J’ai retrouvé Amina, la Femen tunisienne

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  • Un pseudo-féminisme raciste et morbide

    Donc, l’inénarrable Martine Gozlan de « Marianne » a « retrouvé Amina, la Femen tunisienne » :

    http://www.marianne.net/J-ai-retrouve-Amina-la-Femen-tunisienne_a227722.html

    Il est frappant de constater à quel point on adore ce genre de scénarios : le héros solitaire musulman, ou, encore mieux, l’héroïne solitaire musulmane, seul-e touché-e par la grâce des Lumières occidentales, uniformément entouré-e de barbares obscurantistes, névrosés et violents qui l’étouffent et/ou lui veulent du mal, et qu’on se donne pour mission de protéger, car il/elle est des nôtres : c’est nous qui sommes sa vraie famille – comme cela apparaît très clairement dans le papier ci-dessus, où Martine Gozlan, qui la rencontre pour la première fois, postule d’emblée une affinité entre Amina et elle-même qui éclipse celle existant entre la jeune fille et sa famille.

    Il ne s’agit pas de prétendre qu’un milieu familial ne peut pas être étouffant ou néfaste, mais il est très problématique d’en retrancher un individu pour rejeter l’ensemble de son entourage dans l’inhumanité en en faisant une peinture à la "Jamais sans ma fille". Cette démarche ne laisse à cet individu le choix qu’entre deux attitudes extrêmes : soit la rupture nette et franche, présumée facile par les « amis » occidentaux (elle ne peut quand même pas être attachée à ces bouseux… ?), soit une adhésion inconditionnelle, affirmée en réaction, dans un mouvement de révolte et de solidarité avec les siens face aux propos racistes tenus à leur sujet (une attitude que l’on trouve notamment dans le discours des Indigènes de la République, les mêmes mécanismes étant à l’œuvre au sujet des descendants d’immigrés en France).

    Ce storytelling est sûrement très valorisant d’un point de vue narcissique, mais il est, au mieux, complètement stérile, et au pire, dans la plupart des cas, ravageur pour la cause qu’il prétend défendre : des individus isolés, vite récupérés par des instances flirtant avec le racisme, sont impuissants à faire évoluer leur société. Seuls des mouvements qui y sont enracinés ont ce pouvoir, comme le souligne très bien la féministe égyptienne Sara Salem :
    http://muftah.org/femen-strikes-in-tunisia-the-case-of-amina

    Mais se pourrait-il que faire avancer la cause des femmes dans les pays musulmans ne soit pas réellement le but ? Je n’ose pas l’imaginer…

    On en arrive pourtant à la situation éminemment malsaine où il est de l’intérêt objectif des Femen qu’il arrive les pires horreurs à Amina. Dans le cas contraire, on ne parlera plus d’elles – ou du moins, plus à ce sujet, puisqu’on fait confiance à leur créativité pour relancer la machine. Difficile de ne pas en retirer l’impression qu’il s’agit moins de se montrer solidaire des femmes musulmanes que de prouver la barbarie atavique et irrécupérable des hommes musulmans. Ce pseudo-féminisme morbide ne profite à rien ni à personne, sauf aux Femen elles-mêmes et à leur besoin obsessionnel de publicité. Et au "choc des civilisations"...

    #Femen #racisme

  • J’ai retrouvé #Amina, la #Femen tunisienne
    http://www.marianne.net/J-ai-retrouve-Amina-la-Femen-tunisienne_a227722.html

    Aujourd’hui, la jeune fille n’est pas libre de ses mouvements et de ses contacts, bien que majeure. La famille plaide sa « fragilité psychologique » pour la couper du monde. On lui donne beaucoup de médicaments. Des antidépresseurs à haute dose. C’est aussi, curieusement, la thèse de certaines féministes tunisiennes. Le cas Amina sent d’évidence le soufre pour la génération précédente. J’ai trouvé une jeune fille lasse, à la fois engourdie par un traitement médical et ferme sur sa volonté de retrouver sa liberté d’action. Nous n’avons pas pu parler seule à seule, sa mère tenant à garder « par amour » le contrôle de sa fille. Récit.