• Corona Chroniques, #Jour57 - davduf.net
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    LUNDI 11 MAI 2020 - PREMIER JOUR (D’APRÈS)

    MATIN. Dans la rue, il y a du monde, mais pas tant que ça, ni tellement de joies ; même la moto cale par instant ; à l’approche de la butte Montmartre, c’est la Berezina : la vieille petite Harley est infoutue de semer la Passat de police, qui barre la route au plus imprenable travelling du monde — inaccessible quête, impossible de grimper sur le toit et d’admirer Paris qui se libère. Ce #déconfinement est une libération sous conditions et sous surveillance, brisée à peine décrétée. Dans cette drôle d’ambiance, à la fois retenue, à la fois relâchée, Anita trouve les mots justes, comme toujours : il n’y a pas de victoire.

    Rue Amélie Poulain, nous sommes projetés en arrière, dans l’Avant, et le pire. Aux murs des vieilles maisons et aux devantures des antiques boutiques, ils ont placardé des affiches de terreur, Ouvriers français : c’est la relève qui commence ! Finis les mauvais jours : papa gagne de l’argent en Allemagne ! Taisez-vous, méfiez-vous : parler sans discernement c’est nuire à la France ! Une commerçante ouvre sa porte, c’est une agence digitale, elle nous explique, toutes ces ombres jaunies, ces affiches déchirées, toutes ces couches d’Histoire plaquées sur les murs, c’est un décor de cinéma, un tournage fauché au jour 1 du confinement, abandonné depuis, on rit du télescopage (« nous sommes en guerre », #Emmanuel_Macron, 16 mars 2020) ; sur sa vitrine, elle a scotché le dernier numéro du Chat noir, publication locale qui renait (en Une : « La dénonciation à la française bientôt au patrimoine de l’Unesco ? Découvrez les coulisses du projet porté par le Préfet #Lallement »). Une touriste s’approche, armée d’un t-shirt d’aéroport :

    Reality
    Is
    Perfect
    (In Fiction)

    APRÈS-MIDI. Sur Twitter, nouvelle ère, nouvel arrivage de graffitis. Un premier : « Covid-19 : une mine d’ordre pour l’État ». Un autre : « Bienvenue dans l’immonde d’après ». Un troisième : « Réveillez vous (bordel de merde) ».

    Sur télé Pin-pon, #Alain_Duhamel réclame en direct que « la police agisse plus vite » contre ces jeunes qui apérotent en plein Paris, sur le pont d’Atmosphère Atmosphère. En incrustation sur l’écran, un mégaphone disperse les fêtards, des policiers moulinent de grands gestes, un à un les déconfinés s’exécutent, plus amusés que déroutés (les joyeux bobos ne savent pas qu’ils sont les piteux gogos d’un autre film, figurants en direct live, raison de toute cette mise en scène pathético-cathodique). Ailleurs, ce sont des manifestants (contre les violences policières ou pour une justice sociale, pour des gilets ou pour des masques) qu’on déloge déjà (le déconfinement serait-il un confinement qui ne dit pas son nom ?). Comme lance #Ruth_Elkrief : « Les jeunes pensent que c’est le retour à Avant. Non, ce n’est pas le retour à Avant ! » — et il faut bien protéger les vieux rescapés. Prodigieuse métaphore de cette crise de la quarantaine : elle a propulsé le vieux monde derrière lui-même.

    Dans mon quartier, l’incroyable se produit : la caissière du Carrefour Market est de retour. Elle avait disparu au début du Pendant (cf. Corona Chroniques, jour 16) sans qu’on sache bien pourquoi. Semaine après semaine, ses collègues rassuraient, sans trop rassurer, elle allait revenir, elle allait bien, jusqu’à ce que le temps ramollisse tout et qu’on arrête de demander de ses nouvelles. Malade, dit-elle, elle était malade, mais pas du virus, s’empresse-t-elle de rire, belle comme un communiqué officiel. A l’angle de la rue, Aurélien-le-boulanger est aussi de retour, le véritable Aurélien, l’Aurélien bout-en-train. Il lève ses poings en l’air, la Tradition ça a du bon, il pète la forme, il y a du monde, c’est re-ti-par comme en…

    Mais au moment d’encaisser, il baisse la voix :
    – Et vous, vous y croyez à la fin ?

    SOIR. Appel de G., 10 ans, fier et heureux comme jamais. C’est fait, finito, son serveur Minecraft est installé, il a construit ça tout seul, akoyo, un enfant pareil à tous les autres, tellement plus démerdard que tous ces amateurs qui nous gouvernent, G. a écrit « bienvenue » à destination des nouveaux inscrits ; et il a prévu un coffre de dons, pour les nouveaux joueurs. « Papounet : ça s’appelle un serveur de survie. »

    A minuit, dernier tour des dernières nouvelles (à Wuhan, dit-on, un dépistage massif de la population serait sur les rails, après la découverte de six nouveaux cas en deux jours ; et à Washington, la Maison Blanche pourrait être cluster). Songes de sommeil qui vient. « Si vous regardez les mythes, ils commencent tous par des crises terribles. Le mythe d’Œdipe, par exemple, commence par la peste, partout, qui fait mourir les hommes » (René Char). Du Corona, quelles légendes surgiront-elles ? Quel monde à venir ? Quels mythes à détruire ? Et si tout n’était que t-shirts sales et retournements plein d’avenir ?

    La #fiction
    Était
    Parfaite
    (Dans cette réalité)

    Moral du jour : 10/10
    Ravitaillement : 10/10
    Sortie : définitive ?

    ( fin )

  • Corona Chroniques, #Jour56 - davduf.net
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    Ultimes messages de Nicolas, le #médecin de garde de nuit des #Hauts-de-Seine (cf. Corona Chroniques, #jour 54). En ces dernières heures, notre correspondance vire à la conversation, au speed dating in extremis d’avant la cloche de fin de mise en cloche, vaine tentative de prolonger un temps cette tranche d’Histoire ? Désir, surtout, de ne pas laisser cette panique mondiale sans égale s’échapper comme ça, aussi facilement qu’elle nous est tombée dessus brutalement. De ses nuits de détresse sans fin (double-gardes, 74 au compteur depuis le 16 mars — total respect), Nicolas pointe un phénomène jamais ressenti dans ces proportions : « la recherche des patients d’une complicité dans l’explication, une narration affranchie du #storytelling des médias et des politiques. Un besoin de communion supérieur à d’ordinaire, toutes origines socio-professionnelles confondues. Parler pour comprendre, savoir ce qui protège ou rapprocherait, explorer le possible… On m’inviterait presque à casser la croûte entre familiers. Que tous ces gens attendent la monnaie de leur pièce en retour, dès demain, serait logique : se réparer individuellement et réparer le groupe social. »

    Entre les lignes, Nicolas se révèle par petites touches — noctambule des eighties, époque Pacadis, Paquita, Bains douches et boites de nuit, sa médecine est un night-clubbing par d’autres moyens — serait-ce donc ça, le secret de nos échanges ? La Nuit qui nous unit, ou plutôt l’attirance pour les levers d’Après, le Covid comme frère de mauvaise fortune, viral et en avant ?

    Dans sa dernière missive, le toubib finit par évoquer sa fascination pour ceux qu’il appelle le groupe des suggestibles, les invisibles influençables, ceux qui « ressentent physiquement le message anxiogène à force de martèlement. La respiration est au cœur du mécanisme : ils sont obsédés à tort, puis à raison, par la dyspnée médiatisée, l’accélération de la respiration, puis par le stress. La suggestion infuse le corps et tend à contrôler l’esprit. La barrière mentale rompue, je sens un désarroi massif et de quoi envisager toutes les ingénieries sociales possibles. » J’insiste une dernière fois, et une heure plus tard, message suivant, soudain, éclair de lucidité, demain se profile : « Dans le 92, en deux mois, nous sommes passés du film de guerre froide au film de SF. Il me traverse l’esprit que certains aux commandes ne devraient pas en abuser. Et qu’ils feraient mieux de ne pas foncer dans le tas en mode « comme avant ». »

  • Corona Chroniques, #Jour55 - davduf.net
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    Le chien porte un joli nom, qui fleure les trente glorieuses, et les 11 mai qui hantent ; il a le poil court, d’un jaune vif, et sait nous émouvoir, assis sur ses pattes arrières ou à plat ventre, museau baissé, mais en alerte, à quémander sa caresse ; il a la grâce d’un lévrier afghan au pas de course, longues pattes frêles, léger corps de fusée-fuseau, sans un gramme de graisse, tête dressée vers Après et en avant, et ses yeux : petits, vifs, presque malicieux, qui flashent dans la nuit ; même à l’arrêt, l’animal a le sur-place élégant, une leçon pour les joggers de feu rouge, lui, il ne patauge pas sur son attestation, il danse la délivrance. Ce chien est la liberté même, agile, rapide — et il est bourré d’électronique, de capteurs, d’intelligence artificielle, de voyeurismes en tous genres, caméras à visée totalitaire, 360 degrés comme il faut ; il porte la rage, celle du confort et de la surveillance ; Spot est son nom, et le clébard gambade dans un parc de Singapore, téléguidé à distance,propagande par le fait accompli de la maison #Boston_Dynamics, longtemps financée par d’autres chiens de garde et de traces, #Google Company. Sur la vidéo du matin, Spot fait le beau et tout le monde l’acclame à grands renforts de selfies et de servitude volontaire ; il veille au respect des distanciations sociales, il a le disque rayé ; sans cesse, #Spot aboie d’une voix féminine « Let’s keep Singapore healthy, for your own safety and for those around you, please stand at least one metre apart. Thank you » et tout le monde rit, même Twitter ricane, et ne voit pas bien le danger, tout à sa joie de s’admirer dans son #Black_mirror, et honoré d’assister à son propre anéantissement : dans le parc, pas un pour se lever, pas un pour hacker le robot, le savater ou le saboter, ou même l’envoyer se noyer dans le bassin tout proche ; pas un pour comprendre ce que cette fausse bête à collier est en train de faire, mordre nos libertés — faux clebs qui nous prend pour de vrais chiens. Désastre au Désastre : en deux mois, aurions-nous tout perdu ? Appel de l’Après : et s’il n’était plus question d’être seulement vigilant, mais bien combattant ?

  • Corona Chroniques, #Jour53 - davduf.net
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    Branle-bas de combat au gouvernement, mais en tenue camouflage. Matignon dépose en catimini un amendement pour démolir un autre amendement, pourtant proposé et voté hier par son propre camp. Le péché originel, venu d’un député #LREM, ancien patron du #RAID : autoriser les « gardes particuliers » à pouvoir contrôler et verbaliser les promeneurs mal attestés. La logique à l’œuvre porte un nom, fumeux et malfamant : « le continuum de sécurité, enjeu du futur, entre sécurité publique et sécurité privée », dit un préposé à l’argumentaire. En clair : les députés en marche veulent déborder leurs chefs et donner pouvoir de police aux vigiles, en plus des nouveaux venus auxquels Castaner aimerait confier ces nouvelles missions (apprentis-policiers, retraités gendarmes, et robo(pastoutàfait)cops du métro, cf. Corona Chroniques, jour 48). Dit plus clairement encore : légaliser les #milices (euphémisées en commission des lois par « gardes assermentés de propriété de grande superficie »). D’où le gouvernement qui toussote, qui trouve que ça fait un peu beaucoup, ce débordement sur l’extrême droite, que ça risque de se voir un tantinet trop, cette tentation d’un sécuritaire total — et qui dépose son amendement (Saint Muddy Waters, héros du peuple et du Chicago Blues, que ces choses sont délicatement dites : « L’octroi d’un tel pouvoir de police judiciaire aux gardes particuliers pour participer à l’accomplissement d’une mission de police sanitaire n’est pas envisageable en opportunité et par ailleurs présente des fragilités constitutionnelles »). Au passage, avec le #Confinement, jamais vu une telle remontée de vidéos terrifiantes de policiers municipaux en roue libre. Après se teste Pendant.

    (Penser à écrire aux députés pour leur rappeler qu’en matière de continuum de sécurité, les reportages de M6 n’y pourront rien : ceci est achevé depuis des décennies, jamais la société n’a été aussi « sûre » et contrôlée qu’aujourd’hui ; 2020 n’est rien comparé à 1920, ni même à 1970. Leur demander également si, des fois, l’insécurité véritable ne règnerait pas ailleurs, quelque part du côté de la #sûreté_sanitaire, à défaut de #sécurité_sociale, régulièrement défoncée ?).

  • Corona Chroniques, #Jour52 - davduf.net
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    Nouvelle nuit agitée ; les psys nous rassurent, ce refoulé, c’est normal (même si la profusion médiatique de Freudiens a quelque chose d’assez peu rassurant) : des souvenirs enfouis de mesquineries anciennes au travail, de celles qui m’avaient fait me confiner, par choix, et ça change tout, il y a 10 ou 15 ans, sortir du train-train du salariat. Brel, comme toujours, avait été le guide : « J’ai refusé de savoir si le troisième aide-comptable me déteste vraiment ou simplement s’il a mal au foie. J’ai refusé cette bataille-là » (une interview de 1971 où le complice expliquait pourquoi il avait préféré le grand large incertain à l’usine paternelle qui lui tendait les bras, la sécurité et l’enfer).

    Soudain, ouvrir les yeux. Dans la cour, nuit totale, un enfant pleure, mais pas deux minutes, pas un caprice, pas dix minutes, pas un chagrin ; mais bien plus, quinze ou vingt minutes. On se précipite à la fenêtre, encore des larmes, on hèle, dans le vide, il se passe quoi, l’enfant crie maintenant, des hurlements de 4 ou 5 ans, mais c’est incompréhensible, ses parents crient aussi, mais sur lui, ou entre eux ? C’est strident, il se passe quoi, il se passe quoi, il se passe quoi, on imagine le pire, des voisins sortent à leur tour, impuissants, aucune réponse, les cris perdurent — et tout s’arrête.

    Et puis, au réveil, se demander si nous sommes prêts, collectivement, pour ce 11 mai, et les retrouvailles d’avec le collègue du couloir, les aide-comptables du bout du tunnel. Si chacun voudra, vraiment, rentrer dans le rang ? Peu à peu, de rue en Une, le défaitisme semble progresser. L’appel de l’Avant serait gagnant, effacer les souffrances du Pendant en retrouvant celles d’Avant, voilà le topo, voilà le défaitisme de salon, le défaitisme à réfuter — un défaitisme de pouvoir (les quatre) qui cherche à se rassurer, une méthode Coué de l’immobilisme. Semi-liberté, et estimez-vous heureux. Vraiment ?

    (La concierge a promis de se renseigner, pour le petit. Elle semble savoir d’où provenaient les cris.)

  • Corona Chroniques, #Jour51 - davduf.net
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    Dans la cour d’école de Poissy, #Emmanuel_Macron s’avance comme un inspecteur d’Académie, sûr de lui, et de son emprise, il défait les carrières et voudrait faire nos arrières ; dans la cour, on le salue, il répond, mais dans la première salle, c’est qui ? demande un pays, une voix fluette, et le voilà qui, d’un geste enfantin, tombe le masque et avance à découvert ; toute l’approximation d’État en une image, ce masque tombé, c’est une allégorie les enfants, et une plaisanterie, un moment de déconnexion, qui pourrait être joli, s’il n’était la fin de tout ; ce masque jusqu’à la garde (« masque noir, assorti au costume du Président » nous dit un styliste, #Jean_Michel_Apathie de la maison LCI), ce masque grand public qui couvre la gorge et le menton, bientôt sur toutes nos bouches, c’est toute l’incompétence de ce commis d’État ; réduit à défiler devant des CP et des CE2, lui, raide dans leur rangée ; eux, assis sagement à leur pupitre, comme nous, relégués au rang d’écoliers à qui on fait constamment la leçon, à attendre que l’envoyé du rectorat nous programme nos vies une nouvelle fois rectifiées.

    Et puis : c’est comique, ce n’est plus Macron général pathétique devant l’hôpital de campagne de Mulhouse (cf. Corona Chroniques jour 10, hôpital démonté, dit-on, depuis sans tambour militaire ni trompettes la mort) ; ce n’est plus non plus Macron chef de rayon du Super U de la ferme France (cf. Corona Chroniques jour 39), c’est le fantôme, c’est Jacques Martin, c’est l’École des fans, alors, ils font quoi tes parents ? Maman, elle est dans le combat du Coronavirus ! Et elle est en train de gagner ? Oui. Et le soir, elle te raconte ? Oui. Et papa ? Il travaille à l’hôpital. Et à nouveau, tout ce qu’il ne faut pas faire, tout ce pourquoi on nous avait dit il y a deux mois qu’on ne saurait pas faire, que les masques, ça servait à rien, qu’il fallait savoir les porter, Macron s’entête : son masque touché, retouché, mal positionné, nez mal caché — ce masque dix fois réajusté comme une stratégie hasardeuse de gouvernement.

    Parfois, la retransmission coupe, comme au jadis Théâtre de l’Empire, et un second présentateur de mode vient meubler (#Thomas_Misrachi, doigt sur la couture chez #BFM) : « c’est une opération de com’ MAIS c’est une opération très importante », l’image revient, nous voilà sauvés, bientôt 13h, Et les gestes barrières, tu les connais, toi ? Oui. Et tu te laves les mains tous les combien ? S’en suit une liste sans fin. Le ministre de l’Éducation est là aussi, même masque, mêmes erreurs, on comprend qu’il prépare les fiches du Président, il passe de classe en classe, en éclaireur, ramassant les biographies de tel ou tel élève avant de le glisser à l’oreille du patron. Au loin, sans que l’on sache si cela est fait exprès, un tableau raconte « à l’école d’autrefois », et tout finit par une interview, très autrefois, où deux journalistes évitent soigneusement chacune des questions qui pourraient fâcher.

    Il est temps d’aller s’aérer.
    Trois jours sans sortie, c’est l’extrême limite.

    • Cette histoire de masque enlevé tourne partout mais tu la commentes avec des mots tellement justes !

      Dans le montage de l’émission des potes, Macron pose une question à quelqu’un·e. Un peu condescendant mais Macron qui pose une question, ça me fait tilt : il ne pose jamais de question, il explique la vie, rien à foutre ne serait-ce que de l’expérience des gens. Et là, la réponse : c’est un enfant. Quand il pose des questions, c’est à des enfants, parce que ça compte pas vraiment, on le sait tou·tes. C’est insupportable, cette communication.

  • Corona Chroniques, #Jour50 - davduf.net
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    Se réveiller et se dire qu’il reste une semaine à tirer ; sans trop savoir si c’est long ou court, une semaine ; se lever et se demander comment on se lèvera, justement, et quel sera le réveil, exactement. Sur France Inter, le désir d’amnésie sonne déjà. Augustin Trapenard lit une lettre de Michel Houellebecq. On monte le son, sans trop y croire, mais on se raccroche à tout ce qu’on trouve, la moindre lueur, le premier os à ronger venu, le plus infime soupçon de déconfinitude — pure déconvenue. Selon l’écrivain, tout ce que nous vivons serait un « non-événement » et le monde après le coronavirus sera « le même, en un peu pire ». Trapenard se donne du mal, et beaucoup d’énergie ; il lit avec entrain, et c’est beau à entendre ; l’animateur tente de sauver par respirateur artificiel ce qui n’est que défaitisme existentiel. Au passage, Houellebecq égratigne les réseaux sociaux — en toute banalité — et balance les résidences secondaires de ses estimables confrères (c’est ainsi qu’il désigne Beigbeder, entre autres, c’est dire le prix de l’estime) — en toute bassesse. Il ajoute : « Je ne crois pas aux déclarations du genre « rien ne sera plus jamais comme avant » ». Et l’on comprend qu’il n’y aura pas de lumière de ce côté-là et qu’il existe plus de conscience au coin de la rue harassée qu’au bout de certaines plûmes fatiguées : que les poètes s’éloignent du monde, et de ses fracas, pour mieux les saisir, on sait, on connait, on apprécie ; mais que les mêmes décrètent, en s’extirpant du tumulte, qu’il s’agirait de croire et non de construire, et que ce que l’on vit est un non-événement, sont pure indécence. Une semaine, et l’on sait bien que ce sera bien plus, que l’Après viendra après beaucoup d’Après.

  • Corona Chroniques, #Jour49 - davduf.net
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    Ailleurs, un autre front se dessine : celui de qui parle, et de qui nomme. Après quatre jours sans trop rien dire, les sociétés de rédacteurs des principaux journaux réagissent enfin à la drôle d’idée du gouvernement, surgie en milieu de semaine : la labellisation des « sources d’informations sûres et vérifiées » en cette période de #Covid19 qui « favorise la propagation de #fakenews » (selon l’annonce de #Sibeth_Ndaye, grande pourvoyeuse en la matière, porte-parole du gouvernement, et auteure de l’inoubliable « J’assume de mentir pour protéger le président de la République »). Drôle, délétère et désespérée compilation de bons points sur le site officiel de #Matignon : qu’un gouvernement soit à ce point acculé pour appeler à la rescousse les services de fact checking de la presse en dit long. Sur lui, en premier lieu — mais aussi sur le monde des médias. Durant des décennies, l’essentiel exercice de fact checking consistait, dans les grandes rédactions anglo-saxonnes, à faire vérifier par d’autres leurs propres informations, avant de glisser en terrain de chasse aux rumeurs réseaux-sociales, vérificateurs-vitrines d’un journalisme de neutralité apparente, de moins en moins enclin à descendre dans l’arène, et se contenant d’en relater une partie des aventures, au point que certains, comme le philosophe #Alain_Cambier, parlent d’expédient efficace mais insuffisant.

    Au Figaro, #Arnaud_Benedetti déclare : « L’escalade de l’engagement, [c’est quand] une structure ne parvient plus à enrayer la mécanique de déni qu’elle a enclenché. Sa survie est alors indexée sur la perpétuation de ce déni. Ce n’est là plus l’État légal-rationnel mais une forme pathologique d’État. L’administration fédérale aux États-Unis savait dès 1965 qu’elle avait perdu la guerre au Vietnam, mais elle a préféré mentir à son opinion. C’est un peu la même chose avec la pénurie des masques qui n’a pas fini de fragmenter la réputation de l’exécutif et de démonétiser sa parole. »

    Demain, Après demain, ce terrain de la parole prise — comme on on prend position (tireur couché, ou franc tireur ; reporter ou copiste ; narrateur ou falsificateur) — sera probablement plus dévastateur que jamais, et #Debord plus spectaculaire qu’Avant (« Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. »). Et c’est Pendant que chacun fourbit ses armes — d’où la voracité à tout lire, tout le temps, dans nos dimanches de confinement et de tous les jours — c’est maintenant que se constitue notre arsenal d’Après, à coups de banderoles vers la rue, de carnets vers les siens ; à grands renforts de comités informels et de graffitis fugaces (aujourd’hui, sublime, vu sur Twitter : drone d’ambiance, cet État d’urgence).

  • Corona Chroniques, #Jour48 - davduf.net
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    Conseil des ministres exceptionnel « dédié à la déclinaison opérationnelle des mesures » du #Déconfinement. À #Olivier_Véran, la bonne bouille inoffensive de la Santé, de venir annoncer la mauvaise nouvelle, la loi d’Etat d’urgence sanitaire s’inscrira dans la lignée de ses grandes sœurs : elle fera durer le plaisir du pouvoir et les supplices sur les libertés, elle sera prolongée de deux mois, jusqu’au 24 juillet, et plus si affinités (et l’on sait combien la République excelle dès qu’il s’agit de permanenter ses exceptions).

    Comme toujours, double discours. Sans rire : « notre stratégie repose d’abord sur l’adhésion des Français », ou : « nous faisons confiance à l’esprit de responsabilité des Français », quand, dans les faits, depuis deux mois, tout n’est que verticalité du pouvoir et démonstrations de force, paroles culpabilisantes et saillies moralisatrices, honte bue et masques perdus, infantilisation et incompétences, surveillance et punitions, #Lallement et amendes, et maintenant ça : des « brigades d’ange gardien », dixit Mielleux Véran, pour désigner d’obscurs ficheurs de « contact tracing ». Vient le tour de #Castaner, autre double, maléfique cette fois, à la mode confinée — barbe de quarantaine, cheveux qui s’allongent, ventre qui sommatise. Le ministre de l’Intérieur annonce le vent mauvais, la policisation rampante de la société : le gouvernement a décidé d’ « élargir la liste des personnes habilitées à constater les infractions ». Désormais, si la loi passe (et elle passera mardi, à priori), les pas encore formés (adjoints de sécurité, gendarmes adjoints volontaires), les vieux de la veille (réservistes police et gendarmerie) et les recalés des écoles de police (vigiles des transports) « pourront constater les non-respects de l’état d’urgence sanitaire et le sanctionner ». On sait ce que ce surcroit de pouvoir annonce : il est un avant goût de la mise en place du flicage généralisé de l’Après. Pas encore total, mais déjà tautologique. Cet après midi, Hassina Mechaï écrit : « Le déconfinement s’annonce comme la prolongation du confinement par d’autres moyens. Un confinement portatif où nous serons tous coupés des uns des autres dans un espace public qui ne fera plus commun. »

    Pour s’en rendre compte, il suffit d’écouter attentivement #Christophe_Castaner, non comme font les 20H, quand le ministre égrène les nouvelles dispositions, mais quand il tente de les justifier, dans un joyau de #novlang : « L’objectif du gouvernement n’est pas d’empêcher les gens de se déplacer. L’objectif du gouvernement, c’est d’empêcher que le virus se déplace. Or, pour se déplacer, le virus utilise celles et ceux des Français qui se déplacent. »

  • Corona Chroniques, #Jour40 - davduf.net
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    « Ce qui s’est passé, là, c’est inadmissible. Nous dire que, « oui, on aurait dû prévoir », mais ils n’ont jamais rien prévu ! L’État n’a jamais rien prévu, ils s’en foutent de nous ! La seule chose que l’État veut, c’est le CAC 40, c’est la bourse et leur putain d’économies : y’en a marre. Le peuple est en train de crever, on vous fait crever, soulevez-vous, c’est fini, là ! Il faut qu’on prenne conscience des choses. Ses 500 balles, il peut se les mettre au cul, Monsieur Macron ! METS LES TOI AU CUL TES 500 BALLES, voilà, j’en veux pas ! »

    Vidéo verticale contre verticalité du pouvoir, on voit maintenant les mains de l’aide soignante, qui supplient, ses mains, qui accusent, il y a du Jacline Mouraud chez elle. Mouraud : cahier de doléances à elle seule, un Facebook Live à six millions de vues, Qu’est-ce que vous faites du pognon des Français ?, 18 octobre 2018, futur cri de ralliement des jaunes gilets — appel ignoré, déjà, des télés et des élites, des premiers de cordée et des déconnectés, des laquais et des épargnés, jusqu’à ce que…

  • Corona Chroniques, #Jour39 - davduf.net
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    En Bretagne, #Macron jouait au client mystère, mousquetaire de la Grande Improvisation, sondant les âmes et les rayons (à une caissière : vous êtes pas trop stressée ? Non. Et les clients ? Non plus). Les mains dans les poches, tel un touriste déconfiné, au rayon chaussettes, puis les bras croisés, parisien jaloux devant ces promesses de grand air, des BBQ dernier modèle, le Président déambulait nonchalamment, bonjour Madame, ça va ?, tel un saisonnier de la ferme France (ses mots), venu se rassurer que tout n’allait pas si mal — et, doigt sur la couture du pantalon, le sous-officier BFM de diffuser en direct le selfie du jour en mode distanciation sociale, acrobatique : Et le bonjour à Brigitte ! dit une cliente, mystère aussi.

    C’est en sortant de notre Intermarché que le tourniquet a ramené un peu de réalité réelle. Sur les portes battantes, lui qui s’était éclipsé d’un coup, depuis notre arrivée, terré dans les sous-bois ou on en sait où, voilà qu’il s’étalait à nouveau, partout, frontal, barrant la vue et la vie, voilà qu’il se rappelait à notre bon souvenir, on croyait quoi, lui échapper aussi facilement ? Saleté de Covid. Une première affiche clamait un MERCI A TOUS LES HEROS DISCRETS, en gras et en capitales (ça allait des agriculteurs aux clients qui ne viennent clienter que lorsque c’est nécessaire, et même mieux, à ceux qui s’abstiennent de venir — antiphrase #anticapitaliste mémorable). Une autre rappelait les gestes barrières et les lingettes pour caddies. Et une troisième rappelait l’ampleur du désastre :

    Face à certains comportements, nous sommes malheureusement contraints de limiter le nombre de certaines références par personne, ainsi vous ne pourrez prendre que :

    un paquet de papier toilette
    un paquet d’essuie-tout
    un pack de lait
    deux paquets de pâtes
    deux paquets de riz
    deux paquets de sucre
    deux paquets de farine
    un paquet de gants
    un savon

    Merci de votre compréhension et de votre civisme.

  • Corona Chroniques, #Jour36 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour36

    MATIN. #Korian est leader sur le secteur des Ehpad en France. 294 établissements, 30 000 lits, un patrimoine immobilier de 2 milliards, 136 millions d’euros de bénéfices — et une surmortalité suspecte. Ce matin, Libération a enquêté. Et c’est froid comme un dernier plateau-repas. Une employée résume : « Chez Korian, tout est conditionné par l’argent. On sait que le directeur a un fixe et un variable, aligné sur les économies qu’il va faire dans son établissement. » Et ça mange pas de (petit) pain, chez ces Gens-là (à 30 centimes l’unité, ceux au lait auraient été supprimés de certains petits-déjeuners). Jusqu’à ce que des familles portent plainte et que Korian dévisse en bourse.

    A 10h08, BFM Business claironne : c’est justement le moment ou jamais d’acheter du Korian ! (Un ami, la semaine dernière : « pour ta plongée de fin du monde, tu devrais regarder cette chaîne, ça va te distraire » — en un mot, BFM Business c’est la même vision du monde que BFM, mais sans s’encombrer de nuances). Sur l’écran, une aiguille de tableau de bord s’affole dans le vert, le cadran va de gauche à droite, du rouge VENDRE à RESTER A l’ECART en rose, pour passer par NEUTRE, CONSERVER, et finir par le graal vert prairie : ACHETER. Au téléphone, un marchand déballe son tapis : de la mastodonte comme ça, à prix d’ami, il faudrait être couillon pour pas se baisser. Selon l’adage, le malheur des uns fait le bonheur du petit porteur.

    Leçon de boursicotage. Grâce à « une surmédiatisation à cause de deux ou trois Ehpad, où il y a eu énormément de décès », le titre Korian ne vaut donc plus rien. Et cette conjoncture, faut voir loin, faut voir long terme, ces morts « c’est quand même marginal à l’échelle du groupe » note le commerçant. Et si, bien sûr, « le business doit s’adapter et c’est compliqué, beaucoup d’établissements ne peuvent plus prendre de résidents » (comprendre le non-dit : rupture de stock) c’est justement ça qui est juteux, vous voyez pas, la voilà l’affaire, le voilà le vert : ces résidents qui meurent et qui manquent (à gagner), « ce sera passager ». « Tout ceci devrait finir par se tasser, je ne sais pas si ce sera à la fin du #confinement, mais les activités pourront reprendre leur cours. Et on retrouvera à ce moment-là un business, toujours le même, un business solide, en croissance. » Et en avant le mouroir-caisse.

    Malicieuse, l’équipe d’Arrêt sur Images rappelle que les rédactions de Libération et de BFM appartiennent au même milliardaire et se partagent le même immeuble. Pendant que le chroniqueur télé remballe sa camelote, on s’interroge : dans l’éco-système investigation / profits boursiers, qui sortira gagnant ? Ceux en quête de liquidités ou ceux en quête de vérité ? Le propriétaire des deux, metteur en scène de toute la scène ? Vertiges. Et si c’était ça, la morale de l’histoire ? Dans sa folie meurtrière, le Covid-19 a aussi du bon. Il remet la réalité à sa place, et son sens premier à la guerre économique.

  • Corona Chroniques, #Jour34 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour34

    Terrible photo dans Le Monde, prise à quelques kilomètres de Paris l’opulente, dans une petite ville arpentée dans une autre vie, bien avant Avant. Je crois reconnaitre certaines tours, le talus, les arbres, et tout près de là, la ville mitoyenne, #Montfermeil, c’est le décor des Misérables, d’Hugo et de Ladj Ly, le cliché du Monde a été pris à Clichy-Sous-Bois, épicentre de la révolte populaire des quartiers en 2005 (« révolte populaire des #quartiers » : c’est ainsi que la direction centrale des Renseignements généraux avait qualifiée les trois semaines de soulèvement des banlieues françaises, le rapport avait tant amusé le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas le Pyromane, que le directeur central des RG s’était rapidement fait limoger, le service bientôt couper la tête, avant que les événements soient dépolitisés et requalifiés un peu partout en #émeutes sans cause).

    La photo montre une file d’attente sans fin, des morts-de-faim, venus chercher un sac de vivres, quelques boissons, le minimum pour s’en sortir. Le Monde raconte les destins fauchés en un Corona, l’argent qui ne rentre plus, l’intérim même plus intérimaire. A la première distribution d’aide alimentaire, « 190 personnes se sont présentées, 490 la deuxième, puis 750. » Du reportage, des noms remontent, non pas fantômes, mais tenaces, des braves et des déterminés, comme à l’époque de #Zyed et #Bouna. L’association AC Le Feu, toujours vaillante.

    (Souvenirs émus de Claude Dilain, maire de la ville, pédiatre et socialiste, si seul et si désolé deux ans après les événements, abandonné par la plupart des pontes de la rue Solférino et des bonnes âmes, parties en campagne ailleurs)

    (...)

    A 20h, #OnGifle.

    Et à minuit, nouvelles alertes de terreur. A #Villeneuve_la_Garenne, un motard percute une voiture banalisée, sur le grand boulevard central, pas loin de la mairie. Des témoins racontent : lui roulait sans casque, un policier aurait délibérément ouvert sa portière, choc, jambe explosée ; sur une vidéo, on entend des cris de douleurs, un uniforme fait un garrot à la victime, le ton monte, des rumeurs circulent. La fachosphère se croit au Maryland, et se met en ordre de bataille, ordurière, sûre d’elle et des sondages de repli qui, partout, se multiplient. Au cœur de la nuit, un jeune homme enfourche un Vélib’ et courre chercher l’information, street-reporter d’une guerre qui ne dit pas son nom. C’est Taha Bouhafs, l’intrépide.

  • Corona Chroniques, #Jour33 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour33

    VENDREDI 17 AVRIL 2020 - JOUR 33

    MATIN. A la télévision, le professeur Luc_Montagnier sucre les fraises. Il est chez Pascal Praud, entouré de vieux éditorialistes qui n’ont aucune idée de rien mais un avis sur tout. C’est un naufrage en direct : le Coronavirus, enfant bâtard et de synthèse, du #VIH et du #Covid-19, serait une manipulation d’« apprentis-sorciers ». Le prix Nobel de Santé s’égare, cherche ses ADN et ses mots, il s’en remet à ses titres de gloire passée pour esquiver le déshonneur live ; Praud lui-même semble incrédule, mais vorace d’audimat, et le patron de #Libération, et le second du #Figaro, qui froncent les sourcils, à peine, qui badinent, beaucoup, qui tournent autour du pot — et de la #PostVérité qui dégouline. TV déchéance totale.

    A Washington, même topo, même irresponsabilité calculée. Ça sent l’Anthrax à la Colin Powell, ses petites fioles manipulées en pleine ONU. On pose des questions, on conférencedepresse le doute, et ce laboratoire de virologie, à Wuhan, à quelques encablures du marché au pangolin, hein, une mauvaise manipulation c’est si vite arrivé, on distille la rumeur, sans trop savoir, virus manipulé, virus échappé, démerdez-vous-avec-ça les petits confinés, buzze buzze buzze jolie chauve-souris de l’information noire. Et si c’était ça, le sens de la déclaration de Macron hier (« il y a manifestement des choses qui se sont passées en Chine qu’on ne sait pas ») : une poignée de mains, jeu de vilains, à la rumeur mondiale ? Un second virus, mental, pour ombrager l’autre, le temps que les services d’État trouvent masques et salut ? Une pièce dans la machine à conspirations ?

    Sur Twitter, un graffiti prie, depuis la Bretagne et depuis la raison : « Nous ne reviendrons pas à la Normalité, car la Normalité c’était l’erreur ».

    (Sur Youtube, penser à aller regarder la prestation télévisée des Count 5, « Psychotic Reaction », hymne garage-punk de 1966, meilleure réplique à la normalité normale du monde normal).

  • Corona Chroniques, #Jour29 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour29

    A 20h, #OnGifle. A 20h02, #OnMacronne en silence. Le Président met une éternité à nous donner l’éternité. Le déconfinement, qui ne dit plus son nom, ce sera le 11 mai, dans un mois. Un mois. Un mois. Un mois.

    A 20h30, ça jacasse déjà sur tous les sites d’info. Partout, on salue l’humilité du Président. Être humble, il faut être humble, l’humilité comme seul guide : depuis des jours, ces éléments de langage se sont imposés, à droite, à gauche, comme aux extrêmes (-droite, -gauche et -centre), dans un geste barrière inespéré entre ceux qui ont le pouvoir, et qui n’ont rien fait, et ceux qui le lorgnent, et qui ne sauront quoi en faire. Dans Le Coupable, Georges Bataille (trop offensif surréaliste pour que Breton le Pape le conservât dans l’équipe) écrit : « L’orgueil est la même chose que l’humilité : c’est toujours le mensonge. »

  • Corona Chroniques, #Jour27
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour27
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    SAMEDI 11 AVRIL 2020 - JOUR 27.

    u Monde, un ancien directeur général de la santé accorde une interview bazooka. Comme un graffiti acceptable, emballé dans du papier journal de référence. William Dab : « Avec le confinement généralisé, on fait peser sur la population la totalité des efforts de prévention. Ça ne peut pas marcher et le coût humain est effrayant avec un cortège d’inégalités sociales qui s’aggravent. »

    Le même, trois heures plus tard, chez lui, corps mal cadré dans un canapé qui semble l’étouffer, tant le sofa est imposant. William Dab est sur LCI, il en appelle à un « commandement unifié », laisse entendre que c’est le foutoir la riposte, personne ne décide vraiment de rien, c’est un homme d’ordre, le voilà qui réclame un « Maréchal Foch », Dab suggère un général d’armée ou un Préfet, m’enfin quelqu’un « qui soit doté d’une très forte autorité et d’un très fort savoir faire logistique », et que Macron aille le chercher, et que Macron nous livre même son nom, lors de son allocution, après demain, lundi de Pâques — qu’on attend, sans attendre ni espoir, et toujours sans masques.

    D’un ton posé, William Dab annonce la déroute : « Nous sommes dans une guerre de tranchée, et le virus va la gagner. Parce que le confinement va devenir insupportable. Parce que les inconvénients du confinement vont devenir supérieurs aux bénéfices qu’on en attend. Et à ce moment là, il y aura tellement de dégâts économiques, psychologiques, familiaux, sociaux, avec une poussée fantastique des inégalités sociales, que le virus aura gagné. » Sur le plateau télé, moue des chroniqueurs (leur peau luisante dit les coulisses : le virus semble bel et bien avoir écarté maquilleurs et coiffeuses). Il va trop loin, le mandarin. Il n’est pas raccord avec le discours ambiant, le déconfinement qui vient, le Jérôme Salomon qui compare chaque soir toujours avec le pire et jamais avec l’Allemagne (2673 décès là bas, contre 13 832 ici ; sur 81 millions d’habitants là-bas, contre 66 millions ici), toute cette météo sanitaire qu’on habille de beau temps, et cet hôpital public qui-nous-sauve-et-qu’on-va-sauver : c’est qui donc ce Cassandre à lunettes cerclées et pull à col roulé ? Un journaliste lui dit d’être un peu plus humble, à Dab, de se souvenir de sa gestion à lui, du temps de la canicule de 2003, et d’arrêter ses yaka, et ses faukon, et ses leçons.

    Dab ferme les yeux, comme pour renvoyer son interlocuteur à sa propre cécité. Et désolé : « Comment voulez-vous combattre un ennemi alors que vous ne connaissez pas les forces en face de vous ? Est-ce que cette épidémie touche actuellement cinq millions, dix millions ou quinze millions de Français ? On ne le sait pas. »

    (...) #Coronavirus

    / Une

    http://www.davduf.net/IMG/mp3/merci_a_toi_o_soignant_vlasta_ray.mp3

  • Corona Chroniques, #Jour26 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour26

    Appel d’un ami, qui attire mon attention sur le PDG d’Axa. L’assureur avance qu’il y aurait du juteux à se faire, avec le Coro (comme l’appelle mon ami). Le géant français (5 milliards de bénéfs en 2016, avec BlackRock) planche sur une assurance pandémie, sorte de contrat catastrophe naturelle XXL. Si le capitalisme pouvait tirer profit de sa propre capitulation, il serait le premier à se tirer dessus.

    Lecture d’une enquête de Mediapart sur les manœuvres des appareils à gauche, très habiles également dans le geste suicidaire. A trois semaines de confinement, c’est fou comme les habitudes d’Avant resurgissent. Les nuances disent la déroute annoncée : Verts, Socialistes, Insoumis, Communistes, ça se parlerait « de manière subtile mais notable », « avec une magnanimité teintée d’une pointe d’ironie », « de manière encore sibylline ». De mon balcon improvisé, entre huisserie des fenêtres qui cisaille les jambes et appuie-main qui s’enfonce dans la joue, je devine les batailles affligeantes pour leurs strapontins de pouvoir, toutes ces lames rouillées qui ont déjà tant servies, prêtes à poignarder le bout de bidoche et d’idéal qui restent. Du Axa version gauche parlementaire. Sauf sursaut, il y a fort à parier que tout ce sauve-qui-peu finira bien rangé dans des urnes funéraires — ou des channels YouTube, à coups de likes puérils et de disgrâce totale. Qui, pour être à la hauteur de l’Après ?

  • Corona Chroniques, #Jour25 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour25

    Et maintenant ça, et maintenant l’indicible : le premier mort présumé pour n’avoir pas respecté les restrictions de #confinement. Il avait 34 ans, un gars de la rue, un autre Victor (cf. Corona Chroniques de mercredi), maintenu, menotté, puis le cœur qui lâche au commissariat. Ça s’est passé hier soir, à #Béziers. Aujourd’hui, une certaine presse locale fait son boulot dégueulasse et salit déjà la victime, « un accro aux stupéfiants bien connu en ville », un rien que « les policiers municipaux auraient eu du mal à arrêter, mais c’est souvent le cas avec les toxicomanes. »

    Minimus minimorum.

    Béziers, Laboville. Avec son maire d’extrême droite ; ses affiches (« la police municipale a un nouvel ami » : un pistolet Beretta, en 2015) ; son couvre-feu #Corona à 21h ; ses bancs qu’on déboulonne en Covid-catastrophe (ça faisait de belles images de télé, il y a deux jours, au ras du sol, contre-plongée vers le néant) ; Béziers encore, avec cet itinérant, un autre, de 79 ans (soixante-dix neuf !) verbalisé 19 fois (dix neuf !) en 13 jours (treize !).

    Mais là, c’est un cran au-dessus, un cran ultime, un cran sans cran après : il y a mort d’homme.

    Le procureur s’est déplacé. Il annonce l’ouverture d’une enquête (pour « homicide involontaire »), et livre une première version — une de ces versions bancales dont on pressent, d’instinct et d’expérience, qu’elle pourrait ne pas tenir le temps du confinement, prolongé ou non (on saura lundi, Macron a pris rendez-vous à 20h) : « Un policier municipal se serait assis sur les fesses de l’individu encore très excité dans le but de le maintenir jusqu’à sa conduite au commissariat de police ».

    Une vidéo surgit, on voit un corps, lourd, mais bien en vie, dans la rue, un corps qui se débat, on entend des cris. Insupportables douleurs, insupportable moment, comme les jambes convulsées de Cédric #Chouviat, les drames de tant d’autres, en banlieue ou ailleurs, Avant.

    allo @Place_Beauvau - c’est pour un signalement - 910
    Attention images très dures.

    Et voilà qu’une autre vidéo remonte, oh, de quelques heures seulement, une prestation du maire de la ville, Robert Ménard, le matin même du drame, paradant sur LCI, tout à son Fouché, rictus et tout sourire : « Il y a des gens qui ne veulent rien entendre. Alors, on se charge de leur faire comprendre que l’heure n’est pas à la clémence, à l’explication, l’heure n’est PLUS à la pédagogie »

    Un ami m’écrit : « Et quand dans trois mois, tout le monde s’entendra sur le fait que le confinement était seulement lié au manque de moyens et que son flicage était parfaitement inutile sanitairement, les gens vont être très fâchés. »

  • Corona Chroniques, #Jour24 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour24

    16h45, alerte AFP sur Twitter : « Il n’y a pas eu de pénurie alimentaire en France, et il n’y aura pas de pénurie alimentaire en France » - Bruno Le Maire, Ministre de l’Économie et des Finances. La question qui se pose : le ministre croit-il vraiment qu’on va le croire ? Pas de pénurie alimentaire, plus que de masques et de tests ? La crise est totale, et totalisante : jamais vu un tel niveau de dévaluation de la parole politique (né en 1968, ça procure tout de même un peu de champ, et d’expérience). Désormais, cette parole semble se retourner systématiquement contre elle (il n’y a guère que les baveux des chaînes d’info et les bavards des quotidiens qui font mine de ne pas saisir cette déflation, on devine pourquoi : c’est soit leur aveuglement, soit la mort sociale et le confinement total pour eux). Twitter martèle : #OnVousVoit et #OnOublieraPas. Ça peut annoncer le meilleur, comme le pire. Déjà, des étudiants témoignent : sans le Crous, et seuls dans leur chambre, ils végètent, le ventre vide, à s’en fracasser la tête contre les murs. Dans les quartiers oubliés, avec la fermeture des écoles, on a aussi coupé les seuls repas chauds de centaines d’enfants (de la République) : plus de cantine, plus d’haricots verts tièdes ni de pâtes ni de rien. Même des journalistes de préfecture relayent les paniques policières — qu’il faut prendre pour ce qu’elles sont : des thermomètres des bannis de la Terre : « Ne pas sous-estimer le risque d’émeutes de la faim. »

    • Aurélien me désigne son crâne, une boule de campagne, il s’est rasé les cheveux ce matin, ça m’a pris comme ça, seul devant son miroir, fallait que je fasse quelque chose. Lorraine, la caissière, trouve qu’Aurélien aurait pas dû, moi j’aime les cheveux longs, lâche-t-elle. Je lui montre les miens, alors ça devrait vous plaire, Lorraine éclate de rire, ah non, il y a long et long. Comme le #Confinement — long et long, interminable et sale. Mais qu’y puis-je ? Le coiffeur d’en face, un motard (premier coiffeur avec qui vraiment converser) a tiré son rideau, comme la moitié de la planète (nous sommes désormais plus de trois milliards prisonniers). Tous en quarantaine, renvoyés chez nous et en enfance : avec nos poux.

      C’est ce que je me disais l’autre jour : tu verras, le jour d’après, ce lundi matin où tout le monde devra reprendre le taf, et qu’il y aura pénurie de places chez le coiffeur, les types retourneront au bureau avec leur beau costard et leurs cheveux hirsutes de vieux hippie. Alors que moi qui me coiffe avec une tondeuse électrique, et @lefayot qui se peigne avec un rasoir, on sera toujours aussi beaux qu’au premier jour.

      Sinon, du côté des « pas de passe-droit », chez Castaner et Macron, ils se laissent pousser les cheveux, c’est leur co-confinée de conjointe qui leur passe un petit coup de ciseaux, comment ça se passe ?

    • Sinon, sur l’absence de cantine, j’avais vu un article (je crois du NY Times) il y a plusieurs semaines, qui décrivait l’hésitation des responsables de New York à décréter la fermeture des universités et des écoles, parce que c’était le seul repas pour quelques centaines de milliers de jeunes de la ville. Le chiffre était impressionnant.

    • Mon psy s’appelle Aurélien et il s’est rasé tout seul le crâne la première semaine, c’était pas beau à voir. Quant à moi, j’avais un rdv coiffure la semaine du confinement, j’avais procrastiné et je regrette comme jamais. Si j’avais su, j’aurais demandé une coupe à @odilon le jour d’avant !

  • Corona Chroniques, #Jour23 - davduf.net
    http://www.davduf.net/corona-chroniques-jour23

    Le vieil homme est une icône, au sens religieux et informatique, une pop star déchue, mais mondiale, et chacun lui offre des cœurs colorés qui montent au ciel, des pokes et des vas-y, et des questions qu’il esquive soigneusement. Au Japon, il a ses fans : un commentaire sur deux est indéchiffrable, venu de loin. Grand-père répète : « Le #virus est une communication : comme ce qu’on est en train de faire… dont on ne va pas mourir, mais peut-être qu’on n’arrive pas à bien en vivre. » Et le voila, en grande forme, qui glisse sur son terrain de jeu : la théorie de l’information, celle qui fait qu’on est venu l’écouter, 90 minutes, où, enfin, on s’accorde voyage dans la pensée et répit depuis son canapé. LCI, dit-il, c’est une fois le matin, une fois le soir, et c’est assez, trop de langage et pas assez de parole, trop de rhétorique et pas assez de vrai, même les courbes de morts de la télévision sonnent faux : « le #Capitalisme, c’est la croissance ; l’#information, aussi, veut toujours aller de l’avant. Elle ne veut pas penser en arrière ».

    À la fin de l’Insta conversation, tout le monde se remercie, on a même droit à un bonus, live, on voit un bout de son bureau, au sol, des tas de photos, des bouts de scénario. Un commentaire clignote : « Thank God, you can’t affect Jean-Luc #Godard »