Quelques réflexions sur la permaculture, l’autoproduction et la théorie du don

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  • Toute notre #civilisation est fondée sur la spécialisation, laquelle implique l’asservissement de ceux qui exécutent à ceux qui coordonnent ; et sur une telle base, on ne peut qu’organiser et perfectionner l’#oppression, mais non pas l’alléger.
    Simone Weil (1909-1943)

    http://iresmo.jimdo.com/2015/07/18/simone-weil-une-critique-de-l-industrialisme
    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/reflexions_causes_liberte_oppression/reflexions_sur_la_liberte.pdf
    #guerre_aux_pauvres #critique_techno #critique_de_la_valeur

    • Mais, si l’état actuel de la technique ne suffit pas à libérer les travailleurs, peut-on du moins raisonnablement espérer qu’elle soit destinée à un développement illimité, qui impliquerait un accroissement illimité du rendement du travail ? C’est ce que tout le monde admet, chez les capitalistes comme chez les socialistes, et sans la moindre étude préalable de la question ; il suffit que le rendement de l’effort humain ait augmenté d’une manière inouïe depuis trois siècles pour qu’on s’attende à ce que cet accroissement se poursuive au même rythme. Notre culture soi-disant scientifique nous a donné cette funeste habitude de généraliser, d’extrapoler arbitrairement, au lieu d’étudier les conditions d’un phénomène et les limites qu’elles impliquent ; et Marx, que sa méthode dialectique devait préserver d’une telle erreur, y est tombé sur ce point comme les autres.

    • Il n’existe par ailleurs qu’une autre ressource permettant de diminuer la somme de l’effort humain, à savoir ce que l’on peut nommer, en se servant d’une expression moderne, la #rationalisation du #travail.
      [...]
      Dès qu’on jette un regard sur le régime actuel de la production, il semble assez clair non seulement que ces facteurs d’économie comportent une limite au-delà de laquelle ils deviennent facteurs de dépense, mais encore que cette limite est atteinte et dépassée. Depuis des années déjà l’agrandissement des entreprises s’accompagne non d’une diminution, mais d’un accroissement des frais généraux ; le fonctionnement de l’entreprise, devenu trop complexe pour permettre un contrôle efficace, laisse une marge de plus en plus grande au #gaspillage et suscite une extension accélérée et sans doute dans une certaine mesure parasitaire du personnel affecté à la coordination des diverses parties de l’entreprise. L’extension des échanges, qui a autrefois joué un rôle formidable comme facteur de #progrès économique, se met elle aussi à causer plus de frais qu’elle n’en évite, parce que les marchandises restent longtemps improductives, parce-que le personnel affecté aux échanges s’accroît lui aussi à un rythme accéléré, et parce que les transports consomment une énergie sans cesse accrue en raison des innovations destinées à augmenter la vitesse, innovations nécessairement de plus en plus coûteuses et de moins en moins efficaces à mesure qu’elles se succèdent. Ainsi à tous ces égards le progrès se transforme aujourd’hui, d’une manière à proprement parler mathématique, en régression.

      #contre-productivité

    • Simone Weil aborde dans ses textes plusieurs points qui raisonnent avec une accuité particulière aujourd’hui dans une économie pourtant souvent qualifiée de post-fordiste et de post-industrielle. Elle s’interroge sur le mythe de la #croissance illimitée. Elle montre la difficulté à s’appuyer sur une croyance en l’innovation technologique et la confiance dans le progrès #technique. Elle rappelle au contraire la part d’imprévisibilité à laquelle est soumise l’#innovation technologique. De même, elle montre le lien entre la #rationalité technique et calculante. Elle met en lumière la manière dont cette rationalité calculante envahit tous les pans de l’existence. Aujourd’hui, l’utilisation de la rationalité algorithmique dans le monde de l’entreprise et de la gouvernance politique en constitue une nouvelle étage. L’automatisation du travail par l’"#intelligence_artificielle" et l’utilisation des #big_data en vue d’une analyse prédictive en sont deux exemples. Face aux tenants du #capitalisme vert, qui affirment que les progrès technologique pourront dépasser le problème des limites naturelles, Simone Weil montre en quoi cette croyance relève d’une foi religieuse dans le progrès technique.

    • Le problème est effectivement spécialisation + besoin de coordination. Ce besoin de coordination est apparemment apparu avec les infrastructures agricoles (barrages, bassins, canaux d’irrigation....). Et la spécialisation a été possible grâce à l’#agriculture aussi, avec des denrées stockables en surplus (céréales).

    • @nicolasm comme le disait Hemenway, l’agriculture amène, toujours, à une concentration du pouvoir par l’élite. C’est le résultat inévitable de l’existence de gros surplus stockables, qui est au coeur de l’agriculture, et nous pourrions avoir besoin de créer une culture où le surplus, ainsi que la peur et la cupidité qui le rendent desirable, ne sont plus les résultats structurels de nos pratiques culturelles.
      http://seenthis.net/messages/190256
      Ce qui nous ramène à l’#horticulture

      Most horticultural societies are far more egalitarian than agriculturists, lacking despots, armies, and centralized control hierarchies.
      Horticulture is the most efficient method known for obtaining food, measured by return on energy invested. Agriculture can be thought of as an intensification of horticulture, using more labor, land, capital, and technology. This means that agriculture, as noted, usually consumes more calories of work and resources than can be produced in food, and so is on the wrong side of the point of diminishing returns. That’s a good definition of unsustainability, while horticulture is probably on the positive side of the curve.

      http://tobyhemenway.com/203-is-sustainable-agriculture-an-oxymoron

    • Oui mais j’imagine que ça ne suffit pas, car même si les céréales sont sans mesure pour la facilité et la durée de stockage et la versatilité de l’utilisation, on pourrait imaginer une capitalisation agricole avec surplus temporaires (tubercules, fruits à coques) suffisamment en nombre pour fabriquer une élite ? Peut être qu’une condition nécessaire est d’avoir des biens communs pour que celles et ceux qui ne veulent pas être esclaves puissent vivre librement en autonomie. Mais malheureusement ce n’est pas de la seule volonté des humains libres, comme l’a démontré maintes fois l’Histoire.

    • Sauf que l’horticulture étant par définition très manuelle, tu ne peux pas avoir de grosse surface cultivée par personne. Ça favorise une relative égalité dans la propriété, et une plus grande dispersion des ressources, qui sont de ce fait moins accumulables.
      La disparition des #communs a par ailleurs été de pair avec la mise en place des #enclosures, qui a marqué les débuts du capitalisme.

    • Sauf que l’horticulture étant par définition très manuelle, tu ne peux pas avoir de grosse surface cultivée par personne. Ça favorise une relative égalité dans la propriété

      Une égalité ... ou de l’esclavage. La canne à sucre est un bon exemple, puisque ça doit être une des culture les plus rentables en calories/ha, mais requérant une grosse main d’œuvre. Mais peut être s’éloigne t-on de l’horticulture

    • La puissance et la concentration des armements mettent toutes les vies humaines à la merci du pouvoir central. En raison de l’extension formidable des échanges, la plupart des hommes ne peuvent atteindre la plupart des choses qu’ils consomment que par l’intermédiaire de la société et contre de l’argent ; les paysans eux-mêmes sont aujourd’hui soumis dans une large mesure à cette nécessité d’acheter. Et comme la grande industrie est un régime de production collective, bien des hommes sont contraints, pour que leurs mains puissent atteindre la matière du travail, de passer par une collectivité qui se les incorpore et les astreint à une tâche plus ou moins servile ; lorsque la collectivité les repousse, la force et l’habileté de leurs mains restent vaines. Les paysans eux-mêmes, qui échappaient jusqu’ici à cette condition misérable, y ont été réduits récemment sur un sixième du globe. Un état de choses aussi étouffant suscite bien ça et là une réaction individualiste ; l’art, et notamment la littérature, en porte des traces ; mais comme en vertu des conditions objectives, cette réaction ne peut mordre ni sur le domaine de la pensée ni sur celui de l’action, elle demeure enfermée dans les jeux de la #vie_intérieure ou dans ceux de l’aventure et des actes gratuits, c’est-à-dire qu’elle ne sort pas du royaume des ombres ; et tout porte à croire que même cette ombre de réaction est vouée à disparaître presque complètement.

      #hétéronomie #système_technicien

    • Elle a écrit ce texte en 1934 et c’est impressionnant de voir avec quelle précision ça décrit la situation actuelle

      L’augmentation formidable de la part prise dans les entreprises par le capital matériel, si on la compare à celle du #travail_vivant, la diminution rapide du #taux_de_profit qui en a résulté, la masse perpétuellement croissante des frais généraux, le #gaspillage, le coulage, l’absence de tout élément régulateur permettant d’ajuster les diverses branches de la production, tout empêche que l’activité sociale puisse encore avoir pour pivot le développement de l’#entreprise par la transformation du #profit en #capital. Il semble que la lutte économique ait cessé d’être une rivalité pour devenir une sorte de guerre. Il s’agit non plus tant de bien organiser le travail que d’arracher la plus grande part possible de capital disponible épars dans la société en écoulant des actions, et d’arracher ensuite la plus grande quantité possible de l’argent dispersé de toutes parts en écoulant des produits ; tout se joue dans le domaine de l’opinion et presque de la fiction, à coups de #spéculation et de #publicité. Le crédit étant à la clef de tout succès économique, l’épargne est remplacée par les dépenses les plus folles. Le terme de #propriété est devenu presque vide de sens ; il ne s’agit plus pour l’ambitieux de faire prospérer une affaire dont il serait le propriétaire, mais de faire passer sous son contrôle le plus large secteur possible de l’activité économique. En un mot, pour caractériser d’une manière d’ailleurs vague et sommaire cette transformation d’une obscurité presque impénétrable, il s’agit à présent dans la lutte pour la puissance économique bien moins de construire que de conquérir ; et comme la conquête est destructrice, le système capitaliste, demeuré pourtant en apparence à peu près le même qu’il y a cinquante ans, s’oriente tout entier vers la destruction.

    • Les moyens puissants sont oppressifs, les moyens faibles sont inopérants. Toutes les fois que les opprimés ont voulu constituer des groupements capables d’exercer une influence réelle, ces groupements, qu’ils aient eu nom partis ou syndicats, ont intégralement reproduit dans leur sein toutes les tares du régime qu’ils prétendaient réformer ou abattre, à savoir l’organisation bureaucratique, le renversement du rapport entre les moyens et les fins, le mépris de l’individu, la séparation entre la pensée et l’action, le caractère machinal de la pensée elle-même, l’utilisation de l’abêtissement et du mensonge comme moyens de propagande, et ainsi de suite. L’unique possibilité de salut consisterait dans une coopération méthodique de tous, puissants et faibles, en vue d’une décentralisation progressive de la vie sociale ; mais l’absurdité d’une telle idée saute immédiatement aux yeux. Une telle coopération ne peut pas s’imaginer même en rêve dans une civilisation qui repose sur la rivalité, sur la lutte, sur la guerre

      lien avec http://seenthis.net/messages/315340

    • Les leaders sont des types durs, qui ont des idées et des idéologies, et la visibilité et l’illusion de l’unité disparaîtraient. C’est précisément parce qu’ils n’ont pas de leader que le mouvement peut survivre. Mais c’est précisément parce qu’ils n’ont pas de leader qu’ils ne peuvent pas transformer leur unité en action concrète.

      http://cultura.elpais.com/cultura/2015/12/30/babelia/1451504427_675885.html

  • David Graeber pour un communisme au quotidien | Le Comptoir
    http://comptoir.org/2014/12/11/david-graeber-pour-un-communisme-au-quotidien

    Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la logique de l’échange marchand est parvenue à s’introduire jusque dans la pensée de ses adversaires les plus résolus, à commencer par l’anthropologie du don. Faire un don revient bel et bien à créer une dette qui obligera celui qui a reçu à rendre. Pour David Graeber, cette logique de l’échange réciproque ne permet pas d’expliquer à elle seule l’ensemble de la vie sociale. L’un des principes moraux qui échappe à la logique de l’échange est ce qu’il appelle le communisme, mais qui n’a pas grand-chose à voir avec la dictature du prolétariat ou la nationalisation des moyens de production. Il s’agit plutôt des comportements humains qui obéissent au principe « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». Dans ce cadre, nous agissons d’une manière désintéressée, sans nous demander si nous y trouvons forcément notre compte. L’anthropologue soutient que tout le monde agit en communiste une bonne partie de son temps, même s’il reconnaît qu’une société organisée exclusivement sur ce principe ne pourra jamais exister.

    « L’obligation de partager les denrées alimentaires et tout produit que l’on juge de première nécessité devient souvent le fondement de la morale quotidienne dans une société dont les membres se perçoivent comme égaux. » David Graeber

    Au nom de l’efficacité, les entreprises capitalistes fonctionnent d’ailleurs elles-mêmes partiellement sur ce principe. Quand une canalisation s’est rompue et que celui qui la répare réclame une clé anglaise, son collègue ne lui demandera pas « Qu’est-ce que j’aurai en échange ? » mais s’exécutera, même s’ils travaillent pour Burger King ou Goldman Sachs. C’est également ce qui se passe au lendemain de grands désastres, qu’il s’agisse d’une inondation, d’une panne d’électricité géante ou d’un effondrement de l’économie. Dans ces circonstances extraordinaires, l’entraide prévaut sur les hiérarchies et les marchés, les étrangers deviennent soudain frères et sœurs et la société humaine semble renaître. Un grand nombre de nos comportements sont d’ailleurs déterminés par ce communisme au quotidien, qui constitue le fondement de toute sociabilité humaine. Quand nous échangeons dans une conversation, quand nous demandons une cigarette, quand nous aidons quelqu’un en train de se noyer ou un enfant qui tombe sur les rails du métro, nous ne nous posons pas la question de savoir si cela est dans notre intérêt. C’est ce que David Graeber appelle le « communisme fondamental » : si le besoin est jugé assez important ou le coût assez raisonnable, chacun suppose qu’entre des gens qui ne se considèrent pas comme des ennemis, le principe « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » l’emportera.

    La notion de partage joue un rôle essentiel dans le communisme. Tout fumeur sait à quel point il est difficile de refuser une demande de cigarette dès lors qu’on a été identifié comme appartenant le partage sauvera le mondeà la communauté des fumeurs. En cela, nous ne sommes pas très éloignés des tribus Nuers de la haute vallée du Nil, pour qui il était impossible de rejeter une demande de n’importe quel article de consommation courante lorsqu’elle venait de quelqu’un qui avait été accepté comme membre du clan. Le communisme échappe fondamentalement à la logique de l’échange parce qu’il ne fonctionne pas sur le mode de la #réciprocité. La seule chose qui est égale, c’est la certitude que l’autre en ferait autant pour vous, sans forcément l’attendre. Dans un cadre où personne ne cherche à savoir s’il a reçu autant qu’il a donné, l’idée même de compter paraîtrait blessante.

    #logique_du_don #gratuité #marchandisation

  • De la responsabilité collective : esquisse d’une théorie de la fiction sociale - Cairn.info
    en lien avec les remarques de @aude_v ici http://seenthis.net/messages/254556
    http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=BUPSY_494_0131

    Notre condamnation d’un crime collectif fait souvent contraste avec le sentiment, chez les auteurs, de ne pas en être vraiment responsables. Ce décalage s’explique, en partie, par une loi cognitive objective. Jean-Pierre Dupuy et coll. (Dupuy, 2002 ; Dupuy, Koppel, Atlan, 1992) ont développé l’idée suivante, à partir d’une conjecture de H. von Foerster : les liens entre individus qui composent un collectif peuvent être plus ou moins rigides, et plus ils le sont, moins la connaissance du comportement de l’un d’entre eux apporte d’informations à l’observateur, qui connaît déjà le comportement des autres. La conjecture de von Foerster suggère que plus les relations interindividuelles sont rigides, plus le comportement de la totalité apparaîtra, à ses éléments individuels, comme doté d’une dynamique propre, qui échappe à leur contrôle. Pour un observateur extérieur au système, en revanche, la rigidité des relations entre éléments est propice à la compréhension du comportement collectif, par exemple, à travers la modélisation.

    On fait, donc, face à une situation paradoxale. Lorsque les individus sont sous une influence mutuelle, l’avenir du système est prévisible pour les observateurs extérieurs, alors que les individus se sentent impuissants à en infléchir l’orientation. Le comportement d’ensemble ne résulte que de l’intégration des réactions individuelles, mais le tout semble s’autonomiser et son évolution se figer en destin.

    (conjecture de Von Foerster également citée ici http://seenthis.net/messages/190256)
    là où il dit « sous influence mutuelle » je crois qu’il faut plutôt comprendre « sous l’influence de la rigidité de leurs liens aux autres »
    bref, une piste pour s’éloigner de la barbarie est aussi l’assouplissement et l’informalité des relations interindividuelles.
    restons cool. comme Fonzie.


    #psychologie_sociale

    • En résumé l’idée de cette conjecture c’est que les dynamiques collectives de barbarie, de lacheté, d’aliénation etc. se fondent sur le fait que les relations entre les personnes sont rigides, exagérément normées.
      Cette rigidité donne la sensation d’une norme implicite indépassable, qui du coup mène au pire (violences collectives, passivité collective ou déni collectif face à l’horreur), alors que cette norme n’existe que dans la tête des gens.

      Bien que ce que nous voyons tous les matins ne soit pas un cheval blanc mais le hérisson écrasé sur la route, le chat qui a perdu un oeil, le chien qui a été frappé, nous vidons les chambres, les cachettes, les châteaux de paille, les caves obscures, et nous allons alignés, dans ce défilé qui a encore peur de la fraternité, vers les bureaux, entrepôts, pavillons, secrétariats, classes, magasins et autres espaces clôturés, pour, par notre haleine, et par notre sueur, et par nos gestes, et par nos regards, et par notre bassesse, et par notre tendresse aussi parfois, et par autant d’ignorance que d’inquiétude constamment, d’abominable et fatigante inertie commune, mutiler nos mouvements, en rendant plus licite la prostitution que l’amour, les conventions que le courage, les lois que le droit, la communication est un mensonge dans l’ère de la communication, marcher ce n’est pas faire des pas, sedate me sedate me sedate me one more time, tu injectes de la morphine en moi tous les jours, mais tu ne peux pas implanter en moi la graine de l’étonnement, dans cette époque apathique des substitutions.

      « Goiz euria » Lisabö, Egun bat nonahi (EP), Acuarela discos, 2002

  • Une critique sur les adeptes de la #permaculture. D’après l’expérience que j’en ai, ça tombe juste.

    Permaculture Design Course Syndrome | Small Farm Future
    http://smallfarmfuture.org.uk/?p=491

    From my perspective as a small-scale agroecologically-oriented commercial grower, I’d offer the following criticism of the package that many PDC graduates seem to emerge with:

    – a tendency to over-emphasise the role of smart design tricks and to under-emphasise the important but unglamorous basics of sound growing/farming skills

    – a tendency to be over-impressed by the media schtick of various global permaculture gurus who very rarely make a living from producing basic food commodities, and a tendency not to notice what many unsung local farmers and growers are achieving as ‘implicit permaculturists’ who simply apply good design in their practice

    – a tendency to a religious mode of thinking, in which the rudiments of scientific rigour are rejected as ‘positivism’ or ‘reductionism’ and replaced by an overwhelming faith in the views of permaculture gurus as per my previous point

    – a metropolitan disdain for farmers past and present, and a conviction that the way they have done things is wrong

    – an insufficiently fine-grained understanding of agro-ecosystems

    #critique_permaculture

    • À propos de celleux qui cherchent à avoir leur PDC aussi. Et qu’il appelle maintenant le « PDC syndrome ». :)

      PDC syndrome can involve one or more of the following symptoms:

      – a belief that no till or mulching or forest gardening or polycultures or mob-stocking or chicken tractors or perennial crops or compost teas or various other techniques must invariably be practiced in preference to any alternatives
      – a belief that whatever Bill Mollison or David Holmgren or a handful of other authors have written is above criticism
      – likewise, a belief that the way things are done by certain famous permaculturists or on certain famous permaculture holdings must always be faithfully reproduced elsewhere
      – a belief that permaculture has cracked the problem of creating a low input – high output farming system
      – a belief, consequently, that anyone who struggles to make a living out of farming must be failing because they are not properly following the correct principles
      – a slightly superior smile at the sight of weeds, hoes, spades, tractors etc
      – a belief that a small garden crammed with edible perennial things is proof positive that permaculture can feed the world
      – a belief that controlled trials and numerical analysis are reductionist and unnecessary
      – a belief that people who question aspects of permaculture principles are simply nay-sayers who sap the movement’s joie de vivre - most importantly, a ready admission that permaculture is not a set of approved techniques or received dogma that must always be applied everywhere but a way of thinking, a broad set of handy design principles, before cheerfully reverting to any of the preceding affectations

    • Très vrai, pour avoir croisé pas mal de monde dans le milieu perma à un moment, et en ayant été en plein dans le cliché et gardant encore des séquelles sur certains points :)

      Faudrait que je creuse plus et que j’écrive un truc là dessus. L’autre face de la monnaie étant des gens qui cherchent (à créer) d’autres noms/mouvements pour se sortir de l’étiquette ou des limites de la permaculture. Et qui sont aussi très intéressants : Carbon farmers, Regrarians, Regenerative agriculture ... Souvent des mouvements concernant plus des personnes qui produisent commercialement de la nourriture, et qui intègrent au moins au même niveau sinon plus que la permaculture, l’Holistic Management et le Keyline Design.

    • important but unglamorous basics of sound growing/farming skills

      oooh que oui

      permaculture gurus who very rarely make a living from producing basic food commodities

      au niveau français on peut aussi y ajouter le « agroecology guru » Ardéchois aka Pierre Rabhi http://seenthis.net/messages/249557

      a metropolitan disdain for farmers past and present, and a conviction that the way they have done things is wrong

      oui, et ça c’est très énervant aussi. cc @aude_v les cours d’agroforesterie que les néo-ruraux donnaient sans ciller aux paysans du bocage nantais.

    • a belief that no till or mulching or forest gardening or polycultures or mob-stocking or chicken tractors or perennial crops or compost teas or various other techniques must invariably be practiced in preference to any alternatives

      oui, déjà vu ça cc @nicolasm le gars qu’on avait vu sur un forum et qui disait « il faut pailler » sans considération pour l’engorgement du sol, et dans la même phrase disait que l’action de l’humain sur le sol est nécessairement néfaste.
      voir aussi http://seenthis.net/messages/249859 et http://senshumus.wordpress.com/2008/11/15/matiere-organique

      a belief that controlled trials and numerical analysis are reductionist and unnecessary

      oui, c’est aussi pour ça que j’apprécie à de nombreux égards la #biointensive

      ça rejoint la question du #solutionnisme écolo-alternatif
      http://seenthis.net/messages/217955

    • Hey ça c’était des végan⋅e⋅s ! Mais oui y a un petit air de mépris pour les agriculteurs/trices comme il peut y avoir du mépris pour les éleveurs/ses ou les chasseurs/ses chez les végan⋅e⋅s

      Et un manque des réalités de l’agriculture. Par exemple jusqu’à pas longtemps de rêvais de faire mieux connaître certaines pratiques aux éleveurs/ses du coin (juste en proposition, pas du style « je sais mieux que vous », j’ai dépasse ce stade au moins), avant de me rendre compte que de toute façon vu le morcelage des terres par chez moi ça serait inapplicable.

      Mais le pire ce sont les permaculteurs (j’ai que des exemples d’hommes pour le coup) qui proposent des cours au pro de l’agriculture alors qu’ils ont aucune légitimité sur la question. Et par là j’entends pas le fait d’avoir un PDC ou un diplôme de perma (la blague) mais a peut près jamais touché la terre. Pas mieux pour décridibiliser le truc

    • Ah ben oui c’est un de ceux dont je parle dans le message précédent d’ailleurs. Sur un potager argileux et bourré de flotte, il proposait de pailler et de mettre des arbres.

      Hum tiens je voulais te poser une question et ce fil tombe bien, est-ce que tu te considères comme permaculteur ou que tu fais de la permaculture chez toi ? J’ai redirigé une personne qui fait (veut faire ?) de la perma vers chez toi, et je me suis posé la question de la formulation (j’ai diplomatiquement écrit « qui s’y connait en permaculture »).

    • Ah oui c’est vrai c’était des végans, j’avais juste relevé que c’était des néo-ruraux.

      Non je me considère pas comme permaculteur. Ce que je maîtrise c’est surtout la #biointensive, à côté de ça je fais des connexions et je bricole pour optimiser la flotte, l’énergie et la fertilité globale de l’endroit que je cultive.

    • Je ne pense pas m’être suffisamment approprié la permaculture pour pouvoir me dire permaculteur, donc ça serait assez présomptueux.
      Et aussi parce-que beaucoup des acteurs ce mouvement véhiculent des trucs un peu trop bourgeois, ou pas assez sérieux, ou trop dogmatiques comme dans cette critique que tu recenses, et ça me donne moyennement envie.
      J’ai moins de réticences vis à vis de la biointensive, que je trouve plus facile d’accès, plus simple dans sa mise en pratique et plus efficace pour les objectifs qu’elle se fixe.
      Et pour minimale qu’elle soit, on peut toujours y greffer d’autres choses et construire des réseaux http://seenthis.net/messages/190256 sans pour autant tomber dans certains écueils estampillés permacultureTM.

    • Ah c’est marrant moi je trouve qu’autant des fois la permaculture c’est pas très carré, autant chez Jeavons ils sont compulsifs du chiffre, et qu’ils ont tendance à extrapoler un peu trop à partir de chiffres trop précis. Un peu comme les stats ou les publis scientifiques ou ils tests un peu tout, prennent une mesure quelconque et ça fait une recommandation.

      Et sinon oui je comprends, un peu trop bourgeois et pas assez sérieux je m’y retrouve bien. Au moins je suis pas trop dogmatique c’est déjà ça.

    • Pour ce qui est des bourgeois je pensais en particulier aux gusses que citait @aude_v (mais en non végan il y en a du même style), et pour ce qui est du pas sérieux je pensais à l’absence de la moindre pesée de récolte ou de la moindre donnée chiffrée, notamment au Mas de Beaulieu qui se proclame malgré ça lieu d’expérimentation en agroécologie pour nourrir la planète.

      Compulsifs du chiffre en biointensive ça dépend. Une fois que tu sais comment préparer le sol et comment planter, le chiffre n’est pas si prépondérant. Ils insistent aussi sur le fait que les récoltes estimées sont sur des rendements moyens et que ça varie selon les sols et les climats.

    • Une des autres critiques citées n’est pas tendre :

      http://www.thelandmagazine.org.uk/sites/default/files/The%20Big%20Rock%20Candy%20Mountain.pdf

      David Holmgren had gone on to do what I expected: painstaking tests of ideas that might or might not be true, and only writing up many years later, including — crucially — negative results. In contrast, Mollison created a global circus. Undoubtedly Bill Mollison is a brilliant man, fizzing with ideas, many of them excellent, but unfortunately many of them duds. And it is rather hard to tell which are which, short of laborious testing. And this is exactly what the mainstream Mollisonian wing of the movement rarely does. It does not do proper controlled trials of its own claims. This is astonishing and exasperating, but indicates that the kinds of people attracted to this wing do not appreciate how important proper testing is to progress and evolution of a field like this.

      What could you do to save the good stuff? Personally I would urge that permaculture restrict itself to questions of land use, and does not spread itself too thin. Then I would draw up a list of testable claims that challenge mainstream thinking, and set about testing them. These could be generalised in terms of slightly grander principles that you can understand quite clearly. For example, that the permaculture approach would start with sustainable natural systems and try to make them more productive, in contrast to mainstream gardening and farming, which starts with highly artificial systems and tries to make them more sustainable

      A ce sujet il y a une étude scientifique en cours sur le potentiel de la Restoration Agriculture (permaculture + holistic management + keyline design pour des fermiers qui veulent produire de la nourriture de base -staples- à partir de systèmes vivaces) :
      http://wppresearch.org/research

    • De mon point de vue la permaculture est plus à lier à la #logique_du_don (Marcel Mauss) http://seenthis.net/messages/190256 qu’aux stratégies d’investissement à but lucratif. Les explications données dans cet article de permaculture.co.uk me paraissent par ailleurs un peu capillotractées. Et un peu représentatives aussi de la faible politisation de la permaculture (en tant qu’outil potentiel de construction de communautés humaines résilientes). Dans le cas de la finance il me semblerait plus simple et direct de parler de finance éthique, sans chercher un rapprochement aux forceps avec la permaculture.

      @nicolasm du bullshit, avec une bonne litière pour équilibrer le rapport C/N, ça peut faire un bon amendement pour la zone 1.

    • Faudra que je relise tout le fil de messages.

      J’espère qu’il y a un espace pour la permaculture entre le don et l’investissement financier.

      Des fois j’ai du mal à comprendre les personnes qui pensent que puisque c’est « permaculture » ça doit forcément être gratuit. Dans certaines situations les personnes qui peuvent se permettre de faire des choses gratuitement ont à côté un travail qui paie bien. Ça me semble un bon objectif de gagner l’argent nécessaire en faisant des activités à fort pouvoir de régénération pour les sols, le climat ou le tissu social. Bien sûr la permaculture a une vocation au gratuit sur la base de l’abondance des végétaux (une plante produit des centaines ou des milliers de graines, des dizaines de boutures ou des dizaines ou centaines de greffons), mais ça ne peut pas être généralisé pour autant.

      Mais à côté j’enrage de voir le milieu de la permaculture si prompte à utiliser des modèles commerciaux du siècle dernier, alors qu’il y a sûrement des formes très judicieuses à penser, où on peut mettre de la connaissance ou de la diversité génétique à disposition, tout en bénéficiant de cette mise en commun. Un peu comme les entreprises dans le libre qui donne l’accès au logiciel et fait payer l’expertise. Ou de tourner une vidéo d’un stage de permaculture et de la mettre gratuitement en ligne, et qui remplirait les stages à venir grâce à la « publicité » générée ou pour bénéficier de l’enseignement de qualité vu sur la vidéo et de manière plus personnalisée. Ou mettre le stage gratuitement en ligne mais faire payer la certification correspondante après étude du projet soumis (comme le propose une structure US qui est soupçonnée d’arnaque sur plusieurs points).

      Faudrait un peu plus de #lateral_thinking sur ces questions ...

    • L’approche que je mentionnais pour ma part se pose surtout dans le cadre de relations d’égal à égal dans des réseaux fonctionnant par don (ce que serait le auzolana ou un SEL informel sans comptabilité), ces réseaux étant d’après moi la meilleure façon de répondre au principe que la permaculture énonce concernant les surplus. Comme des communautés paysannes en fait, où la « gratuité » est mutualisée. Et éviterait les biais narcissiques et de désengagement facile (comme celui que tu cites ici de profiter sans contrepartie de la gratuité générée par autrui) qu’analyse finement @aude_v.

    • Effectivement c’est à un autre niveau que mes maniganceries. Je suis plus sur comment faire un peu d’argent avec la permaculture sans tomber dans les schémas classiques d’appropriation, et toi sur la signification profonde de la troisième éthique.

      J’ai l’impression que ça se rejoint un peu dans mes réflexions pour savoir comment diffuser toutes les raretés végétales que j’ai sur le terrain. Je pensais bien sûr à des dons ou échanges dans les réseaux permaculture, amicaux et locaux. Mais aussi par une vente sur internet pour augmenter la pénétration de toute cette diversité génétique dans d’autres cercles (même si rien ne dit que la personne ne va pas juste garder ce qu’elle achète dans son jardin). Même si cet accès est conditionné au « pouvoir d’achat » comme c’est si souvent le cas, au moins c’est toujours un angle d’accès supplémentaire à celui des cercles et réseaux qui peuvent être aussi très excluant. Ça ajoute un peu d’aléatoire. (Et puis ça rembourse toutes ces dépenses).

      bon ça reste encore du « bas niveau ».

    • Ça ressemble bien à un truc de @koldobika ça ;)

      En tout cas parmi les milieux permaculture / jardiniers, il y a vraiment du « lien » (même via internet). je contacte souvent les gens directement pour demander des graines/greffons/boutures, et propose de payer car je n’ai pas assez de stock pour échanger. Et ça me pose problème car depuis un an j’accumule beaucoup de trésors « génétiques » mais il me faudra quelques années pour pouvoir donner à mon tour. Du coup j’ai l’impression de profiter sans redistribuer, même si je sais que ça viendra. Souvent les jardiniers me répondent qu’il n’y a pas de souci, et qu’eux aussi sont passés par là. C’est plutôt cool.

      D’ailleurs ton commentaire me refait penser à pourquoi je n’aime vraiment pas tout un courant récent sur le fait de donner sans voir la personne : sachets de graines déposés dans des bibliothèques, légumes en libre service dans la rue avec les incroyables comestibles ... A croire qu’il y a une vertu supplémentaire à ne pas tisser des liens. Peut être parce que les gens trouvent ça encore plus « désintéressés ». Jusqu’à enlever l’intérêt principal de la chose, car ce ne sont pas trois légumes dans un bac à fleurs qui comptent le plus.

      Bon je dis ça mais pour l’instant je suis en mode ours qui amasse des trucs super chouettes pour son jardin.

    • chouette caractérisation des #biens_communs par Jean Gadrey, qui me rappelle un peu (notamment le point 5) la conclusion de ce dont je parlais ici http://seenthis.net/messages/190256

      1) Les biens communs désignent des qualités (j’insiste : on est dans une socio-économie de la qualité) de ressources ou patrimoines collectifs jugés fondamentaux, aujourd’hui et pour le futur (biens communs naturels, cultures populaires, connaissances…) et, par extension, des qualités sociétales et des droits universels car ce sont également des ressources collectives dont la qualité doit être gérée en commun (l’égalité des femmes et des hommes dans de nombreux domaines, la sécurité professionnelle des travailleurs, la santé publique…).

      2) La qualification d’un enjeu comme bien commun n’a rien de naturel. Les biens communs sont des construits sociaux. Ils doivent être institués. Et c’est un combat, qui met en cause des régimes de propriété, d’appropriation et de responsabilité.

      Les biens communs envisageables sont certes très hétérogènes et très nombreux à première vue. Mais leur mobilisation devient plus circonscrite et plus gérable dans des projets précis. Si par exemple on se pose la question, sur un territoire, de la conversion écologique et sociale de l’agriculture, ou de celle des logements, alors les acteurs concernés pourront aller plus vite à l’essentiel et identifier, après débat, un nombre limité de biens communs à préserver, instituer et gérer. Il en ira de même pour un projet associatif (partie II).

      3) L’appellation de biens communs contient à la fois l’exigence d’intérêt commun, d’accessibilité pour tous, et l’idée que la gestion des biens communs est « commune », qu’elle passe par la coopération d’acteurs multiples. L’adjectif « public » tend à renvoyer à « pouvoirs publics ». L’adjectif « commun » renvoie à un pouvoir mis en commun. Voir l’annexe de la version longue de ce billet.

      4) Les biens communs ne s’opposent pas aux biens privés. L’objectif par exemple d’une transition écologique et sociale bien menée devrait être non seulement de prendre soin de biens communs en tant que tels, comme la qualité de l’eau, de l’air, de la biodiversité ou de la protection sociale, mais surtout d’enrichir la production des biens privés en biens communs écologiques et sociaux via notamment des normes plus exigeantes (haute qualité sociale et environnementale).

      Il s’agit même probablement de ce qui importe le plus pour l’emploi conçu comme un droit, autre bien commun. Car enrichir toutes les productions en biens communs, c’est-à-dire produire « plus propre, plus vert et plus social », exige en général plus de travail à quantités identiques que de prolonger les tendances productivistes actuelles, destructrices justement de biens communs.

      5) Avec les biens communs comme qualités d’ordre collectif, on n’est plus dans une économie traditionnelle de « production », mais dans une économie du « prendre soin », y compris comme condition de la production de biens privés.

      – PRENDRE SOIN DES PERSONNES et du travail ;
      – PRENDRE SOIN DU LIEN SOCIAL et de droits universels ;
      – PRENDRE SOIN DES CHOSES et des objets ;
      – PRENDRE SOIN DE LA NATURE ;
      – PRENDRE SOIN DE LA DÉMOCRATIE. C’est peut-être le premier des biens communs, ou le plus transversal.

  • L’Américain moyen consacre plus de mille six cents heures par an à sa voiture. Il y est assis, qu’elle soit en marche ou à l’arrêt ; il la gare ou cherche à le faire ; il travaille pour payer le premier versement comptant ou les traites mensuelles, l’essence, les péages, l’assurance, les impôts et les contraventions. De ses seize heures de veille chaque jour, il en donne quatre à sa voiture, qu’il l’utilise ou qu’il gagne les moyens de le faire. Ce chiffre ne comprend même pas le temps absorbé par des activités secondaires imposées par la circulation : le temps passé à l’hôpital, au tribunal ou au garage, le temps passé à étudier la publicité automobile ou à recueillir des conseils pour acheter la prochaine fois une meilleure bagnole. Presque partout on constate que le coût total des accidents de la route et celui des universités sont du même ordre et qu’ils croissent avec le produit social. Mais, plus révélatrice encore, est l’exigence de temps qui s’y ajoute. S’il exerce une activité professionnelle, l’Américain moyen dépense mille six cents heures chaque année pour parcourir dix mille kilomètres ; cela représente à peine 6 kilomètres à l’heure. Dans un pays dépourvu d’industrie de la circulation, les gens atteignent la même vitesse, mais ils vont où ils veulent à pied, en y consacrant non plus 28 %, mais seulement 3 à 8 % du budget-temps social. Sur ce point, la différence entre les pays riches et les pays pauvres ne tient pas à ce que la majorité franchit plus de kilomètres en une heure de son existence, mais à ce que plus d’heures sont dévolues à consommer de fortes doses d’énergie conditionnées et inégalement réparties par l’industrie de la circulation.

    Ivan Illich, « Energie et Equité », 1973

    • Dans un autre ordre d’idée mais lié à la voiture quand même, je me souviens d’une intervention de Baptiste Mylando au cours d’un colloque sur le temps de travail. Il avait calculé le temps de travail nécessaire à un ouvrier moyen pour s’acheter une voiture et les frais annexes et concluait qu’il préférait se lever moins tôt mais circuler à vélo.

    • @odilon l’ingénieur Dmitry Orlov s’était également penché sur la question

      Il est possible d’ériger une montagne virtuelle d’arguments rationnels, logiques et quantifiables contre les voitures et en faveur des bicyclettes. Un mode d’analyse des plus amusants implique de calculer leur vitesse moyenne effective relative2. D’abord, calculer le coût total de possession d’une voiture, incluant le prix d’acquisition, les coûts financiers, les coûts de maintenance, l’immatriculation, les péages, les amendes, et ainsi de suite. Maintenant, incluez tous les coûts externes : la construction et la maintenance des routes, les dommages à la santé causés par la pollution de l’air et de l’eau, la perte de productivité due aux morts et aux mutilations dans les accidents automobiles, les coûts légaux associés, et, bien sûr, les budgets militaires nécessaires pour équiper les forces armées pour se battre et défendre le pétrole.

      Maintenant, prenez le revenu moyen et les heures travaillées d’un conducteur, et trouvez combien d’heures de travail il faut pour couvrir tous ces coûts. Ajoutez à cela le temps effectivement passé à conduire. Maintenant prenez le nombre de kilomètres parcourus par le véhicule, et divisez-le par le nombre total d’heures passées à la fois à conduire et à gagner assez d’argent pour payer les voitures. Plutôt que de vous donner les réponses, je vous encourage à faire vos propres devoirs, mais je peux vous dire que le résultat final de cet exercice est toujours le même : la bicyclette est plus rapide que la voiture, et, selon les hypothèses, conduire est plus lent que marcher.

      http://www.les-crises.fr/le-despotisme-de-l-image

    • @odilon :

      Il avait calculé le temps de travail nécessaire à un ouvrier moyen pour s’acheter une voiture et les frais annexes et concluait qu’il préférait se lever moins tôt mais circuler à vélo.

      Ce serait pas « se lever plus tôt » non ? Ou alors il sous-entend qu’il faut travailler moins quitte à ne pas avoir de voiture ? Moi je veux bien mais quand on demande un temps partiel à un employeur on l’obtient rarement.

    • @alexcorp ce qu’il voulait dire c’est qu’il préférait travailler moins et se passer de voiture. Par rapport au temps de trajet, il y a beaucoup d’employés qui gagneraient du temps en prenant un vélo au lieu de rester coincés dans les embouteillages pendant les heures de pointe. Ensuite, oui, c’est un problème d’organisation du travail pour que les employés bosser à temps partiel.

    • @aude_v :

      mais comme tu ne bosses plus que 2/3 du temps (500 euros par mois en moyenne, une caisse) ou moins, tu libères du temps pour faire la grasse mat tous les jours.

      N’exagérons rien, j’ai une vieille voiture qui me coûte grand max 150 à 200€ par mois en comptant essence et réparations sur l’année.

      Par rapport au temps de trajet, mon dernier taf c’était 5 min en voiture, 20 min en vélo (avec grosse suée car la moitié de la route en pente) et à peu près idem en bus. Autant dire qu’il fallait quand même beaucoup de convictions pour le faire en vélo... C’est vrai que pour les grosses villes ça vaut souvent le coup le vélo, mais ailleurs c’est déjà plus délicat.

    • @aude_v merci !
      C’est un sujet auquel je ne m’intéresse que depuis peu et ces angles morts que tu cites sont vraiment à prendre en compte. Notamment la question étatiste.
      Sur la démocratie par liens locaux et spirales de dons je te suis tout à fait.
      Et je me note la réf du bouquin, merci aussi :-)

    • Une voiture, c’est 500 euros par mois en moyenne. Je trouve le chiffre effarant, c’est pas moi qui l’ai inventé !

      Si on achète une voiture neuve à 15000€, je veux bien te croire. Il est clair que beaucoup de gens mettent un fric monstre dans leur caisse. Mais si vraiment ma voiture me coûtait ce prix chaque mois, je ne pourrais plus que payer mon loyer sur le restant de mes pauvres 900€ mensuels et ensuite faire la manche pour bouffer. Je précise bien que je suis loin d’être pro bagnole à tout crin, j’ai vécu sans un bout de temps et ça se reproduira certainement mais en attendant, dans ma province un peu campagnarde, avoir une bagnole est aussi un sérieux atout pour trouver du boulot, voire pour y aller tout simplement.

    • @aude_v

      Ça passe par le rapport au territoire (« appréhendable », sensible, tiens c’est le sujet du prochain dossier) et par un redéploiement de la notion de responsabilité devant autrui.

      Oui je te suis à 100% là-dessus, ça me semble un truc tout à fait central. Il y a d’ailleurs eu une conf qui en causait un peu à Alternatiba.

      Il n’y a pas que Michéa qui en cause, je retrouve aussi cette idée chez Augustin Berque (son concept d’écoumène et ce qui tourne autour), et ça me semble aussi sous-jacent chez des mouvements comme reclaim the fields et tout ce qui tourne autour de la souveraineté alimentaire.
      Et sur la notion de responsabilité devant autrui, Simone Weil développe et intègre pas mal cette question (je trouve) à celle du rapport au milieu dans « L’Enracinement »

    • Il me semble avoir vu circuler des textes de Marcuse sur le regretté forum decroissance.info où était aussi @bug_in, mais j’avoue humblement qu’à l’époque ça m’avait semblé de prime abord un peu trop inaccessible.
      Comme on s’écarte un peu d’Illich (c’est de sa faute il nous emmène vers trop d’endroits à la fois) et comme ces éléments sur la théorie du don me rappellent quelques (vieilles) réflexions je poursuis ici : http://seenthis.net/messages/190256
      #logique_du_don

    • Merci pour toute ces incitations/reconnaissance (je suis sur-occupé ses derniers temps), bon, j’ai pas tout lu. Pour ce qui est de la théorie du don, je conseille la critique du don justement de Testart, parce que certain-e-s croient trop souvent a un aspect réciprocité obligatoire ou automatique, alors que... non.
      Par ailleurs, ça pose des problèmes aussi de pseudo-prostitution, par ex. dans un couple, une personne qui propose d’avoir des rapports intime qu’a condition que ceci-cela.
      Les propositions d’Illich sont tjs limité, comme nous l’avions critiqué a la rencontre de sortir de l’industrialisme entre autre, par un aspect que « culturel », qui dépasse le « sympa » gentil, mais n’a pas de moyen pratique d’application. C’est pour ça, entre autre, que j’ai rejoins des organisations politiques comme la CGA, parce que chercher des limites de seuil partout, et ne jamais pouvoir s’accorder clairement c’est un problème.
      Pour le livre d’Aurélien Berlan, je ne l’ai pas acheté et donc pas lu, parce que le peu que j’ai parcouru m’a semblé être une reprise de sa thèse ré-orienté grand public, mais sans trop de changement non plus, et du coup, c’était un peu trop indigeste pour mon petit cerveau.

    • @aude_v

      Je suis preneuse de retours.

      La discussion était bien, un peu trop survolante mais assumée comme telle, le projet est encore en construction. C’est pas si étatiste que ça dans ce qu’il en a présenté. En revanche les problèmes posés par l’organisation du travail actuelle ont été soulevés mais n’ont pas eu de réponse. Si tu auras l’occasion de le revoir sur Bordeaux et de lui en reparler il y aura peut-être réfléchi entre-temps.