Au Liban, ce que dévoilent les cables de Wikileaks

/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-le

  • Israel’s ex-intel chief : ‘Together, we can do a lot to make Middle East a better place’ - France 24
    http://www.france24.com/en/20160629-interview-israel-security-peace-turkey-saudi-arabia-syria-israeli

    The former head of Israel’s military intelligence [...] admits that Saudi and Israeli officials have been meeting “below the radar” and says such contacts could now become more official because both countries face a common enemy: Iran.

    Un passage sur la relation entre #Israël et les #Saoud commence à 2’45" : à 4’45" débute le passage où l’Israélien confirme clairement qu’en 2006 l’#Arabie_Saoudite a aidé #Israel (en lui fournissant des « renseignements stratégiques ») dans ses #crimes de guerre contre le #Liban.

    Via angry arab

  • Ce mois-ci dans le Diplo, un article titré « Le Hezbollah maître du jeu libanais ». La moitié des citations sont de Lokman Slim, ce qui garantit sur le sujet un manque total de sérieux. Et, non, ce n’est pas en précisant « connu pour ses positions critiques envers le parti » que ça rend plus crédible ce qu’il dit (si tu ne connais pas, une rapide recherche sur Seenthis te donnera des infos intéressantes).

    L’article, derrière l’absolument dégueulasse intertitre « Intervenir pour défendre le “vrai islam” », reprend l’approximation sur le mausolée de Sayyida Zaynab, que j’ai déjà abordé ici :
    http://seenthis.net/messages/416460

    On retrouve d’ailleurs ici un mensonge classique depuis 2012 : Nasrallah prenait bien soin d’expliquer la présence de membres du Hezbollah pour protéger le mausolée de Sayyida Zaynab (haut lieu de pèlerinage chiite) par le fait que, si le tombeau était détruit, alors il y aurait une conflagration confessionnelle totalement incontrôlable, et que cette protection était nécessaire justement pour éviter que ça dégénère immédiatement en fitna. On peut bien prétendre que ce discours est un alibi, mais le fait est que, contrairement à ce qu’ont colporté les médias Hariri, Nasrallah avait un discours officiel destiné clairement à prévenir le glissement confessionnel sur la question de Zaynab.

    Le "vrai islam" revient dans une citation :

    « Son intervention en Syrie est alors devenue une entreprise sacrée, visant à défendre ce qu’il considère comme le vrai islam, face aux groupes rebelles comme Daesch. »

    Alors certes, je ne me fais pas trop d’illusions sur ce qui peut circuler chez les membres d’un parti militaro-religieux comme le Hezbollah, mais pourquoi se contenter de ces raccourcis qui vont toujours dans le même sens caricatural, alors que le chef du parti, ainsi que ses médias officiels, prennent un soin particulier à ne pas dénoncer ses ennemis comme « sunnites », mais comme « takfiris », c’est-à-dire comme ultra-sectaires et intolérants, et à rappeler que les sunnites eux-mêmes sont ses premières victimes.

    Toute cette seconde partie (là où l’on introduit Slim, curieusement) tient absolument à se concentrer sur l’« exacerbation des tensions communautaires » et à largement en faire un processus mental chiite.

    Ce qui mène à une phrase que j’ai dû relire pour la comprendre :

    …des affrontements éclataient entre des forces sunnites et Saraya al-Mouqawama, les « brigades de la résistance » liées au Hezbollah. « Les éléments sunnites ont coupé l"autoroute qui mène au Sud… »

    Comme les brigades de la résistance sont largement sunnites (ce sont justement des brigades qui permettent aux non-chiites de participer à la Résistance avec le Hezbollah), je n’ai pas compris qui étaient « les éléments sunnites ». L’article aurait pu évoquer dans ce cas « des éléments proches du courant du Futur » et « des éléments proches du Hezbollah » plutôt que de privilégier l’habituel angle confessionnel, surtout dans une situation où tous ces gens sont grosso modo tous sunnites…

    Évidemment, toute cette partie sur l’exacerbation sectaire repose lourdement sur l’influence supposée de la guerre en Syrie, et non comme une manœuvre démarrée au Liban, sciemment, dès le lendemain de la guerre israélienne de 2006, comme je l’avais documenté à partir du Cablegate :
    https://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks

    L’encadré « Un futur président sous contrôle » s’aligne sur les lubies 14 Mars façon L’Orient le Jour, expliquant que c’est le Hezbollah qui bloque la Présidentielle.

    • @af_sobocinski j’ai compris aujourd’hui que c’est pas trop la peine de perdre son temps avec ce canard qui n’est capable ni de dialoguer, ni de se remettre en question. En gros c’est mort. Contrairement à @gonzo je crois que le diplo ne sait plus ce qu’il fait, ils ont depuis longtemps perdu le contact avec le réel. C’est juste « loin derrière ».

    • De mon côté, comme pour Politis, j’ai cessé de me réabonner au Diplo, sans trop savoir s’il s’agissait de la conséquence du fait que je m’informe différemment, ou comme pour Politis, s’il s’agissait plutôt du fait que j’en trouvais l’information de plus en plus tiède et consensuelle. Lire des critiques de la part de Reka et Nidal est une nouvelle surprise, en forme de confirmation.

    • @af_sobocinski Je peux développer (mes copains du journal diront que je trolle, mais tant pis). LE DIplo est devenu « Microcosmique », et ce terme pour qualifier la caractère renfermé et auto-centré de la direction du journal qui imposent aux membres de la rédaction « l’étroitesse » de leur champs de réflexion et d’action. Leur univers est finalement assez petit et très auto-centré sur des gens ou des événements qui leur ressemblent.

      C’est justement quand on quitte le journal qu’on découvre tout un monde de savoir et de connaissance beaucoup plus varié, intéressant, diversifié et surtout progressiste. On se rend compte que pour l’essentiel de ce qu’ils sortent comme thèmes, c’est déjà traité ailleurs et en mieux depuis plusieurs mois voir plusieurs années. Ça rend le truc un peu inutile, et avec un peu de recherche et de partage, sur Internet, on arrive à constituer un bouquet de sites et de références qui rend le Diplo rétrograde et caduque (mais aussi hélas le Monde ou Libé pour n’en citer que deux, lesquels sont devenus des machines marketing et publicitaires plus occupées à faire du teaser et du buzz que de l’information et de la transmission de savoir, mais bon).

      Ils s’occupent assez bien de rentrer dans le lard de gens qu’ils détestent (à juste titre d’ailleurs ce qui rend la critique paradoxale - BHL, Finkielkraut, Minc etc...) mais à qui au fond ils ressemblent beaucoup puisqu’en situation de pouvoir, ils se comportent de la même manière qu’eux. Ils refusent le dialogue, impose leur dogmes avec brutalité, confisquent les prérogatives.

      Ils sont aussi très auto-satisfait d’eux mêmes, de ce qu’ils pensent (car ils ont raisons, toujours contre tout le monde), et de leur style d’écriture ampoulée, verbeuse et arrogante. Il y a beaucoup de vanité et une très forte incapacité à se remettre en question. Pourquoi le ferait-ils ? en situation de pouvoir rien ne les y oblige, c’est ce qui fait le lit de l’autoritarisme. Ils ne partagent rien, ils ont une peur bleue d’Internet (et ils ont raison d’ailleurs, parce qu’Internet est en train de les bouffer tout cru).

      On a pensé que cette nouvelle direction a été élue à la fin des années 2000 allait démocratiser et « déhiérarchiser » ce journal, répartir les prérogatives de manière plus juste, penser l’écriture des éditoriaux de manière collective, participative, et je dois dire qu’on avait à cette époque beaucoup d’espoir.... On revient donc de loin :)

      Lorsqu’on a conçu et réalisé la collection cartographique du Diplo au milieu des années 1990, des centaines de références, peut-être un millier, une énorme base carto, on l’a fait dans un esprit d’ouverture, de partage. On était un collectif enthousiaste et on a voulu mettre toutes ces cartes, toutes ces recherches cartographiques à la portée de tout le monde. Accessible et utilisable pour tout le monde gratuitement. Aujourd’hui la plupart des cartes sont derrière un paywall et il faut payer un abonnement pour y accéder, faute de quoi vous ne pouvez en voir que la moitié supérieure, ce qui est tout à fait grotesque pour ne pas dire complètement obscène et surtout en complète violation, au complet mépris de ce qu’à été l’esprit de la création de cette collection de cartes thématiques et géopolitiques, une des premières sur Internet.

      Comment veux-tu ne pas être en colère quand tu ne peut que constater impuissant à ce détournement de patrimoine.

      Voilà ce que j’entends par « microcosmique ». Des gens qui persistent à fonctionner entre eux au mépris total de leur environnement proche et moins proche.

      Ne croyez pas que tout cela me fasse plaisir, ni de le dire, ni de le constater. Ça m’afflige plutôt profondément. Mais c’est simplement le témoignage de ce que j’expérimente depuis trois ans. Et depuis trois ans, j’ai simplement complètement bouleversé ma façon de m’informer, de rechercher et de m’instruire sur les thèmes qui ne me sont pas nécessairement familier, et aussi renforcer l’aspect participatif et collectif des nos/mes projets. De ce point de vue je rejoins un peu @biggrizzly

      J’espère que ça répondra à tes interrogations :)

  • Notes rapides pour un billet sur le câble de l’ambassade US en Syrie de décembre 2006, proposant des « actions possibles » pour la déstabilisation du régime de Bachar Assad :
    https://wikileaks.org/plusd/cables/06DAMASCUS5399_a.html

    Au Liban, ce que dévoilent les câbles de Wikileaks
    http://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks

    Ainsi M. Samir Geagea, dirigeant de l’extrême droite chrétienne, suggère-t-il (25 juillet 2006, 06BEIRUT2471) : « La clé pour démanteler le Hezbollah comme force militaire est d’en faire “un problème intérieur”, c’est-à-dire de faire comprendre au peuple libanais que le Hezbollah est la menace qui a causé tant de destruction au pays. La pression politique résultante, accompagnée de la dégradation continue de ses capacités infligée par l’armée israélienne, est le seul chemin vers le désarmement. » Pour M. Geir Perdersen, envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies au Liban (5 août 2006, 06BEIRUT2539), « Israël a besoin de trouver rapidement un moyen pour permettre à des “facteurs politiques” de gérer la menace du Hezbollah (…) Un tel facteur serait l’opinion publique libanaise ».

    WikiLeaks : Saad Hariri a demandé en 2006 le départ d’Al-Assad
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2011/04/15/wikileaks-saad-hariri-a-demande-en-2006-le-depart-d-al-assad_1508069_3218.ht

    Selon un câble diplomatique de l’ambassade américaine au Liban daté du 24 août 2006, soit dix jours après la fin de la guerre dévastatrice entre le mouvement chiite libanais Hezbollah et Israël, M. Hariri a exhorté la communauté internationale à isoler le président Assad. M. Hariri a également mis en garde les responsables américains contre des troubles au Liban si la communauté internationale ne parvenait pas à isoler M. Assad avec des sanctions.

    A la question de savoir qui pourrait combler le vide en cas de chute du régime de M. Assad, M. Hariri a proposé une alliance entre les Frères musulmans, interdits en Syrie, et d’anciens responsables syriens en exil comme l’ancien vice-président Abdel Halim Khaddam et un ex-chef d’état-major, Hikmat Chehabi, toujours selon les documents.

    The Redirection (mars 2007) : rencontre de Hersh avec Nasrallah datée de décembre 2006
    http://www.newyorker.com/magazine/2007/03/05/the-redirection

    Nasrallah accused the Bush Administration of working with Israel to deliberately instigate fitna, an Arabic word that is used to mean “insurrection and fragmentation within Islam.” “In my opinion, there is a huge campaign through the media throughout the world to put each side up against the other,” he said. “I believe that all this is being run by American and Israeli intelligence.” (He did not provide any specific evidence for this.) He said that the U.S. war in Iraq had increased sectarian tensions, but argued that Hezbollah had tried to prevent them from spreading into Lebanon. (Sunni-Shiite confrontations increased, along with violence, in the weeks after we talked.)

    Nasrallah said he believed that President Bush’s goal was “the drawing of a new map for the region. They want the partition of Iraq. Iraq is not on the edge of a civil war—there is a civil war. There is ethnic and sectarian cleansing. The daily killing and displacement which is taking place in Iraq aims at achieving three Iraqi parts, which will be sectarian and ethnically pure as a prelude to the partition of Iraq. Within one or two years at the most, there will be total Sunni areas, total Shiite areas, and total Kurdish areas. Even in Baghdad, there is a fear that it might be divided into two areas, one Sunni and one Shiite.”

    He went on, “I can say that President Bush is lying when he says he does not want Iraq to be partitioned. All the facts occurring now on the ground make you swear he is dragging Iraq to partition. And a day will come when he will say, ‘I cannot do anything, since the Iraqis want the partition of their country and I honor the wishes of the people of Iraq.’ ”

    Nasrallah said he believed that America also wanted to bring about the partition of Lebanon and of Syria. In Syria, he said, the result would be to push the country “into chaos and internal battles like in Iraq.” In Lebanon, “There will be a Sunni state, an Alawi state, a Christian state, and a Druze state.”

  • De retour de son voyage touristique en Arabie séoudite, Geagea dénonce la vraie source de la corruption au Liban : Geagea : La vraie source de la corruption est la présence d’un mini-État au sein de l’État
    http://www.lorientlejour.com/article/942763/geagea-la-vraie-source-de-la-corruption-est-la-presence-dun-mini-etat

    « La source de la corruption n’est pas la classe politique libanaise. La vraie source de la corruption est la présence d’un mini-État au sein de l’État », a ajouté M. Geagea en référence au Hezbollah. « Nous serons constamment dans une situation de crise tant que notre État est affaibli », a-t-il poursuivi.

    Hum… Pour ce qui est de « mini-État », voici un passage de la version longue (inédite, donc) de mon article sur le #Cablegate au Liban :

    En juin 2006 déjà, Samir Geagea s’inquiète de la montée en puissance des services des Forces de sécurité intérieure (composante largement sunnite), et notamment de la nomination par Saad Hariri de Wissam Hassan à la tête des services de renseignement (06BEIRUT2221). En janvier 2007 (07BEIRUT133), « chuchotant vers l’ambassadeur [américain], [l’ambassadeur séoudien au Liban Abdulaziz] Khoja lui dit que “nous devons aider Saad (Hariri), Walid (Jumblatt), et même (Samir) Geagea,” avec de l’argent et des armes ». En avril 2008 (08BEIRUT490), Walid Joumblatt s’inquiète de « l’entraînement des milices sunnites de Saad [Hariri] », dont il suppose qu’elles sont constituées de « 15000 membres à Beyrouth, et encore d’autres à Tripoli » à l’inititative du chef des Forces de sécurité intérieure Ashraf Rifi ; la Chargée d’affaires américaine ajoute sa propre note : « Les Jordaniens ont refusé d’entraîner des membres des Forces de sécurité intérieure (FSI) sélectionnés et approuvés par l’Ambassade pour participer à un programme [financé par les américains], au motif qu’ils ne voulaient pas être impliqués dans l’entraînement de “la milice de Saad”. » Le 9 mai 2008 (08BEIRUT642), le chef des Forces libanaises (chrétiennes) Samir Geagea « informe [les américains] qu’il dispose de 7000 à 10000 combattants prêts à être mobilisés, ajoutant qu’ils auraient besoin d’armes ». Le 11 mai (08BEIRUT652), Nayla Maouwad et Amine Gemayel, en présence de Marwan Hamadeh, annoncent que « les leaders du 14 Mars savent comment mettre leurs milices en ordre de marche, mais qu’ils auraient besoin du “support tranquille” des États-Unis, insistant sur le fait qu’ils auraient besoin d’armes dans les prochains cinq ou six jours pour pouvoir battre le Hezbollah ». Le 15 mai, Walid Joumblatt (08BEIRUT698) : « “Nous devons nous préparer à un autre round. Nous devons maintenir le secret à ce sujet et être bien organisés.” [Évoquant ses supporters druzes du Chouf] Il déclara qu’il ne savait pas encore comment il obtiendrait le matériel nécessaire, remarquant que le député des Forces libanaises Tony Zahra voulait travailler avec Saad Hariri pour savoir si les Séoudiens étaient prêts à fournir des armes. […] Il suggéra qu’il avait besoin de mines terrestres, mais [les Américains] ont fortement découragé cette idée. »

    Pour rappel, l’article « court » (bon, pas très court tout de même) avait été publié sur Nouvelles d’Orient :
    http://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks

    • Salut,
      Je ne savais pas qu’il y avait une version longue. Tu n’envisages pas de la publier quelque part pour qu’elle soit dispo ? (même si la version « courte » est intéressante également)

  • Siniora de La Haye : « des pressions ont été exercées sur sa partie politique en 2006 ».
    http://nna-leb.gov.lb/fr/show-news/44764

    Il a en outre affirmé que des pressions ont été exercées sur sa partie politique en 2006, mais sans aucun résultat, puisque cette partie a résisté aux pressions.

    Il faut évidemment comprendre que par « des pressions ont été exercées sur le 14 Mars en 2006 », Siniora veut dire « les Israéliens sont venus massivement bombarder le pays pour tenter de nous débarrasser de nos ennemis politiques, mais ça a foiré » ; et par « nous avons résisté aux pressions » il faut comprendre « j’ai beaucoup pleuré ».

  • Sur l’importance prêtée aux milices étrangères qui soutiennent le régime syrien
    –-

    L’article du 26 mai publié par Orient XXI prétend exposer « le rôle joué par les combattants étrangers soutenant le régime [syrien] », ce qui est résumé par le titre : « Ces milices qui se battent aux côtés de Bachar al-Assad ». Le sujet est présenté comme « moins documenté » que du côté rebelle, car son « importance est parfois mésestimée » :
    http://orientxxi.info/magazine/ces-milices-qui-se-battent-aux,0596

    Le texte est constitué de trois parties qui illustrent différentes lubies et fantaisies véhiculées par les propagandistes de la rébellion armée :
    – l’armée du régime se serait déjà effondrée, et le régime ne survivrait plus que par l’afflux massif de combattants étrangers ;
    – la force combattante principale permettant la survie du régime serait le Hezbollah libanais ;
    – même ce soutien du Hezbollah serait condamné par les dissensions internes.

    –-
    1. LE RÉGIME RAPIDEMENT DÉPASSÉ
    –-

    L’idée centrale est que « les troupes syriennes, mal formées et mal équipées, se sont […] effondrées, dévastées par les défections […], les morts et les blessés. » Après cet effondrement de l’armée, c’est donc le recours à des combattants étrangers, organisé par la Russie et l’Iran, qui permettrait au régime de tenir : « le régime syrien ne peut survivre sans la présence du Hezbollah ».

    Il y a plusieurs difficultés avec une telle thèse.

    La première, c’est que cette théorie a déjà été formulée, mot pour mot, par le porte-parole de l’Armée syrienne libre en… novembre 2011 (« Syria rebels : Assad regime recruiting Iranian, Hezbollah mercenaries Israel News », Jack Khoury & Associated Press)
    http://www.haaretz.com/news/middle-east/syria-rebels-assad-regime-recruiting-iranian-hezbollah-mercenaries-1.398010

    The Syrian regime is beginning to lose control over its security forces and is thus forced to hire mercenaries from Iran, Iraq and Lebanon, the Free Syrian Army spokesman told the Saudi newspaper Asharq Alawsat Newspaper on Sunday.

    The spokesman, Ammar al-Wawi, said that in recent months many army and police officers defected, a fact that “requires the regime to make internal changes in the military ranks.”

    Al-Wawi added that the mercenaries include members of Iraqi Shiite militias, the Iranian Revolutionary Guard and Hezbollah, and are being deployed in military operations against rebel forces.

    Or, à l’époque le nombre de morts de l’armée syrienne était encore très faible. Robert Fisk citait le chiffre de 1.150 soldats tués (« Assad’s army remains defiant as it buries its dead », 26 octobre 2011) :
    http://www.independent.co.uk/voices/commentators/fisk/robert-fisk-assads-army-remains-defiant-as-it-buries-its-dead-2375963

    Une récente lettre du Centre de doctrine d’emploi des forces (« L’armée syrienne (2/2) - Dans la guerre civile (2011-2013) », par Stéphane Mantoux, septembre 2013) indique :
    http://www.cdef.terre.defense.gouv.fr/content/download/4883/67608/file/armee_syrienne_2-2.pdf

    Ce qui veut dire que le régime peut compter sur un corps de bataille solide de 65 à 75.000 hommes. Les déserteurs ont peut-être représenté 20 à 30 % de l’effectif total de l’armée. Les services de sécurité ont prévenu les défections et la 4e division blindée, par exemple, pourtant unité d’élite, a dû fusiller 10 soldats qui menaçaient de le faire. Les éléments peu sûrs sont emprisonnés ou maintenus dans les casernes. Les pertes commencent à augmenter sérieusement à partir de la mi-2012. De 500 soldats tués en novembre 2011, on passe à 2.300 morts en juin 2012.

    L’analyse sur l’« effondrement » de l’armée et son remplacement par des supplétifs étrangers remonte donc à une époque où l’armée syrienne avait perdu entre 500 et 1.150 soldats selon diverses estimations, alors que les estimations basses du nombre de soldats fidèles étaient au-delà de 60.000 hommes. Si ces chiffres constituent à l’époque un changement de paradigme important (la militarisation de la rébellion apparaît alors clairement), ils ne permettaient évidemment pas de prétendre que le régime « perdait le contrôle » de ses forces de sécurité, et qu’il ne lui restait plus que des miliciens étrangers pour tenir.

    Cette thèse apparaît alors pour ce qu’elle est : un vœu pieux (ou, plus certainement, un élément de langage central de la propagande guerrière) qui a accompagné toutes les étapes de la militarisation de la révolte syrienne. De la mi-2011 jusqu’à maintenant, on n’a cessé d’annoncer l’effondrement du régime (si ce n’est aujourd’hui, au pire dans quelques semaines) pour justifier toujours plus de soutien en armes et en hommes à la rébellion armée, ou une intervention étrangères (bénigne et légitime à défaut de légale, puisque le régime serait déjà prêt à tomber comme un fruit mûr – de toute façon uniquement soutenu par des ingérences étrangères elles-mêmes illégales).

    Une seconde difficulté est de continuer à présenter les troupes syriennes sur la base de l’image du soldat syrien aux chaussures usées, mal armé, mal entraîné, pas motivé, occupant une maison au Liban sans chauffage ni électricité ni sanitaires. L’armée syrienne combat depuis plusieurs années contre la guérilla, il serait donc temps de considérer que ses troupes sont désormais réorganisées, bien mieux financées, armées et entraînées, et qu’une bonne partie de ses hommes et de son encadrement ont autant, sinon plus, d’expérience au feu que les combattants du Hezbollah (la guerre de 2006 au Liban a duré exactement un mois).

    La troisième difficulté de la thèse de cet article est qu’elle repose sur l’occultation d’une des principales forces loyalistes en Syrie. L’article ne fait aucune mention des Forces de défense nationale, cette force paramilitaire organisée par le régime syrien, et forte de plusieurs dizaines de milliers de combattants (le chiffre de 60.000 combattants circule régulièrement). Ce n’est même pas une milice occulte, son existence est tout à fait officielle depuis janvier 2013 : « Assad forme une nouvelle force paramilitaire pour seconder l’armée »
    http://www.france24.com/fr/20130123-assad-syrie-milices-baas-femmes-force-paramilitaire-seconder-arme

    La nouvelle n’a pas fait grand bruit, et pourtant, le président syrien Bachar al-Assad a annoncé en fin de semaine dernière la création d’une force paramilitaire pour seconder l’armée dans sa lutte contre les rebelles. Le régime baasiste fait face à un conflit ouvert avec une opposition armée qui a fait plus de 60.000 morts en 22 mois.

    Sous le nom de Forces de défense nationale, cette nouvelle formation regrouperait les divers Comités populaires, des civils favorables au régime qui ont pris les armes pour défendre leurs quartiers contre l’incursion de rebelles.

    La quatrième et principale difficulté, c’est que cette théorie ne peut pas du tout expliquer les proportions de combattants tués. Les dernières estimations livrées par l’OSDH sont les suivantes (« Syria Death Toll Reported to Rise By 10,000 in Less Than 2 Months », 20 mai 2014)
    http://www.nytimes.com/2014/05/20/world/middleeast/syria.html

    Mr. Abdul Rahman claims to have contacts among government supporters and the security forces, and has provided rare estimates of the toll among pro-government forces: currently 61,170 Syrians, including 37,685 from the military and 23,485 from pro-government militias.

    The Syrian Observatory also said that it had tallied 438 dead from Hezbollah, the Lebanese militia fighting on the government side, which has not cited a figure for its own losses. And the group said that 1,224 non-Syrian, pro-government fighters had also died. Iraqi and other foreign fighters, most of them Shiite Muslims, have flocked to the government side, much as foreign Sunnis have joined the insurgents.

    The group also said that 42,701 antigovernment fighters had been killed, including more than 13,500 from jihadist groups like the Nusra Front and the Islamic State of Iraq and Syria, both of which are affiliated with Al Qaeda. It has also documented more than 2,000 deaths of people whose names and affiliations could not be determined.

    J’ai réalisé un graphique à partir de ces chiffres, et il est très parlant :

    En haut à droite, le nombre de tués de l’armée syrienne régulière (37.685) ; en bas à droite, les tués parmi les milices pro-régime (23.485), très largement regroupées depuis début 2013 sous la bannière des Forces de défense nationale. L’OSDH souligne qu’il s’agit là de Syriens.

    Les tués parmi les milices étrangères pro-régime sont indiqués, en bas, par les deux toutes petites tranches (438 morts pour le Hezbollah, 1.224 pour les autres miliciens). C’est-à-dire, ensemble, moins de 3% des morts du côté du régime. Visiblement, le nombre de miliciens étrangers pro-régime tués est à la limite de l’anecdotique.

    Face à cela, il n’y a que 3 options :
    – décréter que les chiffres de l’OSDH sont totalement farfelus, non seulement en nombre mais aussi en proportions (et attention : il faut qu’ils soient vraiment très faux – par exemple si l’on considérait, au pifomètre, que l’OSDH triple le nombre de soldats loyalistes tués pour maintenir le morale des rebelles, les étrangers représenteraient encore moins de 10% des morts côté régime) ;
    – considérer que les combattants étrangers pro-régime, ces « autres djihadistes » de l’article, sont des combattants surhumains particulièrement difficiles à tuer ;
    – plus certainement : admettre que les forces loyalistes syriennes subissent 97% des pertes parce qu’elles constituent toujours l’essentiel des combattants, et que la thèse de la prépondérance des miliciens étrangers est fausse. Prétendre que les miliciens irakiens seraient jusqu’à 40.000 (c’est-à-dire à peine moins que l’estimation habituelle des FDN) et que le Hezbollah serait « une véritable force de substitution » est totalement indéfendable.

    Le rôle des milices étrangères est certainement important. Que ces forces permettent de faire la différence dans certaines situations spécifiques est également probable. Mais en faire l’élément fondamental de la survie du régime ne correspond pas à la réalité.

    De fait, il faut s’interroger sur l’intérêt de répandre de telles élucubrations.

    – Cette littérature repose fondamentalement sur le rejet de toute forme de « realpolitik » en Syrie, depuis 3 ans, au nom d’une posture totalement moralisatrice invoquant les grandes figures de la lutte du bien contre le mal. Cette partie du texte est d’ailleurs truffée de petites mentions typiques des prétentions moralisatrices du genre : « ces autres djihadistes », « notamment des snipers » (accompagné d’une note bien mystérieuse : « le parti chiite semble disposer d’une véritable expertise dans ce domaine »), l’affirmation curieuse selon laquelle « les blessés ne reçoivent pas de traitement adapté, quelle que soit la blessure », « Israël, ennemi qu’elle n’osait jamais attaquer »…

    Cette base morale a systématiquement été utilisée pour soutenir toutes les options de la rébellion armée, et éloigner tous ceux qui en ont, très tôt, dénoncé les dérives et la prévisible conclusion catastrophique. Lire par exemple : « Haytham Manna : “Catalogués malgré eux !” »
    http://cpa.hypotheses.org/5004

    Quotidiennement, on nous répétait : « Deux semaines et tout sera fini. » Nous répondions que ce serait long. Les accusations pleuvaient sur nous, nous accusant de toutes les trahisons possibles, alors que ce sont eux qui ont prêté l’oreille à l’étranger, qui ont trahi tous les espoirs. Le jour où nous avons lancé les slogans réclamant la chute du régime dictatorial accompagné des trois « non » (non au confessionnalisme, non à la violence et non à l’intervention militaire étrangère), le porte-parole des Frères musulmans a expliqué qu’il n’y avait pas de tabous.

    Nikolaos van Dam explique cette politique basée sur des vœux pieux : « Syria : The West Should Stop Raising False Expectations », 19 mai 2014
    http://www.joshualandis.com/blog/syria-west-stop-raising-false-expectations-nikolaos-van-dam

    The Western approach to the Syrian uprising has from the very beginning been dominated by an overdose of wishful thinking, because precedence was given to supposedly democratic and moralistic ideals over realpolitik. Many Western politicians based their positions on their day-to-day domestic political reflexes, rather than on the long-term vision and result-oriented pragmatism that is needed to work towards genuinely helping to solve the conflict. Most Western politicians became fixated on the idea that the conflict could only be resolved if al-Asad was removed from power. They had clear thoughts about what they did not want, but no realistic ideas of what they wanted in al-Asad’s place. Yes, they wanted a democracy, but a violent deposal of al-Asad could not realistically have been expected to result in such a desired peaceful democracy.

    Or, l’échec de cette politique est désormais tellement patent que Juan Cole peut écrire un jugement aussi explicite que celui-ci (« Is the Fall of Homs a turning point in Regime’s Quest to Recapture Syria ? », 8 mai 2014) :
    http://www.juancole.com/2014/05/turning-regimes-recapture.html

    The opposition’s decision to militarize was a serious error.

    On est là, très clairement, à l’opposé de ce qui pouvait se publier ouvertement en France il n’y a pas si longtemps. Ce genre de positions vous valait d’être rapidement traité d’« idiot utile du bacharisme », de « conspirationniste » et d’« ennemi du peuple syrien ». Et en tout état de cause, il était impossible d’être progressiste, de gauche, et de ne pas adhérer aux charmes d’une révolution armée soutenue par l’OTAN, les pétromonarchies et le 14 Mars libanais.

    Prétendre au rôle fondamental des milices étrangères en faveur du régime apparaît comme une justification à un choix stratégique catastrophique. Rendez-vous compte : sans le soutien russe, sans le soutien iranien, sans le Hezbollah, sans les milices irakiennes, ce serait déjà terminé puisque l’armée s’est déjà effondrée (et on mettrait Paris en bouteille). Mais on reste toujours dans l’argument purement moralisateur, alors que la question n’est pas là : même si tout cela était vrai, le problème reste que les soutiens étrangers au régime syrien ont toujours été connus et que l’importance stratégique de la Syrie pour ses alliés régionaux était notoire. À nouveau, il s’agirait d’avancer un jugement purement moral pour justifier les errements d’une politique fondée sur une « overdose of wishful thinking ».

    – La seconde utilité de ce genre de texte, c’est de justifier les dérives sectaires de l’opposition. Ces derniers temps, il est très fréquent d’entendre qu’il y aurait « plus de jihadistes étrangers chiites pro-régime que de jihadiste sunnites dans l’opposition ». C’est un des éléments de langage à la mode. C’est le genre d’excuse moraliste (basée sur de chiffres approximatifs) qui permet de distiller l’idée qu’il y aurait en Syrie un ignoble confessionnalisme chiite parfaitement illégitime, et un gentil confessionnalisme sunnite tout à fait légitime.

    – La troisième utilité est plus grave : c’est encore et toujours le même accompagnement des politiques de changement de régime de l’OTAN sur des base prétendument humanitaires et morales. On gagnera à lire le texte d’Edward S. Herman (le co-auteur, avec Chomsky, de l’ouvrage de référence La fabrication du consentement) : « Manufacturing Failed States », 27 août 2012 :
    http://zcomm.org/zmagazine/manufacturing-failed-states-by-edward-s-herman

    This is helped still further by the fact that the atrocity claims and pictures of grieving widows and refugees, the seemingly compelling evidence on atrocities, and an establishment consensus on the “responsibility to protect” the victim populations, also affect liberal and left elements in the West, causing some to join the mainstream throng in denouncing the targeted regime and demanding humanitarian intervention, and many others to lapse into silence because of confusion and an unwillingness to be accused of “supporting the dictators.”

    The argument of the interventionists is that while we may seem to be supporting an expanding imperialism, exceptions must be made where exceptionally bad things are happening and the home public is aroused and wants action, but we may show our progressive credentials by trying to micro-manage and contain the imperial attack, as in insisting on adherence to a no-fly zone intervention in Libya (see Gilbert Achcar, “A legitimate and necessary debate from an anti-imperialist perspective,” ZNet, March 25, 2011; and my reply in “Gilbert Achcar’s Defense of Humanitarian Intervention,” MRZine, April 8, 2011, which refers to the “imperialist fine-tuning left”).

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    2. LE HEZBOLLAH À L’AVANT-GARDE DES COMBATS
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    Si le texte d’Orient XXI prétend présenter « ces milices » et « les combattants étrangers », « l’engagement du Hezbollah, des pasdarans et des chiites irakiens », en pratique le texte est presque entièrement consacré au cas du Hezbollah.

    Hors Hezbollah, le lecteur a droit à deux phrases : la première au sujet d’une « mission de conseil » iranienne afin de coordonner l’arrivée des forces étrangères » et une rapide évocation des « miliciens irakiens », estimés par le Guardian à 10.000 hommes, et par Al Ahram Weekly à 40.000. (Le paragraphe suivant évoque des éléments totalement anecdotiques.)

    Rien sur le PSNS :
    http://english.al-akhbar.com/content/ssnp-‘hurricane’-syrian-conflict-syria-and-south-lebanon-are-same

    Rien sur les Nationalistes arabes :
    http://english.al-akhbar.com/content/arab-nationalists-take-arms-battle-syria

    Rien sur les Palestiniens du FPLP-CG :
    http://www.lemonde.fr/international/article/2013/01/03/les-palestiniens-de-syrie-dechires-par-les-combats_1812428_3210.html

    Rien (heureusement ?) sur les réfugiés afghans envoyés par l’Iran récemment introduits par le Wall Street Journal (affirmation récemment moquée par Angry Arab) :
    http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702304908304579564161508613846

    Une statistique éclairante : sur les 11.000 caractères du texte, 8.000 ne concernent que le Hezbollah. C’est donc une attaque frontale contre le Hezbollah, publiée par Orient XXI le lendemain même de l’anniversaire de la Libération du Liban le 25 mai 2000. C’est le genre d’élégance qui met donc Orient XXI au niveau de pertinence du site Now Lebanon, et de son magnifique « Resistance…What Resistance ? » :
    https://now.mmedia.me/lb/en/lebanon/548646-resistancewhat-resistance

    Toute la seconde partie prétend démontrer que « la branche militaire du parti chiite s’est rapidement transformée en véritable force de substitution ». Voir précédemment : avec moins de 1% des morts au combat, il n’est pas possible de parler ainsi de « substitution », ni de prétendre que « les régime syrien ne peut survivre sans la présence du Hezbollah ».

    Un aspect intéressant est le chiffre de 4.000 combattants du Hezbollah envoyés combattre à Qusayr. Cette information n’est pas sourcée. Je pense qu’il faut s’y attarder.

    Le 23 mai, l’AFP cite une estimation entre 800 et 1200 combattants : « AFP : ’75 Hezbollah fighters killed in Syria so far’ »
    http://www.arabnews.com/news/452647

    Le 29 mai 2013, sur la base des agences, Al Jazeera annonce 1700 combattants : « Syria and Hezbollah bolster forces in Qusayr »
    http://www.aljazeera.com/news/middleeast/2013/05/2013529105510937115.html

    Le WINEP, le 31 mai, s’arrête sur le chiffre de 2000 combattants (et cinq à six mille troupes gouvernementales) : « The Qusayr Rules : The Syrian Regime’s Changing Way of War »
    http://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/view/the-qusayr-rules-the-syrian-regimes-changing-way-of-war

    At present, around five to six thousand government troops are involved in the battle, along with some two thousand Hizballah fighters. Each of these contingents has been reinforced in the past few days, reflecting the stubbornness of rebel resistance and the regime’s need for a clear victory. Unconfirmed opposition reports have also claimed that Iranian fighters are involved in the fighting.

    Toujours le 29 mai, la théorie est la suivante : les combattants étaient chiffrés à 1700, mais par un prompt renfort, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port : « AFP (édité par LCI) : De 3.000 à 4.000 combattants du Hezbollah en Syrie »
    http://lci.tf1.fr/monde/moyen-orient/de-3-000-a-4-000-combattants-du-hezbollah-en-syrie-7978352.html

    Le chiffre de 1.700 combattants du Hezbollah lancés dans l’offensive contre Qousseir était jusqu’à présent évoqué, mais l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), une ONG syrienne, a fait état mercredi [29 mai] de l’envoi de renforts du Hezbollah et des forces spéciales syriennes pour prendre le dernier carré de cette ville.

    Le 24 mai, le porte-parole de l’Armée syrienne libre estime le chiffre à 3.000 et annonce que 1.200 renforts sont prêts à arriver : « Hizbullah leading the fight in Qusayr : Syrian activists »
    http://al-shorfa.com/en_GB/articles/meii/features/2013/05/24/feature-01

    En fait de prompt renfort, c’est surtout une « Audition du ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale » qui fixe la fourchette autorisée :
    http://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/index.php?fichier=bafr2013-05-31.html

    Et en ce qui concerne le Hezbollah, puisqu’une question m’a été posée sur l’estimation qui peut être faite des chiffres des militants Hezbollah présents dans la bataille, les chiffres hésitent entre 3.000 et 10.000. Notre estimation est autour de 3 à 4.000, mais quand vous avez des combattants très solidement armés, qui sont prêts à mourir et qui sont plusieurs milliers, cela fait une différence importante.

    Pourtant, le 19 mars, Aurélie Daher faisait déjà remarquer que le chiffre de 3000 combattants n’était « pas crédible » (« En Syrie, le Hezbollah se bat d’abord pour préserver ses propres intérêts ») :
    http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/en-syrie-hezbollah-se-bat-d-abord-preserver-propres-interets-10603

    Il est difficile d’avancer des chiffres fiables. Certains sont exagérés, quand on parle par exemple de plus de 3000 combattants lors de la bataille de Qusayr. Ce n’est pas crédible. A titre comparatif, durant l’offensive israélienne contre le Liban de l’été 2006, le nombre de ses combattants oscillait entre 2500 et 5000, selon les sources. Or, il est très peu probable que la RIL dégarnisse largement ses rangs au profit de la Syrie, en abandonnant largement le territoire libanais.

    Habituellement, les estimations du nombre de combattants du Hezbollah engagés en 2006 contre Israël montent à 4.000 ou 5.000 combattants, alors qu’il s’agissait d’une guerre plutôt longue sur le sol libanais lui-même, et dans toutes les villes et tous les villages envahis par les Israéliens.

    En juillet 2013, on trouve une estimation plus récente, et plutôt élevée : Le Liban dans la crainte d’une nouvelle guerre civile
    http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/07/11/le-liban-dans-la-crainte-d-une-nouvelle-guerre-civile_3445096_3218.html

    L’avantage militaire et stratégique du Hezbollah au Liban freine encore les velléités des uns et des autres. « C’est une véritable armée conventionnelle et confessionnelle, qui dispose de 5000 à 7 000 combattants et d’une réserve de jeunes chiites formés dans ses camps, ainsi que d’un arsenal important. C’est un élement de neutralisation des forces en présence, même s’il n’est pas une garantie de paix et de stabilité », souligne Vincent Geisser.

    De fait, 4.000 combattants du Hezbollah à Qusayr signifierait que le parti aurait engagé toutes ses troupes d’active en Syrie. Plus loin, l’affirmation qu’« entre 5.000 et 10.000 hommes du Hezbollah y seraient présents en permanence » pose le même problème logique : il n’y aurait plus aucun combattant du Hezbollah sur le sol libanais.

    La reprise du chiffre de 4.000 combattants est ici intéressante : elle se base sur l’estimation haute fournie par Laurent Fabius le 29 mars 2013. À l’époque, personne ne doute que la déclaration de Fabius s’inscrit dans un agenda politique : « Faustine Vincent : Quel rôle joue le Hezbollah libanais en Syrie ? », le 29 mars :
    http://www.20minutes.fr/monde/syrie/1164279-20130529-role-joue-hezbollah-libanais-syrie

    Cette implication inquiète les Etats-Unis, la Turquie et le Qatar, qui ont déposé un projet de résolution débattu ce mercredi pour condamner « l’intervention de combattants étrangers » à Qousseir. Le projet vise, sans le nommer, le Hezbollah. Présenté au cours d’un débat en urgence devant le Conseil des droits de l’Homme, ses résolutions n’ont toutefois pas de caractère contraignant.

    En Europe, où l’on partage ces craintes sur le rôle croissant du Hezbollah, les pressions se multiplient pour classer le mouvement sur la liste européenne des organisations terroristes, comme c’est le cas aux Etats-Unis. « L’Europe cherche la position à adopter face à lui, mais sanctionner est délicat, parce que [la branche politique] du Hezbollah fait partie de la coalition au pouvoir au Liban », confie à 20 Minutes une source proche du dossier.

    La déclaration de Fabius est ici immédiatement associée à un projet de résolution au Conseil de sécurité, et au classement du Hezbollah sur la liste européenne des organisations terroristes (ce qui a finalement été obtenu le 22 juillet 2013).

    Quel est donc, à nouveau, l’intérêt de reprendre des informations approximatives sur l’implication du Hezbollah sur la base de chiffres non sourcés ? Comment prétendre que « l’importance [de ces “autres djihadistes”] est parfois mésestimée », alors que ces chiffres et ces événements ont déjà été très largement exploités par le Quai d’Orsay pour obtenir le classement du Hezbollah sur la liste européenne des organisations terroristes européennes ? « Le Hezbollah classé organisation terroriste par l’UE », 23 juillet 2013
    http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/07/23/le-hezbollah-classe-organisation-terroriste-par-l-ue_3451432_3214.html

    Mais la décision de l’UE constitue aussi et surtout la riposte de Bruxelles à l’enrôlement croissant des combattants du Hezbollah dans les rangs des forces favorables au président syrien, Bachar Al-Assad. “Le lien est indirect, mais rien n’aurait changé dans le débat européen sans le contexte syrien”, indiquent des diplomates à Bruxelles. Certains Etats, à commencer par la France et l’Espagne, ont revu leur position il y a quelques semaines. Il est probable à cet égard que la chute de Qousseir, une place forte de la rébellion syrienne, reconquise début juin par le régime et ses alliés libanais, ait constitué un tournant.

    Par ailleurs, il s’agit d’une des obsessions des propagandistes de la rébellion armée, et notamment du 14 Mars libanais et ses soutiens du Golfe. Le Akhbar a encore rappelé, le 22 mai 2014, qu’une partie de l’opposition, proche du 14 Mars libanais, avait très tôt attaqué le Hezbollah : « Syria : The ‘comforting’ narratives of the conflict »
    http://english.al-akhbar.com/content/syria-‘comforting’-narratives-conflict

    It was also natural for these factions to desire a clash between the Syrian uprising and Hezbollah (at the first week of the protests, Maamoun al-Homsi, a Syrian dissident close to the Future Movement, claimed that Hezbollah was behind the crackdown on protesters in Daraa).

    Le même était complaisament relayé par al-Arabiya en mai 2011 : « Analysis : Nasrallah comes to the rescue of Assad »
    http://www.jpost.com/Middle-East/Analysis-Nasrallah-comes-to-the-rescue-of-Assad

    On May 20 [2011], Al-Arabbiya interviewed Syrian oppositionist Mamoun Al-Homsi who accused Hezbollah of direct involvement in repressing the Syrian revolution.
    “Today thousands of men from Hezbollah entered the grand Bani Umayyah mosque [in Damascus] and beat the youngsters inside, sending dozens to the hospital,” Al-Homsi said. “What are Lebanese doing in the middle of the mosque with batons and knives? What is this brutality?”

    Hezbollah spokesman Ibrahim Al-Musawi denied Al-Homsi’s claims, but Nasrallah accused the station of broadcasting the denial only once while broadcasting the fallacious allegations “around the clock”.

    En fait, la focalisation très précoce sur le rôle supposé sur Hezbollah est une des raisons principales de la méfiance des gauches arabes et anti-impérialistes envers cette partie de la « révolution » organisée autour des Frères musulmans et soutenue par les dictatures du Golfe et le 14 Mars libanais. Il s’agit d’un axe fondamental de l’agitation organisée au Liban contre le parti de la Résistance. Je l’avais d’ailleurs indiqué en conclusion de mon article sur le cablegate au Liban :
    http://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks

    Sous couvert de soutien militaire à la révolution syrienne, c’est un étrange mélange des genres entre fondamentalisme religieux, haine confessionnelle contre les chiites et les alaouites, récupération des slogans des révolutions arabes, et volonté de « revanche » contre le Hezbollah, qui finit d’enterrer le sunnisme politique, néolibéral et pro-occidental, que prétendait incarner le camp de M. Hariri.

    D’ailleurs, le magazine Time, avec toujours une longueur d’avance dans le traitement du sujet-qui-intéresse-l’OTAN et la promotion du wishful thinking, s’interrogeait déjà lourdement en décembre 2011 (un an et demi avant Qusayr) : est-ce que le soutien du Hezbollah à la Syrie va provoquer sa chute ? L’article concluait avec l’introduction d’un jeu de mot élégant et pas du tout sectaire : « Hezb al-Shaitan » (le parti du diable) : « Will Hizballah’s Support for Syria Lead To Its Downfall ? »
    http://world.time.com/2011/12/08/will-hizballahs-support-for-syria-lead-to-its-downfall

    With Mubarak gone, and a new Israel policy in flux, Hizballah could find that it no longer dominates the anti-Israel space. “Hizballah is not the only game in town anymore,” says Cambanis. “As a result of the Arab Spring we now have authentic indigenous groups that oppose Israel. Egypt might be moving to a model where they challenge Israel politically without trying to start a war, where they can offer an alternative to armed resistance.”

    For Syrians of course, the betrayal is even more sharply felt. During the wars with Israel, Hizballah members and their families sought refuge among Syrians across the border with Lebanon. In many cases they are the same Syrians who are now suffering so acutely from the regime crackdown. To see Hizballah repudiate the anti-Assad resistance is the worst kind of betrayal, says Ahmed Moussa, a spokesman for Syrian refugees in Lebanon. “Hizballah means ‘Party of God,’ but we don’t call them that any more. What Hizballah is doing now is Satan’s work, so now we call them Hezb-e-Shaitan [party of the devil].”

    On est donc dans la vieille lubie, lancée dès les tous débuts de la révolution, mise en avant de manière systématique dans tous les médias internationaux depuis 3 ans, bien avant l’intervention du parti, et présentée ici comme « mésestimée ». De façon totalement transparente, il s’agit d’un axe central de la campagne de délégitimation de la Résistance libanaise.

    Le fait que le Hezbollah, avec les événements de Syrie, serait forcé de choisir entre deux (très) mauvaises solutions apparaissait comme inéluctable. Placé devant le même choix, le Hamas palestinien a opté pour la solution inverse, personne ne saurait dire aujourd’hui ce qu’il y a gagné.

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    3. TENSION INTERNES AU CONDITIONNEL
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    La dernière partie tente de broder sur les difficultés de la « cohabitation » entre le Hezbollah et l’armée syrienne. Il n’y a pas grand chose à discuter, vraiment, parce que l’intégralité de cette partie est rédigée au conditionnel de précaution.

    J’en ai fait une petite compilation (authentique) :

    […] semblent avoir contribué […] auraient été tués […] aurait même poussé […] auraient entraîné la mort […] tiendraient notamment […]

    […] elle serait tombée […] il est évidemment difficile de connaître les détails […] bien des interprétations […] aurait interdit […] auraient ainsi été tués […] Si… excessive et… mal documentée, elle souligne… qui pourraient…

    […] aurait tiré […] Qu’il s’agisse… ou… l’acte aurait apparemment […]

    […] pourraient, à terme, poser des difficulés […] pourrait conduire, sous peu…

    Je ne vois pas comment un site avec un minimum de sérieux peu publier quelque chose d’aussi invraisemblable. Ce qui donne une phrase qui devrait figurer dans les manuels de formation des journalistes (en tant que contre-exemple) :

    Si une telle interprétation apparaît comme sans doute excessive et en tout cas faiblement documentée, elle souligne néanmoins le développement de logiques qui pourraient à terme devenir conflictuelles.

    J’ignore comment on peut accepter qu’une interprétation présentée comme fausse et fondée sur rien pourrait souligner un « développement de logiques » qui pourraient… blah blah blah.

    Si l’on arrive cependant à supporter tous ces conditionnels, il semble que l’auteur affirme (peut-être et sous conditions) que l’armée syrienne serait en train de tuer des gens d’Al Manar et du Hezbollah au motif que ce dernier serait trop efficace dans sa façon de mener les combats (et donc de sauver le régime). À ce jour, c’est la théorie du complot la plus stupide que j’ai entendue au sujet du conflit syrien.

    Et évidemment, la toute dernière phrase de la conclusion est écrite au conditionnel :

    Cette situation pourrait conduire (ou pas) à aggraver les tensions… »

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    4. ET UN PETIT MOT GENTIL POUR NOS AMIS
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    J’aurais dû commencer par la fin :

    Mais d’autre part, le parti chiite, sous pression de la coalition libanaise du 14-mars (anti-syrienne et dirigée par Saad Hariri), n’envisage pas de rester indéfiniment en Syrie.

    Ah, c’est donc de ce genre comique qu’il s’agit…

    • Parfait ! Un reproche tout de même : la qualité de la réponse pourrait faire penser que l’article possède un minimum de sérieux, ce qui n’est vraiment pas le cas. Un petit exemple : "L’histoire retiendra la présence hallucinante de membres du gang californien Sureños, de combattants yéménites issus de la rébellion « houthiste » ou encore la « folle histoire » de ces mercenaires russes projetés pour reprendre les champs pétrolifères des mains des groupes djihadistes, avant d’être finalement rapatriés dans l’urgence."
      Comme j’aime bien ce genre d’histoires, je suis allé fouiller du côté des "membres du gang californien Sureños" en me disant que j’avais dû rater un truc passionnant. Il y a peut-être mieux comme source, mais ce que j’ai trouvé c’était ça !!!
      “I’m pretty sure that they’re in Syria ; I have no reason to believe they’re lying,” said Rafael Green, a researcher at the MEMRI, in comments to FoxNews.com.
      http://english.alarabiya.net/en/News/middle-east/2014/03/04/Video-Los-Angeles-gang-members-fighting-in-Syria.html
      Pour ceux qui l’ignorent encore, le MEMRI est une officine de propagande israélienne aux USA (qui fait par ailleurs un énorme travail, mais ils doivent avoir la foi des convaincus...) Quant à FoxNews, disons que c’est du niveau de l’article !

    • Sujet traité de manière à peine moins subtile hier dans le Financial Times :
      http://www.ft.com/intl/cms/s/0/b6f93e4e-e584-11e3-8b90-00144feabdc0.html

      The war this time generally pits three increasingly allied Shia-dominated governments in Syria, Iraq and Lebanon against Sunni rebels who appear to be learning tactics from each other and sharing resources. The governments are also taking varied levels of direction from Ayatollah Ali Khamenei’s regime in Iran. Weaponry supporting the Syrian regime comes from Russia, which with China provides cover from the UN Security Council.

      Shia-dominated government in Lebanon ?

    • Romain Caillet a aimé qu’on parle du sujet dont on ne parle jamais :
      https://twitter.com/romaincaillet/status/471690960213000192

      #Syrie : le jihadisme internationaliste chiite dont on ne parle jamais. http://orientxxi.info/magazine/ces-milices-qui-se-battent-aux,0596 …

      Ennasri Nabil aussi :
      https://twitter.com/ennasrinabil/status/471037192601485312

      De ces « jihadistes » qui soutiennent le massacre de Bashar et dont on parle peu : le « Hezbollah » notamment : http://orientxxi.info/magazine/ces-milices-qui-se-battent-aux,0596 … @Alkanz

      Et Leverrier Ignace a retweeté :
      https://twitter.com/orientxxi/status/471679951302057984

      #Syrie Le sujet est moins évoqué que les #djihadistes : qui sont ces étrangers qui se battent pour #AlAssad ? http://orientxxi.info/magazine/ces-milices-qui-se-battent-aux,0596 …

    • Peut-être Angry Arab devrait-il un peu moins « moquer » cette histoire de combattants afghans. Une explication alternative pour ces images des ces miliciens Hazaras dans les montagnes de Lattaquié ? A partir de 6:36, on peut les entendre converser en Dari et se présenter comme « Afghans ».

    • – Vous avez trouvé une vidéo avec deux Afghans. L’article du WSJ commence par cette phrase :

      Iran has been recruiting thousands of Afghan refugees to fight in Syria…

      Il y a de la marge.

      – C’est moi qui signale l’affirmation de la présence d’Afghans par le WJS, affirmation que je minore par la mention d’Angry Arab. L’article d’Orient XXI que je commente, en revanche, ne parle pas des Afghans (ni du PSNS, ni des nationalistes, ni de grand monde en fait).

      – L’article que vous indiquez va tout à fait dans le sens de ce que je dis : oui il y a 250 combattants du Hezbollah, et plein d’autres gens, tous Syriens :

      Predictably, they abandoned their positions in Zahra when the fighting began, leaving the other overstretched formations, the army, the Ba’ath Brigades, a Hezbollah detachment, Air Force Intelligence personnel and the Al-Quds Brigades to stand alone against an overwhelming number of attackers.

    • Plein d’autres gens qui, de leur propre aveu, auraient été incapables de tenir leurs positions sans le bataillon du Hezb ("Without them, I don’t think we could have held on").

      Je ne crois pas à la thèse de la « substitution », mais au fait que les combattants étrangers chiites ont joué un rôle clé dans la quasi-totalité des victoires remportées par le régime depuis un an. Sans eux, le régime n’aurait sans doute pas repris al-Qusayr, et donc Homs. Sans eux, il n’aurait pas pu affamer les banlieues sud de Damas et conclure les trêves qui en ont résulté. Le Hezb s’est suffisamment vanté de ses « exploits » dans le Qalamoun pour que l’on considère sa participation comme essentielle dans cette campagne. Et à en croire l’article cité plus haut, les rebelles auraient peut-être enfoncé le front de Jam’iyyat al-Zahra’ à Alep sans la présence de ces combattants étrangers (notons que la présence de bataillons irakiens est également attestée à Alep-Ouest, not. Harakat al-Nujaba’, établi à l’Académie Militaire). Bref, sans ces derniers, le régime syrien serait dans une situation catastrophique.

    • Je ne vois pas bien de quoi on discute, là. Très clairement, je n’ai pas écrit qu’il n’y a pas de combattants étrangers côté régime (au contraire, je signale qu’il « en manque » dans l’article), et je ne dis pas non plus qu’ils ne sont pas importants.

      J’ai écrit :

      – plus certainement : admettre que les forces loyalistes syriennes subissent 97% des pertes parce qu’elles constituent toujours l’essentiel des combattants, et que la thèse de la prépondérance des miliciens étrangers est fausse. Prétendre que les miliciens irakiens seraient jusqu’à 40.000 (c’est-à-dire à peine moins que l’estimation habituelle des FDN) et que le Hezbollah serait « une véritable force de substitution » est totalement indéfendable.

      Le rôle des milices étrangères est certainement important. Que ces forces permettent de faire la différence dans certaines situations spécifiques est également probable. Mais en faire l’élément fondamental de la survie du régime ne correspond pas à la réalité.

    • Historicoblog (3) : Les autres combattants étrangers du conflit syrien. Quelques réflexions sur un débat
      http://historicoblog3.blogspot.fr/2014/06/les-autres-combattants-etrangers-du.html

      Quelques jours plus tard, un auteur écrivant sous le pseudonyme de Nidal publie un article en forme de réponse au précédent, qu’il massacre pour ainsi dire en règle avec des arguments plus ou moins fondés, le tout desservi par un ton très polémique3. Comme je suis cité dans l’argumentaire de Nidal par l’intermédiaire de mes travaux, je souhaite réagir à ce sujet, en particulier sur les point sur lesquels je suis en désaccord, assez brièvement, en renvoyant aussi vers mes précédents billets.

    • Sur l’effondrement supposé de l’armée syrienne, Fabrice Balanche, Insurrection et contre-insurrection en Syrie, juin 2014
      https://www.academia.edu/7311706/Insurrection_et_contre_insurrection_en_Syrie_insurgency_and_counterinsurge

      L’armée syrienne était estimée à 325.000 hommes avant la crise, elle semble aujourd’hui réduite à 235.000 hommes. Une partie des désertions et les pertes ont été comblées par l’appel des réservistes. La moitié des troupes est constituée de conscrits qui effectuent un service militaire de deux ans et demi. […]

      Bachar el Assad, tout comme son père, contrôle personnellement les mutations et les promotions d’officiers. Il veillait notamment à ce que les officiers sunnites ne soient pas placés à des postes stratégiques et concentrés dans une même garnison pour éviter que des régiments entiers ne se mutinent. Aucun régiment complet n’a fait défection depuis le début de la crise, les désertions furent toujours individuelles ou en petits groupes.

  • Malheureusement, l’article du jour d’Orient XXI sur Tripoli au Liban est sans intérêt :
    http://orientxxi.info/magazine/tripoli-deux-quartiers-en-proie,0556

    L’importance de la pauvreté, qui facilite les manipulations politiciennes – cœur de l’article – est certes réelle, mais minorer les enjeux politiciens aujourd’hui même est aussi gentiment naïf qu’un éditorial de Beirut Spring. Et ne citer aucun nom de personnalités liées au Courant du Futur donne l’impression de lire un communiqué de presse sur Now Lebanon.

    La responsabilité des « hommes politiques » se résume à deux personnalités :
    – « Même Najib Mikati, ancien premier ministre, […] finance une milice »
    – « de l’autre bord. […] Rifaat Al-Eid, c’est l’homme fort du quartier »

    La tournure est tout de même assez invraisemblable : à Tripoli, Mikati contre Rifaat Eid… Certes, sur Mikati, j’avais traduit un billet d’Angry Arab en mai 2012, L’autre sponsor d’Al Qaeda au Liban :
    http://seenthis.net/messages/70149
    Mais il est très extravagant d’en faire le seul acteur côté sunnites, en ne citant que lui. Les magouilles du Courant du Futur à Tripoli sont pourtant connues et documentées de longue date, notamment le rôle d’Ashraf Rifi et de Amid Hammoud.

    Dans mon billet sur le Cablegate au Liban :
    http://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks

    En avril 2008 (08BEIRUT490), M. Joumblatt s’inquiète de « l’entraînement des milices sunnites de Saad [Hariri, constituées de] 15 000 membres à Beyrouth, et plus à Tripoli » sur les « mauvais conseils » du chef des Forces de sécurité intérieure (FSI), le général Ashraf Rifi.

    Sur les lourdes ingérences françaises et américaines en faveur de Rifi, qui participeront à faire chuter le gouvernement libanais en mars 2013 :

    La révélation de l’implication de M. Rifi dans la création d’une milice sunnite n’a évidemment pas été oubliée. Début 2013, l’ambassade américaine, l’ambassadeur saoudien et le premier ministre français font ouvertement connaître leur soutien à la prorogation, par voie législative, du mandat du chef des FSI au-delà de l’âge légal de départ en retraite. Pris entre ces ingérences étrangères et le refus absolu de ses ministres alliés du Hezbollah, le premier ministre Nagib Mikati est contraint à la démission le 22 mars. Moins d’une semaine plus tard, en pleine crise politico-sécuritaire, le général Rifi est ostensiblement reçu par l’ambassadrice américaine et par l’ambassadeur français Patrice Paoli.

    J’évoquais les révélations du Akhbar de mars 2013 :

    Parmi ces démissionnaires, un certain Amid Hammoud rejoint M. Hariri pour réorganiser sa milice en déroute. Il annoncera en octobre 2012 « avoir de nouveaux plans pour “armer la communauté sunnite et affronter le Hezbollah” [7] » ; son nom resurgit en mars 2013, lorsque des miliciens sunnites impliqués dans les attaques contre les Alaouites de Tripoli (la capitale régionale du Nord) dénoncent leur propre instrumentalisation [8], et accusent M. Hammoud d’être responsable d’une récente vague d’attaques à la grenade et de saborder les tentatives d’apaisement entre les groupes armés.

    Un article très important en octobre 2013. À peine retraité, Ashraf Rifi reprend la main à Tripoli avec une nouvelle structure milicienne avec de l’argent séoudien. Pour cela, il force la main à Amid Hammoud. La crainte de ses concurrents du Courant du Futur : il ferait cela pour devenir Premier ministre
    http://english.al-akhbar.com/node/17447

    “Ahrar Tripoli” – that’s the name of a new militia under construction in the northern city of Tripoli, led by former ISF commander Rifi, who seeks to unite the various bands of fighters under the banner of protecting the Sunni sect.

    Sources tell Al-Akhbar that Rifi started working on this project shortly after his retirement on 1 April 2013, with Saudi funding and under the direct supervision of the kingdom’s intelligence chief, Bandar bin Sultan, sparking the ire of many Future Party competitors who fear the former police chief being anointed the next prime minister.

    The first sign of tensions over Rifi’s growing prominence came last September 10, when his men clashed with another group loyal to Saad Hariri’s security adviser, retired Col. Amid Hammoud. The fighting only ended after the mediation of yet another former army officer at the request of Hariri.

    Précision explicite en fin du même article : ce sont bien les zones sous l’influence de Rifi qui explosent, celles contrôlées par Mikati restent relativement calmes :

    Rifi’s attempts to lure some of the local commanders loyal to Prime Minister Najib Mikati have yet to succeed. Local sources in Tripoli insist that all the hot spots in the city are those under the influence of Rifi, while others have remained relatively quiet.

    Sinon, l’article d’Orient XXI évite très visiblement l’actualité pourtant ultra-chaude du moment concernant Tripoli :
    – Rifi n’est pas devenu Premier ministre, mais est devenu Ministre de l’intérieur d’un cabinet perçu comme le fruit d’un accord régional ; une analyse étant donc que la Syrie neutralise le clan Eid, pendant qu’au Liban, Rifi est « neutralisé » par une promotion ministérielle :
    http://english.al-akhbar.com/content/ashraf-rifi’s-new-type-justice

    There are two sides waging a bloody war in Tripoli. Former MP Ali Eid politically represents one side, while Justice Minister Ashraf Rifi politically represents other side. Both figures have used their political backers to protect their fighters from ever facing any sort of accountability for their actions. It was assumed that the no winners and no losers equation on the ground will be reflected on the political level but political compromises made Rifi justice minister and Eid a fugitive, “It is the shrewdness of their political backers.” The Future Movement once again took in times of peace, according to one of Tripoli’s politicians, what they failed to take in war.

    – ce qui se traduit sur le terrain, depuis hier, par un vaste (et très sensible) plan de sécurisation de Tripoli, dont le Akhbar indique qu’il se joue certainement aujourd’hui même :
    http://www.al-akhbar.com/node/203837

    حتى ليل امس، لم تكن «الخطة الأمنية» في طرابلس قد بدأت بشكل جدي بعد. فهي استهدفت بشكل رئيسي قادة المحاور في جبل محسن، وقائدي الجبل السياسيين، النائب السابق علي عيد ونجله رفعت. عملياً، صار الجبل في قبضة الجيش. لكن الاختبار الحقيقي للخطة الأمنية يبدأ اليوم، إذ من المنتظر ان يدخل الجيش وقوى الامن الداخلي منطقتي باب التبانة والحارة البرانية، حيث ثقل انتشار مسلحي طرابلس.

    L’article de Nicolas Lupo contient même la désormais rituelle invocation de Michel Seurat, « même si les circonstances ont changé ». Citer Seurat sur Tripoli et la Syrie, c’est devenu une sorte de signature, manière de (très scolairement) signaler une certaine connivence intellectuelle (assez directement opposée, par exemple, à ce que pourrait écrire un intellectuel libanais comme George Corm).

  • Car Bomb in the Southern Suburbs of Beirut | As‘ad AbuKhalil
    http://english.al-akhbar.com/blogs/angry-corner/car-bomb-southern-suburbs-beirut

    It is clear what Saudi Arabia and its agents in the region want: They have been striving for several years for an all-out sectarian Sunni-Shia war. They have tried all methods to drag Hezbollah into a sectarian regional confrontation. Hezbollah remains reluctant – although its mass base feels provoked and agitated – because it knows that Saudi Arabia wants a sectarian war in order to divert attention from Israel. And it is tempting for Saudi Arabia to drag Hezbollah into a sectarian confrontation because it remains a sectarian party (in ideology and composition) despite its care in avoiding sectarian discourse.

    But the bomb thus far failed in dragging all of Lebanon into sectarian wars. The plot began in Tripoli and then moved to Saida, before it exploded in the southern suburbs. The Saudi-Qatari plot is unrelenting and is clearly being undertaken on behalf of Israeli interest. Nasrallah was not bluffing when he said that things may get out of hand: His ability to restrain and control the Shia community may not last long. And the Amal movement can easily benefit if things get out of hand. Saudi Arabia may after all get what it has wished for all along.

    • Je ne suis pas dans les confidences d’Abukhalil, alors…

      – il est possible que pour lui, « Saudi-Qatari » soit marqué par des différences de zones géographiques (l’influence séoudienne arrivant directement par les Libanais, l’influence qatari par la Syrie) ; en général, on considère que l’influence directe du Qatar au Liban est faiblarde (peut-être l’escroc salafiste Asir ?)

      – il est possible également qu’il pense à des différences chronologiques (à certains moments les uns, à certains moments les autres) ;

      – et surtout, j’ai l’impression que pour les Libanais opposés aux séoudiens et aux qataris, tout ça c’est wahhabites blancs et blancs wahhabites. Au rayon du pouvoir de nuisance, c’est plus une compétition qu’une opposition ;

      – du coup, dans cette logique de compétition/complémentarité : sans doute une allusion à Al Jazeera et Al Arabiya, qui jouent le même jeu d’agitation ultra-sectaire concernant la Syrie et le Liban.

    • « wahhabites blancs et blancs wahhabites »
      Du point de vue séculariste, FM=wahhabite. C’est comme cela que mes amis tunisiens mettent aussi dans le même sac FM et salafistes. Mais en pratique, il y a de nombreuses disjonctions (notament géographiques, ou temporelles, comme tu le suggères). En tout cas, je pense que cela affaiblit sa réflexion d’avoir recours à cet amalgame.

    • Oui mais là explicitement Abukhalil parle du Liban et du « complot » destiné à entraîner le Liban et sa Résistance dans une guerre confessionnelle. Dans ce cas, que Assir à Saïda ait été financé par le Qatar et que les tarés de Tripoli soient soutenus par le Futur qui obéit aux Séoudiens, c’est assez indifférent. Surtout que les discours de haine sectaire d’Al Jazeera et d’Al Arabiya, concernant le Liban et la Résistance, sont sans doute largement interchangeables.

      Sur l’Égypte il a beau détester ouvertement les Frères, il a été un des rares à critiquer ouvertement le coup militaire le jour même (avec Abunimah, je me souviens que les deux se sont fait allègrement insulter à cause de ça par une partie de leur propre fan club), avant même que les bidasses ne massacrent des centaines de personnes.

    • OK, deux acteurs poursuivent le même but : entraîner le Hezb dans l’engrenage confessionnel. Et bcp d’observateurs parlent alors de ’complot’. Maisil vaudrait mieux parler de plusieurs complots, et plutôt même de stratégies. Cette notion de complot, si fréquemment utilisée, évoque la machination, la coordination des actions, alors que l’on a en fait - même au Liban je pense - des agendas assez distincts.
      Du coup je serai assez intéressé à tenter de lire la politique libanais depuis 2006 à la lumière de cette opposition (le plus souvent source). Par ex. en 2006, le Qatar joue un rôle essentiel dans la reconstruction du Sud, alors que l’AS est en retrait sur ce point et finance plutôt le gouvernement. En 2008, Qatar sponsorise la conférence de Doha et apparaît comme un arbitre majeur, concurrent ou complémentaire des deux autres grands régionaux au Liban, AS et Syrie. etc. Il faudrait poursuivre en analysant depuis 2011 l’évolution de cette situation.

    • Il faut le dire à As‘ad :-)

      Comme tu le sais, de mon côté j’ai écrit récemment sur ce « complot » : je n’y évoque pas le Qatar.
      http://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks

      Et généralement, j’ai assez peu de traces sur le rôle direct du Qatar au Liban (au sens où, par exemple, l’arabie séoudite est connue pour financer directement tous les membres du 14 Mars, qu’ils soient sunnites, chrétiens, druzes, et même quelques factotums chiites). L’effet du Qatar, c’est évoqué assez indirectement : par l’activisme en Syrie (qui arrive ensuite au Liban), par les discours ultra-sectaires d’Al Jazeera, et il y a eu des rumeurs concernant Assir. Effet indirect encore : le Hamas lâche le Hezbollah, et embrasse le Qatar (dont l’émir est pourtant célèbre pour être allé rencontrer Tzipi Livni).

      Si les effets sont indirects, l’activisme du Qatar depuis 2011 a eu des effets et des cibles spécifiquement libanaises, avec pour but principal l’isolement du Hezbollah de ses soutiens (notamment populaires) sunnites. Or, ça, c’est le plan séoudien connu de longue date. D’où, je suppose, l’idée de plan « Saudi-Qatari » au Liban. Compétition ou concurrence, l’effet au final est la poursuite d’un but commun.

    • Ton usage de « complot » dans l’article que tu cites ne me pose pas de pb particulier : tu montres bien la dimension occulte et concertée d’une stratégie par un réseau d’acteurs politiques bien identifiés et cernés. Ce n’est pas le cas lorsqu’on parle d’un complot qui tend à prendre une dimension très large et est censé émané d’un collectif très hétéroclite.
      Je crois que je vais réagir dans les commentaires d’Al Akhbar English, car je ne vois pas de moyen de lui écrire via son site.

  • Hier, très longue et importante interview de Hassan Nasrallah sur Al-Mayadeen, par l’intervieweur vedette de la chaîne, Ghassan bin Jiddo, pour l’anniversaire de la fin de la guerre de Juillet 2006.

    Si la précédente intervention de Nasrallah, pour la Journée d’al-Quds, était marquée par un ton très défiant, lié sans doute à l’aspect militaro-religieux de l’événement, cette interview marque le retour du Secrétaire général du Hezbollah à un genre dans lequel il excelle : les confidences sur des hauts faits de la Résistance, pour en tirer des conclusions très politiques explicitant la logique des actions plus récentes du parti.

    Il y a deux aspects qui caractérise ce genre d’interviews-anniversaires :

    – d’abord Nasrallah est très bon dans les interviews ; il est connu pour être un des meilleurs orateurs de la planète en public, mais dans les interviews, c’est un festival ; sa façon d’alterner les tonalités du discours (connivence, humour, confidence, menace…), associée à un langage corporel caractéristique sont vraiment très impressionnants. Je continue à penser que, si les médias mondiaux ne diffusent généralement jamais d’images de Nasrallah, c’est parce qu’il est vraiment très bon (ou dangereusement bon) ; en 2006, il fallait voir Ehud Olmert et Fouad Saniora en face, le contraste était invraisemblable ;

    – la Résistance face à Israël, malgré les prétentions de nos médias et d’une minorité de politiciens libanais, fait globalement l’unanimité au Liban. Quand Nasrallah se met à livrer des détails jusque là inconnus sur les opérations du Hezbollah et de ses alliés face à Israël, toute critique s’éteint et les gens se les répètent avec délectation dans les dîners. Face aux perceptions confessionnelles, aux discours assimilant le Hezbollah à une simple milice chiite, les récits des combats redonnent au parti un lustre au-delà des confessions, et la Résistance face à Israël redevient une sorte de « mission laïque », en ce sens qu’elle est impossible à réduire à une politique confessionnelle et milicienne.

    Bref, hier, Nasrallah jouait sur du velour et, s’il n’y avait eu les événements égyptiens, cette interview aurait constitué le principal événement de la journée.

    La retranscription en anglais d’Al Manar est excellente et exhaustive :
    http://www.almanar.com.lb/english/adetails.php?eid=106204&cid=23&fromval=1&frid=23&seccatid=14&s1=1

    La version française est également très recommandable :
    http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=125442&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=23&s1=1

    Je t’invite à lire l’intégralité de ces articles, parce que c’est une intervention importante.

    – Nasrallah a commencé par rappeler que le Hezbollah est la cible spécifique des États-Unis, des Occidentaux et des régimes arabes parce qu’elle est une résistance.

    Le problème de l’Occident, des US et des régimes arabes et que nous somme une résistance. Les problèmes internes qu’ils soulèvent ne sont que des moyens qu’ils utilisent pour nous prendre en cible, et ce avant et après l’an 2000. Ils nous avaient d’ailleurs proposé de nous laisser tranquilles et même de nous laisser nos armements à condition que je leur donne en personne des engagements de laisser tomber cette affaire. Tous étaient venus directement ou indirectement : les Américains, les Britanniques, les Français, pour nous faire cette proposition.

    Il a rappelé une anecdote qu’il avait déjà racontée, selon laquelle les États-Unis lui avait proposé de conserver ses armes à condition d’abandonner la Résistance.

    C’est important dans le discours du Hezbollah, car il s’oppose au discours qui l’accuse d’être une milice confessionnelle chiite armée au Liban, en affirmant que contrairement à leur discours publics, les ennemis du parti ne souhaitent pas réellement le désarmer en tant que milice, mais uniquement en tant que Résistance nationale. C’est un point que j’avais abordé dans l’article sur le cablegate :
    http://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks

    Pour « libaniser » le problème, il faut faire perdre au Hezbollah son statut de résistance légitime face à Israël pour le ramener à une simple milice confessionnelle. M. Marwan Hamadeh, ministre proche de M. Joumblatt (29 juillet 2006, 06BEIRUT2490), explique que « le gouvernement libanais et l’armée demanderont que le Hezbollah livre seulement ses roquettes et autres armements lourds. Il ne se soucie pas des petites armes, telles que les fusils d’assaut AK-47, puisque tout le monde au Liban est armé ». Ainsi, il s’agit simplement de le priver de ses moyens face à Israël, alors que l’on pousse les autres communautés à s’armer à leur tour.

    – Il a ensuite explicitement revendiqué l’embuscade contre les soldats israéliens lors de leur incursion au Liban la semaine dernière.

    Voir mon message précédent sur ce sujet :
    http://seenthis.net/messages/165243

    Implicitement, Nasrallah joue ici sur le souvenir de l’embuscade d’Ansariyeh en 1997, durant laquelle le Hezbollah avait intercepté un commando marine israélien, dont il n’était resté que les chaussures (le reste avait explosé). Lorsqu’il dit qu’il « coupera les pieds » des israéliens et qu’il suggère qu’il dispose à l’avance de sources de renseignements sur les opérations israéliennes au Liban, chacun se souvient évidemment de cette opération qui fait partie des hauts faits du Hezbollah.

    Effet politique de la proximité avec l’embuscade d’Ansariyeh : les plus récentes révélations venues d’Israël indique qu’alors le commando israélien transportait un type d’explosif destiné à incriminer « une partie libanaise » à sa place. Implicitement encore, cette interception d’un commando israélien, en ce qu’elle évoque l’embuscade de 1997, permet de rappeler fort à propos qu’Israël pratique des attentats au Liban en s’arrangeant pour qu’il apparaissent comme perpétrés par des libanais (et la Résistance en particulier).

    Sur cet aspect d’Ansariyeh, cet article du Akhbar de novembre 2012 :
    http://english.al-akhbar.com/content/lebanon-curse-ansariyeh-strikes-again

    “One of the dominant theories in the army,” the report stated, “points to the possibility that the two bombs were rigged in such a way as to make it appear that the operation was part of an internal Lebanese dispute.”

    Le SG du Hezbollah en profite alors pour se moquer de ceux qui souhaitent seulement déposer une plainte auprès de l’ONU, alors qu’Israël viole régulièrement les frontières libanaises depuis 60 ans.

    Et selon lui, ces violations prennent actuellement une dimension plus « opérationnelle » visant des cibles de la Résistance ou de la population, et cette violation n’est pas la dernière. Manière de mise en garde pour annoncer, implicitement, qu’Israël est et sera derrière un certain nombre d’attentats et de provocations au Liban.

    – Nasrallah adopte ensuite le ton de connivence pour, selon lui, révéler des détails inédits sur les plans et les opérations du Hezbollah durant la guerre de juillet 2006.

    Il a évidemment répété que la Résistance s’est toujours attendue et préparée à une nouvelle guerre israélienne destinée à l’éliminer après l’humiliation de 2000. Il affirme qu’en enlevant les deux soldats israéliens, il était prêt à une attaque israélienne, parce que de toute façon ils attendaient une nouvelle guerre, et pensaient qu’elle avait seulement été retardée. Il semble ici confronter une de ses propres déclarations, largement exploitées par ses opposants, selon laquelle le Hezbollah ne s’attendait pas à une guerre aussi terrible en enlevant les soldats israéliens.

    Il a répété que le Hezbollah pensait que la guerre durerait plusieurs mois.

    Parmi les anecdotes inédites sur la stratégie du parti :
    – à certains endroits, la décision de rester ou de se retirer a été laissée aux combattants locaux ; il indique qu’à Maroun ar-Ras, ce sont les combattants locaux qui ont décidé de rester jusqu’au bout ;
    – il indique qu’ils pensaient la cellule de Aita Ash-Sha’b totalement perdue, et qu’ils n’ont repris contact que tardivement ; suite à quoi Imad Moughnieh aurait indiqué qu’ils n’étaient pas forcés de rester sur place, et qu’à nouveau ce sont les combattants locaux qui ont décidé de rester ;
    – et ailleurs, comme à Bent Jbeil, la décision était de toute façon de combattre jusqu’au bout et d’empêcher à tout prix aux Israéliens d’entrer dans la ville.

    Il indique ensuite que le nombre (pourtant énorme) de roquettes tirées par le Hezbollah n’était qu’une petite partie de son stock, parce que le parti s’attendait à une guerre beaucoup plus longue.

    Il insiste sur le fait qu’un ses éléments de la force de la Résistance tenait à la communication efficace entre la salle de commandement central et les salles d’opération locales. Il signale l’arrestation d’un certain nombre d’espions à la solde d’Israël pendant la guerre, remis aux agences de sécurité libanaises, développant l’idée que l’un des échecs d’Israël tenait à la faiblesse de ses renseignements, comme lorsque les Israéliens ont attaqué l’hôpital Dar al-Hikma à Baalbeck, ou leur croyance que les deux soldats Israéliens étaient retenus quelque part à Baalbeck.

    Là encore, en distillant des détails sur les opérations du Hezbollah, il fait passer des messages politiques sur les affaires en cours, quant à l’importance de la structure de communication du Hezbollah, de son système de renseigneent, et le besoin (et l’échec) pour Israël d’obtenir des informations via des collaborateurs libanais et des infiltrations.

    Enfin, il a affirmé que c’était l’efficacité de la Résistance armée qui a protégé Beyrouth, et non les pressions politiques. Pour lui, les Israéliens ne se soucient pas des pressions politiques. C’est en revanche l’équation « Dahiyé contre Tel Aviv » qui a joué ; une forme d’équilibre de la terreur, si les Israéliens continuent leur guerre de destruction, le Hezbollah pourra bombarder Tel Aviv.

    Il raconte alors une anecdote : alors que la banlieue Sud était lourdement bombardée, il est allé visiter Beyrouth avec Imad Moughnieh et constaté les embouteillages, les restaurants pleins, les plages et les fêtes, en contraste total avec les destructions de leur banlieue, puis ils ont acheté des sandwichs et de la glace avant de retourner dans le « pauvre banlieue ».

    Il évoque le rôle d’Imad Moughnieh, le fait qu’ils ont travaillé en tandem, mais étaient le plus souvent séparés pour des raisons de sécurité. Il donne le rôle central à Moughnieh.

    – Nasrallah enchaîne alors : si la guerre s’était poursuivi, nous aurions détruit des centaines de tanks. Ce qui lui permet d’évoquer le rôle de la Syrie.

    Ce long passage développe le rôle, selon Nasrallah, de la Syrie (et non de l’Iran) durant la guerre de 2006.

    D’abord, selon lui, la destruction des chars et du navire de guerre israélien n’était possible que grâce à des armes syriennes, ainsi que du renseignement. Il insiste sur le fait qu’une grande partie de la Résistance a reposé sur des armes fournies par la Syrie, mais aussi fabriquées en Syrie. Il indique les entrepôts de l’armée syrienne ont été alors mis à la disposion du Hezbollah.

    Il raconte alors que le Président Assad avait considéré que l’attaque contre la Résistance était régionale et internationale, et que si le Hezbollah était vaincu, la guerre atteindrait alors la Syrie. Selon lui, la direction syrienne était alors prête à déployer l’armée à Hasbaya pour affronter les israéliens. Nasrallah lui aurait répondu que leur position était excellente, que les Israéliens n’atteindraient pas leurs buts et que Damas n’était pas menacé.

    Il conclut en affirmant que le Hezbollah n’a pas reçu d’armes de l’Iran durant la guerre de Juillet parce qu’il n’en a pas eu besoin.

    – La ton devient ensuite plus directement politique lorsqu’il évoque les négocations qui ont mis fin au conflit.

    Il faut lire directement ce passage, car Nasrallah dénonce directement le Premier ministre de l’époque, Fouad Saniora, ainsi que le bloc du 14 Mars. Il me semble que ces commentaires jusqu’à récemment étaient plus généraux et impersonnels. Sa mise en cause personnelle de Saniora me semble inédite, et les accusations sont particulièrement graves.

    “Siniora was the one who postponed the solution at the last days of the war. The government should file its decision of approval on 1701, but this had been delayed for two or three days.”

    “There were Arab countries involved in the July war, and March 14 bloc was employing it to eliminate the Resistance. For this reason it kept on with this project, and still keeping on with it. I we had a loyal government, we would ended the war under Lebanon’s conditions, but the political battle was from the inside,” Sayyed Nasrallah continued.

    Il a ensuite rendu hommage à son allié chrétien Michel Aoun.

    – Considérations contemporaines ensuite : il n’acceptera pas la formation d’un gouvernement qui n’intégrerait pas le Hezbollah et ses alliés. Quant à un gouvernement constitué de « technocrates neutres », il l’a qualifié d’hypocrysie, indiquant qu’il n’existe pas de technocrates neutres au Liban.

    – Il a ensuite rapidement évacué certaines accusations portées contre le Parti : ce n’est pas le Hezbollah qui a tiré des roquettes après le discours de Sleimain, il n’est pour rien dans l’enlèvement des deux pilotes turcs, il n’a rien à voir avec la fuite de prisonniers en Égypte…

    Sur l’Égypte, il dit regretter les événements et se dit partisan du dialogue.

  • Al-Akhbar vient de publier (en entier et en arabe s’il te plaît) mon article sur le cablegate libanais :
    ما كشفت عنه برقيات « ويكيليكس » في لبنان | نضال أبو ليال
    http://www.al-akhbar.com/node/186123

    عنوان الدعم العسكري للثورة السورية هو غطاء ينضوي تحته مزيج غريب من الأصناف: من أصولية دينية، وكراهية طائفية ومذهبية تنصبّ على الشيعة والعلويين، واستعادة شعارات الثورات العربية، وتصميم على «الثأر» من حزب الله... كلها سيؤدي إلى دفن السنية السياسية، النيوليبيرالية والموالية للغرب، التي كان فريق السيد حريري يدعي تمثيلها وتجسيدها. الصخب الطائفي المستمر، وتسليح الميليشيات، والتكثير المطّرد للمجموعات السلفية، متصاحبة مع دعوات نزع الشرعية عن مؤسسة الجيش، أثارت توترات متصاعدة في البلاد، ما يهدد باندلاع حرب أهلية في بلد متعدد الطوائف يُخشى فيه من إستنساخ «السيناريو العراقي» أو «السيناريو السوري» كنموذج مستقبلي.

    Si tu préfères lire en français, je te rappelle que la version originale est là :
    http://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks

  • Ami lecteur, sur le blog d’Alain Gresh, tu dois absolument lire cette analyse époustouflante, à la fin d’un article au suspens haletant, écrit par un auteur ultra-talentueux : Au Liban, ce que dévoilent les cables de Wikileaks
    http://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks#nh1

    Sous couvert de soutien militaire à la révolution syrienne, c’est un étrange mélange des genres entre fondamentalisme religieux, haine confessionnelle contre les chiites et les alaouites, récupération des slogans des révolutions arabes, et volonté de « revanche » contre le Hezbollah, qui finit d’enterrer le sunnisme politique, néolibéral et pro-occidental, que prétendait incarner le camp de M. Hariri.

    L’agitation confessionnelle permanente, l’armement des milices, la multiplication des groupes salafistes, accompagnés de la délégitimation de l’armée, provoquent des tensions croissantes dans le pays, au risque de déclencher une nouvelle guerre civile dans un pays multiconfessionnel qui craint le remake du « scénario irakien » ou, désormais, du « scénario syrien ».

  • Au Liban, ce que dévoilent les câbles de Wikileaks - Les blogs du Diplo
    http://blog.mondediplo.net/2013-06-24-Au-Liban-ce-que-devoilent-les-cables-de-Wikileaks

    Une fois n’est pas coutume, je publie sur mon blog un invité, @Nidal, qui travaille depuis longtemps sur le Liban. Il a décortiqué, ce que peu de personnes ont fait, les câbles de #Wikileaks (#cablegate) sur le #Liban. Datant de bien avant les printemps arabes, ils permettent de comprendre quelle stratégie les #Etats-Unis et leurs alliés ont développé pour diminuer l’influence du #Hezbollah, et d’éclairer l’escalade des conflits aujourd’hui au Liban. @alaingresh