Les étudiants genevois se mobilisent pour sauver Erasmus. Enfin

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  • Vu sur FB :

    Magnifique lettre à Blocher de la part d’une étudiante-chercheuse. Magnifique sur la forme et sur le fond.

    #‎CHvote‬ : Immigration de masse contre émigration de classe...

    Ça prend quelques minutes à lire...

    Mais c’est tellement sincère et vrai !

    Que tous ceux, sans jugement aucun de ma part, qui pensent que l’UDC défend les intérêts du peuple suisse lisent ces mots et prennent le temps d’exercer leur esprit critique pour construire une position éclairée avant leur prochain bulletin de vote !!!
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    Lettre de Marie-Avril Berthet , Etudiante-chercheuse, à M. Blocher. Lecture obligatoire !

    4 mars 2014

    Monsieur Blocher,

    Je vous écris à propos de vos déclarations de ce jour quant au fait que, suite à la votation du 9 février, vous n’avez pas trouvé d’étudiant pour qui l’exclusion de la Suisse des échanges universitaires avec l’Europe pose un problème pour la poursuite de ses études. Je vous écris donc car, si cette votation m’a révoltée pour des raisons idéologiques, vos déclaration relèvent soit de l’ignorance soit du mensonge et cela est très grave pour quelqu’un qui aspire à gouverner ce pays ; pays duquel je n’ai pas choisi d’avoir la nationalité.

    Je suis actuellement doctorante à l’Université de Leeds, au Royaume-Uni en deuxième année. Il me restera, si je peux terminer ce doctorat, encore deux ans d’études minimum.

    Le 27 février, soit deux semaines après l’entrée en force de l’initiative de votre parti dite « contre l’immigration de masse », j’ai reçu le mail suivant de la part de l’administration de l’université :

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    Dear all,

    Please be aware that due to the current political issues around immigration (in addition to other factors), the European Commission has not concluded an agreement with Switzerland to renew it status as an Associated Country. This means that Switzerland is now treated as a Third Country, with the consequences as follows :

    (1) Switzerland can still participate in H2020, but will not receive reimbursement for its participation
    (2) Swiss participants do not count towards the minimum number of participants required for a project according to the eligibility criteria

    Please note that any projects awarded under FP7 are unaffected by this.

    Negotiations can recommence at any time, and Switzerland may later become an associated state once again. Nonetheless, anyone with a Swiss partner in a consortium applying for a project with an imminent deadline should be aware of the consequences mentioned above.
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    Cet e-mail à été le premier et ne sera pas le dernier. C’est un couteau dans le dos, un poing dans la face, car ce que ce mail dit entre les lignes c’est :
    –les chercheurs suisses à l’Université de Leeds ne compte plus comme membres de leurs équipes de recherche.
    –les chercheurs suisses à l’Université de Leeds peuvent continuer à travailler, mais ils ne peuvent pas être payés pour leur travail.

    Et d’autres conséquences tout aussi gravent se profilent.

    Lorsque j’ai commencé mon doctorat à Leeds, en tant que Suissesse ayant vécu plus de 9 mois au Royaume-Uni, j’ai bénéficié du statut de citoyenne d’un pays ami de l’Union Européenne. C’est-à-dire que non seulement j’ai pu m’installer au Royaume-Uni sans visa, mais j’ai pu être employée de l’université qui m’accueille sans visa pour acquérir l’expérience académique dont j’ai besoin pour la suite de ma carrière. Je peux également travailler en dehors de l’Université sans visa, ce qui me permet de gagner ma vie et contribue à payer mes études. Ces droits pourraient voler en éclat prochainement si la Suisse appliquait les quotas et que l’Union Européenne les appliquait en retour.

    En plus de cela, mon statut de citoyenne de pays ami de l’Union Européenne m’a permis de payer les frais d’inscriptions d’étudiante membre de l’Union Européenne, soit 4 à 5 fois moins chers que si je venais d’un pays tiers. N’ayons pas peur des chiffres Monsieur Blocher, puisque c’est tout ce à quoi vous accordez du crédit : je paye 4000£ par année au lieu de 20’000£.

    4’000£ c’est presque 6’000CHF par année. C’est dur, il faut les économiser et travailler pour les gagner, mais on y arrive. 20’000£ c’est 30’000CHF par année, soit un Doctorat à 120’000CHF. C’est certainement moins que votre salaire annuel, mais concrètement, si la jeune femme de la classe moyenne que je suis pouvait se payer un doctorat aux conditions de citoyenne de « pays ami », elle ne pourra certainement pas le terminer au conditions de citoyenne de « pays tiers ». Cela dépendra aussi de la capacité du gouvernement suisse à trouver prochainement à un accord avec l’Union Européenne pour contourner les conséquences de votre initiative.

    Vous allez dire que les études au Royaume-Uni sont un caprice de jeune fille de la classe moyenne, que je n’avais qu’à faire mes études en Suisse.

    Et bien il faut que vous sachiez que j’ai eu jusqu’à 5 emplois en même temps cette année. Je suis certes passionnée et c’est ce qui me pousse à m’investir dans mes études. Si je n’étais pas passionnée, je n’y arriverais pas. C’est dur un doctorat, c’est long, c’est beaucoup de pression et de solitude, on est loin de ceux qu’on aime, on a jamais ni le temps ni l’argent de rien car le doctorat engloutit beaucoup. Mais j’étudie à l’étranger parce-que je n’ai pas le choix, parce-que l’Angleterre m’a apporté des professeurs spécialistes du sujet qui me passionne que la Suisse n’aurait pas pu m’offrir. Et parce-que, comme les 99% des Suisses dont vous ne défendez pas les intérêts, je fais ce que je peux pour m’en sortir au mieux.

    « J’investis » aussi dans ce Doctorat car le monde du travail est de plus en plus précaire et que l’avenir des jeunes en Suisse est de plus en plus incertains. Et je pense sincèrement que les valeurs que l’UDC répand dans ce pays y sont pour beaucoup.

    J’étudie car les inégalités entre riches et pauvres se creusent, en Suisse, mais aussi autour de nous en Europe, car nous ne savons pas partager les richesses. J’étudie pour avoir un meilleur avenir et parce-que l’académie Britannique est « plus compétitive ». Votre parti est le chef de file des protectionnistes qui veulent faire de la Suisse une île financière, attirer les capitaux sans se soucier de ceux qui en sont dépossédés. On ne protègera pas les emplois en s’assayant sur des richesses qui ne sont pas à nous, Monsieur Blocher. Il faut que nous apprenions à les répartir, en Suisse et dans le monde. Vous prétendez protéger les travailleurs ? Protégeons-les tous, en Suisse, en Europe et ailleurs et nous n’aurons plus besoin de « craindre » les travailleurs étrangers. Vous prétendez protéger les Suisses mais vous ne protégez que l’argent de quelque-uns et vous êtes les premier à précariser le travail en Suisse.

    Je fais ce doctorat car je suis une femme et que le femmes ont plus de peine à trouver leur place dans un monde du travail précarisant. Ceci est d’autant plus le cas que votre parti met un énergie folle à détruire toutes les aides sociales qui peuvent soutenir une femme, de l’avortement à la garde des enfants.

    J’étudie à l’étranger car j’apprends à penser et écrire en plusieurs langues, et que cela me rend plus productive, plus créative et mieux connectée. Parce-que je n’avais pas le choix, mais aussi parce-que c’est bon pour moi et bon pour la Suisse. J’ai l’intime conviction que chaque étudiant qui étudie à l’étranger contribue un peu à changer la Suisse.

    Et c’est pour ça que vos déclarations me blessent profondément et me fâchent. Vous mentez, Monsieur Blocher. Erasmus n’est pas une question « d’avoir des problèmes » administratifs ou financiers. Ce que l’UDC défend c’est un monde injuste, pas seulement administrativement, mais idéologiquement.

    Ce que l’UDC défend, c’est un monde ou ceux qui ont de l’argent et le bras long vont à l’université où ils veulent et quand ils veulent et rien ne les empêchera, surtout pas le 9 février. Ce que l’UDC défend, c’est un monde de hiérarchie sociale où l’université ne sert qu’à la reproduction de la classe dominante, pas à penser. L’UDC s’en fiche que les universités suisses se referment sur elles-mêmes et perdent la qualité que les échanges internationaux leur apportaient, car l’UDC ne fait qu’instrumentaliser l’université. Ce que l’UDC défend, ce n’est pas les travailleurs de Suisse, c’est les gros capitaux en Suisse que cela mette en danger ou non des emplois. L’UDC n’en a rien a faire que des travailleurs et des étudiants galèrent en Pologne, en Espagne ou en Suisse. L’UDC veut juste protéger les nantis de Suisse contre le reste du monde en s’épargnant de se salir les mains avec des arguments racistes. Alors l’UDC embobine les travailleurs de Suisse pour leur faire porter le racisme à sa place.

    Je trouverai un moyen de finir mon doctorat Monsieur Blocher et je n’ai pas besoin de votre aide. Je ne vous demande même pas d’empathie. Mais ayez au moins la décence de reconnaître le désarroi dans lequel vous nous avez mis ceux que vous êtes sensés administrer et qui expriment leur tristesse. Ayez la politesse de reconnaître que vous avez plus de pouvoir qu’une poignée d’étudiant et de chercheurs, et que la défense de vos intérêts personnels mérite qu’on les dépossède de leurs moyens de subsistance. Reconnaissez que vous défendez vos intérêts et pas ceux des suisses.

    Marie-Avril Berthet
    Etudiante-chercheuse
    Université de Leeds, Royaume-Uni

    En lien avec cela :
    Christoph Blocher : « Si un étudiant a des problèmes, qu’il m’écrive ! »

    Minimisant l’exclusion des étudiants suisses du programme Erasmus, le conseiller national Christoph Blocher s’est dit prêt à aider les étudiants qui rencontrent des problèmes.

    En marge de la présentation du rapport sur la politique extérieure 2013 devant le Conseil national, le député UDC Christoph Blocher a minimisé l’impact des mesures prises par l’Union européenne après la votation du 9 février. L’UE a notamment gelé la participation de la Suisse au programme Erasmus.

    « Pouvez-vous me dire le nom d’un étudiant qui ne peut pas étudier à l’étranger dans les deux ans à venir ? Je n’en connais pas. Si un étudiant a des problèmes, qu’il m’écrive ! Je l’aiderai », a déclaré Christoph Blocher sur les ondes de la RTS.

    La Commission européenne a récemment annoncé que les étudiants suisses seront exclus du programme européen Erasmus+ à partir de la prochaine année académique 2014-2015, soit dès le semestre d’automne 2014, provoquant une vague de protestation en Suisse.

    http://www.rts.ch/info/suisse/5662385-christoph-blocher-si-un-etudiant-a-des-problemes-qu-il-m-ecrive.html

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    cc @reka