le tiers livre, web & littérature : réflexions pensives sur l’économie du livre
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le black-out mis sur un fait essentiel : depuis 2 ans, l’effondrement soudain des poches, et d’un facteur frôlant les 20% pour certaines des maisons.
@fbon revient sur le refus des milieux de l’édition d’ouvrir leurs catalogues au numérique. Et ils se retrouvent piégés aujourd’hui par l’effondrement des poches, qui leur fait les poches, littéralement.
Il y a 5 ans, 6 ans, on a été nombreux (le « on » étant ceux qui se mouillaient les mains dans le web, et il faut en rendre d’abord hommage à Hubert Guillaud) à alerter : amorcer la mise en place d’une offre numérique large, créative, attractive. On s’est surtout pris des coups de bâton dans la figure, et le bouclier s’est levé de l’ensemble des instances, édition, librairie, presse. J’ai tenté de me frayer chemin dans cette direction avec mon petit labo, beaucoup appris, mais il m’a manqué aussi un maillon essentiel : les auteurs de l’édition imprimée, sauf tout petit noyau. Mais ce qu’on nous rétorquait, à l’époque, c’est précisément que la réticence au numérique c’était pour laisser vivre l’industrie du poche. Cet axiome en France a été un consensus : l’offre numérique s’est constituée, mais toujours commercialisée au-dessus du prix du poche. [...]
Est-ce que c’est rattrapable aujourd’hui ? Sans doute, les chiffres de l’édition numérique progressent, mais « arithmétiquement ». Des chiffres qui commencent à compter dans le chiffre d’affaire global des éditeurs, mais entre 1,8 et 2,3% (si on s’en tient aux maisons de littérature générale).
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— Quelque chose qui bloque dans le monde de l’édition lui-même. L’économie d’Internet (et c’est passionnant de scruter pour cela la musique) est de plus en plus basée sur la recommandation. Amazon n’y est pas grand maître (une fois par mois, ils me proposent régulièrement de lire mes propres livres, remarque c’est peut-être délibéré ?), mais ils ont une longueur d’avance. Ils y parviennent à partir de leurs propres data, commandes, consultations, statistiques. Mais ce qui me semble complètement incroyable, c’est comment le monde de l’édition, en France, reste encore complètement étanche à la notion de big data. Un monde quasi fossile, avec des circuits parallèles gérant eux-mêmes des données extrêmement restreintes, par rapport à celles qu’on peut associer au moindre morceau de musique.[...] Je n’ai pas le droit de donner des exemples concrets, mais ça me semble une sorte de déni suicidaire : vraie caricature à force de refuser la pensée web, et pourtant il y en a, chez eux, des compétences… Un des éditeurs historiques, et des plus dynamiques, de la place parisienne, d’un de nos plus grands groupes sans citer personne, n’a droit qu’à la métadonnée « littérature générale » pour tout son catalogue. Idem les années qu’il a fallu, alors que le Kindle existe depuis 8 ans, pour que la CLIL accepte de se doter d’un système de classement digne de ce nom, et que le classement BISAC est une transposition de valeurs culturelles américaines qui sont risibles par rapport au nôtre.Ce dont aurait besoin le poche pour redevenir l’outil culturel bon marché de qualité, au centre de la transmission et de l’éveil, c’est des outils de recommandation big data qu’a été incapable de prévoir l’appareil industriel de l’édition – là aussi, par ignorance du web, s’en remettre à leur plus gros libraire papier, Amazon, comme ils espèrent s’en remettre à Orange pour le numérique ?
Corollaire : la bascule majeure qu’est une innovation technologique dans le fil même de l’évolution des techniques d’imprimerie, le Print On Demand. Les mêmes machines qu’on utilise pour les réassorts des best-sellers sont couplées à un système informatique qui peut changer le titre à l’unité, sans rupture de la chaîne d’impression.
Je n’en met pas plus, courrez le lire, c’est passionnant.
#édition #print_on_demand #poche #numérique