La police et les obsèques : gestion démocratique des foules - Susam-sokak

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  • La police et les obsèques : gestion démocratique des foules

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    L’assassinat, puis les obsèques de Hrant Dink, avaient provoqué en Turquie un ébranlement dont les effets durent encore et sont incalculables à moyen terme. Je pense qu’un rassemblement humain comme celui qu’on a vu hier à Istanbul et dans toute la Turquie, un rassemblement à la mémoire d’un enfant victime de la police, et la violente répression qui a suivi (qui heureusement n’a pas fait de victime... sauf un policier), peut être un point de départ, le début d’un renouveau. On le saura plus tard, mais en tout cas l’événement, la rapidité et la puissance de la mobilisation dans tout le pays prouve que le mouvement de Gezi, lui, n’est pas mort.

    Ce qui restera également, c’est la violence des interventions policières. Les centaines de milliers de personnes qui ont accompagné le corps de Berkin n’étaient pas des émeutiers. Lorsque le cortège, après les obsèques proprement dites, s’est dirigé vers la place de Taksim, je ne pense pas qu’il y ait eu, parmi les participants, une intention autre que celle de protester contre l’utilisation de la violence au point de provoquer mort d’hommes et mort d’enfant. Le droit de manifester est clairement reconnu dans la constitution turque et, comme l’a souligné Levent Köker dans un article paru dans Radikal le 15 septembre 2013, le concept de « manifestation non autorisée » n’existe pas dans la loi 1. Mais tous les pouvoirs qui se sont succédé depuis le début de la république ont considéré Taksim comme un lieu sacralisé, un sanctuaire réservé aux commémorations officielles. Le 1er mai 1977 et les événements de 2013 constituent de remarquables exceptions. Le déroulement de la manifestation des Femmes le 8 mars 2014 a montré que l’inaccessibilité de Taksim aux manifestants était redevenu un principe intangible.

    La police a donc fait le nécessaire et plus que le nécessaire. Car si le but premier d’une intervention est d’empêcher (un accès, un rassemblement), il est clair que la police, hier, a voulu intimider, voire terroriser la population.

    Les techniciens de ce qu’on appelle en langage technocratique la « gestion démocratique des foules » (allez savoir qui a inventé cette expression stupide !) assurent que l’emploi des canons à eau et des gaz lacrymogènes est destiné à disperser les attroupements, à éloigner les manifestants de la police et donc de rendre impossible le contact et éviter les vraies violences physiques comme les coups de matraque (notamment le tonfa à poignée latérale classé en France comme une arme) qui peuvent être mortels. Le gaz, l’eau sous pression seraient donc des moyens d’intervention pacifiques permettant d’éviter les violences et les blessures graves. J’ai lu des remarques de ce type, sur Facebook, à propos des événements de Turquie en été. Les événements récents de Kiev (environ 80 morts principalement par balle) semblent donner raison à ces arguments, et font paraître la police turque, par comparaison, comme mesurée et bienveillante.

    Lecteurs français, n’oubliez pas que notre pays entretient une collaboration étroite avec la police turque, sur le plan technique, matériel et celui de la formation. Tout ceci nous regarde directement.

    #Istanbul
    #manifestation
    #Violence policère
    #gezi