QUEL USAGE POLITIQUE DE LA NUDIT ?

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  • Jeune, beau, élancé, avec de petits seins : le "nouveau féminisme" ? - Claude Guillon
    http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=377

    « Nous avons voulu montrer que les féministes ne sont pas que des vieilles femmes cachées derrière leurs bouquins », déclare Inna Schevchenko, qui pose nue pour Libération (17 septembre 2012).

    Le mieux intentionné des observateurs dirait que cette phrase exprime la présomption et la cruauté de la jeunesse. Il faut malheureusement ajouter pour l’occasion : et sa grande sottise ! En effet, et peut-être Inna aurait-elle pu le lire dans un livre, l’image des féministes comme de vieilles femmes coupées du monde (comprenez : et du marché de la chair) est un très vieux cliché antiféministe, qu’il est navrant de voir repris par une militante qui prétend renouveler le féminisme.

    Certes, le renouvellement des générations est un phénomène naturel. Quant à l’asile politique, c’est un droit précieux pour lequel je ne cesserai de me battre, et que les gouvernements tentent de rogner (comme l’actuel gouvernement Hollande, restreignant les possibilités de séjour des Syrien(ne)s). Pour autant, il est assez fatiguant de voir de braves - et généralement jeunes - gens vous expliquer qu’avant leur venue sur terre (ou en France) personne ne parlait de ceci ou ne connaissait cela, quand vos archives regorgent de tracts, d’affiches et de brochures consacrés au sujet.

    Passons, je ne voudrais pas que ma critique semble exprimer l’amertume qui accompagne souvent l’élévation du taux de cholestérol (non, de ce côté, ça va, merci). C’est hélas bien plus grave. Inna explique : « Je serais incapable de me déshabiller à la plage, mais, quand je manifeste, j’ai l’impression de porter ce que j’appelle mon “uniforme spécial.” » Il n’est pas dans mon intention de moquer la pudeur de cette jeune femme. Il est simplement regrettable qu’elle ignore que le mouvement naturiste, le plus gentillet et apolitique que l’on puisse imaginer, a au moins un acquis indiscutable à son actif : l’égalité entre les corps, vieux ou jeunes, « beaux » ou « laids ». Dans un camping ou sur une plage naturiste, on voit des gens de tous les âges et de toutes les corpulences. Par rapport à cet acquis, tout modeste soit-il, la déclaration citée plus haut, et plus généralement la stratégie marketing des Femen sont une régression, pas une révolution.

    Au passage, je relève les connotations très « militaires » du discours d’Inna, repris sans distance aucune par les jeunes militantes. « Ben ouais, c’est une armée ! », répond en souriant une militante à un journaliste qui bute sur le mot. « Nous voulons, déclare Inna dans Libération, former des jeunes femmes à devenir des soldats pour la cause féministe à travers le monde. »❞

    (...)

    En décembre 2012, les Femen (Inna et une autre) font la une des Inrockuptibles. L’image de marque se peaufine. À l’intérieur du magazine, une photo de groupe : huit jeunes femmes. Toutes très jeunes ; toutes minces ; aucune forte poitrine. Il ne s’agit pas, bien entendu, de reprocher à ces filles d’avoir l’air de descendre d’une publicité Calvin Klein (je serais étonné que cette publication n’ait pas suscité quelques démarches de photographes et d’agences de mannequin), il s’agit de constater, une fois de plus, l’image de marque que les Femen ont choisi d’offrir au public (de vendre au magazine ?).

    « Maquillage Delphine Sicard », précise le crédit à gauche de l’image. Que voulez-vous ! On ne photographie pas comme ça son « uniforme spécial » sans un peu d’apprêt ! Nous sommes décidemment dans le marketing politique, oh ! certes, bourré de bons sentiments athéistes et féministes. Malheureusement, l’ancienne étudiante en journalisme Inna Schevchenko ne semble pas avoir entendu parler de la manière dont le médium peut annuler ou au moins altérer le message. « Au moins, me disait une jeune femme, depuis qu’elles se mettent à poil, on les écoute ! » Que nenni. On les regarde tout au plus. Et lorsque les rédacteurs en chef en auront marre de mettre du nibard à la une (Ça lasse coco !), on ne les regardera plus.

    Quel peut être l’effet produit par cette photo de groupe sur les femmes moins jeunes, ou jeunes mais moins favorisées par le hasard génétique ? Le même effet que le terrorisme publicitaire et machiste que le féminisme ne cesse de dénoncer. Cette photo est pire qu’une maladresse, c’est un contresens politique.

    Regardez la photo ci-dessous. C’est une autre photo publicitaire, pour les produits cosmétiques de la marque Dove, celle-là. Elle a été conçue par des publicitaires pour toucher un public plus large. Ces publicitaires sont peut-être hypocrites, et certainement intéressés. Pourtant cette image est plus subversive des codes dominants de la beauté que celle des Femen. Le « nouveau féminisme » plus niais que des représentants de commerce... Dommage !

    #Femen #publicité #féminisme

    • Cité ici http://seenthis.net/messages/110175
      notons tout de même que :

      Pour comprendre qui sont les Femen et d’où elles viennent, il faut faire un retour en arrière et aller là où tout a commencé, en Ukraine. Nous sommes en 2008, à Kiev, quatre ans après la révolution orange.

      Autour d’Anna Hutsol, la fondatrice du mouvement, une dizaine d’Ukrainiennes, amies de lycée ou étudiantes se retrouvent pour parler de politique, de sexualité, de la condition des femmes. Du jamais vu en Ukraine, pays vierge de luttes féministes. Embryonnaire, le mouvement n’a cependant rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui.

      « On manifestait tout habillées et on envoyait des communiqués de presse qui finissaient à la poubelle », raconte Inna. Défiler les seins nus ? Pas question dans ce pays très religieux (majoritairement orthodoxe) où 70% de la population se dit croyante.

      A partir de l’hiver 2010, le mouvement se radicalise. Les Femen multiplient les manifestations contre la prostitution, contre le tourisme sexuel, contre le sexisme ambiant. Parallèlement, émerge l’idée du topless.

      « L’idée ne s’est pas imposée d’emblée : il y a eu de grands débats à l’intérieur du mouvement. J’étais contre au début, se souvient Inna. Pour moi être nue, ça avait à voir avec la sexualité. J’avais peur de la réaction de la société, de mes proches, etc. Mais j’ai compris qu’en manifestant topless, on introduisait une nouvelle interprétation de la nudité », explique-t-elle.

      Les seins nus, disent les Femen, symbolisent aussi la condition des femmes ukrainiennes : sans ressources, elles n’ont plus que leur corps comme arme. « Une vieille maxime ukrainienne dit : ‘Gola, bossa i ou vinkou’, c’est-à-dire ‘sans vêtements, sans chaussures, mais avec une couronne de fleurs dans les cheveux’. Cela décrit une jeune fille dans la misère, mais joyeuse, active, qui ne se laisse pas abattre. C’est exactement ce qui nous définit. D’ailleurs, la couronne de fleurs, typiquement ukrainienne, est un autre symbole des Femen, au même titre que les seins nus », expliquait Anna Hutsol dans un article de l’hebdomadaire russe Ogoniok en novembre 2010.

      A priori, elles ont commencé par des communiqués.

  • QUEL USAGE POLITIQUE DE LA NUDITÉ ?
    http://claudeguillon.internetdown.org/article.php3?id_article=377 (modifié)

    le langage du corps, du sexe, est, plus encore que les autres, piégé par le système marchand. À l’heure d’Internet et de sa profusion pornographique, et du déferlement obscène de la publicité, bien malin, bien maline, qui prétend jouer des stimuli et des refoulements sexuels sans s’emmêler les muqueuses et les neurones. Croyant choquer le bourgeois (et quel intérêt ?), on lui parle publiquement un langage qu’il parle couramment en privé et/ou dont il fait déjà commerce.

    Énergie juvénile et courage physique ne suffisent pas à élaborer une pensée critique. La presse n’est ni une entité neutre ni un levier sans maître qu’il suffirait d’utiliser habilement pour faire passer son message. Et pas non plus une institution de service public ayant vocation à enregistrer et à confirmer la bonne volonté démocratique des « indigné(e)s ». Plus vite on s’en aperçoit, moins on commet d’erreurs contre son propre camp, avec ou sans maillot.

    #nu #activisme #corps #féminisme #femen #pussy_riot