La dette expliquée à mon banquier !, Compagnie CRSE, Festival Off 2013

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  • L’air du soupçon - FAKIR | Presse alternative | Edition électronique
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    la paresse de ces raisonnements, qui prolifèrent désormais à gauche. Il n’y a plus à argumenter et contre argumenter, à comprendre les forces à l’œuvre dans le peuple, à imaginer les chemins tortueux de la transformation, non : il suffit de vous amalgamer à des noms propres, supposés sales, « dieudonniste », « colloniste », « larouchiste », « Dupont-Aignan », « Cheminade », pour que la vilénie vous couvre à votre tour. Il suffit d’annoncer qu’Untel a débattu avec Machin qui a publié une préface pour Truc qui connaît bien Bidule, lui-même proche de l’extrême droite, pour qu’Untel soit compromis. Et il devient dès lors inutile d’écouter ses propos, de contester son point de vue avec des chiffres, des concepts, des comparaisons historiques.
    C’est à un terrorisme de la pensée – et des fréquentations – qu’aspirent ces inquisiteurs : songer à un nouveau rôle pour les douaniers, réfléchir au cadre national, et même discuter avec un surveillant de prison, voilà qui relève de l’interdit. Et vous vaut, sans débat, d’ajouter votre patronyme à une liste noire, publiquement tenue.

    Pareille malhonnêteté intellectuelle, même juste 10 %, vous vaudrait, à la fac, dans un parti, même dans la presse, un discrédit immédiat. Sauf qu’Internet bénéficie, en la matière, d’un régime d’exception.

    Mais regardons ces anathèmes comme un signe, aussi.
    Presque encourageant.
    Pourquoi ces salves d’injures qui s’intensifient, sur Lordon, Todd, Sapir, etc., voire Mélenchon ? C’est qu’une controverse s’ouvre, à gauche, comme un clivage. Il a vécu, le consensus altermondialiste, ou alter-européiste, le temps où l’on se laissait bercer par un internationalisme angélique et impuissant. Face à la débâcle de l’Euro, aux dommages du libre-échange, l’offensive est lancée, et nous en sommes des artilleurs : « frontières », « souveraineté », ces mots ne nous sont plus tabous. Une réponse politique, concrète, réaliste, de masse, ne pourra plus demain, pensons-nous, se priver d’eux, s’interdire de les prononcer et de les repenser.
    Cette bataille des idées, interne à notre camp, peut être, doit être menée en douceur, autant que possible, sans désir de heurter, de déchirer, de perdre des camarades en route : à quoi bon se brouiller, quand on se retrouvera côte à côte dans les grèves et les manifs ? Mais on comprend que ces avancées – de notre point de vue, ces reculades du leur – hérissent le poil de militants, libertaires par exemple, que ces vocables à eux seuls font gerber, et qu’ils nous renvoient, comme par réflexe, sans trop s’embarrasser de fioritures, à la guerre de 14 ou au fascisme.