Selon les chiffres du ministĂšre de lâEducation nationale transmis par les syndicats, dans le premier degrĂ©, 749 enseignants ont demandĂ© Ă quitter Paris pour la rentrĂ©e scolaire 2023. Seules 65 demandes ont Ă©tĂ© satisfaites. Avec un taux de rĂ©ussite de sortie dâĂ peine plus de 8,5%, Paris est devenu, pour beaucoup dâenseignants, un dĂ©partement-prison.
Dans lâĂ©ducation nationale, les #mutations sont soumises Ă lâimmuable systĂšme Ă points. Chaque annĂ©e, selon le type dâĂ©tablissement, lâanciennetĂ©, la situation familiale et personnelle, un enseignant engrange un certain nombre de points, lui permettant ensuite de demander un changement de dĂ©partement. Dans le premier degrĂ©, « il faut un certain nombre de points pour sortir de son dĂ©partement mais aussi pour entrer dans le nouveau. Donc, selon les dĂ©partements, le nombre de points nĂ©cessaire peut atteindre des sommets », prĂ©cise CĂ©cile Suel, secrĂ©taire nationale du syndicat SE-Unsa, chargĂ©e du parcours professionnel. Exemple : pour quitter Paris Ă la rentrĂ©e 2023, il fallait minimum 874 points. Pour entrer dans le dĂ©partement de Seine-Maritime â que Marion vise â il en fallait 201. Sauf quâaprĂšs neuf ans dâenseignement, la jeune femme en a accumulĂ©s⊠78. « Autant vous dire que je nâaurai jamais mon mouvement. Je sais que jâaurai #dĂ©missionnĂ© avant de lâavoir », partage-t-elle.
A Paris, outre les convenances personnelles et les envies dâailleurs de chacun, câest le coĂ»t de la vie qui pousse les #enseignants outre-pĂ©riphĂ©rique. Car le salaire de ces fonctionnaires (loin dâĂȘtre mirobolant) est le mĂȘme partout en France. « Enfin, on a quand mĂȘme une prime dite dâhabitation qui est de 56 euros par mois », sâĂ©trangle Marion. Sauf quâĂ Paris, « le prix des loyers nâest pas compatible avec le niveau de rĂ©munĂ©ration des professeurs des Ă©coles. Ils ont le choix entre habiter dans une petite surface intra-muros ou aller sâinstaller Ă 1h30 et faire la route tous les matins et tous les soirs », abonde CĂ©cile Suel.
[...] AprĂšs vingt-cinq ans dâenseignement, Sonia sâest mise en #disponibilitĂ© de lâ#Ă©ducation nationale. AccordĂ©e aux #fonctionnaires sous certaines conditions, cette situation temporaire dâarrĂȘt de travail concernait 3% des agents en 2022-2023, selon les chiffres du ministĂšre de lâEducation nationale, et fait perdre salaire et cotisations retraite pendant une durĂ©e dĂ©terminĂ©e. AprĂšs avoir posĂ© ses valises Ă #Paris en 2012, Sonia aimerait gagner les Bouches-du-RhĂŽne pour y rejoindre sa conjointe. Ses 360 points ne lui permettant pas de prĂ©tendre au dĂ©partement dans lâacadĂ©mie dâAix-Marseille, se mettre en disponibilitĂ© tenait, selon elle, de lâunique horizon. « Câest un sacrifice, avec des risques : plus aucun salaire, la dĂ©couverte des entretiens dâembauche Ă la chaĂźne⊠Mais câest la seule solution que jâai pour quâon accepte mon mouvement », regrette-t-elle. En plus de lui permettre de rejoindre sa conjointe, ĂȘtre en disponibilitĂ© est aussi, selon elle, un moyen de faire pression et dâappuyer sa demande de mouvement.
[...] Aujourdâhui, une des seules façons de voir sa disponibilitĂ© acceptĂ©e est de faire valoir les raisons familiales et se pacser avec son conjoint installĂ© dans une autre ville, affirment les syndicats et les enseignantes interrogĂ©s. Un secret de polichinelle de lâĂ©ducation nationale : nombreux sont ceux Ă avoir recours Ă la pratique, non pas par engagement romantique mais pour accĂ©lĂ©rer sa carriĂšre.
[...] Si le pacs permet de demander un rapprochement de conjoint, il permet aussi et surtout de considĂ©rablement faire gonfler son pĂ©cule. [...] Dans le dĂ©tail, Ă la signature du pacs, lâenseignant sĂ©parĂ© de son conjoint rĂ©colte dâemblĂ©e 150 points. Il gagne ensuite 190 points la premiĂšre annĂ©e de sĂ©paration, 325 la deuxiĂšme, 475 la troisiĂšme, et 600 pour quatre ans et plus de sĂ©paration. Pour Pauline, aprĂšs sept annĂ©es dans la grisaille parisienne, le pari est enfin gagnĂ© : grĂące Ă son pactole, la jeune femme fera sa rentrĂ©e 2024 dans le Sud, comme souhaitĂ©.