CIP-IDF > Égalité : « Le maître ignorant, cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle » de Jacques Rancière

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  • #Jacques_Rancière est longuement interviewé sur son dernier livre « la méthode de l’égalité ». Il évoque aussi sa pensée, sa méthode, son système philosophique, son travail sur les archives ouvrières notamment sur « la nuit des prolétaires » remarquable livre qui tend à décrire comment la classe ouvrière a rompu le cercle infernal de l’éternelle répétition du travail et du repos à travers la parole(les réunions), l’écrit (la correspondance, le récit)...
    On a coutume aujourd’hui d’opposer la pensée de #Pierre_Bourdieu à celle de Jacques Rancière, pour faire simple, l’un démontre (approche sociologique) que les structures (école, travail, éducation...) participent à la domination sociale et culturelle qui conditionnent les individus dans leurs fonctions (Bourdieu), l’autre (approche libertaire) prenant acte que la" parole" et la "conscience ouvrière" sont des facteurs qui produisent de la matière politique source d’émancipation ( Rancière). Pour ma part je ne tranche ni pour l’un ni pour l’autre je pense que ces deux systèmes sont complémentaires. Dénoncer les structures sans prises de conscience des dominés serait incomplet mais le contraire aussi.

    http://www.dailymotion.com/video/xx107q_jacques-ranciere-invite-de-en-direct-de-mediapart_new

    extrait du livre la méthode de l’égalité
    http://www.lieux-dits.eu/Presence/ranciere.htm

    Dans la pensée, il y a aussi des choses comme ça, des phrases qui vous construisent et avec lesquelles on élabore quelque chose qu’on met en rapport avec d’autres phrases venues d’ailleurs. Petit à petit, il se construit, à partir de ces refrains entêtants, une certaine forme d’intelligibilité d’un domaine, que ce soit la politique, la littérature, le cinéma ou que sais-je."p95

    "Mais aussi j’ai montré, dans l’analyse de l’émancipation, comment le problème n’était pas d’échapper aux griffes d’une sorte de monstre tentaculaire mais de concevoir la possibilité de mener d’autres vies que celle qu’on était en train de mener."p112

    "J’ai toujours essayé de dire qu’un être supposé fixé à une place était toujours en réalité participant à plusieurs mondes, ce qui était une position polémique contre cette théorie asphyxiante des disciplines, mais aussi une position théorique plus globale contre toutes les formes de théories identitaires. Il s’agissait de dire que ce qui définit les possibles pour les individus et les groupes, ce n’est jamais le rapport entre une culture propre, une identité propre et les formes d’identification du pouvoir qui est en question, mais le fait qu’une identité se construit à partir d’une multitude d’identités liée à la multitude des places que les individus peuvent occuper, la multiplicité de leurs appartenances, des formes d’expérience possibles."p113

    "Toute écriture un peu forte est une écriture capable de parcourir les plus grands espaces sans dire qu’elle les parcourt."p146

    « Qu’est-ce que le social pour moi ? C’est le lieu où opère constamment un conflit des compétences. Le social est le lieu où opère la question : est-ce que le fait que les ouvriers veulent gagner plus est une affaire privée ou non ? Il est le lieu où on pose la question de savoir si tel ou tel désagrément ou souffrance que vivent les gens est une pure affaire personnelle, privée, ou si c’est une question publique qui appelle une action collective. Le social est le lieu où se noue la question du partage. » p220

    bibliographie selective :
    – La méthode de l’égalité entretien avec Laurent Jeanpierre et Dork Zabunyan paru aux éditions Bayard

    –la nuit des #prolétaires existe en poche dans la collection Pluriel

    – la haine de la #démocratie paru aux éditions la Fabrique

    – Et tant pis pour les gens fatigués(livre d’entretiens) paru aux éditions #Amsterdam

    –Le #maitre_ignorant existe en poche dans la collection 10/18

    _ Bourdieu/Rancière de #Charlotte_Nordmann paru aux éditions Amsterdam

    #philosophie #Politique #Histoire #Archives #Peuple #Egalitarisme #Démocratie #Société #Gouvernance #Ouvriers #Travail #Révolution #Emancipation #Pédagogie #joseph_jacotot #livres #vidéo

    • Pas encore eu la patience d’attendre la fin des 40 (quarante !) secondes de pub pour écouter l’entretien...

      Un autre extrait de La méthode de l’égalité", DISPERSION DES IMAGES : UN AUTRE RÉGIME DE L’ART ?
      http://www.artpress.com/uploads/pdf/3680.pdf

      Le maître ignorant, première leçon
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4348

      Quant à l’opposition Bourdieu/Rancière, il ne s’agit pas d’une « coutume » mais d’un différent intellectuel et politique réel, dont on trouve des prodromes dans le cinglant "La leçon d’Althusser" (1973, republié chez La fabrique) où J.R prend ses distances avec le scientisme althusserien, et aussi dans une revue, Les Révoltes Logiques, L’empire du Sociologue (1984), dont les textes ne semblent pas disponibles en ligne (un commentaire :" une concentration statistique sur l’identité des transmetteurs et des récepteurs des messages fige l’histoire, elle renvoie chaque groupe culturel à une position qu’il doit nécessairement, inévitablement occuper. Pour Bourdieu, chaque groupe social a son goût précis, et il y a des oeuvres d’art qui offrent des valeurs figées pour répondre aux besoins propres du groupe. L’oeuvre d’art devient un message qui dit toujours la même chose pour son groupe donné.").

      C’est en revanche il me semble suite à la publication du livre de Charlotte Nordmann (Bourdieu/Rancière, la politique entre sociologie et philosophie , 2006/2008) qu’il devient « coutumier » de chercher à penser une confrontation des travaux respectifs de l’un et de l’autre par de-là leur opposition.

  • Très bonne Préface à l’édition Brésilienne du « Maitre ignorant » de #Jacques_Rancière http://strassdelaphilosophie.blogspot.fr/2013/05/le-maitre-ignorant-jacques-ranciere.html

    Toutes les deux surtout sont enfermées dans le cercle de la société pédagogisée. Elles attribuent à l’Ecole le pouvoir fantasmatique de réaliser l’égalité sociale ou, à tout le moins, de réduire la « fracture sociale ». Mais ce fantasme repose lui-même sur une vision de la société où l’inégalité est assimilée à la situation des enfants en retard. Les sociétés du temps de Jacotot avouaient l’inégalité et la division en classes. L’instruction était pour elles un moyen d’instituer quelques médiations entre le haut et le bas : de donner aux pauvres la possibilité d’améliorer individuellement leur condition et de donner à tous le sentiment d’appartenir, chacun à sa place, à une même communauté. Nos sociétés sont loin de cette franchise. Elles se représentent comme des sociétés homogènes où le rythme vif et commun de la multiplication des marchandises et des échanges a aplani les vieilles divisions de classes et fait participer tout le monde aux mêmes jouissances et aux mêmes libertés. Plus de prolétaires mais seulement des nouveaux venus qui n’ont pas encore pris le rythme de la modernité ou des attardés qui, à l’inverse, n’ont pas su s’adapter aux accélérations de ce rythme. La société se représente ainsi à la manière d’une vaste école ayant ses sauvages à civiliser et ses élèves en difficulté à rattraper. Dans ces conditions, l’institution scolaire est de plus en plus chargée de la tâche fantasmatique de combler l’écart entre l’égalité proclamée des conditions et l’inégalité existante, de plus en plus sommée de réduire des inégalités posées comme résiduelles. Mais le rôle dernier de ce surinvestissement pédagogique est finalement de conforter la vision oligarchique d’une société-école où le gouvernement n’est plus que l’autorité des meilleurs de la classe. A ces « meilleurs de la classe » qui nous gouvernent se trouve alors reproposée la vieille alternative : les uns leur demandent de s’adapter, par une bonne pédagogie communicative, aux intelligences modestes et aux problèmes quotidiens des moins doués que nous sommes ; d’autres leur demandent à l’inverse de gérer, depuis la distance indispensable à toute bonne progression de la classe, les intérêts de la communauté.

    #Education #pedagogie #Autonomie #philosophie #Emancipation #Joseph_Jacotot