Pourquoi les garçons n’aiment pas le rose ? Pourquoi les filles préfèrent Barbie à Batman ?

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  • Pourquoi les garçons n’aiment pas le rose ? Pourquoi les filles préfèrent Barbie à Batman ? (Anne Dafflon Novelle)
    http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=ERES_ROUYE_2010_01_0025

    En effet, si les parents sont convaincus que l’origine de la différence entre garçons et filles est biologique, ils vont d’autant moins les encourager à faire des choix qui ne soient pas exclusivement typiques de leur propre sexe. Pensons spécifiquement à l’orientation professionnelle : il est déjà difficile pour des jeunes de choisir une profession dont on dispose de peu de modèles de son propre sexe, cela va l’être encore plus sans le soutien de ses propres parents.
    Une autre implication liée à l’économie et au marketing est intéressante à développer. Actuellement, beaucoup d’objets destinés aux enfants existent de plus en plus rarement en version neutre et sont déclinés en version fille ou en version garçon, essentiellement grâce à l’emploi de couleurs, logos ou éléments de décoration différents. En se basant sur le développement de l’enfant, on comprend que cela corresponde à une stratégie permettant de vendre davantage. En effet, les parents désirant acheter un vélo pour leur enfant vont le choisir en version fille ou version garçon selon le sexe de leur enfant. Puis, au moment du deuxième enfant, s’il s’agit d’un enfant du sexe opposé, les parents pourront racheter un nouveau vélo car le petit frère ne voudra pas du vélo rose estampillé Dora l’exploratrice de sa grande sœur.
    À noter que la petite sœur, au moment du stade de rigidité, ne voudra pas non plus du vélo Spiderman de son grand frère, même si la société est plus tolérante envers les garçons manqués qu’envers leurs homologues de sexe masculin.
    Il est tout à fait frappant de remarquer que cette stratégie marketing touche au fil des décennies de plus en plus de domaines différents : vêtements, chaussures, accessoires, chambres d’enfants, décoration, montres, fournitures scolaires, mais aussi les équipements sportifs pour les sports unisexes à un âge où le développement du corps ne nécessite pas encore des équipements différents mais où les représentations prennent tout leur sens (vélo, trottinette, roller, casque, protection, etc.).
    Cette sexuation a un double impact : tout d’abord, sous la pression des enfants, elle incite les adultes à consommer davantage ; d’autre part, elle renforce les représentations différenciées associées aux deux sexes. En effet, à travers l’examen attentif des objets vendus dans les rayons des grands magasins et des catalogues vantant ces mêmes produits, on remarque qu’au delà des différences de couleur ou de décoration, d’autres nuances plus subtiles viennent s’y rajouter. Les objets issus de l’univers féminin font davantage référence à l’esthétique, la sécurité, la douceur, le confort, la passivité, la sphère privée, l’univers enfantin, tandis que ceux renvoyant à l’univers masculin sont davantage orientés vers l’action, la prise de risque, l’esprit de compétition, la technologie, l’autonomie, l’indépendance, la sphère publique et le monde adulte. Or nous avons vu dans l’introduction que les enfants durant leurs premières années observent leur environnement au sens large pour comprendre, déduire, décrypter, ce qui relève du masculin et ce qui relève du féminin. Ce faisant, ils vont également intégrer ces représentations différenciées des deux sexes et s’y conformer.

    Source :
    – Dafflon Novelle Anne, « Pourquoi les garçons n’aiment pas le rose ? Pourquoi les filles préfèrent Barbie à Batman ? »
    Perception des codes sexués et construction de l’identité sexuée chez des enfants âgés de 3 à 7 ans, in Sandrine Croity-Belz et al. , Genre et socialisation de l’enfance à l’âge adulte
    ERES « Hors collection », 2010 p. 25-40.

    #éducation #genre #sexisme #filles #garçons #socialisation #identité_sexuée #marketing #paywall_désolé

    • Je n’ai pas pu mettre tout l’article mais ce point est soulevé régulièrement par son auteure. Par exemple, plus haut dans l’article, on trouve (p. 28) :

      Cependant, il faut relever que les enfants des deux sexes ne reçoivent pas le même feed-back des adultes lorsqu’ils adoptent un comportement contrestéréotypique.
      Les garçons sont beaucoup plus découragés que les filles face à l’adoption de comportements stéréotypiques du sexe opposé. Ces dernières ont une plus grande latitude à pouvoir adopter les jouets et autres objets du sexe masculin que le contraire. La langue française consacre cet état de fait par « garçon manqué » ; cette expression n’a guère d’équivalent pour le sexe opposé, ou alors, elle revêt une connotation beaucoup plus négative.