédant les éléments de cultures diverses et croisées, humaniste, technologique, philosophique, scientifique, littéraire, numérique… Toutes sortes de choses qui échappent à la compréhension de Serge Abiteboul, co-auteur du rapport de l’Académie des sciences et prosélyte en chef qui confessait, récemment, à l’occasion d’une matinée contributive au Conseil national du numérique à laquelle je participais : « L’informatique et former des (...)

    #c

  • Le numérique éducatif, entre innovation et contraintes (suite et fin) | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/49268114271/le-numerique-educatif-entre-innovation-et-contraintes

    J’évoquais il y a quelques jours dans ce billet certaines des contraintes externes qui ont freiné et continuent à entraver l’essor d’une école innovante qui tente d’être en adéquation avec son temps et la société numérique. Parmi ces contraintes et ces freins, j’évoquais le rôle particulier de certains des partenaires privés au premier rang desquels il fallait placer l’édition scolaire, particulièrement revêche et rétive au progrès et au numérique. Toujours accrochés aux modèles économiques du millénaire précédent, les éditeurs et, en particulier, ceux qui travaillent sur le secteur éducatif, ont longtemps rechigné à investir dans le numérique, différant sans cesse leurs activités recherche et développement dans ce secteur.

    Il y aurait encore tant à dire ! À commencer par l’incompétente incurie des constructeurs de tableaux interactifs infichus de se mettre d’accord sur un format logiciel d’échange, libre de préférence ! N’y revenons pas.

    Le développement du numérique éducatif, toujours fortement accompagné de démarches innovantes, s’est trouvé freiné et entravé pour d’autres raisons qu’il faut chercher, cette fois, au sein de l’école soi-même. J’en vois au moins trois qui me paraissent plus importantes que les autres.

    1. La volonté de régulation.

    Je vous l’ai déjà dit souvent, l’arrivée d’Internet dans les écoles et établissements scolaires, leur mise en réseau et l’acculturation numérique progressive ont développé des modes de fonctionnement anarchiques, dérégulés, faisant fi des tutelles et des hiérarchies. Ces dernières ont mis à peu près dix ans à réagir. Après les heures folles des pionniers, correspondant grosso modo aux dix dernières années du siècle dernier, après l’arrivée de l’Internet pour tous, il apparaît nécessaire pour le système éducatif de mettre un terme à toutes les initiatives douteuses, innovantes certes mais douteuses, des aventuriers des premières années. Non mais !

    Ça et là, on installe des passerelles techniques locales ou centrales pour filtrer, massivement et sans trop faire le tri ni d’éducation, on édicte des pseudo-chartes jamais négociées en guise de règlements intérieurs aménagés, on interdit lecteurs MP3, téléphones, baladeurs sans trop faire la différence ni consulter les élèves, on semonce les enseignants innovants en leur rappelant qu’il convient de demander l’autorisation d’abord et de rendre compte ensuite, on s’immisce sournoisement dans les forums et listes de diffusion éducatives pour que les rebelles filent droit, on assujettit le numérique pédagogique à l’informatique administrative et aux DSI rectorales et académiques !

    Et, surtout, dès le début de ce millénaire, on décide de la mise en place des ENT ! Ah, les ENT ! Tout un poème ! Le « E » des ENT, mis d’abord pour espace ou environnement, devient vite synonyme d’encadrement. Il convient de mettre de l’ordre, des limites, des cadres aux usages numériques dérégulés qui doivent maintenant ne pouvoir s’exprimer que via ces portails sclérosants, mais officiels et dûment validés, eux. Finis les sites et autres blogs sauvages ! L‘expression des élèves et des professeurs doit pouvoir trouver sa place de manière raisonnable quelque part sur l’ENT, entre les menus de la cantine et le mot de l’IEN ou du proviseur.

    Les collectivités, qui y ont vu l’occasion de rendre à la fois d’éminents services (notes, absences, liaison, information) aux parents électeurs et aussi la possibilité de s’immiscer subrepticement dans ce système éducatif qui leur coûte si cher, se sont laissées aller à négocier des marchés juteux pour les opérateurs du secteur. Ces derniers ont développé des portails mal foutus, bogués, dépourvus de toute ergonomie, inutilisables pour la pédagogie du quotidien, comme d’ailleurs pour l’administration, trop compliqués à utiliser par les élèves et leurs parents.

    Première conséquence : c’en était fini ou presque de l’innovation numérique. Deuxième conséquence : comme les ENT, à quelques exceptions près, ne fonctionnent pas, l’innovation trouve un nouveau souffle. Tant mieux.

    On a juste perdu quelques longues années.
    [...]

  • Le numérique éducatif, entre innovation et contraintes | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/48860100957/le-numerique-educatif-entre-innovation-et-contraintes

    C’est un lieu commun de dire que l’innovation ne va pas de soi.

    Dans le système éducatif, comme dans l’entreprise, elle est très perturbante, bousculant les habitudes, modifiant profondément les relations sociales et les rapports hiérarchiques, mettant en péril les organisations et répartissant bien souvent le pouvoir de manière différente, méritocratique ou anarchique. Gros avantage cependant, l’innovation permet de repérer rapidement les réactionnaires, pisse-froid et autres hibernants de la pédagogie, repliés sur eux-mêmes et accrochés à leurs certitudes, façon moule de bouchot. Et de faire sans eux.

    L’innovation, pourtant, ne transporte pas que des valeurs positives. Il advient parfois — c’est encore un lieu commun que de le rappeler — que ça ne fonctionne pas, que les modifications induites soient porteuses de plus d’immobilisme que d’avancées. Il y a au moins deux sortes de raisons qui peuvent expliquer un tel phénomène : les premières sont propres au processus innovant soi-même, en forme de perte de contrôle, de dérapage qui conduit alors dans le mur, les deuxièmes sont, elles, externes et propres au système éducatif soi-même, en forme de freins et de frottements sclérosants. 

    Le numérique éducatif, depuis vingt ans, avance et progresse ainsi, cahin-caha, porté d’un côté par l’innovation débridée des pionniers, soumise de l’autre aux contraintes et régulations d’un système fortement ancré dans la tradition. Une sorte de tension permanente qui agace toujours un peu… au moment où on est généralement fondé à attendre un peu plus de réactivité, d’adaptabilité et de disponibilité du système.

    Bien que je n’attende pas grand chose pour ma part de ce nouveau comité pléthorique, la création récente d’un Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative peut être vue pour une bonne nouvelle, en ce qu’elle serait porteuse d’encouragement et de soutien pour tous ceux qui s’y frottent, de possible dissémination voire généralisation des innovations « réussies », de changement possible enfin du regard que le système éducatif lui porte, Il reste à espérer que les missions assignées à ce conseil restent bien celles de « recenser les pratiques les plus innovantes à l’école, les évaluer et diffuser les plus pertinentes d’entre elles ». tant il est certain que l’innovation ne se décrète ni ne se pilote.
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  • Pour une pédagogie de l’attention | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/48063658702/pour-une-pedagogie-de-lattention

    « Or pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. »

    Rappelez-vous, c’est ainsi que s’exprimait Patrick Le Lay, alors PDG de TF1, en juillet 2004. Ces propos, qui semblaient polémiques à l’époque — Patrick Le Lay s’en est même excusé quelques jours plus tard — paraissent aujourd’hui bien fades et peu provocateurs. Tout le monde a aujourd’hui intégré peu ou prou la dimension essentiellement divertissante de la télévision, soumise, même sur le service public, à la seule loi de l’Audimat.

    Cette télévision vieillit bien mal. Elle n’est plus, chez les jeunes et les jeunes adultes, le premier écran. Internet a pris la relève, via les ordinateurs, les tablettes ou les « smartphones », offrant la possibilité de consommer, d’accéder à des services, de jouer et de se divertir aussi, d’exercer sa citoyenneté numérique, son droit à l’expression, d’accéder enfin à des savoirs encyclopédiques infobèses. 

    D’un espace essentiellement limité, borné, clos, sur les médias traditionnels, on est vite passé sur Internet et les réseaux à un espace informationnel illimité et souvent illisible voire indéchiffrable. 

    Les préoccupations mercantiles de Patrick Le Lay, qui visaient à divertir et donc rendre disponible le cerveau du téléspectateur, afin de disposer, au moment des espaces publicitaires, de la complète attention de ce dernier, paraissent aujourd’hui, neuf ans plus tard, bien dépassées. Le citoyen numérique, par ailleurs fort préoccupé par ses problèmes personnels, familiaux, professionnels, est aujourd’hui pourtant au centre de l’intérêt — la cible ? — des marchands du temple Internet, qui cherchent à obtenir de lui du temps, de l’attention, de la disponibilité.

    Vous connaissez la sentence fameuse qui fait de l’internaute le produit quand il ne sait pas exactement quel service on lui offre (voir cet article, par exemple). De fait, et c’est une théorie complète appelée économie de l’attention qui nous l’apprend, c’est moins l’internaute soi-même le produit que l’attention, denrée rare s’il en est — rappelez-vous, ce qui est rare est cher ! —, qu’il peut rendre disponible, en temps comme en concentration, au moment où on le lui demande.

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  • Et si on arrêtait avec les Tice, Tic, Tuic, etcsdc* ? | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/47610537869/et-si-on-arretait-avec-les-tice-tic-tuic-etcsdc

    J’ai eu le privilège d’assister mardi 9 avril, invité gentiment par Ivan Diego Meseguer qui en est une des chevilles ouvrières, à l’inauguration d’une nouvelle chaire « Valeurs et politiques des informations personnelles » à l’Institut Mines-Télécom Paris.

    Se tenir au courant de la mise en œuvre des nouveaux enseignements universitaires est évidemment fort intéressant. En l’occurrence, cet envol l’est à d’autres titres encore :

    parce que les informations personnelles, au croisement de problèmes nouveaux et eux aussi révolutionnaires, constituent un enjeu majeur de la société numérique : les « data », « open data », « big data »…
    parce qu’il convient, en termes de recherche comme d’enseignement, d’y porter un regard essentiellement transdisciplinaire ; que la problématique sociétale doit s’éclairer du droit, de la philosophie, des sciences sociales, des sciences économiques, des sciences de l’informatique…
    parce que les partenaires de cette nouvelle chaire, présents à son lancement, sont l’Imprimerie nationale, BNP Paribas, Dassault Systèmes et la CNIL, assemblage hétéroclite s’il en est…
    On le voit bien dans cet exemple, enseigner l’informatique indépendamment des conséquences sociétales qu’elle, les télécommunications et Internet, ont engendrées n’a plus le moindre sens. On le voit bien aussi, l’enseignement du numérique doit nécessairement s’imprégner de champs disciplinaires fort divers qui ont nécessité à coopérer voire, dans le cas du traitement et du contrôle citoyen des informations personnelles, données et identités publiques, à collaborer à la construction des mêmes objets d’enseignement et de recherche.

    L’enseignement scolaire, premier et second degrés confondus, doit tirer des conséquences de ces évolutions majeures et paradigmatiques :

    en cessant d’utiliser le mot « informatique » à tous propos alors qu’il s’agit de tout autre chose ;
    en cessant de mettre des technologies partout dans ces usages, celles qui concernent l’information et la communication ne constituant qu’un seul, certes important pour ce qui concerne la culture informationnelle, des divers axes qui doivent constituer la réflexion en cours sur l’enseignement du numérique promis par la loi prochaine sur la refondation de l’école ;
    en cessant d’utiliser ces stupides acronymes que sont les Tic, les Tice, les Tuic qui ont pu, en effet, avoir du sens au début de ce millénaire, mais qui s’avèrent ne constituer qu’une vue maintenant très et trop étroite de la problématique, vue réduite à la seule dimension technologique et non sociétale, formidable repoussoir pour tous ceux que la technologie peut rebuter…

  • Numérique : le bonheur, c’est les autres ! | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/46833058518/numerique-le-bonheur-cest-les-autres

    Le bien-être est à la mode. Les « coachs » font florès en la matière nous promettant des merveilles en matière d’épanouissement personnel, au sein de la famille comme dans l’environnement professionnel.

    C’est devenu nécessaire. Tout, autour de nous, semble nous tirer dans le lit de la morosité ambiante duquel il est souvent bien difficile de s’échapper. 

    Les entreprises, au premier chef, malgré la crise, ont pris conscience de l’importance du bien-être pour tous au travail, dans le but de prévenir ainsi les absences éventuelles, les frais de santé, les réorganisations fonctionnelles possibles. Dans cette perspective aussi, les entreprises ont compris tout l’intérêt du numérique :

    « Dans ces projets d’investissement‚ le numérique joue un rôle de premier plan. Portails‚ capteurs‚ applications mobiles sont mobilisés au sein de “plateformes de bien-être” pour manger mieux‚ bouger plus‚ éviter le “burnout”‚ équilibrer vie professionnelle et vie de famille. »

    C’est avec ces mots qu’on annonce sur le site « Petit traité du bonheur 2.0 » une conférence sur le sujet, très bientôt.

    Et à l’école, comment ça se passe ?

    Au moment où l’école de France est secouée et remise en questions à la fois par des résultats défavorables dans les enquêtes internationales et par des débats internes (rythmes scolaires, évaluation, refondation), l’irruption du numérique, souvent traumatisante, qui remet en cause bien des certitudes, à commencer par la posture du maître et la transmission des savoirs, est aussi et surtout, pour ceux qui veulent bien s’y risquer, source de plaisir, de bonheur renouvelé et de bien-être pédagogique. Ce n’est certes pas une dimension à négliger, d’autant qu’avec la fiabilité des matériels et la qualité des applications, le confort pédagogique semble enfin vouloir accompagner ce nouveau bonheur professionnel.

    Comment en effet ne pas être sous le charme de tous ces nouveaux outils, tableaux numériques, tablettes, vidéoprojecteurs, toujours plus puissants, toujours meilleurs et plus adaptés ? Comment ne pas avoir l’envie irrépressible d’utiliser toutes ces nouvelles ressources applicatives offertes par l’amélioration des techniques, manuels numériques ou encyclopédies, libres qui plus est ? Comment ne pas investir illico tous ces nouveaux espaces numériques qu’on nous offre pour publier et collaborer en ligne ? 

    C’est vrai que cette notion de plaisir est indissociable du fameux « bordel ambiant » cher à Moreno et préliminaire de l’investissement dans le numérique. Que de pionniers et, plus tard, d’autres professeurs à leur exemple, ont osé franchir le pas et intégrer ces outils et ressources dans leur enseignement, dans un sentiment entremêlé d’appréhension et de grande joie enfin ! 

    Bonheur, confort, disais-je… Béatitude, félicité, délices ! Le nirvana pédagogique, quoi.

    Foutaises, je n’y crois pas une seconde !

    ...

  • Éducation civique et numérique : 10 ans de perdus ! | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/46255802916/education-civique-et-numerique-10-ans-de-perdus#

    Il y a dix ans naissaient les « skyblogs », domaine d’une expression parfois débridée investi alors par des millions de jeunes. La France avait alors le record du monde du « blogging » adolescent. Et de loin…

    Une chance pour l’expression des jeunes mais, en l’absence d’éducation et de régulation, des problèmes en pagaille sont alors apparus, rappelez-vous… Des publications massives de vidéos, de musique, de photographies, d’images au total mépris du droit et, notamment, du droit à l’image… Et puis des textes, et quels textes ! Le meilleur, bien sûr, mais parfois aussi le pire, des insultes, des rumeurs, du harcèlement, de la diffamation…

    Sont alors tombées, en milieu scolaire, les premières sanctions : des exclusions définitives de collégiens et de collégiennes, souvent les meilleurs de leurs classes, au prétexte qu’ils auraient confondu le web avec un espace intime, comme celui de leur chambre, par exemple, et publié des propos peu amènes, parfois insultants sur leurs professeurs !

    C’était le pire, ça ! Insulter ses camarades n’avait aucune espèce d’importance mais insulter un professeur était alors un crime pire que tout ! Rendez-vous compte, un « salope » laissé au coin d’un blog, impossible à trouver, dont tout le monde parle et que personne n’a vu, pouvait alors vous faire bannir de l’école pour de bon. Pas de quartier !

    Et puis, le pire : photographier son professeur au travail et porter à la face du monde l’intimité de la salle de classe ! Une sorte de drame national ! Et surtout la manifestation éclatante, au tout début de ce nouveau millénaire, que la majorité des professeurs, chefs d’établissement, personnels de santé des collèges et lycées n’y comprenaient strictement rien ! Rien de rien ! Ni à l’existence et aux formidables potentialités de l’Internet et du web, ni surtout aux aspirations et pratiques sociales des jeunes !

    C’était il y a dix ans !

    Dix ans !

    Que s’est-il passé depuis dix ans ?

  • De la transmission à l’augmentation des savoirs ? | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/45762164602/de-la-transmission-a-laugmentation-des-savoirs#

    Il n’est pas besoin d’être grand devin pour imaginer que la posture de l’enseignant est en train de changer. Radicalement.

    Bien évidemment, certains professeurs vont encore mettre des décennies à s’apercevoir que le numérique bouscule bien des choses et que les élèves ne sont plus vraiment les mêmes¹… Bien évidemment, les réactionnaires de tout poil vont s’arque-bouter sur leurs privilèges et leurs missions immémoriales pour refuser d’évoluer. Bien évidemment, ces gens-là crieront si fort au crime de lèse-majesté qu’on n’entendra ou ne verra qu’eux dans les médias les plus complaisants…

    Tant pis, ou tant mieux, on ne parlera plus d’eux bientôt.

    Bien évidemment encore, il y aura suffisamment d’acteurs ouverts et lucides de l’enseignement, cadres et professeurs, pour faire évoluer peu à peu la traditionnelle posture frontale du maître, juché sur son inaccessible estrade, en une posture différente, plus volontiers empreinte — attention ! je vais user de vilains mots — d’accompagnement, de tutorat, de proximité, de connivence, d’écoute, de transversalité aussi, toutes sortes de choses qui ne s’opposent en rien à l’enseignement d’une discipline, à la considération qu’on doit au maître et à l’autorité dont ce dernier ne peut se départir.

    Dans ce cadre, on le voit bien avec l’émergence de dispositifs complémentaires en ligne dans les universités mais aussi dans les lycées et collèges, avec les initiatives heureuses d’enseignement inversé ou de classe inversée, le maître n’est plus dans la classe et, au-delà, dans l’environnement éducatif, le seul détenteur ni même le seul transmetteur des savoirs. L’école doit se résoudre à cela.

    J’ai déjà eu l’occasion d’observer — c’était d’ailleurs le sujet sous-jacent de tous les colloques que j’ai organisés, ces dernières années, sur l’éducation aux médias numériques, c’était aussi le sujet d’un article récent¹ sur ce blog — que, sur bien des points, les professeurs et les journalistes se retrouvaient sur les mêmes champs de la médiation. De Célestin Freinet à David Assouline, qui souhaite faire de l’école le média des médias, c’est un fait maintenant assez bien compris et acquis.

    Les journalistes, le journalisme et les médias ont, eux aussi, été frappés de plein fouet par l’émergence du numérique. Nombreux sont ceux qui ont investi ces nouveaux espaces ou se sont adaptés. Tout récemment, Erwann Gaucher, journaliste et observateur des évolutions des médias, constate que les médias en général et, plus particulièrement, les journaux de la presse écrite traditionnelle (s)’augmentent de plus en plus.

    De quoi s’agit-il ?

    Ma première expérience de réalité augmentée, puisqu’il s’agit de cela, date d’il y a un moment déjà. Alors que je visitais une exposition d’art contemporain à l’abbaye de Maubuisson, dans le Val-d’Oise, on m’a doté d’un téléphone portable dont la seule fonction était de pouvoir prendre en photo un QR Code dessiné à côté de chacune des œuvres présentées. Du coup, à la façon d’un audio guide qui serait doté de fonctions visuelles, j’ai pu accéder à des informations complémentaires, un « bonus » écrit par l’auteur ou l’exposant. Avec la convergence des médias, ces derniers y sont tous venus, timidement d’abord, puis de plus en plus, apportant au lecteur, à l’auditeur, au spectateur, au consommateur mais aussi au simple touriste, à l’occasion de la visite de tel ou tel lieu remarquable, de tel ou tel monument, des compléments d’information à la réalité observée, une augmentation de cette dernière. Les exemples ne manquent pas sur le web, à commencer par ceux qui sont mentionnés sur la page Wikipedia qui est consacrée à ce sujet. Les lunettes que nous annonce Google ne servent pas à autre chose…

    Pour ma part, loin de moi l’idée d’imaginer tous les élèves d’une classe brandir leur ordiphone face au professeur pour tenter d’augmenter son discours de références en ligne — quoique je ne sois pas persuadé que certains étudiants ou élèves s’en dispensent déjà ! Non, c’est du côté du professeur, qui n’est plus, rappelons-le encore, seul possesseur et transmetteur des savoirs, qu’il faut chercher l’augmentation dont ont besoin les élèves. Loin de passer son temps à transmettre et à n’être pas forcément entendu ni écouté, chaque professeur pourrait consacrer plus de temps à éclairer tel ou tel point du programme que les élèves ont déjà vu ailleurs, peut-être sur une vidéo en ligne, à apporter le supplément d’âme pédagogique et de médiation — nous y revenons — nécessaire à l’appropriation raisonnée et critique des savoirs et des connaissances par les élèves.

    Un pari pour la formation des maîtres demain ou, à l’exemple des médias, pour aujourd’hui même ? Quand l’enseignement va-t-il (s)’augmenter ?

    [1] Mes billets précédents sur le sujet :
    Ne dirait-on pas que les jeunes, nos enfants, les élèves, ne sont plus vraiment les mêmes ?
    Journaliste, professeur, même combat ?

    Michel Guillou @michelguillou

    Crédit photo : mereastew via photopin cc

  • Faire du numérique une chance pour la jeunesse ? | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/44735389320/faire-du-numerique-une-chance-pour-la-jeunesse#

    Faire du numérique une chance pour la jeunesse ?

    Tel est le titre réjouissant et épatant du premier point figurant dans l’épais rapport en forme de « feuille de route » pour le gouvernement, suite au récent Séminaire gouvernemental sur le numérique qui s’est déroulé jeudi 28 février 2013 à Gennevilliers.

    Cinq mesures sont proposées dans ce cadre dont les deux premières concernent directement l’école :

    L’entrée du numérique dans les enseignements scolaires ;
    Une politique ambitieuse de formation des enseignants aux usages du numérique avec notamment la formation de 150 000 enseignants en deux ans.

  • Il y a des indignations qui se perdent... | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/44165811313/il-y-a-des-indignations-qui-se-perdent#

    Comment, en effet, ne pas être indigné par le fait que des officines subventionnées et labellisées continuent à distiller, sur le registre de la peur, dans nos collèges et lycées, un insidieux discours en contradiction complète avec les objectifs assignés à l’éducation aux médias ?

    Comment ne pas être indigné encore par l’incapacité de l’école à prendre en compte, tels qu’ils sont, les élèves du nouveau millénaire, stigmatisant leurs pratiques sociales et numériques, interdisant ou confisquant leurs outils de socialisation ou d’accès aux savoirs ?

    Comment ne pas être indigné par le peu de confiance que l’école accorde à ses élèves, ne leur accordant de responsabilités qu’avec parcimonie, leur refusant la possibilité de décider de quoi que ce soit, même dans les domaines de leur vie collégienne ou lycéenne qui les concernent directement, ne les consultant que rarement pour rédiger les chartes éthiques propres aux nouveaux usages numériques ?

    Comment ne pas être indigné par le fait que, de jour en jour plus nombreux, les élèves n’aiment pas l’école et s’y ennuient ?

    Comment enfin n’être pas indigné par le fait que l’école et ses maîtres semblent s’accommoder de tout cela et ne pas sembler vouloir évoluer et se transformer radicalement ?

    C’était ma manière à moi de rendre hommage à M. Stéphane Hessel.

    Michel Guillou @michelguillou

  • Innovation et numérique : des questions inappropriées | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/43496297093/innovation-et-numerique-des-questions-inappropriees#

    J’ai pris beaucoup de plaisir, l’an dernier, à assister en 2012, à l’Unesco, aux Journées de l’innovation. Cet événement, qui rassemblait des témoins prestigieux, fut aussi l’occasion, renouvelée cette année, de rassembler dans un même lieu tous ceux, moins connus, qui, en France, mettaient au cœur de leur action pédagogique, de manière plus discrète mais si efficace, la dimension si moderne et réjouissante de l’innovation.

    C’est donc aussi l’occasion de rencontres, d’échanges, de partages, d’enrichissements mutuels. Et puis, disons-le tout net, je me réjouis tout particulièrement que cette dimension de l’innovation soit prise en charge de manière officielle et institutionnelle, en toute indépendance des pressions économiques.

    C’est donc avec grand plaisir que je me rendrai, les 27 et 28 mars prochains, à la Maison de l’Unesco à Paris, aux prochaines Journées, si on veut bien de moi.

    Tout au long de ces journées, sur le thème « Innover pour refonder » — curieux titre ! comment refonder sans innover ? comment faire l’un sans l’autre, l’un avant l’autre ? —, se succéderont conférences, tables rondes, ateliers. Naturellement, un des axes proposés à la réflexion de tous est celui du numérique sous la proposition suivante : « Faire entrer l’école dans l’ère du numérique : les usages numériques au service des apprentissages de tous les élèves et des personnels de l’éducation ».

    Je vous avoue être pour le moins lassé des clichés véhiculés çà et là à propos du numérique mais il en est un qui me lasse plus que d’autres, c’est cette volonté de réduire la dimension paradigmatique et révolutionnaire du numérique à la seule dimension de ses usages. Cette question du sens à donner à « numérique » m’a souvent été posée par tous ceux qui, depuis vingt ans, ont été accoutumés à entendre parler d’informatique, de multimédia et de Tice. C’est vrai qu’il n’est pas simple de définir précisément une mutation si complexe et si globale, qui touche tous les pans de la société, de l’économique au citoyen, mais, en tout état de cause, le numérique éducatif ne peut se résumer au simple trépied habituel du matériel, des ressources et des usages. Le changement de modèle est si radical que l’empreinte du numérique dans l’école ne peut se comprendre à la seule observation, si gratifiante soit-elle, d’usages rénovés ou innovants. J’y reviens.

    Et puis il y a cette sempiternelle question des apprentissages qui laisse accroire qu’il suffit de former les professeurs pour qu’ils puissent, d’un coup de baguette magique, s’épanouir dans l’innovation numérique. Terrible illusion, bien évidemment ! Être innovant, c’est résolument changer de posture ce qui n’est pas sans risque quand il s’agit de numérique, car ce dernier modifie profondément l’accès aux savoirs et les processus de transmission de ces derniers. Ce n’est donc pas donné à tout le monde, ça demande certes une solide formation initiale — on est loin du compte ! — mais aussi beaucoup d’humilité pour admettre qu’il sera impossible d’enseigner comme on l’a été soi-même.

  • Paris et ses ados : les traits grossiers de la caricature et du mépris | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/42653049758/paris-et-ses-ados-les-traits-grossiers-de-la

    Quand il s’agit, pour la société des adultes, de se pencher sur les usages numériques des jeunes, qui déconcertent tant et bousculent les postures des éducateurs, maîtres et parents, il y a généralement deux attitudes assez tranchées et marquées. La première démarche qui veut y répondre est essentiellement éducative, réfléchie, confiante, sensée et trouve ses ressorts dans des valeurs de compréhension et de raison. La deuxième utilise a contrario les réflexes primaires de la peur, peur de l’autre, peur de la nouveauté, voire d’un nouvel obscurantisme numérique, qui refuse les nouveaux modes d’accès aux savoirs.

    C’est cette dernière démarche qu’ont adoptée les officines boutiquières qui font commerce idéologique de la peur, depuis des années, avec le malheureux aval du ministère de l’Éducation nationale, sous prétexte de la nécessaire éducation aux médias numériques, en se glissant insidieusement dans les écoles, collèges et lycées. J’ai déjà évoqué tout ça dans d’autres billets sur ce blog et n’y reviendrai pas.

    J’ai aussi évoqué les curieuses démarches du même ordre adoptées par certains services de santé dans les rectorats, la CNIL, la Préfecture de police de Paris ou l’UNAF parfois qui ont, elles aussi, se sont laissées aller à caricaturer et stigmatiser les pratiques numériques des jeunes et des adolescents en particulier.

    Dans cette triste lignée, c’est aussi la démarche qu’a curieusement adoptée la ville de Paris en ouvrant un service d’« e-réputation » appelé « Soyez net sur le net » que vous trouverez bien tout seul si d’aventure l’envie vous en prend.❞

  • Égalité pour l’éducation : vers le très haut débit ? | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/41186825050/egalite-pour-leducation-vers-le-tres-haut-debit#

    Pas plus tard que la semaine dernière, le 18 janvier exactement, le ministère annonçait, dans un communiqué de presse, la signature d’une convention avec la Caisse des Dépôts et Consignations. Celle-ci a un objectif double : « Le déploiement du très haut débit et le renforcement des usages numériques dans les écoles ».

    Ce communiqué de presse mérite tout d’abord une lecture attentive.

    Il s’agit d’abord, nous dit le ministre, d’« accompagner les collectivités, et plus particulièrement les communes, à s’équiper et à se doter des services numériques indispensables à l’école de demain ». Fort bien, il n’y a rien là à redire. On voit bien où le ministère veut faire porter son premier effort. On peut discuter de la cible préférentielle choisie mais ça se tient.

    Le ministre note tout d’abord que « penser l’avenir et promouvoir le développement des usages dans les classes qui exploitent toutes les potentialités du numérique passent désormais par le déploiement du très haut débit ». Pour ma part, j’aurais plutôt proposé l’inverse, c’est à dire que penser l’avenir et promouvoir les usages numériques passent par le très haut débit comme condition à l’exploitation — j’aurais plus volontiers parlé d’« expression » — des potentialités du numérique. Une simple inversion qui dénote tout de même, à mon avis, une légère mais symptomatique incompréhension des enjeux forts liés au très haut débit. 

    Ce communiqué se continue ensuite par une déclaration de principe : les Espaces numériques de travail ou ENT auraient permis la massification et l’intensification des usages. Le conditionnel est de moi. On comprend pourquoi un tel présupposé quand on sait quelle part centrale a pris sur ce chantier des ENT, depuis le début de ce millénaire, la Caisse des Dépôts et Consignations cosignataire de cette convention. Il est en effet difficile de lui dire tout de go que, pour l’essentiel, dix ans après, ça ne marche pas, que les collectivités territoriales, laissées à l’abandon pour négocier des marchés mal ficelés avec des opérateurs ignorants des besoins de l’école, ont mis en place des outils peu ergonomiques, bogués, qui ne rendent aucun des services attendus dans des conditions qui permettent réellement de s’en servir. Il est également difficile de dire que le ministère n’a pas pris, lui non plus, aux côtés des collectivités, la mesure de l’accompagnement nécessaire de tous les personnels et, en premier lieu, de l’accompagnement de l’encadrement au changement et à de nouvelles formes de pilotage. Enfin, il est difficile de dire que les statistiques qui montrent un usage fort sont fausses car largement surévaluées. J’y reviendrai dans un autre billet, bien sûr, car ça mérite développement.

    La fin de ce paragraphe est rigolote qui parle d’accéder ainsi plus aisément aux ressources pédagogiques — où sont-elles ? quelles sont-elles ? voir ce que je pense d’une logique de stock sans avenir — de manière plus sécurisée (!) et d’attendre ainsi des solutions du côté de la « filière du numérique éducatif ». Vous savez, il s’agit d’un de ces lobbys dont je disais récemment qu’il convenait de leur prêter une oreille très distraite pour avancer efficacement sur les objectifs de l’école numérique…

    Loin, très loin même, d’avoir massifié et intensifié les usages numériques, les ENT ont, le plus souvent — il y a bien sûr des exceptions —, contribué à freiner les usages existants ou naissants et, parfois même, à décourager pour de bon professeurs, élèves et parents et mettre des carcans et des freins là où ces derniers espéraient de l’autonomie et la liberté des échanges.

  • Numérique éducatif : 5 bonnes idées pour le ministre... | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/40290455006/numerique-educatif-5-bonnes-idees-pour-le-ministre

    Numérique éducatif : 5 bonnes idées pour le ministre…

    Vous le savez, la mode, dans les blogs, est aux billets qui annoncent, par paquets de cinq en général, dix astuces ou cinq bonnes idées ou encore vingt trucs pour aider le lecteur assoiffé de connaissances utiles. Comme je sais que Vincent Peillon me lit dès qu’il a une minute à lui, j’aimerais soumettre à son équipe, au moment où il s’essaie à refonder l’école à l’éclairage du numérique, cinq bonnes idées ou astuces pour faire avancer un peu plus vite le chantier compliqué du numérique éducatif.

    Avertissement liminaire : attention, derrière la méthode un peu farfelue, ces propositions sont très sérieuses !

  • Éduquer à la maîtrise de l’expression publique... | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/39650415039/eduquer-a-la-maitrise-de-lexpression-publique

    Éduquer à la maîtrise de l’expression publique…

    Internet a cette propriété, nouvelle dans l’histoire, de permettre à chaque citoyen de porter sa parole, son opinion, son simple avis à l’autre bout du monde. C’est évidemment une propriété strictement fonctionnelle qui ne garantit nullement que cette parole soit lue ou entendue. Il n’empêche ! Aucun des grands créateurs ou penseurs des siècles passés n’avait pu bénéficier, de manière immédiate, d’une telle possibilité d’audience…

    Le porte-voix numérique est devenu planétaire.

    C’est une chance incroyable de pouvoir vivre ces moments ! Certains vont plus loin et plaident même pour que les apprentissages fondamentaux de l’école, « lire », « écrire » et « compter » s’augmentent de l’acquisition de la maîtrise de cette nouvelle compétence : « publier ».

  • Si ce n’étaient pas les fêtes... | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/39040451064/si-ce-netaient-pas-les-fetes#

    Si ce n’étaient pas les fêtes…

    Si ce n’étaient pas les fêtes, je pourrais m’agacer de la réponse faite par la ministre de l’égalité des territoires et du logement à un sénateur qui l’interrogeait à propos du déploiement du très haut débit de telle manière à permettre l’égalité des citoyens. La ministre promet l’accès de tous à un « bon débit » de 3 à 5 Mb/s d’ici 5 ans ! Autant dire rien… Un tel débit ne permettant aucun des usages numériques raisonnables aujourd’hui, il ne risque pas d’être suffisant dans 5 ans !

    Si ce n’étaient pas les fêtes, oui, je pourrais aussi, dans le même ordre d’idées, m’alarmer de l’apparente absence de volonté politique du ministre de l’éducation qui, voulant proposer des « solutions concrètes pour faciliter l’action des collectivités territoriales en matière d’équipement et de raccordement au très haut débit », se contente de démarches d’incitation et de mise en relation des partenaires. C’est bien le moins qu’on attend quand la situation est si grave. L’école, peu à peu, entame lentement mais sûrement un processus de désertification numérique, l’absence de débits suffisants s’aggravant de politiques de censure de contenus aveugles !

    Si ce n’étaient pas les fêtes, je pourrais aussi m’inquiéter de l’absence totale de la prise en compte des enjeux du numérique dans la réformette qui semble se profiler à propos des rythmes scolaires. Plus que de la répartition annuelle des temps de classe, des vacances, le nombre d’heures et leur répartition dans la semaine, qui s’est vraiment préoccupé de toucher aux sacro-saints contenus disciplinaires et donc aux séquences de cours et à ce qu’on pouvait bien y faire ? Qui s’est soucié de la répartition du temps de travail éducatif entre l’école, d’autres espaces éducatifs et la maison ? C’est certes un chantier pharaonique mais qui ne peur souffrir de retard dans son lancement. Et pourtant… Il peut être intéressant, à ce sujet, de lire cet article qui pose la bonne question qui vaille : « que reste-t-il du projet de temps éducatif de l’enfant ? ». Je préciserais volontiers : de l’enfant tel qu’il est et non tel qu’on voudrait qu’il soit.

    Si ce n’étaient pas les fêtes, je pourrais aussi m’attarder à réfléchir et donc m’inquiéter, là encore, de ce qu’on nous prépare à propos de formation initiale et continue des enseignants. Pour ce qui concerne leur nécessaire acculturation numérique, je ne perçois pas dans la volonté politique, de détermination suffisante, résolue et adéquate aux enjeux. Il ne suffit pas de dire qu’on va se former grâce au numérique pour former au numérique. Il ne suffit pas non plus de former au numérique pour que les apprentissages en soient imprégnés. Il ne suffit pas de certifier à la va-vite des millions d’enseignants pour que leurs pratiques soient changées en classe ! Il ne suffit pas non plus de se contenter d’inciter les cadres à changer, eux qui sont sans doute les plus rétifs, les plus « réactionnaires » et conformistes. Qui va former les formateurs ? Qui va contraindre l’encadrement et toute la hiérarchie à changer le logiciel de pilotage pour être en capacité d’impulser et de promouvoir ? 

    Si ce n’étaient pas les fêtes, je pourrais aussi me soucier d’un dossier qui ne semble intéresser strictement personne : celui de la nécessaire évolution de l’architecture de nos écoles, collèges, lycées et universités et des espaces de travail (cours, travaux pratiques, collaboration, recherche documentaire travaux dirigés, travaux autonomes) réels ou virtuels — ce n’est pas le carcan contraint des ENT qui risque de changer quoi que ce soit ! Il y a là des enjeux considérables à mesurer et aussi, très probablement, des marchés considérables à investir.

    Si ce n’étaient pas les fêtes, j’aurais sans doute encore bien d’autres raisons de réveiller de vieilles démangeaisons…

    Mais ce sont les fêtes de fin d’année… Il convient donc pour moi, malgré tout, de vous souhaiter une belle année 2013 et de souhaiter à l’école de France la modernisation numérique et pédagogique qu’elle, ses élèves et la société méritent.

    Michel Guillou @michelguillou

  • Prenez la parole... qu’ils disaient ! | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/38635164745/prenez-la-parole-quils-disaient

    Le droit international protège, dans son article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, la liberté d’opinion et d’expression :

    « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

    En France, c’est la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui fixe le cadre de ces libertés fondamentales, dans ses articles 10 et 11 principalement :

    « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

    « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

    Qu’en est-il de l’exercice de ces libertés sur les réseaux sociaux que nous fréquentons tous ?

  • Le modèle suranné de la corne d’abondance... | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/38263444795/le-modele-suranne-de-la-corne-dabondance#

    « Métaphoriquement, la corne d’abondance est synonyme de source inépuisable de bienfaits » nous dit Wikipedia… Il semblerait, à lire les documents présentés l’autre jour à la Gaîté Lyrique (voir ce premier article pour un essai d’analyse globale) et rappelés sur le site du ministère, que, malgré les intentions liminaires, certains, en haut lieu, se verraient bien fournisseurs inépuisables de bienfaits pédagogiques.

    Ainsi comment comprendre l’incroyable décalage entre les prolégomènes lucides de la présentation de ce plan stratégique — « transformation radicale des modes de production et de diffusion des connaissances », « de nouvelles façons de vivre, de raisonner, de communiquer, de travailler » — et les dérapages rétrogrades observés plus loin, dans la présentation du service public et de sa plateforme de partage de mutualisation des ressources pédagogiques, à commencer par les productions des enseignants ?

    De quoi s’agit-il ? Ce projet de service public numérique en ligne n’est pas nouveau. Le Conseil national du numérique soi-même en avait fait, en mars dernier, une de ses propositions pour l’éducation numérique : 

    « Une plate-forme collaborative de référencement des ressources pédagogiques numériques. Les enseignants doivent disposer d’outils de recherche et de collaboration leur permettant de faire circuler et retrouver rapidement les ressources pédagogiques les plus adaptées à leurs besoins. »

    Le CNN, si clairvoyant, parle d’une plateforme de référencement pour retrouver et faire circuler des ressources. En l’occurrence, il promeut là une logique de flux dont j’avais évoqué tous les avantages dans cet article.

  • Stratégie numérique : de l’espoir mais aussi des chausse-trapes | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/38107042333/strategie-numerique-de-lespoir-mais-aussi-des#

    Stratégie numérique : de l’espoir mais aussi des chausse-trapes

    Jeudi 13 décembre dernier, la Gaîté Lyrique accueillait l’opération de mise en orbite de la stratégie numérique de notre ministre de l’éducation. 

    Autant dire qu’il s’est passé quelque chose, à n’en pas douter… La qualité de l’accueil, l’allant, l’enthousiasme, la volonté politique réaffirmée et l’impulsion, rien ne manquait dans les discours des deux ministres — la présence à elle seule de Fleur Pellerin était un gage de la solidarité du gouvernement et le signe, peut-être, que la société est aux côtés de l’école pour l’aider à franchir le pas… — pour témoigner de l’importance nouvelle et grandissante de la place du numérique dans le chantier de la refondation de l’école.

    En effet et curieusement, autant les premiers textes et retours du travail de l’été dernier laissaient augurer le pire en ne faisant, une fois de plus, qu’une toute petite place au numérique sans d’ailleurs que quiconque, ou peu s’en faut, s’en émeuve, autant les dernières déclarations officielles et les propositions de textes de loi récentes semblent être la manifestation de la prise de conscience, en haut lieu, que l’engagement de l’école dans ce domaine doit être résolu, à la hauteur des espérances que les réussies de la société, dans tous les domaines, avaient fait naître.

  • Mais voilà, ça, c’était avant... | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/37258496487/mais-voila-ca-cetait-avant#

    Depuis quinze ans, j’en ai essuyé des fauteuils et des bancs, dans des colloques, des séminaires, des symposiums, des conférences, des assises et autres raouts de bonne compagnie. J’ai participé aussi à des cercles de réflexion, des « barcamps », des ateliers… Partout, il n’était question que des sujets qui m’intéressent, vous les connaissez maintenant.

    J’étais le plus souvent, bien sûr, dans la salle à écouter doctement ce que nous disaient les intervenants, beaucoup plus rarement sur l’estrade.

    Il y a quelques années déjà, avec l’émergence du numérique et de ses pratiques sociétales, la forme même de ces évènements a commencé à changer. Dans les colloques, sur l’estrade qu’on débarrasse, qu’on cherche aussi parfois à abaisser, on installe des fauteuils. Sur l’écran, on projette des vidéos ou un diaporama pour illustrer le propos du conférencier. Les tables rondes et transitions sont animées et modérées de manière dynamique, avec des prises de paroles liminaires courtes, de telle manière à ouvrir le plus vite possible la porte au débat, entre les intervenants et avec « la salle ». De manière plus technique, on propose du Wi-fi suffisamment dimensionné, on annonce à l’avance un « hashtag » pertinent ouvrant la voie aux échanges des intervenants avec la salle y compris pendant les prises de parole initiales, via un fil Twitter affiché sur des écrans de retour ou un mur de tweets vidéoprojeté.

    J’ai été le témoin de la mise en œuvre d’un tel dispositif aux Assises du Numérique à Paris-Dauphine en 2008. La parole était donnée certes aux élites invitées, en l’occurrence une cohorte de ministres et d’experts, mais aussi à tous ceux, dans la salle, qui voulaient bien se donner la peine d’interagir via Twitter et de commenter librement. Un exercice assez bluffant de la démocratie vécue en direct.

    J’ai proposé, de manière parfois incomplète et progressive, de telles évolutions lors des trois colloques que j’ai organisés, de 2008 à 2010, sur le sujet de l’éducation aux médias numériques.

    J’ai eu aussi l’occasion d’assister ou de prendre part à des manifestations plus étroites, moins importantes, sous formes d’ateliers en petits groupes ou des fameux « barcamps ». Je peux témoigner, là encore, de nouvelles formes d’exercice du débat et de l’échange, d’un enrichissement mutuel des intervenants, de la manifestation patente de la construction de savoirs partagés et collectifs, pour la pleine réussite de ce type d’évènements qui ravissent généralement leurs participants.

    Mais voilà, ça, c’était avant…

  • Que font les adolescents sur Internet ? | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/36658955330/que-font-les-adolescents-sur-internet#

    Que font les adolescents sur Internet ?

    Il y a deux manières d’évoquer le sujet de l’omniprésence des jeunes et, en particulier, des adolescents sur internet, et de leurs usages numériques massifs tous médiatiques ou peu s’en faut.

    La première est maintenant bien connue et j’en ai décrit quelques déclinaisons ici-même.

    Rappelez-vous, j’ai longuement parlé dans cet article « De la pédagogie… plus de 50 ans après Freinet… » des curieux et déconcertants conseils de la CNIL aux jeunes. Dans cet autre article « De la peur comme fonds de commerce… », j’ai rapporté les méthodes très particulières de certaines officines labellisées ainsi d’ailleurs que de la Préfecture de police. Dans ce troisième article « Internet : quand les Belges nous font la leçon… » je mettais en évidence un aspect du consensus politico-médiatique sur le sujet dans une émission où, pourtant, on pouvait attendre plus de raison et de discernement. Dans cet autre article, enfin, « Pratiques numériques médiatiques des jeunes, la peur ou la raison… » je faisais part des partis pris consternants d’un colloque national organisé sur le sujet qui nous occupe. J’ai aussi évoqué, à plusieurs reprises, les dégâts occasionnés par les prises de position ineptes de certains services de l’État, à commencer par les services de santé de l’Éducation nationale qui se piquent de parler avec les élèves d’Internet comme on parle des maladies sexuellement transmissibles.

  • Les nouvelles technologies comme exutoire | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/36600751994/les-nouvelles-technologies-comme-exutoire#

    C’est une impression curieuse et mitigée qui m’habite suite à la lecture du dernier billet d’un cuistre médiatique dont je ne vous donnerai ni le nom ni l’adresse de son site. Le malotru y déverse sa bile coutumière et ses insultes à l’encontre d’une nébuleuse incertaine de pédagogues qu’il identifie comme ses ennemis.

    L’impression est curieuse en effet, car le billet est à la fois très drôle et très désespérant pour la même et unique raison : une outrance maladive. Je ne veux pas m’attarder à lire ça ni surtout à commenter trop.

  • La synecdoque a bon dos | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/36174241885/la-synecdoque-a-bon-dos#

    La synecdoque a bon dos

    À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfants, le Défenseur des droits de l’enfant remet un rapport au président de la République intitulé : « Enfants et écrans : grandir dans le monde numérique ».

    Ce rapport fait le point des usages numériques des jeunes et formule un certain nombre de propositions. La tonalité générale de ce document, c’est à souligner, n’est pas trop anxiogène. L’exercice, il est vrai, était ardu : protéger les enfants, défendre leurs droits, c’est forcément énumérer les risques potentiels et suggérer des dispositifs pour les prévenir. Difficile, dans ces conditions, de mettre en avant les pratiques positives, les réussites, les avancées relatives, par exemple, à l’accès aux connaissances ou à la citoyenneté numérique…

    Inutile de s’attarder sur les propositions faites qui ne présentent aucun caractère de nouveauté ou d’originalité. Tout juste peut-on s’arrêter un instant sur la proposition n° 2, totalement irréaliste, qui veut contraindre chaque site à un dispositif de signalement et sur la proposition n° 6 qui insiste sur l’importance de la formation et de l’acculturation numérique des acteurs de la prévention, éducateurs et parents compris.

  • Bon, Coco, tu nous fais un sujet sur les jeunes, hein... | Encore un nouvel étonnant microcosme...
    http://gingko.neottia.net/post/35870719639/bon-coco-tu-nous-fais-un-sujet-sur-les-jeunes

    Conférence de rédaction.
    Une grande radio nationale, intérieur jour, un sombre bureau, 10 h 15. Au mur, un poster d’une bibliothèque de Vieira da Silva. On entend Pierre Lescure au loin qui cause à la radio. On ne sait pas si c’est sur France-Inter ou une autre.

    La rédactrice en chef :
    – Bon, bon, on se dépêche… Tout le monde est assis, là ? Non ? Tant pis, on commence…

    Un journaliste :
    – j’ai les chiffres d’audience de la semaine.

    La rédactrice en chef :
    – Oui, oui, on verra ça plus tard. C’est quoi l’actu, là ? Quelqu’un peut me dire ? Je n’ai rien lu, rien entendu, juste lu des conneries sur Twitter. Je n’ai rien compris à ce que racontent Abiker et Mettout. 

    Un autre journaliste :
    – On s’en fout de Mettout.

    Le premier journaliste :
    – Vous ne les voulez vraiment pas, mes chiffres ?

    L’autre journaliste :
    – Oui, tout de même, il ne dit pas toujours que des bêtises, même si forcément, c’est un peu court… C’est quoi, ces histoires de unes « trash » des hebdos ? On ne parle que de ça sur Twitter. On fait un papier là-dessus ? Ou sur Gaza, faut voir ? Paul, tu fais ?