• « La recherche d’un emploi recèle une quantité insoupçonnée de petites violences, dont l’accumulation finit par fatiguer les organismes les plus résistants et par épuiser les volontés les plus affûtées. Cette usure psychologique est en grande partie générée par le fait que vous êtes sans cesse confronté plus ou moins directement à des personnes qui s’autorisent à porter des jugements sur vous, à vous expliquer pourquoi vous ne trouvez pas d’emploi, à critiquer vos choix et surtout à vous donner des conseils, alors que de toute évidence, elles sont totalement coupées des réalités du chômage en général, et totalement ignorantes de votre situation en particulier. Ces personnes expriment des opinions qui, pour la plupart, peuvent être rangées dans les catégories "tout le monde peut s’en sortir", "il y a du travail pour tout le monde", "vous ne savez pas vous y prendre". Inutile d’insister sur les effets dévastateurs que ce genre de théorie peut avoir sur le moral et sur la confiance en soi de ceux qui ne s’en sortent pas. » [6]

      Cette violence sournoise et dévastatrice, non seulement nos dirigeants politiques ne la combattent pas, mais ils l’exercent : n’est-il pas violent, quand on cherche en vain un emploi depuis des mois ou des années, d’entendre un Président de droite [7] déclarer qu’« il y a du travail pour ceux qui veulent se bouger », ou un Premier Ministre de gauche [8] ne concéder qu’une « prime de Noël » dérisoire aux chômeurs en lutte en leur expliquant qu’il est « impossible d’en demander plus à la France qui travaille » – sans parler des actuels discours décomplexés opposant « la France qui se lève tôt » à celle qui se lève tard ? Ces discours culpabilisateur ne sont-ils pas des incivilités caractérisées ? Ne font-ils pas au moins autant de ravages que le parler cru de certains jeunes ?