Rumor

sur Mastodon : @erverd@sciences.re

  • « Ma médaille d’argent du CNRS m’inspire aujourd’hui du dégoût »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/12/04/ma-medaille-d-argent-du-cnrs-m-inspire-aujourd-hui-du-degout_6203861_1650684

    Dans leurs pétitions, les chercheurs ne demandent pas d’augmentation de salaire, ils ne demandent pas plus de moyens, non, ils demandent simplement qu’on les laisse faire leur travail sereinement, et de disposer efficacement de leurs crédits très souvent gérés par le CNRS, même s’ils proviennent d’autres sources !

    Depuis cet été, un trio de logiciels, acheté à une entreprise privée, a été mis en place pour gérer de A (l’ordre de mission) à Z (la remise des états de frais) les déplacements financés par le CNRS. Le résultat est un calvaire indescriptible pour les missionnaires et les gestionnaires. Les missionnaires doivent faire le travail des gestionnaires (générer la liste des frais dans le système et rentrer tous les justificatifs). La difficulté est telle que nombre d’entre eux renoncent à partir en mission ou à se faire rembourser une mission faite. Les gestionnaires, loin d’avoir des tâches en moins, sont débordés par une multitude de validations et d’opérations bloquées, dont le débogage prend un temps fou. Le stress est généralisé.

    Viscosité du système
    Cette catastrophe administrative n’est qu’une (très grosse) goutte d’eau qui fait déborder le vase des entraves au travail de recherche. La gestion au CNRS est envahie par un juridisme qui rend tout acte de plus en plus pesant chaque année. La moindre action hors du laboratoire ou avec des tierces personnes déclenche une avalanche de signatures de convention et d’arguties juridiques, par exemple sur la propriété intellectuelle. La viscosité du système est telle que les chercheurs en viennent à renoncer à des contrats ou que des projets n’aboutissent pas pour des raisons de délai d’engagement de crédits, par exemple. Ingénieurs et techniciens aussi sont touchés par l’inflation administrative, et sont plus souvent à remplir des formulaires qu’à faire le travail scientifique pour lequel ils ont été embauchés.

    #CNRS #bureaucratisation

    • voilà ce que déclarait en 2008 Pécresse, ministre de l’#ESR

      La deuxième orientation, c’est une simplification résolue des contraintes de gestion des unités mixtes afin de rendre du temps de recherche aux chercheurs, car à l’heure actuelle, leur complexité (circuits administratifs et financiers, gestion des personnels, procédures d’évaluation, valorisation des résultats des travaux de recherche...) engendre une surcharge de travail pour les personnels et responsables de laboratoires. Il est souhaitable de limiter à deux les tutelles scientifiques (l’une nationale, l’autre locale) qui s’exercent sur les unités mixtes de recherche, sachant qu’aujourd’hui, près de 50 % des 1 300 UMR sont soumises à plus de deux tutelles, et 20 % en ont plus de quatre. La généralisation d’un mandat de gestion unique pour l’université ou l’organisme qui héberge l’unité simplifiera les circuits de financement et permettra un octroi plus rationnel des moyens. Le rapport recommande également d’aligner les procédures d’achat et toutes les règles financières, fiscales et comptables des laboratoires sur le régime le plus simple et le plus efficace. En matière d’achats publics, un alignement sur les règles du CNRS qui prévoient une délégation de la signature aux directeurs d’unité est préconisé. Enfin, pour alléger le travail des personnels et éviter des doubles saisies, nous devrons mettre en cohérence les systèmes d’information et développer leur interopérabilité.

      https://www.vie-publique.fr/discours/171598-interview-de-mme-valerie-pecresse-ministre-de-lenseignement-supe
      Quant à Sarkozy, il comparait le CNRS à l’Académie des Sciences de l’Union soviétique. L’action pionnière de Sarkozy, Pécresse jusqu’à Macron et ses sbires ont abouti exactement à ça. Bravo à toutes et tous !

    • Un de ces fameux #logiciels pour gérer les #missions (notamment), s’appelle #Notilus (https://academia.hypotheses.org/54107), CHAUCHEMARDESQUE !!!

      Les autres : #Goelett et #Etamine

      Pour info, ce n’est que grâce à l’action conjointe de toustes les directeurices de labo qu’il a été possible de bloquer les frais de gestion de dossier de mission établi (2 EUR par mission, de l’#argent_public donc !) qui étaient facturés par l’entreprise qui a gagné le #marché_public pour CHAQUE mission.

      Pour info, pour réserver des hôtels et des transports il faut passer par l’entreprise qui a gagné le marché public. Pour nous, il s’agit en ce moment de #FCM_Travel... A noter que c’est systématiquement BEAUCOUP plus cher de passer par cette #agence_de_voyage que si on réserverait par nos propres soins.
      Une collègue m’a dit avoir réservé une chambre d’hôtel (pourrie) en France pour le prix de 200 EUR en passant par FCM Travel alors que la réservation via des plateformes proposait, pour la même nuit, quelque chose comme 120 EUR... juste pour vous donner une petite idée...

      Autre chose intéressante, j’ai dû acheter un billet Grenoble-Marseille. J’ai cherché les options sur FCM travel, et la plateforme ne m’offrait aucune solution... j’ai appelé l’opérateur qui m’a dit qu’il fallait que je réserve 2 secteurs séparément : Grenoble-Valence et puis Valence-Marseille (pratique !!!). C’était quelque jours avant qu’on ait l’info des 2 EUR de frais de gestion, et je me dis que ce n’est probablement pas pour rien... en divisant le voyage en 2 secteurs, probablement quelqu’un empoche 2x2EUR... (donc 8 EUR en tout pour l’aller-retour).

      #université #bureaucratie #recherche #ESR #France #dégoût #bureaucratisation #Pierre_Rochette #Pécresse #Valérie_Pécresse

    • Le SNCS-FSU demande l’abandon du système Etamine, Notilus et Goelett

      Communiqué du SNCS-FSU du 23 novembre 2023

      Les personnels des laboratoires et des délégations du CNRS expérimentent le dysfonctionnement et la complexité des outils numériques Etamine, Notilus et Goelett depuis plus de quatre mois. Le SNCS-FSU dénonçait dès le 14 septembre 2023 le calvaire que ce trio de logiciels fait subir à tous les personnels du CNRS. Depuis, la direction du CNRS a indiqué que les principaux dysfonctionnements auraient été résolus. Cependant, tous les personnels constatent que des dysfonctionnements persistent. Mais le plus inquiétant est certainement la complexité de l’ensemble Etamine, Notilus et Goelett. Même après des mois de familiarisation avec ces outils à travers un nombre significatif de missions, il apparaît que la complexité globale de ce système est trop importante et que son utilisation ne sera jamais assez simple pour les agents souhaitant partir en mission. Le SNCS-FSU considère que c’est la conception même du système qui est à revoir.

      Le SNCS-FSU demande que le système Etamine, Notilus et Goelett soit abandonné et remplacé par un autre système plus simple, qui fonctionne et qui donne satisfaction. Ce système engendre aujourd’hui une dégradation des conditions de travail de tous les personnels des laboratoires et des délégations du CNRS, et il est évident que cela continuera.

      Pour les agent·e·s souhaitant partir en mission, le constat est indiscutable : l’utilisation de ces logiciels est et restera une perte de temps significative par rapport à la situation antérieure, même dans les rares cas où ces missionnaires se seront parfaitement familiarisé·e·s avec ces outils. D’autant plus qu’il est évident que très peu d’agent·e·s pourront se familiariser avec ce système, même en partant souvent en mission, tant il est complexe et rigide.

      Si le travail des agent·e·s des services de gestion pourrait, à terme, bénéficier de la dématérialisation et du report de certaines tâches vers les missionnaires, elles et ils seront beaucoup plus sollicité·e·s dans l’accompagnement de ces missionnaires. Les agents des services de gestion devront, en effet, répondre à leurs innombrables questions, incompréhensions, agacements, exaspérations, frustrations, désespoirs… L’impossibilité pour les agent·e·s des services de gestion de répondre de façon satisfaisante aux attentes de celles et ceux partant en mission est une cause importante de la dégradation des conditions de travail.

      Le SNCS-FSU estime que le système Etamine, Notilus et Goelett constitue un véritable recul. Le SNCS-FSU considère que la meilleure solution est de l’abandonner et de le remplacer par un système qui simplifie les démarches pour tous les personnels et qui libère du temps pour la recherche.

      Le SNCS-FSU appelle à signer et à faire signer massivement la pétition « CNRS : nouveau système de gestion des missions, on n’en peut plus ! » pour sortir de ce système insupportable et mettre fin à ce calvaire.

      Le SNCS-FSU apporte tout son soutien à tou·te·s les agent·e·s confronté·e·s à ces difficultés et à ce système absurde.

      https://academia.hypotheses.org/54107

    • C’est toujours intéressant d’appréhender le réseau qu’il y a derrière.

      Depuis cet été, un trio de logiciels, acheté à une entreprise privée, a été mis en place pour gérer de A (l’ordre de mission) à Z (la remise des états de frais) les déplacements financés par le CNRS.

      L’entreprise en question fcmtravel avait signé en 2021 pour 3 ans… ça a été reconduit ?
      Le groupement FCM, RYDOO et NOTILUS remporte l’appel d’offres lancé par le CNRS et l’AMUE.
      https://www.fcmtravel.com/fr-fr/resources/news-hub/le-groupement-fcm-rydoo-et-notilus-remporte-lappel-doffres-lance-par-le-c

      La mise en place d’une nouvelle plateforme devait permettre la dématérialisation de bout en bout des processus de la demande de voyage, représentant 97 millions d’euros de dépenses annuelles. Pour accompagner leurs 200 000 utilisateurs potentiels, le CNRS et l’AMUE ont donc fait le choix d’une nouvelle solution ambitieuse avec le groupement Rydoo (portail de réservation et base hôtelière), FCM (agence de voyages d’affaires) et Notilus (solution de gestion des ordres de missions et états de frais).

      Une de leur réalisation commune est l’UGAP, centrale d’achat public. (L’Union des groupements d’achats publics est une centrale d’achat publique française, placée sous la double tutelle du ministre chargé du Budget et du ministre chargé de l’Éducation nationale.)

      Notilus, une des pièces du puzzle à reconstituer …
      Notilus Filiale du Groupe DIMO Software. DIMO est issu de Cerg Finance qui en 1998 rachète XRT https://www.lesechos.fr/1998/09/cerg-finance-acquiert-le-numero-un-americain-des-logiciels-de-cash-manageme #cash-management

  • Détruire l’héritage culturel de Gaza est un crime contre l’humanité
    Posted on décembre 3, 2023 | Karen Attiah | The Washington Post | Traduction SM pour l’AURDIP
    https://aurdip.org/detruire-lheritage-culturel-de-gaza-est-un-crime-contre-lhumanite

    Ces dernières semaines, l’attaque d’Israël contre Gaza a entraîné toutes sortes de violences — et pas seulement celles qui viennent tout de suite à l’esprit.

    Au moment où j’écris, le décompte des morts dans le conflit actuel s’élève à plus de 15 000. Nous avons vu des images de morts et de blessés, de gens qui extraient des victimes de décombres. Il y a eu dans le monde beaucoup de protestations au sujet du bombardement par Israël d’hôpitaux, d’écoles et de camps de réfugiés.

    Mais un des aspects des bombardements d’Israël dont on a le moins parlé est la destruction du patrimoine culturel : documents, monuments, objets d’art.

    Le 19 octobre, des frappes aériennes israéliennes ont endommagé une partie de l’église orthodoxe grecque Saint-Porphyre. Quatre cent personnes s’abritaient dans ce bâtiment, et 18 chrétiens palestiniens ont été tués. L’église, construite au 12e siècle, est, pense-t-on, la troisième église la plus ancienne du monde.

    Des monuments commémoratifs dédiés à d’importantes personnalités palestiniennes n’ont pas été épargnés. Le 27 octobre, la Fédération internationale des journalistes a condamné la destruction au bulldozer du mémorial érigé à Jénine, à l’endroit où la journaliste palestino-américaine Shireen Abu Akleh a été tuée par balles l’an dernier, vraisemblablement par un soldat israélien.

    Le 14 novembre, on a pu voir une vidéo d’un bulldozer israélien en Cisjordanie qui démolissait des monuments à Yasser Arafat, leader des Palestiniens pendant bien des années.

    Sur X, l’écrivaine et traductrice Lina Mounzer a posté une traduction d’un communiqué de l’imprimerie et bibliothèque Meqdad :

    “L’imprimerie & bibliothèque Meqdad, une des plus anciennes de Gaza. Des millions perdus : presses & livres & matériel. Les efforts cumulés de toute ma famille : ma mère, mon père, ma fratrie. Partis en un clin d’œil ; mon père n’a plus rien.”

    Et cette semaine, selon le site d’intelligence numérique et de sourçage Storyful, la bibliothèque publique principale et les archives centrales de Gaza ont été ravagées. La municipalité de Gaza a déclaré que des milliers de documents historiques avaient été détruits délibérément et a demandé instamment à l’UNESCO d’“intervenir pour protéger les centres culturels et de condamner le ciblage par l’occupation de ces installations humanitaires protégées en vertu du droit international humanitaire.” (...)

  • Bonjour,

    dans un CR d’une réunion du CNRS sur le [Maitron](https://maitron.fr) (le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier…) :

    > > > Depuis le début de la période où le site a été gelé, des modifications ont déjà eu lieu. Il y a eu mise en ligne de nouvelles biographies, des ajouts et des recherches de doublons. Pour cela il a fallu mettre à niveau la base existante de 225 000 notices. Mais ce travail doit entraîner des nouveautés avec des parties nouvelles et un nouveau fonctionnement. Le projet est décrit suivant la présentation plus détaillée faite à la réunion du 17 octobre (renvoi au CR qui vous a été transmis). Listing des « biographiables » par les corpus ou groupes de travail La chaîne éditoriale : répartition des bios, rédaction (auteurs et corpus), correction, validation et publication. Grande autonomie des corpus ou groupes de travail Rétroplanning éditorial nécessaire pour le suivi, le travail et la publication. Un nouveau site Pour un fonctionnement optimal, il faut impérativement un nouveau site avec hébergeur et développeur. SPIP est en effet dépassé. Mais l’apparence restera la même. Le nouveau site comportera un moteur de recherche à facettes (avec des filtres), avec l’installation de plugins et possibilité de mises à jour cartographiques, infographie, pour l’ensemble de la valorisation du contenu. Chaque étape du basculement des notices et de la mise en route les différentes fonctions du site, aura besoin d’un contrôle qualité. 4 mois minimum seront nécessaires entre acceptation du devis reçu récemment et mise en fonction du nouveau site.

    Ainsi l’un des gros sites Spip va disparaitre suite à des conflits de pouvoir. Ceux et celles qui ont suivi depuis 18 mois les mésaventures du Maitron, comprennent qu’il ne s’agit pas d’un problème technique mais bien de la volonté politique de tourner symboliquement une page et de mieux contrôler un outil (le Maitron, pas Spip) jusqu’alors collectif et collaboratif.

    Claude

    • Comme je le disais sur le forum :

      C’est clairement la personne qui maintient le site qui est dépassé, et non pas SPIP. Avec lequel il est parfaitement possible de faire un moteur de recherche à facettes super puissant et rapide (avec Manticore + le plugin Indexer par exemple), ainsi que de la cartographie, des infographies générées auto, etc.

      Malheureusement, c’est avant, en amont de cette décision qu’il aurait fallu avoir connaissance de ces débats ET intervenir pour donner des billes, des arguments, des choses factuelles permettant d’affirmer que SPIP peut tout à fait être mis à jour et avoir mille plugins pour faire tout ce qu’ils décrivent. Et que ce qui compte c’est avant tout les personnes qui s’en occupent, qui maitrisent le logiciel, et non pas un manque du logiciel lui-même.

      Maintenant ils ont déjà le devis de la refonte, disent-ils…

      Tu penses qu’il y a encore moyen d’influer sur l’acceptation ou pas du devis de refonte ? (peu probable mais bon…)

    • Il y a bien 3 ans je leur ai proposé de l’aide (le site n’avait par exemple pas les URLS configurées correctement) J’ai été envoyé boulé gentiment et jamais recontacté.

      Dans tous les cas, je me heurte souvent au même scénario
      1- Il y a une sorte de complexe des personnes qui n’y connaissent rien à se faire aider.
      2- Souvent une personne ultra investi ne veut pas lacher le site pour des raisons d’égo. (L’informatique 24/24 créé des égos et des cerveaux curieux)
      3- Quand les vrais décideurs (qui n’y connaissent rien non plus en général) mais qui ont les finances un jour, mettent le grappin dessus et il leur faut pour justifier leur existence réinventer la roue et le bébé et l’eau du bain. Ils me font penser à des promoteurs immobiliers qui rasent le quartier qu’ils ont laissé pourrir.

      Le dernier point et pas des moindres est bien entendu le grappin politique avec le BTPWEB derrière … Voir juste la destruction du travail effectué. Vu également régulièrement.

    • Je les avais contactés il y a qq mois pour leur proposer une refonte (en mode « bouteille à la mer »). J’avais plutôt accès mon argumentaire sur une refonte ergonomique (point sur lequel, je pense, il y a bien à faire).

      Pas de réponse, en effet.

      Il y a peut-être moyen de rattraper le coup ? (si 3 ou 4 réponses à un projet de refonte insistent sur Spip, ils seront bien obligés d’entendre un argumentaire).

    • @colporteur j’aime pas ton tag branding, tu dois pas bien comprendre ce que signifie comme désillusion de contribuer à un logiciel libre, de tout le chemin à concevoir, coder et à faire la doc et faire en sorte que ça serve et que ce soit libre et open source, pour te rendre compte que la différence entre du business code americain financé en amont n’a rien à voir avec l’éthique à laquelle on se tient vu que tout le monde s’en torche et préfère utiliser FB ou WIix. Je dis pas ça pour ma pomme, mais c’est facile d’asséner un tag discrétos, ta réaction est la preuve même que tu mets sur le même plan logiciel libre et salariat pour une grosse boite.

    • @touti, c’est un malentendu, ce « branding » visait le Maitron et leur choix d’une logique propriétaire, je supprime puisque ça semble ambigu (ça pouvait se lire « # Maitron passe d’un # site collaboratif au # branding et abandonne # spip »).
      j’ai été utilisateur de bas niveau (publication et actualisation de pages) de spip. j’ai tenté de le faire adopter en lieu et place de wordpress lors de la création de sites, pour des raisons ergonomiques et politiques (oui, du libre et collaboratif c’est mieux avais-je avancé), malheureusement sans succès. le choix d’un logiciel de marque/propriétaire a été fait sous le fallacieux prétexte de la simplicité et de la fiabilité. un manque d’exigence et un conformismes dommageables.
      il me parait important qu’y compris des sites très fréquentés et réputés utilisent spip qui passe aux yeux de certains pour vieillot, inadapté, laid (j’ai parfois envoyé aux coupables des seen d’arno sur des sites réalisé sous spip). c’est aussi, mais cette fois positivement, une question d"image de marque" d’une marque qui... n’en est pas une ! donc la sortie du Maitron, si elle se confirme, est une mauvaise nouvelle. il va sans dire que je suis reconnaissant à tous.tes les personnes qui ont contribué ou contribuent à ce type de travail invisible et en bonne partie anonyme.

      #logique_propriétaire #coopération #démarchandisation

    • Désolée @colporteur de m’être emportée à une mauvais interprétation. C’est vrai que ça fait mal de voir que le Maitron (où j’ai plusieurs amis disparus maintenant) ne distingue pas la portée politique de ses choix.
      J’avais pourtant souligné quand je les ai contacté que Le Monde Diplo gère plusieurs dizaines de milliers d’articles avec SPIP sans problèmes. Donc passer sans sourciller du libre SPIP à Wordpress sous perfusion libérale de « Stratégie et Design de Contenu » d’une agence qui gère des sites de la RATP ou VINCI autoroutes, ben le CNRS n’en sort pas grandi, c’est même assez honteux.

    • à @yohooo

      il est difficile, loin de Paris et encore plus hors de France de suivre en détail, les pérégrinations de cette malheureuse affaire. Affaire où l’information circule mal et où on vous propose toutefois pétition et contre-pétition.

      Je me souviens d’argument décalé qui s’offusquait qu’il y ait 35 administrateurs [spip] dans ce projet en faisant l’amalgame d’avec le sens de « directeurs directrices administratif|ves » qui plomberaient bien n’importe quelle administration ou entreprise :)

      En attendant, la gestion proposée est celle bien centralisée (franco-jacobine) d’un contrôle dit scientifique avant validation ou correction de notices. La science participative a parfois du mal à passer dans l’~« Université », notamment en France, et le retour du Maitron dans la sphère des professionnels de la profession (laquelle ?) n’est pas très étonnant.

      Et sauf surprise d’un cahier des charges un peu intelligent, les références vers ces 225.000 notices s’appelleront pour longtemps ERROR 404.

      Un dommage collatéral est le départ/rejet de nombre de personnes collaboratrices.

    • @Fil Un temps une partie des notices n’était accessible qu’aux abonné|es (en adhérant à l’Association des amis du Maitron), puis tout a été « libéré » à l’affichage.
      Il suffisait également de citer la source selon le lien du bas.
      Là, il est entre autres question de

      les problèmes juridiques et de droits d’auteurs…

      sans que ce soit explicité. Il semble y avoir des visions différentes sur ce sujet entre les auteurs et autrices (et les institutions partenaires ?) pour qui il y a parfois la crainte que cette grosse base soit monétisé.

      Quelques autrices|auteurs pensent à déménager leurs notices sur d’autres sites.

    • crainte que cette grosse base soit monétisé

      Huhu, c’est un argument fallacieux, la meilleure façon qu’une data base ne soit pas monétisée est de la rendre libre et disponible à tout un chacune.

    • @touti oui, et ce sont ceux et celles qui s’inquiètent de la fermeture prolongée et de la « professionnalisation » qui craignent (ou fantasment ?) cette version. Le modèle RetroNews de Gallica-BNF a fortement déçu et déplu.

    • Ah tiens, tu peux nous en dire plus ? Pourquoi est-ce que ça a déplu et à qui ?
      Au siècle dernier, en lambda militante, je me rendais in situ dans les rédactions parisiennes (canard/libé/le monde) et je pouvais avoir accès à toutes leurs archives. Maintenant je crois que tout est verrouillé ou payant.

    • le modèle Retronews
      https://www.retronews.fr/abonnement
      propose des abonnements payants à la louable intention que

      Les recettes dégagées par RetroNews à travers les abonnements permettent de numériser de nouveaux journaux et d’enrichir le site en permanence.

      qui veut dire aussi que le service public doit s’autofinancer en partie. Ça peut se discuter… et en l’occurence, travailler bénévolement à par exemple faire des notices pour le Maitron et donc outre fouiller les archives, dépouiller les journaux d’époque oblige, en plus d’offrir son temps, à dépenser pour enrichir des données qu’il faudrait un jour payer pour consulter :(
      Ainsi les ami|es qui consultaient Le Libertaire — où rédactrices|rédacteurs étaient souvent bénévoles — ont profité d’une offre de quinzaine de Noël pour télécharger à tout va. Sans possibilité légale de rééditer, quoique.
      Face à cet exemple parmi d’autres, dans le monde francophone européen, des archives et des particuliers font numériser pour diffuser librement sur des sites comme ArchivesAutonomies : https://archivesautonomies.org ou Lidiap : https://lidiap.ficedl.info
      afin de n’avoir pas à perdre son temps à discuter droit et rémunération avec des services juridiques de BN ou d’universités (« J’ai numérisé|digitalisé donc j’ai des droits légaux »).
      Une autre raison est de sauvegarder indépendamment de structures qui peuvent être l’objet de nettoyage idéologique. Ce dernier argument, je l’entends de plus en plus en Belgique et en France.

  • En Jordanie, « le modèle occidental s’est effondré » | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/291123/en-jordanie-le-modele-occidental-s-est-effondre

    AmmanAmman (Jordanie).– Un zeste d’étonnement, une poignée de colère et une pelletée d’amertume : voici le cocktail qu’expriment aujourd’hui, dans les salons d’Amman et les réunions en petit comité, les intellectuel·les et les activistes des droits humains jordanien·nes à l’évocation de l’Occident.

    L’immense majorité, même les plus europhiles, même celles et ceux qui ont vécu en France, en Italie, en Allemagne, ou dont l’anglais est parfait, ne comprennent pas le soutien total et inconditionnel de la plupart des pays occidentaux à Israël après les attaques perpétrées par le Hamas le 7 octobre et la riposte israélienne ultraviolente contre la bande de Gaza.

    Une tradition bien établie dans les cercles de pouvoir politique et intellectuel jordaniens est ce moment de la journée, souvent le matin, où défile, dans le bureau de telle ou telle personnalité, tout un aréopage de connaissances qui viennent discuter, échanger, argumenter, autour d’un ballet de cafés, de thés, de biscuits et de dattes. On y rencontre des poètes, des ministres, des professeurs, des ambassadeurs, des avocats, des journalistes, des proches du palais, des islamistes des Frères musulmans, des marxistes – tous des hommes.

    Ces derniers temps, on s’y interroge : « Où est l’Europe ? Où sont les valeurs qu’elle prône ? » et, face à la journaliste française : « Où est la France ? Où est sa politique d’équilibre ? »

    Il y est question de deux poids deux mesures et de la négation du droit d’un occupé à se défendre. Car l’attaque du Hamas est vue à travers le prisme de la résistance à l’occupation, et les atrocités commises le 7 octobre par les assaillants du Hamas sont sinon niées, du moins relativisées. La thèse du mouvement islamiste est adoptée sans coup férir : ce sont des éléments « incontrôlés » appartenant au Jihad islamique ou des « civils » palestiniens de Gaza qui ont commis les meurtres. Le Hamas, en quelque sorte, a été débordé.

    C’est donc le sort des Palestinien·nes que l’on retient. « Je condamne les meurtres d’enfants et de femmes où que ce soit. Le problème, c’est que les Palestiniens sont victimes depuis 70 ans du viol de leurs droits et que le monde occidental reste sourd, affirme Hala Abed, avocate, défenseuse des droits humains et féministe. En fait, il ne s’agit même pas de la nature des actes du Hamas. De toute façon, l’Occident, en particulier les États-Unis et l’Union européenne, soutient Israël. Quoi qu’il fasse. »
    Des ambassades occidentales boycottées

    Le reproche est ancien, il a été entendu lors des précédentes offensives contre la bande de Gaza, mais il prend une nouvelle dimension depuis la guerre contre l’Ukraine et les demandes des pays occidentaux de soutenir Kyiv contre l’agression russe. « Le monde “blanc” se précipite pour aider l’Ukraine mais garde le silence quand Israël occupe la terre de Palestine, quand il bombarde les hôpitaux, tue des femmes et des enfants, coupe l’eau, l’électricité et la nourriture, enrage Roula al-Hroub, dirigeante du Parti des travailleurs, féministe et ancienne députée. Israël est un État voyou, mais l’Occident continue à l’appuyer. Les pays du Nord pratiquent le deux poids deux mesures. Ils ont échoué au test de la démocratie et des droits humains. »

    En signe de défiance, plusieurs personnalités jordaniennes ont décidé de boycotter les activités des ambassades américaines et européennes et de rendre les prix qui leur avaient été décernés. Ainsi Linda Kalash, directrice de l’ONG Tamkeen, récompensée par le prix de la Lutte contre le trafic des êtres humains, reçu du Département d’État américain. Hadil Abdel Aziz, directrice du Centre de justice pour l’aide juridique, a, elle aussi, rendu son prix international de la Femme de courage (IWOC), qui lui a été remis le 8 mars 2023, aux côtés de dix autres femmes.

    Le barreau de Jordanie envisage de rompre l’accord de coopération conclu avec le Conseil national des barreaux français signé en septembre dernier. Les avocat·es du royaume hachémite ont été choqués par les termes de la résolution adoptée par leurs consœurs et confrères français après l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre.

    Alaa Eddine Armouti, ancien président du Conseil national des droits humains, remercié officiellement pour malversations financières, officieusement pour avoir pris sa charge de défenseur de l’État de droit un peu trop au sérieux, est un homme modéré et respecté. Dans ce « salon » d’Amman, assis à côté d’un ancien ministre et d’un membre des Frères musulmans jordanien, il ne cache pas son amertume. « Je suis extrêmement déçu, secoué même, soupire-t-il. J’en arrive à questionner l’universalité des droits humains : pourquoi s’appliquent-ils différemment à l’Ukraine et à la bande de Gaza ? Ce dont nous sommes témoins, c’est que l’Occident, qui ne cesse d’en appeler à la démocratie et aux droits humains, est injuste quand il s’agit du conflit palestinien. Je suis à deux doigts de perdre ma foi dans ces valeurs. »

    Les défenseurs et défenseuses des droits humains, des droits des femmes, se sentent trahi·es par l’Occident. Inaudibles et en danger. « Nous sommes désemparés. L’appui inconditionnel à la position israélienne, dans les premiers jours après le 7 octobre, est une catastrophe pour nous. Nous l’avons dit au haut-commissaire aux droits humains de l’ONU, Volker Türk, lors de sa visite à Amman le 9 novembre dernier, reprend un avocat. Le deux poids deux mesures menace la conviction que le dialogue peut aboutir, puisque les droits humains ne s’appliquent qu’aux Occidentaux et à leurs alliés. »

    Tous ceux et celles qui affirmaient déjà que les droits humains n’étaient en aucune façon une valeur universelle et n’avaient rien à faire dans des sociétés musulmanes et arabes boivent du petit-lait. Ainsi d’Iyad Qoneibi, docteur en pharmacie, condamné en 2016 à deux ans de prison pour incitation à la haine raciale, et de ses 3,8 millions d’abonné·es sur X (ex-Twitter). « Pour lui, la position occidentale aujourd’hui prouve que les droits relèvent d’un complot ourdi pour attaquer les religions, et en particulier l’islam, poursuit l’avocat jordanien. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, il est beaucoup plus écouté. Et jugé crédible. »

    (...)

    Les armes se tairont dans quelques jours ou quelques semaines au-dessus de la bande de Gaza. Les otages seront relâché·es. Les morts seront enterrés. La politique reprendra ses droits. Mais le droit international, la défense des droits humains, eux, auront bien du mal à sortir de l’abîme qui s’est ouvert entre les pays occidentaux et les sociétés arabes.

  • the killing of civilians was all calculated and intentional
    https://twitter.com/RnaudBertrand/status/1730218264540643439

    WOW, this might be THE most important piece of journalism on the war on Gaza since it began, by Israeli newspaper .
    @972mag

    https://972mag.com/mass-assassination-factory-israel-calculated-bombing-gaza

    Essentially they confirm, with unimpeachable sourcing, that the killing of civilians was all calculated and intentional.

    Their investigation is “based on conversations with seven current and former members of Israel’s intelligence community — including military intelligence and air force personnel who were involved in Israeli operations in the besieged Strip — in addition to Palestinian testimonies, data, and documentation from the Gaza Strip, and official statements by the IDF Spokesperson and other Israeli state institutions.”

    What the investigation reveals is that “the Israeli army has files on the vast majority of potential targets in Gaza — including homes — which stipulate the number of civilians who are likely to be killed in an attack on a particular target. This number is calculated and known in advance to the army’s intelligence units, who also know shortly before carrying out an attack roughly how many civilians are certain to be killed.”

    One source told them: “Nothing happens by accident. When a 3-year-old girl is killed in a home in Gaza, it’s because someone in the army decided it wasn’t a big deal for her to be killed — that it was a price worth paying in order to hit [another] target. We are not Hamas. These are not random rockets. Everything is intentional. We know exactly how much collateral damage there is in every home.”

    Even more dystopian - and this might be a first in the history of warfare - a lot of the targets are identified by AI: for instance they “use of a system called ’Habsora’ (’The Gospel’), which is largely built on artificial intelligence and can ’generate’ targets almost automatically at a rate that far exceeds what was previously possible. This AI system, as described by a former intelligence officer, essentially facilitates a ’mass assassination factory.’ According to the sources, the increasing use of AI-based systems like Habsora allows the army to carry out strikes on residential homes where a single Hamas member lives on a massive scale, even those who are junior Hamas operatives.”

    I’m not going to copy the whole article here, you have to read this for yourself. IT IS INSANE. They’ve essentially been running, as the sources say, a “mass assassination factory” at a terrifying scale with massive and intended “collateral damage” (often the targets’ entire families, or even sometimes much of their neighborhood), alongside an objective to destroy much of Gaza to “create a shock”, all on a population that had nowhere to escape. It’ll likely remain in history books as one of the most depraved massacres in modern history.

    #crime_de_guerre #crime_de_masse

  • Un militant d’extrême droite menace de saisir les tribunaux après avoir été confondu avec « Gros Lardon » sur les réseaux sociaux – Libération
    https://www.liberation.fr/checknews/un-militant-dextreme-droite-menace-de-saisir-les-tribunaux-apres-avoir-et
    https://www.liberation.fr/resizer/2Lah7D52JRxcXch_PkjMajFY48s=/1200x630/filters:format(jpg):quality(70):focal(955x935:965x945)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/MDTF5HUFJ5DYJETOMI5S3GRUBI.jpg

    Confondu avec un des acteurs de la tentative d’expédition punitive ayant eu lieu à Romans-sur-Isère samedi soir, un identitaire est devenu la risée du Web en raison de ses publications évoquant sa misère sexuelle imputée à l’immigration.

    [...]
    Dans une vidéo particulièrement moquée, il déclare : « Faut pas qu’on se cache derrière notre petit doigt. Tout le monde le voit. Autour de nous, on voit tous que les jeunes Européennes, les jeunes blanches, sont attirées par les blacks plus que par les blancs. Et ça fait une misère sexuelle chez nous. »

    « Gros lardon a du mal à tremper son petit lardon » ricane un internaute. La vidéo est également commentée par la députée écoféministe Sandrine Rousseau, qui y voit « un concours de kékette, de celui qui a attire le plus la femelle. Le fascisme a aussi à voir avec la virilité ».

    https://twitter.com/sandrousseau/status/1729053010721169598?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E17

  • Henry Laurens : La décolonisation est la solution - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1358738/henry-laurens-la-decolonisation-est-la-solution.html

    La solution à deux Etats semblant de plus en plus complexe à mettre en oeuvre à mesure que les positions des deux parties se cristallisent, le professeur au Collège de France évoque la décolonisation.

    #paywall
    les extraits, fournis par l’auteur de l’interview, qu’il est possible de lire sur X donnent envie…
    https://twitter.com/karimbitar/status/1729283069578719538

  • Au Liban, la mémoire de la guerre de 2006 pousse les Libanais du Sud sur les routes
    Le collectif Public Works Studio publie une carte des localités évacuées (en rouge) et des localités de refuge (en bleu), sur la base des données rassemblées par l’Agence des Nations Unies auprès des municipalités
    Elle montre que les localités perçues comme dangereuses se concentrent dans le Sud, le long de la frontière mais avec une certaine profondeur, ainsi que dans la banlieue sud de Beyrouth. Les localités du Sud situées plus loin de la zone frontalière, ainsi que les localités de l’Est et du Nord de Beyrouth, sont perçues comme moins dangereuses et servent de refuge. Des mouvements similaires sont enregistrées aussi dans la Beqaa, Baalbek apparaissant particulièrement peu sûre.

    https://twitter.com/publicworks_lb/status/1729196891525754995

    La signification de la colonne de gauche n’est pas très claire pour moi. Elle semble indiquer qu’il n’y a pas d’information de provenance pour près de 9500 personnes, mais pourtant les données sont cartographiées au niveau des villages d’origine.
    #déplacés #réfugiés #guerre #Gaza #Liban_Sud

  • Attroupements de militants d’extrême droite à Romans-sur-Isère : Gérald Darmanin appelle à la mobilisation pour prévenir les actions violentes
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/11/27/apres-le-meurtre-de-thomas-a-crepol-olivier-veran-met-en-garde-contre-le-ris

    « Ces actions, qui visent à ajouter du désordre, de la violence et de la division dans notre société, écrit le ministre, ne doivent pas nous détourner de notre action résolue contre les délinquants et ces individus ensauvagés qui doivent être l’objet d’une répression déterminée. »

    « Dans ce contexte, poursuit M. Darmanin, dont les groupes d’ultradroite comme d’ultragauche se saisissent pour troubler l’ordre public, il est indispensable que l’ensemble des services (…) demeurent pleinement mobilisés afin de prévenir tout attroupement ou [toute] manifestation non déclarée visant à mener des actions violentes contre les personnes et les biens. » Il leur demande « une fermeté systématique afin de procéder aux interpellations dès la naissance d’un trouble ».

    Darmanin ne résiste pas à la tentation de voir l’ultragauche là où il n’y a que l’extrême-droite me semble-t-il ?

  • Libérer tous les otages de Gaza
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/25/liberer-tous-les-otages-de-gaza_6202304_3232.html

    Cette trêve doit être préservée pour obtenir les autres libérations prévues jusqu’à présent, et jusqu’à ce que le dernier des otages puisse enfin quitter cette étroite bande de terre. Le silence des armes doit aussi permettre aux centaines de milliers de civils palestiniens pris au piège des combats, chassés de quartiers réduits à des gravats, et privés de tout, d’accéder enfin à une aide humanitaire qui fait encore cruellement défaut.

    Tous les otages mais quid des prisonniers détenus arbitrairement, sans motif notifié ou au terme de procès expéditifs ? Encore un effort, Le Monde

  • Israël : le calvaire d’Esther, violée et mutilée par les terroristes du Hamas
    https://www.leparisien.fr/international/israel/israel-le-calvaire-desther-violee-et-mutilee-par-les-terroristes-du-hamas

    Les cas de viols et de mutilations sexuelles commis lors des massacres du 7 octobre sont en train de faire surface. Alors que les survivantes peinent encore à parler, l’une d’elles, qui participait au festival Tribe of Nova, a accepté de nous raconter ce qu’elle a subi.

    Dans les déliés de cette courte conversation, Esther (le prénom a été changé) n’est jamais vraiment là. Assise dans son lit, elle cherche du regard le moindre recoin de la pièce, pour fuir les yeux de son interlocuteur. Qui n’en est même pas vraiment un, pour elle : « À l’intérieur, je suis à moitié morte », dit la jeune femme de sa voix tremblante et mécanique.
    Elle a choisi « Esther » pour apparaître comme victime de sévices sexuels. En hébreu, l’une des significations métaphoriques de ce prénom désigne celle qui est « cachée ». La Bible raconte l’histoire de cette princesse juive qui se dissimulait pour ne pas être conduite au harem. « Prise de force par le roi, elle finit par utiliser sa position de nouvelle épouse pour éviter le massacre des #juifs », dit-elle en secouant la tête. « Moi, je ne vais sauver personne, je ne tiens même pas debout. »

    « Je serai toujours l’image vivante du pogrom »

    C’est en un rien de temps qu’Esther a été arrachée au monde des vivants. Le 7 octobre, lorsque la violence du #Hamas a déferlé sur le désert de Be’eri, son petit ami les a entraînées, elle et sa marraine, sous une bâche du bar de la rave party, pour passer inaperçus en faisant les morts. Elle tremblait trop de peur, les terroristes l’ont vue.
    Depuis, Esther n’a pas réussi à se lever. « Littéralement, puisque ma jambe ne répond plus à ma volonté », précise-t-elle. En langage médical, elle a subi une « lésion du pédicule nerveux innervant le membre inférieur. » Dans son souvenir, elle a été violée et en même temps tabassée devant son copain, forcé de regarder avec un couteau sous la gorge : « C’était si douloureux que j’ai perdu connaissance, ils ont arrêté lorsqu’ils m’ont crue morte. » Puis sont arrivées les #mutilations. L’un d’eux s’est mis à utiliser un couteau, ou un tesson de verre, comment savoir ? Elle en garde une paralysie, qui pourrait ne jamais disparaître. « Et même si je remarche, je boiterai. Je serai toujours l’image vivante du #pogrom. »

    Des cas similaires ont été relevés par les médecins légistes sur les cadavres — ou ce qu’il en reste. Nombre d’entre eux ont été tellement dégradés que le travail d’identification continue, six semaines après le massacre, sur la base militaire de Shura. Reconvertie en morgue, elle accueille des conteneurs réfrigérés qui y font office de chambres mortuaires. La plupart de ces #viols, particulièrement cruels, avec des objets, ont été faits post mortem.
    À l’image de la manière dont les terroristes se sont acharnés sur le corps encore chaud de la marraine d’Esther. « Ils ne l’ont pas violée de manière traditionnelle, on va dire, raconte encore la survivante. Peut-être parce qu’elle était beaucoup moins jeune que la moyenne de la rave. C’était une fêtarde, qui aimait sortir avec nous pour danser dans la nature. »

    Une stratégie pour jeter la honte sur la société ?

    Même lorsqu’elle évoque son deuil, sa voix est vierge de sanglots. Les mots s’abattent de façon clinique, froide, « comme s’il ne s’agissait pas de son histoire », observe un psychiatre hospitalier. « C’est typique du syndrome de stress post-traumatique, en particulier lors d’un viol », poursuit le médecin, expert de ces sujets. « Le cerveau de la victime met sa subjectivité et toutes ses émotions sur pause pendant l’agression, comme un animal qui se fige, pris dans le danger », poursuit-il. « Elles disent que c’est comme si elles s’étaient détachées de leur corps, laissé à l’agresseur, afin de protéger leur intégrité psychique. » Le problème survient lorsque certaines restent bloquées dans cette dissociation.

    Encore peu couverte, la question de #crimes_sexuels de masse commis ce jour-là plonge la nation israélienne dans la souffrance supplémentaire de l’incompréhension. Ces profanations des attributs sexuels féminins interpellent Noémie Issan, philosophe franco-israélienne. Selon elle, « alors que les informations sortent au compte-gouttes pour protéger les rares qui ont survécu et les familles des victimes, il est difficile de savoir si ce sadisme a découlé d’un ordre, comme un élément de stratégie » destiné à jeter la honte sur la société, à la déliter. « Je n’ai pas honte, glisse Esther. Pour ressentir ça, il faudrait que je sois plus que demi-vivante. »

    https://archive.is/LLQeY

    #7_oct #7_octobre_2023

    • #BigGrizzly n’a pas eu le clavier très léger sur cette remarque. J’ai fait l’effort de lire ce texte, avec ses détails horribles. Et j’espère - même si quelque part ce serait mieux pour elle - que ce n’est pas un mensonge de plus dans la longue liste au "crédit" des autorités israéliennes. Quand bien même tout y serait vrai (c’est bien peu sourcé, et l’anonymat n’arrange rien), la présentation (et la publication dans ce type de presse) est clairement manipulée. Quelques exemples :
      – "En hébreu, l’une des significations métaphoriques de ce prénom désigne celle qui est « cachée ». La Bible raconte l’histoire de cette princesse juive qui se dissimulait pour ne pas être conduite au harem" . Conduite au harem, voilà qui sent bon le sable chaud de l’islamophobie...
      – « Je serai toujours l’image vivante du pogrom » C’est en un rien de temps qu’Esther a été arrachée au monde des vivants. "Pogrom", comme "terroriste" n’est pas choisi au hasard. Et la phrase suivante !...
      – Des cas similaires ont été relevés par les médecins légistes sur les cadavres — ou ce qu’il en reste. Nombre d’entre eux ont été tellement dégradés qe le travail d’identification continue, six semaines après le massacre : : peut-être faudrait-il signaler que la presse israélienne elle-même reconnaît que les médecins légistes n’ont pas pu (voulu ?) faire le travail...
      – "crimes_sexuels de masse" (c’est toi le hashtag, Colporteur ?), espérons des faits, moins de manipulations, et si possible moins d’affects...

    • sur le terme pogrom, j’ai l’impression que cette remarque de l’historien Omer Bartov n’a pas été référencée sur @seenthis

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/27/omer-bartov-historien-israel-ne-semble-disposer-d-aucun-plan-politique-il-ne

      Au sujet de ces attaques, Israël et ses partisans ont parlé de « pogrom » et ont, de façon plus générale, fait référence à la Shoah. Que pensez-vous de cette comparaison ?
      Recourir au mot « pogrom » est faux et trompeur. Le terme est par ailleurs surdéterminé sur le plan idéologique. Le mot « pogrom » désignait des agressions commises contre les communautés juives, tout particulièrement dans le sud de la Russie et en Ukraine. Des foules étaient incitées à s’attaquer à ces communautés, parfois avec le soutien des autorités. Depuis, ce terme a aussi été utilisé pour désigner des actes perpétrés ailleurs par d’autres populations contre d’autres minorités.

      L’intention première du sionisme était de fonder un Etat majoritairement juif sur le sol duquel les pogroms ne seraient par définition plus possibles, puisque les autorités politiques, militaires et de maintien de l’ordre seraient toutes juives. Il est donc parfaitement anachronique de recourir à ce terme pour désigner l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas. Mais la raison pour laquelle on utilise aujourd’hui ce mot a à voir avec la référence intentionnelle ou subconsciente à la violence antijuive et spécifiquement à la Shoah, cet événement historique qui est précisément à l’origine de la fondation de l’Etat d’Israël.

      En parlant de « pogrom », on attribue au Hamas, et par extension à toutes les autres organisations palestiniennes, ou même aux Palestiniens en général, un antisémitisme féroce caractérisé par une propension à la violence vicieuse, irrationnelle et meurtrière, dont l’unique objectif serait de tuer des juifs. En d’autres termes, conformément à cette logique, il n’y aurait pas lieu de négocier avec les Palestiniens. C’est la logique du « eux ou nous » : si nous ne les tuons pas, ce sont eux qui nous tueront. Dans une telle logique, il importe au moins de les enfermer derrière des murs et des clôtures barbelées.

    • dans Haaretz (au moins) le terme pogrom a été employé à de multiples reprises pour désigner les exactions commises par des soldats ou des colons israéliens contre des palestiniens en Cisjordanie, y compris en l’absence d’homicides, au moins depuis 2021 (sans doute avant)
      https://www.haaretz.com/opinion/editorial/2021-09-30/ty-article-opinion/a-pogrom-and-silence/0000017f-e3d0-d7b2-a77f-e3d7bac80000
      https://www.haaretz.com/israel-news/twilight-zone/2022-11-18/ty-article-magazine/.highlight/theres-only-one-way-to-describe-this-settler-attack-a-pogrom/00000184-89c7-d9ce-a1f6-9be796390000
      et ensuite
      https://www.haaretz.com/opinion/2023-03-19/ty-article-opinion/.premium/the-pogrom-against-palestinians-that-brought-the-occupation-home-to-jewish-israelis/00000186-f983-d711-a9de-fdebab2b0000
      https://www.haaretz.com/opinion/editorial/2023-06-23/ty-article-opinion/.premium/standing-orders-for-a-pogrom-against-palestinians/00000188-e459-d5fc-ab9d-ff79bc690000
      https://www.haaretz.com/israel-news/2023-03-04/ty-article/.premium/israeli-settlers-threaten-another-hawara-pogrom-on-saturday-night/00000186-ad5d-de2a-a1ee-af5f092f0000
      etc.

      pour ma part, je trouvais ça un peu léger, non pas que les persécutions et les meurtres de palestiniens me paraissent anodins, mais parce que l’aspect quotidien ou presque, étalé dans le temps en "petites" quantités me semblait distinct de ce que furent les pogroms (y compris ceux contre des ouvriers italiens en France en 1893), avec leur aspect éruptif, ou la répétition ne venait qu’après des moments d’accalmie. de ce point de vue, ce qui a lieu en Cisjordanie ressemble aussi à ce que fut le traitement des esclaves dans les états du sud US, une terreur continue, le meurtre autorisé au premier prétexte.

      qu’aujourd’hui on puisse décrire les crimes du 7 octobre, dont on sait, sans détails suffisants, qu’ils ont aussi été le fait de civils palestiniens et pas seulement de soldats du Hamas ou du Djihad, sans compter les morts et blessés dus à l’armée israélienne, là aussi sans qu’on sache dans quelle proportion), ne devrait surprendre personne. de là à dire qu’ils faut tuer les palestiniens, il y a une marge, faite pour être franchie de part et d’autre, israéliens et pro-israéliens, palestiniens et pro-palestiniens. mais ce n’est pas obligatoire, y compris au sein des quatre catégories citées.

      sinon, cette survivante parle dans des termes qui sont les siens, visiblement religieux. je ne m’en étonne pas plus que lorsque je vois un gazaoui qui découvre son fils mort avoir pour premier réflexe de se prosterner pour prier. rien de mieux que la terreur et le désespoir pour renouer pour renouer avec sa religion (sens et consolation, aussi insuffisants soient-ils) lorsque l’on dispose de ce secours.

      Reddit quant à Omer Bartov il dit également dans ce même article

      De nombreux universitaires qui se disent de gauche et autres soutiens de la Palestine ont salué les massacres haineux perpétrés par le Hamas et se sont exprimés avec virulence contre le droit d’Israël à défendre ses citoyens en ripostant contre le mouvement islamiste, qui utilise les populations civiles comme boucliers humains dans la bande de Gaza, très densément peuplée. Même ceux qui ne saluent pas explicitement les massacres ont fait preuve d’un manque total d’empathie pour les centaines de victimes et les otages juifs. Et de fait, bien souvent, les déclarations condamnant les bombardements israéliens sur Gaza n’évoquent même pas l’attaque du 7 octobre.

      Omer Bartov, historien : « Israël ne semble disposer d’aucun plan politique, il ne dispose que d’un plan militaire très hasardeux »
      https://archive.is/Fcbjs

    • Habituellement, les récits de violences sexuelles font l’objet d’avertissement, de trigger warnings, de précautions.
      Habituellement, les témoignages de violences sexuelles font l’objet d’euphémisations, de conditionnels, de réécritures, voire de mise sous silence, en donnant carrément la parole à l’agresseur.
      Habituellement, le pathos dans les violences sexuelles est mal vu, parce qu’empêchant la bonne distance aux faits, à la froide compréhension que les journalistes souhaitent nous donner accès.

      Ces transgressions aux bonnes habitudes journalistiques doivent pouvoir s’expliquer.
      Par exemple, il se peut que le fait que nous soyons dans le contexte du viol parfait, le seul qui mérite d’être condamné sans jugement, sans présomption d’innocence. La victime bien blanche, l’agresseur bien « autre », étranger, et même arabislamiste, carrément.

      Un snuff movie, sous sa forme d’image ou sous sa forme textuelle, reste un snuff movie. Et en imposer le visionnage reste une violence.

      Et n’allez pas m’accuser de vouloir cacher quoi que ce soit. Je ne nie rien de tout ce qui est écrit, filmé, ni de l’horreur, ni des souffrances.

      A quel moment ceux qui relaient vont-ils cesser de nier le double standard que les transgressions que j’évoque représentent ? Hier, je lisais un texte tout en pudeur du récit d’une famille massacrée sous des tonnes de gravats, récit que l’on sait pouvoir multiplier par milliers. A quel moment est-ce que le Parisien et tous les autres vont-ils accepter de rendre la pareille à ces victimes là, moins blanches, moins conformes, moins susceptibles d’empathies de la part de leurs lecteurs ?

      Hier, colporteur, ton partage m’a mis mal à l’aise, oui, parce qu’une fois de plus, sans remords et sans vergogne, on me fout sous le nez ce qui ne ressort qu’avec difficultés quand le bourreau est du bon côté du manche, à savoir l’horreur crue que représente la barbarie débridée.

    • Même ceux qui ne saluent pas explicitement les massacres ont fait preuve d’un manque total d’empathie pour les centaines de victimes et les otages juifs.

      Concurrence victimaire.
      A chaque fois que tu réclames la prise en compte des victimes palestiniennes, n’oublie pas de rappeler que tu penses aussi aux victimes israéliennes, sinon, ton propos est disqualifié.

      Tiens, à chaque fois que tu parles des victimes d’Hiroshima, si tu veux être pris au sérieux, et ne pas être pris en flagrant délit de double standard, tu te dois de rappeler toutes les victimes de Pearl Harbour. Sinon, c’est la preuve que ton propos est malveillant.

      Procès d’intention crétin.

      Mais je comprends. L’ensemble de ces 75 années d’occupation sont une immense démonstration de la malveillance et de la crétinerie humaine.

    • Le titre du Parisien, calvaire, viol, mutilation, est explicite.
      L’entretien Bartov date du 27 octobre. Son refus de caractériser le 7 octobre comme un pogrom est discutable, comme le montre l’utilisation répétée du terme par des israéliens à propos d’actes antérieurs commis par des israéliens. Sa manière de parler du « droit d’Israël à défendre ses citoyens » est dans ce passage discutable (après 19 jours de bombardements massifs...) mais ses propos critiquer l’orientation exclusivement militaire le passage qui suit immédiatement critique aussi l’état d’esprit de nombreux israéliens et de leurs soutiens : 3A l’inverse, les soutiens d’Israël, pour l’essentiel des juifs, qui se sentent profondément trahis par leurs collègues de gauche et leur absence totale d’empathie pour les victimes du 7 octobre, et qui peuvent eux-mêmes se montrer ambivalents face aux destructions immenses actuellement infligées à Gaza par les forces israéliennes, refusent généralement de reconnaître les causes politiques plus profondes de cet état des choses". Le manque d’empathie pour les morts et blessés du 7 octobre ne peut être nié qu’en raison du déferlement compassionnel médiatique et gouvernemental qui l’accompagnait et de l’absence de toute empathie, pour les palestiniens, les tutsis et tant d’autres.

      je crois avoir été parmi les premiers ici à signaler le témoignage dune kibboutzim discrètement épargnée par un combattant du Hamas le 7/10, qui semble contredire la thèse qu’’instruction aurait été donnée de tuer le maximum de civils, comme celui d’une autre indiquant que ce sont des tirs de char des FDI qui ont tué une partie des habitants de son kibboutz, élément tout à fait contradictoire avec la propagande israélienne à l’époque et aujourd’hui.

      Merci d’éviter de me chercher systématiquement des poux dans la tête pour me couper la langue.

      edit selon Physicians for Human Rights, des viols ont bien eu lieu le 7 octobre confirme
      https://seenthis.net/messages/1029266#message1029298

    • De l’indifférenciation à l’indifférence. Sur les viols de masse le 7 octobre en Israël.
      https://k-larevue.com/de-lindifferenciation-a-lindifference-sur-les-viols-de-masse-le-7-octobre

      Que dire des crimes sexuels perpétrés par les hommes du Hamas le 7 octobre – documentés un peu plus chaque jour par le travail d’un groupe israélien de gynécologues, médecins légistes, psychologues et juristes du droit international ? Et comment comprendre l’occultation de la violence faite aux femmes ce jour-là par une partie de l’opinion mondiale – supposées « féministes » comprises ? Cette occultation ne revient-elle pas à faire une deuxième fois violence à ces femmes, comme si leur calvaire ne comptait pas et était dépourvu de signification ?

      Chaque viol est un acte. La « femme », s’il est possible de la définir, se caractérise par le fait de savoir que cet acte en quoi le viol consiste peut toujours lui arriver à elle. Elle est cet être humain qui vit, grandit, évolue et se transforme avec ce savoir intime qu’elle peut toujours se faire violer. « Sachante », cela la rend alors plus directement interrogative : comment un tel acte est-il réellement possible ? Comment fait-on pour violer une femme ? La question se pose, parce que le viol comme destruction du corps de l’autre a ceci de spécifique que l’agent destructeur use pour y parvenir de son propre corps : l’homme qui viole le plus souvent ne recourt pas à des outils, des prolongations techniques du corps humain, mais se sert de son corps propre comme d’une arme ; et plus précisément, non pas d’une partie corporelle que la fermeté constitutive rend toujours potentiellement disponible pour servir d’arme, tels le pied ou le poing, mais de son pénis, qui doit se durcir pour pouvoir devenir un moyen de destruction. Le viol à proprement parler, celui qui déchire les parties intimes de la femme par pénétration sauvage, ne peut effectivement s’accomplir que si l’homme est en érection. Qu’est-ce qui, face à une femme hurlant de terreur et de douleur, produit, puis soutient cette érection ? Quel est le processus psycho-physiologique qui rend possible cet acte ?
      Quiconque s’attèle à une enquête dans son entourage masculin se trouve peu renseigné. Interrogez les hommes autour de vous sur la question de savoir comment ces hommes-là font pour bander, et vous obtiendrez une fin de non-recevoir, dont le plus étrange est qu’elle n’est absolument pas soupçonnable d’insincérité : le viol, c’est le crime de l’autre par excellence, avec qui on n’a rien de commun. Comme si les hommes qui violent faisaient partie d’une autre espèce avec laquelle ils ne partagent rien et qu’ils ne comprennent pas.
      Les femmes, quant à elles, n’y comprennent rien non plus. Pour elles, en matière de sexualité, les hommes sont tout aussi compliqués qu’elles-mêmes. Rien de simple dans l’érection d’un homme. La sexualité leur est tout aussi désirable qu’à elles, tout aussi peu évidente également – et ce savoir partagé entre hommes et femmes se maintient contre une société qui ne cesse de colporter le fantasme d’une sexualité simple, directe et quasi-animale pour les hommes et fort compliquée pour les femmes.
      Aussi l’affirmation qui parfois est censée servir d’explication à la possibilité du viol, selon laquelle les hommes sont constitutivement et potentiellement tous des violeurs, en vérité tous excités devant n’importe quel corps de femme nue ou potentiellement dénudable et seulement tenus en respect par la crainte de sanction, n’éclaire-t-elle strictement rien. Pour quiconque d’un peu sincère, le mystère du « comment » reste entier. Peut-être même est-ce cette incompréhension absolue qui est à l’origine de la thèse étrangement rassurante de « tous des violeurs ». Comme un refus de se confronter au caractère abyssal de la question, qui ne vise pas seulement la possibilité de l’érection en vue de la destruction d’une femme, mais aussi le mystère qu’un homme puisse accepter de jouir en réalisant cette œuvre destructrice à laquelle, il faut le répéter, celui qui l’accomplit assiste à chaque seconde.
      On n’a donc aucune hypothèse à présenter pour expliquer comment ont fait les membres des commandos du Hamas pour user de leur intimité comme arme pendant leurs raids sur le festival de musique et les vingt villages israéliens à la frontière de la Bande de Gaza. On peut en revanche dire une petite partie de ce qui a été fait aux femmes, et émettre une interprétation qui éclaire non pas les faits, mais leur occultation par l’opinion mondiale. Comme cette occultation revient à faire une deuxième fois violence à ces femmes, comme si leur calvaire ne comptait pas, était dépourvu de sens et de signification, commençons par les faits.

      Le viol, l’un des objectifs – occulté – de l’attaque du 7 octobre…

      On sait désormais partiellement, grâce au travail courageux d’un groupe de professionnelles israéliennes – gynécologues, médecins légistes, juristes du droit international et psychologues[1] –, ce qu’ont fait les hommes du Hamas : ils ont violé de façon répétée, et l’ont fait en groupe. Ils ont tellement violé que l’on voit l’entrejambe des pantalons des femmes kidnappées rouges de sang, et des flaques de sang entre les jambes de femmes et de filles assassinées après les viols. Ils les ont tant violées que certaines, retrouvées mortes, ont eu les os pelviens brisés. Ils ont violé des adolescentes, des femmes et des femmes âgées. Ils ont coupé des seins. Ils ont mutilé les parties sexuelles de leurs victimes – en ce cas, y compris des hommes. Ils ont torturé les femmes après le viol. Ils se sont filmés le faisant. Ils ont envoyé les vidéos des viols et tortures aux proches, qui durent y assister à distance, là où ils n’étaient pas contraints d’assister en direct à ce qui était fait à leurs amies, compagnes, épouses, mères, sœurs et filles. Ces femmes, ils les ont presque toutes tuées après les viols, ou laissées pour mortes[2]. La plupart des victimes survivantes dont on a connaissance à l’heure actuelle, ou plutôt qu’on espère encore vivantes, sont les femmes qui ont été entraînées, déjà violées, à Gaza. On a trouvé un glossaire arabe – hébreu sur l’un des combattants morts du Hamas, indiquant, entre autres, des phrases utiles en hébreu pour faciliter l’acte de violer : « enlève ton pantalon », « retourne-toi » … Les terroristes ayant survécu et été faits prisonniers expliquent à ce propos que le viol était l’un des objectifs de l’attaque.

  • Israël, année zéro - AOC media par Elad Lapidot
    https://aoc.media/opinion/2023/11/26/israel-annee-zero

    L’objectif de Buber fut de mettre fin à la violence et aux meurtres. Il considérait les Arabes comme un « toi » et non comme un « cela », et il pensait que le mouvement national palestinien devait être reconnu. Sion ne pouvait être que juste, ne pouvait que créer la paix, c’est-à-dire qu’elle ne pouvait exister d’après Buber que comme coopération judéo-arabe, comme alliance de paix. Il imaginait une relation positive avec les Arabes dans de différents domaines, plaidait pour une solidarité économique au lieu de la politique dominante du « travail hébreu » et pour le devoir d’apprendre la culture et la langue des Arabes et leur Islam, contrairement aux sentiments anti-arabes omniprésents, souvent racistes, chez les colons juifs. Au lieu d’un État juif, Buber prônait l’idée d’un État binational qui œuvrerait au bénéfice de l’ensemble de la population du pays et qui s’intégrerait dans une fédération régionale d’États du Proche-Orient.

    Cette vision semble aujourd’hui illusoire. La violence terrible des massacres perpétrés le 7 octobre par le Hamas nous a profondément choqués, nous les Juifs israéliens. Notre choc ne nous a pas empêchés de faire des comparaisons. Au contraire, la prise de conscience que nos enfants sont la cible d’une telle haine a réactivé notre traumatisme collectif le plus profond. Beaucoup donnent un sens à ces atrocités en les comparant aux meurtres de masse des Juifs pendant la Shoah et dans les pogroms. Ils contextualisent la haine palestinienne comme une nouvelle éruption d’antisémitisme – pas seulement barbare, mais le mal pur.

    Cette vision dicte la réponse militaire d’Israël. La violence extrême et indiscriminée des attaques israéliennes sur la bande de Gaza depuis le 7 octobre vise à éradiquer le mal, à sauver les Juifs d’Auschwitz. Le Premier ministre Netanyahou a déclaré à ses soldats : « C’est une guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres. »

    Dans cette atmosphère, quiconque propose une contextualisation alternative des massacres, une contextualisation qui met l’accent sur le conflit israélo-palestinien et non pas sur l’éternelle haine des Juifs, quiconque suggère que les actions d’Israël à Gaza ne sont peut-être pas la solution mais font partie du problème, est souvent taxé de justifier le mal. Ceux qui pensent différemment sont traités comme des traîtres.

    Pensons à Buber. Sa vision semble aujourd’hui illusoire, comme elle l’était pour la plupart des sionistes à l’heure zéro du conflit et tout au long de son histoire. Même Brit Shalom n’a été que de courte durée. Mais Buber est resté ferme. Avec quelques-uns, un trop petit nombre, il a continué à défendre l’impératif de la coopération contre la stratégie de domination qui a déterminé la politique juive en Palestine et, plus tard, dans l’État d’Israël. La violence actuelle, persistante et excessive, jette une ombre sur les perspectives d’un avenir binational. Cependant, si nous voulons éviter un génocide ou un suicide, une variante de la vision de Brit Shalom est le seul avenir possible. Pour une grande partie, cela dépend de notre capacité de trouver aujourd’hui la force de déclarer, en tant que Juifs, en tant qu’Israéliens : « C’est notre volonté que les condamnations à mort prononcées à cause de nous, à cause des méfaits commis à notre encontre, ne soient pas exécutées. »

  • Un petit #shameless_autopromo dont je suis très content (et assez fier) : les Archives de Montpellier m’ont commandé un nouveau mini-site cette année : Gouverner Montpellier au XVIIIe siècle
    https://musee.info/Gouverner-Montpellier-au-XVIIIe-siecle

    Le terme de « gouvernement » ou l’action de gouverner s’appliquent généralement au XVIIIe siècle aux États. À la fin du XVIIIe siècle, on trouve parfois la mention du « bon gouvernement » dans les villes, par exemple dans le tome 4 de la série « Économie politique et Diplomatique » de l’Encyclopédie méthodique de Panckoucke (1786). Cela est dû au fait que les autorités locales ont progressivement pris en charge une administration plus large et complète des espaces urbains.

    Montpellier, capitale de la province de Languedoc avec Toulouse, est ainsi un terrain d’action majeur pour ceux qui veulent procurer le « bon ordre ». Mais au-delà des mots, qu’en a-t-il été réellement ?

    Pour le savoir, il est nécessaire de comprendre comment les individus du siècle des Lumières ont agi. Ils ont tout d’abord voulu contrôler une réalité matérielle et physique problématique, en améliorant la ville. Ils l’ont fait par des micro-aménagements qui ont complété les embellissements urbains. Ces aménagements ont été réalisés au nom de la sécurité et de la police de la ville, en mobilisant les institutions scientifiques de la cité. Ces évolutions ont suscité deux mouvements contraires : une participation plus large au gouvernement de la ville, et des réactions d’hostilité. Ces mouvements séculaires ont participé – entre autres – à la remise en cause plus générale du gouvernement de la ville qui est intervenue dans les années 1780-1791.

    Il y a beaucoup à lire, énormément de documents, et je trouve certains passages tout à fait passionnants, sur ce tournant de la ville vers la « modernité », et le contrôle de l’espace public. Il y a des choses qui devraient vous intéresser sur la police et sur les femmes (dangereuses…).
    https://musee.info/IMG/mp3/capsule_6.mp3

    Pour rappel, l’année dernière on avait fait pour les Archives le mini-site 1622, Montpellier assiégé :
    https://musee.info/1622-Montpellier-assiege

  • Jamais la Palestine n’a autant souffert, par Jean-Pierre Filiu
    https://www.lemonde.fr/un-si-proche-orient/article/2023/11/26/jamais-la-palestine-n-a-autant-souffert_6202438_6116995.html

    La répression du soulèvement arabe de 1936-1939 contre le mandat britannique sur la Palestine a fait plus de 5 000 morts, avant que la Nakba, la « catastrophe » de l’exode palestinien de 1948, n’inflige des pertes bien supérieures, avec environ 13 000 morts, majoritairement civils, soit 1 % de la population arabe d’une Palestine désormais disparue.

    Jamais autant de morts
    L’ampleur de cette hécatombe a, durant les soixante-quinze années écoulées, paru indépassable, en dépit des tragédies qui ont marqué depuis lors l’histoire palestinienne. Le bilan des plus sanglantes d’entre elles s’est élevé à un millier de morts lors de la première occupation israélienne de Gaza, en 1956-1957 ; à quelques milliers de morts en 1970 lors du « Septembre noir » en Jordanie ; à quelques milliers de morts lors des massacres de 1976 au Liban dans le bidonville de la Quarantaine et le camp de Tal Al-Zaatar ; de 800 à 3 000 morts lors du massacre de 1982 dans les camps de Sabra et de Chatila ; à 1 200 morts lors de la répression israélienne de la première Intifada, de 1987 à 1993 ; à 3 000 morts lors de la répression israélienne de la seconde Intifada, de 2000 à 2005 ; à plus de 4 000 morts au bout des différentes offensives israéliennes contre Gaza, de 2008 à 2022.

    Le bilan de la guerre en cours est d’ores et déjà de 14 854 morts à Gaza au 22 novembre. Ces chiffres du ministère de la santé du Hamas sont jugés fiables par l’Organisation des Nations unies (ONU), qui a pu vérifier la crédibilité de telles sources lors des nombreux conflits précédents. Un mois et demi d’hostilités a donc fait plus de morts que l’interminable année de la Nakba. Surtout, le nombre de 6 150 enfants tués, soit plus de 40 % des victimes, est sans aucun précédent, même par les terribles standards de la tragédie palestinienne. Mille deux cents enfants sont en outre portés disparus, selon l’Unicef, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, qui craint que les dépouilles de beaucoup d’entre eux soient ensevelies sous les décombres.
    La plus grande ville de Palestine dévastée
    [...]
    Aujourd’hui, 40 % à 50 % du bâti de la plus grande ville palestinienne sont détruits ou endommagés, ses réseaux de distribution d’eau et d’électricité sont inutilisables et un seul de ses hôpitaux est en état de fonctionner. Même la Nakba n’avait pas connu une telle dévastation : environ deux cents localités palestiniennes ont certes été détruites par Israël à partir de 1948, mais Nazareth est demeurée la principale ville arabe d’Israël, tandis que Haïfa, Acre, Lod et Jaffa voyaient cohabiter les populations arabes et juives.

    Jamais autant de déplacés
    Les trois quarts de la population de Gaza ont été contraints de fuir leur foyer, soit 1,7 million de déplacés, dont la moitié s’entassent dans les centres d’hébergement de l’ONU. Les risques d’épidémie, en l’absence d’eau potable, sont alarmants.

  • Henry Laurens : « On est sur la voie d’un processus de destruction de masse » à Gaza, entretien avec Rachida El Azzouzi (19 novembre 2023).

    Pour l’historien, spécialiste de la Palestine, professeur au collège de France, « l’effondrement des conditions sanitaires et l’absence de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse » dans la bande de Gaza.

    L’historien et universitaire Henry Laurens est l’un des plus grands spécialistes du #Moyen-Orient. Professeur au Collège de France où il est titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du #monde_arabe, il a mis la question palestinienne au cœur de son travail. Il est l’auteur de très nombreux livres dont cinq tomes sans équivalent publiés entre 1999 et 2015, consacrés à La question de Palestine (Fayard).
    Dans un entretien à Mediapart, il éclaire de sa connaissance l’exceptionnalité du conflit israélo-palestinien et le « corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer » dans lesquels les deux peuples sont pris depuis des décennies. Il dit son pessimisme quant à la résolution du conflit qui peut durer « des siècles » : « Vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. Aujourd’hui, ils sont 500 000 dont quelques dizaines de milliers qui sont des colons ultrareligieux et armés. »

    Plus d’une vingtaine de rapporteurs de l’organisation des Nations unies (ONU) s’inquiètent d’« un génocide en cours » à Gaza. Est-ce que vous employez ce terme ?

    Il y a deux sens au terme de « génocide ». Il y a le #génocide tel que défini par l’avocat polonais Raphael Lemkin en 1948, la seule définition juridique existante, aujourd’hui intégrée au protocole de Rome créant la #CPI [Cour pénale internationale – ndlr]. Lemkin a été obligé, pour que ce soit voté par les Soviétiques et par le bloc de l’Est, d’éliminer les causes politiques du génocide – massacrer des gens dans le but de détruire une classe sociale –, parce qu’il aurait fallu reconnaître le massacre des koulaks par les Soviétiques.

    La définition de Lemkin implique que ceux qui commettent un génocide appartiennent à un autre peuple que celui des victimes. D’où le problème aussi qu’on a eu avec le #Cambodge, qu’on ne pouvait pas appeler un génocide parce que c’étaient des Cambodgiens qui avaient tué des Cambodgiens. Là, on est dans une définition étroite. C’était le prix à payer pour obtenir un accord entre les deux Blocs dans le contexte du début de la #guerre_froide.

    Vous avez ensuite une définition plus large du terme, celui d’une destruction massive et intentionnelle de populations quelles qu’en soient les motivations.

    Il existe donc deux choses distinctes : la première, ce sont les actes, et la seconde, c’est l’intention qui est derrière ces actes. Ainsi le tribunal international pour l’ex-Yougoslavie a posé la différence entre les nettoyages ethniques dont la motivation n’est pas génocidaire parce que l’#extermination n’était pas recherchée, même si le nombre de victimes était important, et les actes de génocide comme celui de Srebrenica, où l’intention était claire.

    On voit ainsi que le nombre de victimes est secondaire. Pour Srebrenica, il est de l’ordre de 8 000 personnes.

    L’inconvénient de cette #logique_judiciaire est de conduire à une casuistique de l’intentionnalité, ce qui ne change rien pour les victimes. 

    Au moment où nous parlons, le nombre de victimes dans la bande de #Gaza est supérieur à celui de Srebrenica. On a, semble-t-il, dépassé la proportion de 0,5 % de la population totale. Si on compare avec la France, cela donnerait 350 000 morts.

    Le discours israélien évoque des victimes collatérales et des boucliers humains. Mais de nombreux responsables israéliens tiennent des discours qui peuvent être qualifiés de génocidaires. L’effondrement des conditions sanitaires et l’absence même de ravitaillement à destination des populations concernées peuvent indiquer que l’on est sur la voie d’un processus de destruction de masse avec des controverses à n’en plus finir sur les intentionnalités. 

    La solution à deux États n’est plus possible.

    La crainte d’une seconde « #Nakba » (catastrophe), en référence à l’exil massif et forcé à l’issue de la guerre israélo-arabe de 1948, hante les #Palestiniens. Peut-on faire le parallèle avec cette période ?

    La Nakba peut être considérée comme un #nettoyage_ethnique, en particulier dans les régions autour de l’actuelle bande de Gaza où l’#intentionnalité d’expulsion est certaine. Des responsables israéliens appellent aujourd’hui à une #expulsion de masse. C’est d’ailleurs pour cela que l’Égypte et la Jordanie ont fermé leurs frontières.

    Dans l’affaire actuelle, les démons du passé hantent les acteurs. Les juifs voient dans le 7 octobre une réitération de la Shoah et les Palestiniens dans les événements suivants celle de la Nakba.

    Faut-il craindre une annexion de la bande de Gaza par Israël avec des militaires mais aussi des colons ?

    En fait, personne ne connaît la suite des événements. On ne voit personne de volontaire pour prendre la gestion de la bande de Gaza. Certains responsables israéliens parlent de « dénazification » et il y a une dimension de vengeance dans les actes israéliens actuels. Mais les vengeances n’engendrent que des cycles permanents de violence.

    Quelle est votre analyse des atrocités commises le 7 octobre 2023 par le Hamas ?

    Elles constituent un changement considérable, parce que la position de l’État d’Israël est profondément modifiée au moins sur deux plans : premièrement, le pays a subi une invasion pour quelques heures de son territoire, ce qui n’est pas arrivé depuis sa création ; deuxièmement, le 7 octobre marque l’échec du projet sioniste tel qu’il a été institué après la Seconde Guerre mondiale, un endroit dans le monde où les juifs seraient en position de sécurité. Aujourd’hui, non seulement l’État d’Israël est en danger, mais il met en danger les diasporas qui, dans le monde occidental, se trouvent menacées ou, en tout cas, éprouvent un sentiment de peur.

    Le dernier tome de votre série consacrée à « La question de Palestine » (Fayard) était intitulé « La paix impossible » et courait sur la période 1982-2001. Vous étiez déjà très pessimiste quant à la résolution de ce conflit, mais aussi concernant l’avenir de la région, comme si elle était condamnée à demeurer cette poudrière. Est-ce que vous êtes encore plus pessimiste aujourd’hui ? Ou est-ce que le #conflit_israélo-palestinien vous apparaît soluble, et si oui, quelle issue apercevez-vous ?

    La réelle solution théorique serait d’arriver à un système de gestion commune et équitable de l’ensemble du territoire. Mais un État unitaire est difficile à concevoir puisque les deux peuples ont maintenant plus d’un siècle d’affrontements.

    Qu’en est-il de la solution à deux États, dont le principe a été adopté en 1947 par l’ONU, après la fin du mandat britannique ? Est-elle possible ?

    La solution à deux États n’est plus possible dès lors que vous avez 500 000 colons, dont quelques dizaines de milliers qui sont des #colons ultrareligieux et armés. Vous avez une violence quotidienne en #Cisjordanie. La sécurité des colons ne peut se fonder que sur l’insécurité des Palestiniens. Et l’insécurité des Palestiniens provoque la violence qui engendre l’insécurité des colons.

    C’est un cercle vicieux et vous ne pouvez espérer de sortie possible que par une décolonisation, mais à horizon immédiat, cette #décolonisation n’est pas faisable. Dans les années 1990, elle l’était. Il y avait 30 000 colons. On pouvait, sans trop de dégâts, faire une décolonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. 

    Aujourd’hui, nous sommes dans une position de domination, et cette solution peut prendre des siècles parce qu’il y a l’exceptionnalité juive qui crée une exceptionnalité israélienne qui elle-même crée une exceptionnalité palestinienne. C’est-à-dire que sans être péjoratif, les Palestiniens deviennent des juifs bis.

    Qu’entendez-vous par là ?

    Nous sommes depuis le 7 octobre devant un grand nombre de victimes. Mais ces dernières années, nous en avons eu bien plus en Irak, en Syrie, au Soudan et en Éthiopie. Cela n’a pas provoqué l’émoi mondial que nous connaissons aujourd’hui. L’émotion a été suscitée parce que les victimes étaient juives, puis elle s’est déplacée sur les victimes palestiniennes. Les deux peuples sont dans un corps à corps que même l’émotion n’arrive pas à séparer.

    Les années 1990 ont été marquées par les accords d’Oslo en 1993. Relèvent-ils du mirage aujourd’hui ?
     
    Non, on pouvait gérer une décolonisation. Mais déjà à la fin des accords d’Oslo, il n’y a pas eu décolonisation mais doublement de la #colonisation sous le gouvernement socialiste et ensuite sous le premier gouvernement Nétanyahou. Ce sont l’occupation, la colonisation, qui ont amené l’échec des processus. Il n’existe pas d’occupation, de colonisation pacifique et démocratique.

    Aujourd’hui, c’est infiniment plus difficile à l’aune de la violence, des passions, des derniers événements, des chocs identitaires, de la #haine tout simplement. Qui plus est, depuis une trentaine d’années, vous avez une évolution commune vers une vision religieuse et extrémiste, aussi bien chez les juifs que chez les Palestiniens.

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre.

    Vous voulez dire que le conflit territorial est devenu un conflit religieux ?

    Il a toujours été religieux. Dès l’origine, le mouvement sioniste ne pouvait fonctionner qu’en utilisant des références religieuses, même si ses patrons étaient laïcs. La blague de l’époque disait que les sionistes ne croyaient pas en Dieu mais croyaient que Dieu leur avait promis la Terre promise.

    Le projet sioniste, même s’il se présentait comme un mouvement de sauvetage du peuple juif, ne pouvait fonctionner qu’en manipulant les affects. Il était de nature religieuse puisqu’il renvoyait à la Terre sainte. Vous avez une myriade d’endroits qui sont des #symboles_religieux, mais qui sont aussi des #symboles_nationaux, aussi bien pour les #juifs que pour les #musulmans : l’esplanade des Mosquées, le tombeau des Patriarches, le mur des Lamentations. Et puis il y a les gens qui se sentent mandatés par Dieu.

    De même, les musulmans ont cherché des alliés en jouant sur la solidarité islamique. Dès les années 1930, la défense de la mosquée Al-Aqsa est devenue un thème fédérateur.

    Pourquoi est-il devenu difficile d’invoquer une lecture coloniale du conflit depuis les massacres du Hamas du 7 octobre ?

    Le sionisme est à l’origine un corps étranger dans la région. Pour arriver à ses fins, il a eu besoin d’un soutien européen avant 1914, puis britannique et finalement américain. Israël s’est posé comme citadelle de l’#Occident dans la région et conserve le #discours_colonial de la supériorité civilisatrice et démocratique. Cet anachronisme est douloureusement ressenti par les autres parties prenantes.

    Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les responsables sionistes n’hésitaient pas à se comparer à la colonisation britannique en Afrique noire avec la nécessité de mater les protestations indigènes. 

    La Palestine fonctionne en jeu à somme nulle, le progrès de l’un se fait au détriment de l’autre. La constitution de l’État juif impliquait un « transfert » de la population arabe à l’extérieur, terme poli pour « expulsion ». La #confiscation des #terres détenues par les Arabes en est le corollaire. Les régions où ont eu lieu les atrocités du 7 octobre étaient peuplées d’Arabes qui ont été expulsés en 1948-1950.

    Dire cela, c’est se faire accuser de trouver des excuses au terrorisme. Dès que vous essayez de donner des éléments de compréhension, vous vous confrontez à l’accusation : « Comprendre, c’est excuser. » Il faut bien admettre que le #Hamas dans la bande de Gaza recrute majoritairement chez les descendants des expulsés. Cela ne veut pas dire approuver ce qui s’est passé.

    Le slogan « From the river to the sea, Palestine will be free » (« De la rivière à la mer, la Palestine sera libre ») utilisé par les soutiens de la Palestine fait polémique. Est-ce vouloir rayer de la carte Israël ou une revendication légitime d’un État palestinien ?

    Il a été utilisé par les deux parties et dans le même sens. Les mouvements sionistes, en particulier la droite sioniste, ont toujours dit que cette terre devait être juive et israélienne au moins jusqu’au fleuve. Le parti de l’ancêtre du Likoud voulait même annexer l’ensemble de la Jordanie.

    Chez certains Palestiniens, on a une vision soft qui consiste à dire que « si nous réclamons un État palestinien réunissant la bande de Gaza et la Cisjordanie, nous considérons l’ensemble de la terre comme la Palestine historique, comme partie de notre histoire, mais nous ne la revendiquons pas dans sa totalité ».

    Israël depuis sa fondation n’a pas de #frontières définies internationalement. Il a toujours revendiqué la totalité de la Palestine mandataire, voire plus. Il a ainsi rejeté l’avis de la Cour internationale de justice qui faisait des lignes d’armistice de 1949 ses frontières permanentes.

    Cette indétermination se retrouve de l’autre côté. La libération de la Palestine renvoie à la totalité du territoire. D’autres exigeaient la carte du plan de partage de 1947. Pour l’Organisation de libération de la Palestine (#OLP), faire l’#État_palestinien sur les territoires occupés en 1968 était la concession ultime.

    Les Arabes en général ont reçu sans grand problème les réfugiés arméniens durant la Grande Guerre et les années suivantes. Ces Arméniens ont pu conserver l’essentiel de leur culture. Mais il n’y avait pas de question politique. Il n’était pas question de créer un État arménien au Levant.

    Dès le départ, les Arabes de Palestine ont vu dans le projet sioniste une menace de dépossession et d’expulsion. On ne peut pas dire qu’ils ont eu tort…

    Le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, classé #terroriste par l’Union européenne et les États-Unis, est aujourd’hui le principal acteur de la guerre avec Israël…

    Définir l’ennemi comme terroriste, c’est le placer hors la loi. Bien des épisodes de décolonisation ont vu des « terroristes » devenir du jour au lendemain des interlocuteurs valables. 

    Bien sûr, il existe des actes terroristes et les atrocités du 7 octobre le sont. Mais c’est plus une méthodologie qu’une idéologie. C’est une forme de guerre qui s’en prend aux civils selon les définitions les plus courantes. Jamais un terroriste ne s’est défini comme tel. Il se voit comme un combattant légitime et généralement son but est d’être considéré comme tel. Avec l’État islamique et le 7 octobre, on se trouve clairement devant un usage volontaire de la cruauté.

    La rhétorique habituelle est de dire que l’on fait la guerre à un régime politique et non à un peuple. Mais si on n’offre pas une perspective politique à ce peuple, il a le sentiment que c’est lui que l’on a mis hors la loi. Il le voit bien quand on dit « les Israéliens ont le droit de se défendre », mais apparemment pas quand il s’agit de Palestiniens.

    D’aucuns expliquent qu’Israël a favorisé l’ascension du Hamas pour qu’un vrai État palestinien indépendant ne voie jamais le jour au détriment de l’#autorité_palestinienne qui n’administre aujourd’hui plus que la Cisjordanie. Est-ce que le Hamas est le meilleur ennemi des Palestiniens ? 

    Incontestablement, les Israéliens ont favorisé les #Frères_musulmans de la bande de Gaza dans les années 1970 et 1980 pour contrer les activités du #Fatah. De même, après 2007, ils voulaient faire du Hamas un #sous-traitant chargé de la bande de Gaza, comme l’Autorité palestinienne l’est pour la Cisjordanie. 

    Le meilleur moyen de contrer le Hamas est d’offrir aux Palestiniens une vraie perspective politique et non de bonnes paroles et quelques aides économiques qui sont des emplâtres sur des jambes de bois. 

    Quel peut être l’avenir de l’Autorité palestinienne, aujourd’hui déconsidérée ? Et du Fatah, le parti du président Mahmoud Abbas, pressé par la base de renouer avec la lutte armée et le Hamas ?

    Le seul acquis de l’Autorité palestinienne, ou plus précisément de l’OLP, c’est sa légitimité diplomatique. Sur le terrain, elle est perçue comme un sous-traitant de l’occupation israélienne incapable de contrer un régime d’occupation de plus en plus dur. Elle est dans l’incapacité de protéger ses administrés. Le risque majeur pour elle est tout simplement de s’effondrer.

    Le Hamas appelle les Palestiniens de Cisjordanie à se soulever. Un soulèvement généralisé des Palestiniens peut-il advenir ?

    En Cisjordanie, on a surtout de petits groupes de jeunes armés totalement désorganisés. Mais la violence et la répression sont devenues quotidiennes et les violences permanentes. À l’extérieur, l’Occident apparaît complice de l’occupation et de la répression israéliennes. L’Iran, la Chine et la Russie en profitent.

    Le premier tome de votre monumentale « Question de Palestine » s’ouvre sur 1799, lorsque l’armée de Napoléon Bonaparte entre en Palestine, il court jusqu’en 1922. Avec cette accroche : l’invention de la Terre sainte. En quoi cette année est-elle fondatrice ?

    En 1799, l’armée de Bonaparte parcourt le littoral palestinien jusqu’à Tyr. En Europe, certains y voient la possibilité de créer un État juif en Palestine. Mais l’ouverture de la Terre sainte aux Occidentaux est aussi l’occasion d’une lutte d’influences entre puissances chrétiennes. 

    Dans le tome 4, « Le rameau d’olivier et le fusil du combattant » (1967-1982), vous revenez sur ce qui a été un conflit israélo-arabe, puis un conflit israélo-palestinien. Est-ce que cela peut le redevenir ?

    Jusqu’en 1948, c’est un conflit israélo-palestinien avant tout. En 1948, cela devient un #conflit_israélo-arabe avec une dimension palestinienne. À partir de la fin des années 1970, la dimension palestinienne redevient essentielle.

    Ben Gourion disait que la victoire du sionisme était d’avoir transformé la question juive en problème arabe. Les derniers événements semblent montrer que le #problème_arabe est en train de redevenir une #question_juive.

    Le rôle des États-Unis a toujours été déterminant dans ce conflit. Que nous dit leur position aujourd’hui ? 

    La question de Palestine est en même temps une question intérieure pour les pays occidentaux du fait de l’histoire de la Shoah et de la colonisation. Il s’y ajoute aux États-Unis une dimension religieuse du fait du biblisme protestant et du « pionniérisme ». Les Palestiniens leur semblent être quelque part entre les Indiens et les Mexicains…

    La « République impériale » vient encore de montrer son impressionnante capacité de projection militaire dans la région, mais aussi son incapacité à obtenir un règlement politique satisfaisant.

    Pourquoi ce conflit déclenche-t-il autant de passions et clive-t-il autant dans le monde entier, où comme en France, le président appelle à « ne pas importer le conflit » ?

    C’est un conflit gorgé d’histoire. La Terre sainte est celle des trois religions monothéistes. Le conflit lui-même porte avec lui la mémoire de la Shoah et de la colonisation, d’où l’extraordinaire position d’exceptionnalité des acteurs.

    Vous avez écrit cinq tomes sur la question de Palestine. Après l’ultime « La Paix impossible », quel pourrait être le sixième ?
     
    Peut-être le retour de la question juive, mais c’est loin d’être une perspective encourageante.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/191123/henry-laurens-est-sur-la-voie-d-un-processus-de-destruction-de-masse-gaza

    #discours_génocidaire #religion (s) #sionisme

  • Guerre entre Israël et le Hamas : comment les otages israéliens libérés vont-ils être pris en charge ?
    https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-entre-israel-et-le-hamas-comment-les-otages-israeliens-liberes-v

    C’est très bien ce genre d’article, on en trouve dans toutes les langues (j’ai un peu vérifié). Pourquoi personne ne se demande jamais comment les otages palestiniens vont être libérés, eux ?

    Treize premières personnes doivent être évacuées vendredi de la bande de Gaza, où elles sont retenues depuis le 7 octobre. Elles bénéficieront toutes d’une prise en charge médicalisée après un transfert qui s’organisera depuis l’Egypte.

    Le débat peut être déplacé (https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/24/liberation-des-otages-du-hamas-une-situation-aussi-dechirante-sur-le-plan-et) pour aborder des « enjeux vertigineux » (savoir qui élire ou non)... Mais, là encore, ça ne concerne pas les Palestiniens. Eux, c’est juste du « bétail » apparemment...

    Qui sera sauvé, au risque d’exposer encore plus les autres, et selon quels critères ? Alors que doit s’accomplir une première libération d’otages détenus par le Hamas, Frédérique Leichter-Flack, professeure d’humanités au Centre d’histoire de Sciences Po, détaille dans une tribune au « Monde » les vertigineux enjeux éthiques auxquels cette situation confronte l’ensemble des Israéliens.

  • Yagil Levy, sociologue : « Le système politique d’Israël est complètement paralysé »
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/11/24/yagil-levy-sociologue-le-systeme-politique-d-israel-est-completement-paralys

    Je ne connais aucun exemple dans l’histoire militaire récente [depuis la seconde guerre mondiale] où l’on observe ce ratio de pertes entre soldats et civils. Côté israélien, les pertes se montent à environ 60 soldats, comparé à 14 000 personnes tuées dans Gaza, dont au moins 6 000 enfants. C’est un ratio de un contre cent.
    On ne voit nulle part un tel rapport. C’est à ce prix qu’est économisée la vie des soldats, et cela entre en contradiction avec le besoin de légitimation vis-à-vis de l’extérieur. On n’entend pas en Israël de discours mettant en cause l’action militaire à Gaza, car dès que l’on prend en considération la morale, Israël ne peut plus se battre à Gaza, sauf à perdre plus de soldats. Si le coût humain de l’opération montait en flèche, elle deviendrait illégitime, mais cette fois aux yeux de la population.

    #Gaza

    • Une partie de l’opinion considère que ceux et celles qui ont été enlevés sont des gens de gauche, ceux des kibboutz, qui ne sont pas des endroits où l’on trouve des ultrareligieux. Ce n’est pas l’électorat du Likoud [parti de droite du premier ministre, Benyamin Nétanyahou] ou de l’extrême droite. On peut entendre, en ce moment, des expressions de haine, parfois, à l’égard de ces otages, estimant qu’ils empêchent l’armée de se consacrer à sa tâche, qui est d’annihiler le Hamas.

      (...)
      On ne peut pas commencer une guerre sans définir de buts clairs, avec, par conséquent, un plan de sortie. Or, nous n’en avons pas. Il n’y a pas de plan pour le « jour d’après ». De plus, dans les médias israéliens, il n’y a presque rien au sujet de l’impact des opérations à Gaza sur la population. Une forme de déshumanisation est à l’œuvre, mais elle n’est pas neuve. Historiquement, depuis l’effondrement des accords d’Oslo [1993], nous avons déshumanisé les Gazaouis, non seulement en refusant de regarder le sort qui était le leur dans l’enclave, mais aussi par simple mépris. Le fait que nous n’accordions pas d’attention aux destructions là-bas est dans la continuité de ce que nous avons fait depuis vingt ans.

    • Que vous inspire le niveau de destructions opérées dans Gaza ?

      En sociologie des conflits, on parle de « transfert de risque ». Cela signifie que des troupes d’une armée régulière opérant contre un groupe armé dissimulé au sein de la population, obligées de minimiser leurs pertes, transfèrent le risque qui pesait sur elles sur l’ennemi, y compris sur les civils.

      Ce que les Américains et les Britanniques ont commencé à faire dans les dernières décennies, c’est de transférer le risque. Par exemple, en opérant des bombardements massifs à distance. C’est pratique, si l’on veut, mais ce n’est pas soutenable, du point de vue de la légitimité de l’action. Il faut donc tenter de relégitimer les opérations militaires conduites ainsi.

      Il y a plusieurs méthodes pour tenter d’y parvenir. L’une d’entre elles consiste à décrire votre ennemi comme ne méritant pas d’être protégé, et impliquant qu’il n’est pas nécessaire d’établir une distinction entre combattants et civils. Les Américains ont tenté cela, en Irak et en Afghanistan, et ils ont arrêté en comprenant que c’était une erreur. Ce que font les Israéliens, c’est brouiller toute distinction, en sous-entendant que le Hamas, Gaza et les terroristes tueurs du 7 octobre, c’est un peu la même chose.

      [...]

      Quelle aurait pu être l’alternative ?

      Peut-être tirer un avantage du cessez-le-feu [il a débuté vendredi 24 novembre au matin pour une durée de quatre jours] pour dire : très bien, voici nos exigences, nous voulons stopper les hostilités à la condition, par exemple, que l’Autorité palestinienne prenne le contrôle de Gaza, avec ou sans notre aide, dans l’idée de bâtir une solution à deux Etats. C’est le moment d’avoir un plan. Sinon la guerre va se poursuivre dans les mêmes conditions. Personnellement, je souffre de voir ce que nous faisons à Gaza.

      Ce contexte n’est-il pas un facteur qui menace, à terme, la stabilité d’Israël ?

      Bien sûr, ce qui est à l’œuvre, c’est la construction politique du futur, liée à la manière dont se définira notre sécurité. Pour commencer, il faut pouvoir traiter avec une entité politique en mesure de gouverner l’enclave. La grande peur, c’est de se retrouver avec Gaza sans direction, sous le contrôle de milices, comme Mogadiscio en Somalie. Il est encore temps de changer d’approche. Nous n’avons pas le choix : il faut trouver un accord avec l’Autorité palestinienne pour administrer la bande. Il faut aussi cesser de détruire Gaza et de tuer des milliers de gens.

  • Israel-Hamas war opens up German debate over meaning of ‘Never again’ | Germany | The Guardian
    https://www.theguardian.com/world/2023/nov/22/israel-hamas-war-opens-up-german-debate-over-meaning-of-never-again

    A letter published in the Guardian pits several prominent German and international figures influenced by the Frankfurt School of neo-Marxist “critical theory” against its most prominent living member, Jürgen Habermas. They argue that “Never again” must also mean staying alert to the possibility that what is unfolding in Gaza could amount to genocide.

    In a statement published on 13 November, Habermas made the case that the “Never again” principle must above all lead to a German commitment to protecting Jewish life and Israel’s right to exist.

    Habermas, 94, sometimes described as a contemporary successor to the Enlightenment philosophers for his writing on themes of power and justice, argued that Israel’s military retaliation following the 7 October Hamas attacks was “justified in principle”. Likening the resulting bloodshed in Gaza to a genocide was beyond the boundaries of acceptable debate, he said.

    “Despite all the concern for the fate of the Palestinian population […], the standards of judgment slip completely when genocidal intentions are attributed to Israel’s actions,” said the statement, which was also signed by the political scientist Rainer Forst, the lawyer Klaus Günther and the peace researcher Nicole Deitelhoff.

    In response, the letter published on Wednesday echoes Habermas’s condemnation of the Hamas attack and hostage-taking, but expresses concern over the “apparent limits of the solidarity expressed” by the philosopher and his co-authors.

    “The statement’s concern for human dignity is not adequately extended to Palestinian civilians in Gaza who are facing death and destruction,” it adds. “Nor is it applied or extended to Muslims in Germany experiencing rising Islamophobia. Solidarity means that the principle of human dignity must apply to all people. This requires us to recognise and address the suffering of all those affected by an armed conflict.”

    The letter continues: “We are concerned that there is no mention of upholding international law, which also prohibits war crimes and crimes against humanity such as collective punishment, persecution, and the destruction of civilian infrastructure including schools, hospitals and places of worship.”

    While “not all signatories believe that the legal standards for genocide have been met” by the situation in Gaza, the letter says, all of them “agree this is a matter of legitimate debate”.

    On Sunday, a group of UN experts said there was “evidence of increasing genocidal incitement” against the Palestinian people. Israeli officials reject this.

    #génocide #gaza

  • « Israël doit être stoppé, sinon il n’y aura plus de Gaza pour lequel négocier » - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1358426/-israel-doit-etre-stoppe-sinon-il-ny-aura-plus-de-gaza-pour-lequel-ne

    Israël n’entre même pas dans ces considérations. Il n’est intéressé ni par une solution à deux États ni par une collaboration avec l’AP au-delà du cadre de la Cisjordanie. Non seulement Israël n’a pas pensé au jour d’après, mais il est actuellement en train de réoccuper Gaza, ou plutôt de continuer à l’occuper, de l’intérieur désormais. La réalité sur le terrain est qu’Israël contrôle déjà la majorité de la bande et qu’il a déplacé sa population vers le Sud. À moins que la communauté internationale, et les États-Unis notamment, ne fasse vraiment pression et pèse de tout son poids politique sur la manière dont cette guerre va se poursuivre, on verra probablement la population gazaouie être recluse dans une zone de plus en plus petite.

    Les Américains ont certes le pouvoir et la capacité de forcer Israël à la table des négociations, mais cela impliquerait d’imposer certains processus que le cabinet Netanyahu n’acceptera tout simplement pas. Cela nécessitera sans doute un changement de gouvernement en Israël, mais aussi que Washington use à fond de son influence, avec peut-être les pays arabes et en brandissant éventuellement la carte de la normalisation avec l’Arabie saoudite. S’il faut vraiment créer un cadre plus large pour ces discussions, les efforts doivent se concentrer aujourd’hui sur l’arrêt des opérations israéliennes parce que, sinon, il n’y aura plus de Gaza pour lequel négocier.

    #Gaza

  • https://www.humanite.fr/monde/bande-de-gaza/derriere-la-guerre-a-gaza-gaz-petrole-et-pipelines

    Se réserver les routes du gaz, de pétrole. Devenir un hub mondial des câbles sous-marins. Creuser un canal alternatif au canal de Suez : les véritables enjeux géo-économiques qui expliquent la détermination d’Israël à occuper Gaza.

    Cet article a fait l’objet d’une rare critique de la revue de presse de France Inter (plutôt consensuelle en général) hier matin. Un signe que l’Huma met le doigt là où ça coince.

    #gaza #moyen-orient #pétrole #gaz #cables_sous_marins #canal_de_suez #Israël #Palestine

  • Montée de l’islamophobie : Darmanin maintient le flou statistique | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/221123/montee-de-l-islamophobie-darmanin-maintient-le-flou-statistique

    Pas de comptabilité

    Dans un entretien à Ouest-France vendredi 17 novembre, le ministre citait le chiffre de « 140 actes antimusulmans » répertoriés cette année, avec « une montée depuis début octobre », sans plus de détails, tout en rappelant les « 1 780 actes ou événements antisémites depuis le 1er janvier ».

    Des données que le ministre continue lui-même à mettre en concurrence avec les actes antichrétiens. « Il y a une montée des actes antireligieux en France depuis plusieurs années. En premier contre les juifs, en deuxième contre les chrétiens avec plus de 500 actes depuis le 1er janvier », a-t-il indiqué.

    Les éléments transmis par le ministre sur l’islamophobie paraissent bien en deçà de la réalité. À titre d’exemple, pour la seule période du mois d’octobre, l’Observatoire de l’islamophobie, rattaché au Conseil français du culte musulman (CFCM), indiquait avoir reçu à titre personnel « 42 lettres d’insultes ». Il recensait également « 14 mosquées taguées et 17 lettres de menaces contre des mosquées ».

    Déjà épinglée par Mediapart pour sa gestion du sujet, la France est, de fait, l’un des rares pays occidentaux à ne pas tenir une comptabilité précise des faits antimusulmans, contrairement aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne, où les crimes de haine sont indistinctement passés à la loupe.

    « L’antisémitisme couscous »

    Si le phénomène islamophobe hexagonal est bien loin de s’être illustré comme aux États-Unis, marqués par l’assassinat récent d’un enfant, il est malgré tout palpable. Depuis le 7 octobre, les chaînes d’info en continu alimentent les principaux tropes antimusulmans et anti-arabes.

    Gérald Darmanin lui-même n’est pas en reste. Dans une séquence médiatique remarquée, le ministre de l’intérieur s’est attaché à démontrer – toujours sans preuve pour l’heure – les accointances supposées de Karim Benzema avec les Frères musulmans, renforçant le préjugé pugnace d’une affiliation naturelle entre tout musulman et l’islamisme.

    Quelques jours plus tard, sur LCI, c’est un éditorialiste qui évoquait l’existence d’un « antisémitisme couscous ». Le 8 octobre, lendemain des attentats du Hamas, la mosquée de Roanne voyait ainsi ses murs tagués d’un « mort à l’islam », accolé d’une étoile de David.

    Découverte similaire à Saint-André-de-Cubzac (Gironde), où, au petit matin du 20 octobre, le mur adjacent de la mosquée était maculé de croix gammées et de deux inscriptions difficilement lisibles mais non moins haineuses : « Crevez vous êtes des cibles » et « Cachez-vous assassins », ainsi que d’une étoile de David. Le jour même, une plainte a été déposée à la gendarmerie nationale.

    Au pôle national de lutte contre la haine en ligne, c’est une plainte d’une mosquée d’une grande ville des Yvelines qui a atterri après la réception le 1er novembre de deux courriels d’éloges à Hitler. « Il y est écrit qu’il aurait dû décimer les Arabes plutôt que les juifs », confie le responsable d’une des nombreuses associations de mosquées destinatrices de ce message. « C’était écrit dans un français décousu mais parfaitement compréhensible, manière de brouiller les pistes façon “Omar m’a tuer”. »

    Le 15 novembre, la mosquée Koba, dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon (Rhône), était à son tour visée, recouverte des inscriptions « islam = antisémitisme ». « C’est la police qui a découvert le tag vers 11 heures », indique à Mediapart Djamel Hellal, président de l’association Croix-Rousse Koba, un lieu de culte historique du quartier installé en bas d’un immeuble des canuts. « Ce qui m’a choqué, c’est que la mosquée n’est pas indiquée, nous sommes surtout connus du quartier et des fidèles. »

  • The “Harvard Law Review” Refused to Run This Piece About Genocide in Gaza | The Nation
    https://www.thenation.com/article/archive/harvard-law-review-gaza-israel-genocide


    Je poste cela ici, ne l’ayant pas déjà trouvée sur @seenthis
    Le texte est accessible à la suite de cette mise en contexte sur le site de The Nation

    On Saturday, the board of the Harvard Law Review voted not to publish “The Ongoing Nakba: Towards a Legal Framework for Palestine,” a piece by Rabea Eghbariah, a human rights attorney completing his doctoral studies at Harvard Law School. The vote followed what an editor at the law review described in an e-mail to Eghbariah as “an unprecedented decision” by the leadership of the Harvard Law Review to prevent the piece’s publication.

    Eghbariah told The Nation that the piece, which was intended for the HLR Blog, had been solicited by two of the journal’s online editors. It would have been the first piece written by a Palestinian scholar for the law review. The piece went through several rounds of edits, but before it was set to be published, the president stepped in. “The discussion did not involve any substantive or technical aspects of your piece,” online editor Tascha Shahriari-Parsa, wrote Eghbariah in an e-mail shared with The Nation. “Rather, the discussion revolved around concerns about editors who might oppose or be offended by the piece, as well as concerns that the piece might provoke a reaction from members of the public who might in turn harass, dox, or otherwise attempt to intimidate our editors, staff, and HLR leadership.”

    On Saturday, following several days of debate and a nearly six-hour meeting, the Harvard Law Review’s full editorial body came together to vote on whether to publish the article. Sixty-three percent voted against publication. In an e-mail to Egbariah, HLR President Apsara Iyer wrote, “While this decision may reflect several factors specific to individual editors, it was not based on your identity or viewpoint.”

    In a statement that was shared with The Nation, a group of 25 HLR editors expressed their concerns about the decision. “At a time when the Law Review was facing a public intimidation and harassment campaign, the journal’s leadership intervened to stop publication,” they wrote. “The body of editors—none of whom are Palestinian—voted to sustain that decision. We are unaware of any other solicited piece that has been revoked by the Law Review in this way. “

    When asked for comment, the leadership of the Harvard Law Review referred The Nation to a message posted on the journal’s website. “Like every academic journal, the Harvard Law Review has rigorous editorial processes governing how it solicits, evaluates, and determines when and whether to publish a piece…” the note began. ”Last week, the full body met and deliberated over whether to publish a particular Blog piece that had been solicited by two editors. A substantial majority voted not to proceed with publication.”

    #censure #génocide #palestine #gaza

  • Conflit israélo-palestinien : une #chape_de_plomb s’est abattue sur l’université française

    Depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, le milieu de la #recherche, en particulier les spécialistes du Proche-Orient, dénonce un climat de « #chasse_aux_sorcières » entretenu par le gouvernement pour toute parole jugée propalestinienne.

    « #Climat_de_peur », « chasse aux sorcières », « délation » : depuis les attaques du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier, et le déclenchement de l’offensive israélienne sur #Gaza, le malaise est palpable dans une partie de la #communauté_scientifique française, percutée par le conflit israélo-palestinien.

    Un #débat_scientifique serein, à distance des agendas politiques et de la position du gouvernement, est-il encore possible ? Certains chercheurs et chercheuses interrogés ces derniers jours en doutent fortement.

    Dans une tribune publiée sur Mediapart (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/151123/defendre-les-libertes-dexpression-sur-la-palestine-un-enjeu-academiq), 1 400 universitaires, pour beaucoup « spécialistes des sociétés du Moyen-Orient et des mondes arabes », ont interpellé leurs tutelles et collègues « face aux faits graves de #censure et de #répression […] dans l’#espace_public français depuis les événements dramatiques du 7 octobre ».

    Ils et elles assurent subir au sein de leurs universités « des #intimidations, qui se manifestent par l’annulation d’événements scientifiques, ainsi que des entraves à l’expression d’une pensée académique libre ».

    Deux jours après l’attaque du Hamas, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, #Sylvie_Retailleau, avait adressé un courrier de mise en garde aux présidents d’université et directeurs d’instituts de recherche.

    Elle y expliquait que, dans un contexte où la France avait « exprimé sa très ferme condamnation ainsi que sa pleine solidarité envers Israël et les Israéliens » après les attaques terroristes du 7 octobre, son ministère avait constaté « de la part d’associations, de collectifs, parfois d’acteurs de nos établissements, des actions et des propos d’une particulière indécence ».

    La ministre leur demandait de « prendre toutes les mesures nécessaires afin de veiller au respect de la loi et des principes républicains » et appelait également à signaler aux procureurs « l’#apologie_du_terrorisme, l’#incitation_à_la_haine, à la violence et à la discrimination ».

    Un message relayé en cascade aux différents niveaux hiérarchiques du CNRS, jusqu’aux unités de recherche, qui ont reçu un courrier le 12 octobre leur indiquant que l’« expression politique, la proclamation d’opinion » ne devaient pas « troubler les conditions normales de travail au sein d’un laboratoire ».

    Censure et #autocensure

    Le ton a été jugé menaçant par nombre de chercheurs et chercheuses puisque étaient évoquées, une fois de plus, la possibilité de « #poursuites_disciplinaires » et la demande faite aux agents de « signaler » tout écart.

    Autant de missives que des universitaires ont interprétées comme un appel à la délation et qu’ils jugent aujourd’hui responsables du « #climat_maccarthyste » qui règne depuis plusieurs semaines sur les campus et dans les laboratoires, où censure et autocensure sont de mise.

    Au point que bon nombre se retiennent de partager leurs analyses et d’exprimer publiquement leur point de vue sur la situation au Proche-Orient. Symbole de la chape de plomb qui pèse sur le monde académique, la plupart de celles et ceux qui ont accepté de répondre à nos questions ont requis l’anonymat.

    « Cela fait plus de vingt ans que j’interviens dans le #débat_public sur le sujet et c’est la première fois que je me suis autocensurée par peur d’accusations éventuelles », nous confie notamment une chercheuse familière des colonnes des grands journaux nationaux. Une autre décrit « des échanges hyper violents » dans les boucles de mails entre collègues universitaires, empêchant tout débat apaisé et serein. « Même dans les laboratoires et collectifs de travail, tout le monde évite d’évoquer le sujet », ajoute-t-elle.

    « Toute prise de parole qui ne commencerait pas par une dénonciation du caractère terroriste du Hamas et la condamnation de leurs actes est suspecte », ajoute une chercheuse signataire de la tribune des 1 400.

    Au yeux de certains, la qualité des débats universitaires se serait tellement dégradée que la production de connaissance et la capacité de la recherche à éclairer la situation au Proche-Orient s’en trouvent aujourd’hui menacées.

    « La plupart des médias et des responsables politiques sont pris dans un #hyperprésentisme qui fait commencer l’histoire le 7 octobre 2023 et dans une #émotion qui ne considère légitime que la dénonciation, regrette Didier Fassin, anthropologue, professeur au Collège de France, qui n’accepte de s’exprimer sur le sujet que par écrit. Dans ces conditions, toute perspective réellement historique, d’une part, et tout effort pour faire comprendre, d’autre part, se heurtent à la #suspicion. »

    En s’autocensurant, et en refusant de s’exprimer dans les médias, les spécialistes reconnus du Proche-Orient savent pourtant qu’ils laissent le champ libre à ceux qui ne craignent pas les approximations ou les jugements à l’emporte-pièce.

    « C’est très compliqué, les chercheurs établis sont paralysés et s’interdisent de répondre à la presse par crainte d’être renvoyés à des prises de position politiques. Du coup, on laisse les autres parler, ceux qui ne sont pas spécialistes, rapporte un chercheur lui aussi spécialiste du Proche-Orient, qui compte parmi les initiateurs de la pétition. Quant aux jeunes doctorants, au statut précaire, ils s’empêchent complètement d’évoquer le sujet, même en cours. »

    Stéphanie Latte Abdallah, historienne spécialiste de la Palestine, directrice de recherche au CNRS, a été sollicitée par de nombreux médias ces dernières semaines. Au lendemain des attaques du Hamas, elle fait face sur certains plateaux télé à une ambiance électrique, peu propice à la nuance, comme sur Public Sénat, où elle se trouve sous un feu de questions indignées des journalistes, ne comprenant pas qu’elle fasse une distinction entre l’organisation de Daech et celle du Hamas…

    Mises en cause sur les #réseaux_sociaux

    À l’occasion d’un des passages télé de Stéphanie Latte Abdallah, la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler, membre du CNRS comme elle, l’a désignée sur le réseau X, où elle est très active, comme membre d’une école de pensée « antisioniste sous couvert de recherche scientifique », allant jusqu’à dénoncer sa « fausse neutralité, vraie détestation d’Israël et des juifs ».

    S’est ensuivi un déluge de propos haineux à connotation souvent raciste, « des commentaires parfois centrés sur mon nom et les projections biographiques qu’ils pouvaient faire à partir de celui-ci », détaille Stéphanie Latte Abdallah, qui considère avoir été « insultée et mise en danger ».

    « Je travaille au Proche-Orient. Cette accusation qui ne se base sur aucun propos particulier, et pour cause (!), est choquante venant d’une collègue qui n’a de plus aucune expertise sur la question israélo-palestinienne et aucune idée de la situation sur le terrain, comme beaucoup de commentateurs, d’ailleurs », précise-t-elle.

    Selon nos informations, un courrier de rappel à l’ordre a été envoyé par la direction du CNRS à Florence Bergeaud-Blackler, coutumière de ce type d’accusations à l’égard de ses collègues via les réseaux sociaux. La direction du CNRS n’a pas souhaité confirmer.

    Commission disciplinaire

    À l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), après la diffusion le 8 octobre d’un communiqué de la section syndicale Solidaires étudiant·e·s qui se prononçait pour un « soutien indéfectible à la lutte du peuple palestinien dans toutes ses modalités et formes de lutte, y compris la lutte armée », la direction a effectué un signalement à la plateforme Pharos, qui traite les contenus illicites en ligne.

    Selon nos informations, une chercheuse du CNRS qui a relayé ce communiqué sur une liste de discussion interne, en y apportant dans un premier temps son soutien, est aujourd’hui sous le coup d’une procédure disciplinaire. Le fait qu’elle ait condamné les massacres de civils dans deux messages suivants et pris ses distances avec le communiqué de Solidaires étudiant·e·s n’y a rien fait. Une « commission paritaire » – disciplinaire en réalité – sur son cas est d’ores et déjà programmée.

    « Il s’agit d’une liste intitulée “opinions” où l’on débat habituellement de beaucoup de sujets politiques de façon très libre », nous précise un chercheur qui déplore le climat de suspicion généralisée qui s’est installé depuis quelques semaines.

    D’autres rappellent l’importance de la chronologie puisque, le 8 octobre, l’ampleur des crimes contre les civils perpétrés par le Hamas n’était pas connue. Elle le sera dès le lendemain, à mesure que l’armée israélienne reprend le contrôle des localités attaquées.

    Autre cas emblématique du climat inhabituellement agité qui secoue le monde universitaire ces derniers jours, celui d’un enseignant-chercheur spécialiste du Moyen-Orient dénoncé par une collègue pour une publication postée sur sa page Facebook privée. Au matin du 7 octobre, Nourdine* (prénom d’emprunt) poste sur son compte une photo de parapentes de loisir multicolores, assortie de trois drapeaux palestiniens et trois émoticônes de poing levé. Il modifie aussi sa photo de couverture avec une illustration de Handala, personnage fictif et icône de la résistance palestinienne, pilotant un parapente.

    À mesure que la presse internationale se fait l’écho des massacres de civils israéliens auxquels ont servi des ULM, que les combattants du Hamas ont utilisés pour franchir la barrière qui encercle la bande de Gaza et la sépare d’Israël, le chercheur prend conscience que son post Facebook risque de passer pour une célébration sordide des crimes du Hamas. Il le supprime moins de vingt-quatre heures après sa publication. « Au moment où je fais ce post, on n’avait pas encore la connaissance de l’étendue des horreurs commises par le Hamas, se défend-il. Si c’était à refaire, évidemment que je n’aurais pas publié ça, j’ai été pétri de culpabilité. »

    Trop tard pour les regrets. Quatre jours après la suppression de la publication, la direction du CNRS, dont il est membre, est destinataire d’un mail de dénonciation. Rédigé par l’une de ses consœurs, le courrier relate le contenu du post Facebook, joint deux captures d’écran du compte privé de Nourdine et dénonce un « soutien enthousiaste à un massacre de masse de civils ».

    Elle conclut son mail en réclamant « une réaction qui soit à la mesure de ces actes et des conséquences qu’ils emportent », évoquant des faits pouvant relever de « l’apologie du terrorisme » et susceptibles d’entacher la réputation du CNRS.

    On est habitués à passer sur le gril de l’islamo-gauchisme et aux attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues.

    Nourdine, chercheur

    Lucide sur la gravité des accusations portées à son égard, Nourdine se dit « démoli ». Son état de santé préoccupe la médecine du travail, qui le met en arrêt et lui prescrit des anxiolytiques. Finalement, la direction de l’université où il enseigne décide de ne prendre aucune sanction contre lui.

    Également directeur adjoint d’un groupe de recherche rattaché au CNRS, il est néanmoins pressé par sa hiérarchie de se mettre en retrait de ses fonctions, ce qu’il accepte. Certaines sources universitaires affirment que le CNRS avait lui-même été mis sous pression par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour sanctionner Nourdine.

    Le chercheur regrette des « pratiques vichyssoises » et inédites dans le monde universitaire, habitué aux discussions ouvertes même lorsque les débats sont vifs et les désaccords profonds. « Des collègues interloqués par mon post m’ont écrit pour me demander des explications. On en a discuté et je me suis expliqué. Mais la collègue qui a rédigé la lettre de délation n’a prévenu personne, n’a pas cherché d’explications auprès de moi. Ce qui lui importait, c’était que je sois sanctionné », tranche Nourdine. « On est habitués à passer sur le gril de l’#islamo-gauchisme et aux #attaques extérieures, mais pas aux dénonciations des collègues », finit-il par lâcher, amer.

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    Sciences Po en butte aux tensions

    Ce mardi 21 novembre, une manifestation des étudiants de Sciences Po en soutien à la cause palestinienne a été organisée rue Saint-Guillaume. Il s’agissait aussi de dénoncer la « censure » que subiraient les étudiants ayant trop bruyamment soutenu la cause palestinienne.

    Comme l’a raconté L’Obs, Sciences Po est confronté à de fortes tensions entre étudiants depuis les attaques du Hamas du 7 octobre. Le campus de Menton, spécialisé sur le Proche-Orient, est particulièrement en ébullition.

    Une boucle WhatsApp des « Students for Justice in Palestine », créée par un petit groupe d’étudiants, est notamment en cause. L’offensive du Hamas y a notamment été qualifiée de « résistance justifiée » et certains messages ont été dénoncés comme ayant des relents antisémites. Selon l’hebdomadaire, plusieurs étudiants juifs ont ainsi dit leur malaise à venir sur le campus ces derniers jours, tant le climat y était tendu. La direction a donc convoqué un certain nombre d’étudiants pour les rappeler à l’ordre.

    Lors d’un blocus sur le site de Menton, 66 étudiants ont été verbalisés pour participation à une manifestation interdite.

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    En dehors des cas particuliers précités, nombre d’universitaires interrogés estiment que le climat actuel démontre que le #monde_académique n’a pas su résister aux coups de boutoir politiques.

    « Ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit », retrace Didier Fassin. « On l’avait vu, sous la présidence actuelle, avec les accusations d’islamo-gauchisme contre les chercheuses et chercheurs travaillant sur les discriminations raciales ou religieuses. On l’avait vu, sous les deux présidences précédentes, avec l’idée qu’expliquer c’est déjà vouloir excuser », rappelle-t-il en référence aux propos de Manuel Valls, premier ministre durant le quinquennat Hollande, qui déclarait au sujet de l’analyse sociale et culturelle de la violence terroriste : « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. »

    « Il n’en reste pas moins que pour un certain nombre d’entre nous, nous continuons à essayer de nous exprimer, à la fois parce que nous croyons que la démocratie de la pensée doit être défendue et surtout parce que la situation est aujourd’hui trop grave dans les territoires palestiniens pour que le silence nous semble tolérable », affirme Didier Fassin.

    Contactée, la direction du #CNRS nous a répondu qu’elle ne souhaitait pas s’exprimer sur les cas particuliers. « Il n’y a pas à notre connaissance de climat de délation ou des faits graves de censure. Le CNRS reste très attaché à la liberté académique des scientifiques qu’il défend depuis toujours », nous a-t-elle assuré.

    Une répression qui touche aussi les syndicats

    À la fac, les syndicats sont aussi l’objet du soupçon, au point parfois d’écoper de sanctions. Le 20 octobre, la section CGT de l’université Savoie-Mont-Blanc (USMB) apprend sa suspension à titre conservatoire de la liste de diffusion mail des personnels, par décision du président de l’établissement, Philippe Galez. En cause : l’envoi d’un message relayant un appel à manifester devant la préfecture de Savoie afin de réclamer un cessez-le-feu au Proche-Orient et dénonçant notamment « la dérive ultra-sécuritaire de droite et d’extrême droite en Israël et la politique de nettoyage ethnique menée contre les Palestiniens ».

    La présidence de l’université, justifiant sa décision, estime que le contenu de ce message « dépasse largement le cadre de l’exercice syndical » et brandit un « risque de trouble au bon fonctionnement de l’établissement ». La manifestation concernée avait par ailleurs été interdite par la préfecture, qui invoquait notamment dans son arrêté la présence dans un rassemblement précédent « de nombreux membres issus de la communauté musulmane et d’individus liés à l’extrême gauche et ultragauche ».

    La section CGT de l’USMB n’a pas tardé à répliquer par l’envoi à la ministre Sylvie Retailleau d’un courrier, depuis resté lettre morte, dénonçant « une atteinte aux libertés syndicales ». La lettre invite par ailleurs le président de l’établissement à se plier aux consignes du ministère et à effectuer un signalement au procureur, s’il estimait que « [le] syndicat aurait “troublé le bon fonctionnement de l’établissement” ». Si ce n’est pas le cas, « la répression syndicale qui s’abat sur la CGT doit cesser immédiatement », tranche le courrier.

    « Cette suspension vient frontalement heurter la #liberté_universitaire, s’indigne Guillaume Defrance, secrétaire de la section CGT de l’USMB. C’est la fin d’un fonctionnement, si on ne peut plus discuter de manière apaisée. »

    Le syndicat dénonce également l’attitude de Philippe Galez, qui « veut désormais réguler l’information syndicale à l’USMB à l’aune de son jugement ». Peu de temps après l’annonce de la suspension de la CGT, Philippe Galez a soumis à l’ensemble des organisations syndicales un nouveau règlement relatif à l’utilisation des listes de diffusion mail. Le texte limite l’expression syndicale à la diffusion « d’informations d’origine syndicale ou à des fins de communication électorale ». Contacté par nos soins, le président de l’USMB nous a indiqué réserver dans un premier temps ses « réponses et explications aux organisations syndicales et aux personnels de [son] établissement ».

    Interrogé par Mediapart, le cabinet de Sylvie Retailleau répond que le ministère reste « attaché à la #liberté_d’expression et notamment aux libertés académiques : on ne juge pas des opinions. Il y a simplement des propos qui sont contraires à la loi ».

    Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche fait état de « quelques dizaines de cas remontés au ministère ». Il reconnaît que des événements ont pu être annulés pour ne pas créer de #trouble_à_l’ordre_public dans le climat actuel. « Ils pourront avoir lieu plus tard, quand le climat sera plus serein », assure l’entourage de la ministre.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/211123/conflit-israelo-palestinien-une-chape-de-plomb-s-est-abattue-sur-l-univers
    #université #Israël #Palestine #France #7_octobre_2023 #délation #ESR

  • Histoire orale de la production intellectuelle
    en Afrique du Nord : Maroc, Algérie, Tunisie
    https://osae-marsad.org/histoire-orale

    Le projet d’histoire orale nord-africaine vise à documenter les trajectoires de vie, les formations intellectuelles et les luttes politiques de plusieurs générations de femmes et d’hommes nord-africains qui ont contribué à la création de la culture écrite et parlée dans cette partie du monde. Né d’entretiens fortuits avec les derniers de la toute première génération d’intellectuels post-coloniaux, comme Gilbert Naccache, écrivain de gauche récemment décédé, le projet s’est étendu à un effort plus complet d’enquête auprès d’économistes, de planificateurs, de nutritionnistes, d’architectes, de sociologues ruraux et d’autres professionnels tunisiens, marocains et algériens.

    Il s’agit de la toute première initiative au Maghreb visant à créer des archives écrites, orales et filmées du travail intellectuel de générations qui se sont battues pour construire, ou se sont battues pour la construction, de leurs sociétés.

    Elle innove en rassemblant ces voix et en les portant à la connaissance d’un large public afin de mieux faire connaître les premiers aux seconds et de démocratiser l’accès au savoir dans notre région.