Le Tampographe Sardon : Tampornographe.

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  • Un bout d’extrait de partie du blog du Tampographe Sardon, vu qu’on en cause :
    http://le-tampographe-sardon.blogspot.fr/2013/07/tampornographe.html

    Paris ressemble à un hôpital psychiatrique en surchauffe, il y a des gens qui causent seuls dans la rue. On pourrait croire qu’ils parlent dans des kits téléphoniques mains libres, mais non, ils parlent à des amis imaginaires, ou à leur maman morte, ou au Diable, pour citer le dernier de ces passants qui semblait argumenter avec un nommé Astaroth qu’il appelait aussi parfois Jean-Marc. Je l’entendais protester de sa bonne foi en remontant la rue du Repos, en direction de l’entrée de service du Père Lachaise. Le lendemain j’ai trouvé des pentacles dessinés au feutre sur les murs fraîchement restaurés du cimetière. Le surlendemain ils avaient été effacés par le gardien.

    Le gardien est un peu particulier. Les soirs d’été il fait des barbecues dans sa maison de fonction qui se trouve dans l’enceinte du cimetière. Il m’arrive d’entendre, en provenance de cet endroit, des bruits de bouteilles qui se débouchent et de couverts qui s’entrechoquent, des rires et des éclats de voix, et de sentir une forte odeur de chipolatas grillées. En me hissant sur un banc j’essaye d’apercevoir quelque chose par dessus ces murailles, mais je ne vois que les grilles acérées qui protègent les lieux, les toitures gothiques des caveaux de familles, les frondaisons des marronniers et l’épaisse ombre un peu intimidante d’où sortent ces bruits. Je descends de mon banc avec une envie de chipolata grillée.

    • C’est marrant, c’est un peu ça qui m’a décidée à fuir Paris.
      Un jour, je vois une femme qui attend au feu signalétique pour traverser. Mon bus s’arrête, le bonhomme passe au vert et la nana est restée pitée à son bout de trottoir, le regard fixe et ailleurs. Et quand on est reparti, elle n’avait toujours pas bougé.
      Il y a eu aussi ce gars qui me proposait la botte au rayon fromages du Prisunic. Comme ça. J’ai choisi de discuter avec lui. De lui demander comment on se retrouvait à aborder n’importe qui, n’importe où. Je crois qu’il était content de discuter, déjà. On a passé un quart d’heure à se peler le cul devant les vitrines réfrigérées. C’était juste un gars comme des tas d’autres, en train de crever de solitude dans la mégapole. Une vie de con : levé tôt pour aller dans les chantiers à la périphérie. Embouteillage, monde d’hommes, embouteillages, courses, fatigue, dodo. Rien d’autre. Il ne croisait des femmes qu’au Prisunic. Pas l’idéal, quand même.
      Et des tas d’autres, des qui marmonnent, des qui pleurent, des qu’on enjambent, des qu’on évite, même du regard.
      Mon sport favori, quand j’avais un peu de thunes d’avance, c’était de me placer en terrasse, vue sur la rue, la ville comme au spectacle et regarder les gens passer. Le flot, les passants, le brouhaha, la clameur de la ville, ses odeurs lourdes et entêtantes, la sécheresse du serveur devant mon refus de participer à la grande rotation du vide.

      Ici aussi, on peut crever de solitude, comme partout, mais c’est plus un choix ou le privilège des vraies têtes de con. Faire les courses prend toujours du temps, parce que tu as quelqu’un à saluer à chaque rayon et qu’il t’apporte des nouvelles de son micro-bled et des gens que vous avez en commun. Parfois c’est chiant, souvent c’est bien.