La grande braderie transatlantique - Gresea

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    Lundi 7 avril 2014, Henri Houben, 54432 signes.
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    Gresea asbl (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative)

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    On pouvait penser que la crise économique, la plus grave depuis celle des années 30, avait calmé les ardeurs capitalistes à exiger plus de marché, plus de concurrence, plus de libéralisation. On pouvait estimer que des échecs répétés en la matière les avaient amenés à renoncer à ces projets. Il n’en est rien. Que du contraire !
    Le 13 février 2013, le président américain, Barak Obama, et les responsables de la Commission européenne annoncent officiellement que des négociations vont être entamées entre les deux parties à partir de juillet de la même année pour aboutir à un vaste marché transatlantique prévu pour 2015. L’accord à obtenir se veut d’emblée ambitieux, englobant aussi bien les matières commerciales que celles de la propriété intellectuelle, c’est-à-dire les brevets et licences, ou la question des investissements à l’étranger. En même temps, en réunissant les deux puissances occidentales, les promoteurs du projet veulent créer un précédent qui moulera les futurs traités commerciaux dans un cadre clairement libéral.

    Ce n’est pas la première fois qu’est lancée une telle initiative des deux côtés de l’Atlantique. Dès 1990, un après la chute du mur de Berlin, une résolution est signée par les deux régions, soulignant les communautés de vues et la nécessité de coopérer dans ce monde nouveau. En particulier, il fallait « promouvoir les principes de l’économie de marché, rejeter le protectionnisme, renforcer et ouvrir davantage (les pays) à un système de commerce multilatéral » [1].

    A ce moment, le commissaire à la Concurrence était le Britannique thatchérien, sir Leon Brittan. Il va tenter de créer avec son homologue américain plusieurs associations réunissant des membres venant des deux continents. Ce sera le nouveau partenariat transatlantique inauguré officiellement en décembre 1995. La seule organisation qui existera réellement est le TransAtlantic Business Dialogue [2] (devenu par la suite TransAtlantic Business Council [3]), soit le TABD [4]. Cet organe, rassemblant quelques dizaines des plus grandes multinationales européennes et américaines, va se vanter de voir 60% de ses propositions reprises par les administrations respectives et transformées sous forme de lois ou de directives.

    En 1997, l’OCDE [5] va tenter d’obtenir de ses États membres un accord multilatéral sur l’investissement (AMI), incorporant ce que les firmes désirent à ce niveau : la protection de la propriété des entreprises, le traitement favorable et non discriminatoire entre national et étranger, un tribunal indépendant où les entreprises peuvent déposer plainte contre les États qui ne respecteraient pas ces règles.

    Plus récemment, en 2006, plusieurs États, dont les États-Unis, le Japon et l’Union européenne, vont tenter d’instaurer un pacte dans la lutte contre le piratage des produits brevetés, intitulé accord commercial anti-contrefaçon (ACTA [6] selon le sigle anglais). Il s’agissait d’appliquer des règles très strictes en matière de marques, de labels, de défense d’appellations régionales, impliquant entre autres que des médicaments génériques n’auraient pas pu circuler entre pays. Face à une opinion publique manifestement hostile, le parlement européen rejettera ce traité. Mais 22 des 28 États membres de l’Union le signeront.

    A chaque fois, un projet est mené dans la plus grande discrétion, si ce n’est le secret le plus absolu. Il suscite une opposition populaire justifiée, qui émeut l’un ou l’autre organe institutionnel. Les contradictions entre les États parties prenantes provoquent le refus de l’accord négocié.

    Mais la Commission est persévérante et a de la suite dans ces idées. Comme on a pu le voir à de nombreuses reprises, quand les populations votèrent négativement à ses propositions, elle a toujours outrepassé ces consultations démocratiques et elle a resservi les mêmes plats totalement indigestes, juste en changeant parfois les couverts.
    L’influence patronale décisive

    L’initiative de lancer à nouveau ce grand marché transatlantique a été prise en novembre 2011 lors d’un de ces sommets quasi annuels regroupant le président américain et les principaux responsables de l’Union européenne. En fait, elle est précédée par toute une série d’avancées qui remontent aux années 90.

    Le 30 avril 2007, alors qu’Angela Merkel, la chancelière allemande, est à la tête de l’Union [7], la même rencontre des dirigeants des deux côtés de l’Atlantique tenue à Washington (à l’époque, c’est toujours George Bush Jr. qui est président) décide de créer un nouvel organisme, le TransAtlantic Economic Council (le conseil économique transatlantique). Celui-ci sera composé de représentants des administrations en charge du commerce et sera mené à la fois par un commissaire européen (d’abord Günther Verheugen, au nom des Entreprises et de l’Industrie, puis Karel De Gucht, pour le Commerce) et membre du cabinet personnel du président américain (d’abord Allan Hubbard, ensuite Michael Froman). Sa mission est d’accélérer l’harmonisation transatlantique pour supprimer toutes les règles et règlements inutiles. Il doit en même temps préparer dorénavant les sommets euro-américains et publier un rapport d’avancement tous les six mois [8].

    Il est immédiatement en relation étroite avec les différentes structures du dialogue transatlantique, les consommateurs, les législateurs, mais surtout le TABD. Rapidement, de nombreuses voix du côté patronal vont proposer d’aller plus loin et d’imaginer une initiative stratégique d’envergure. D’autant que la crise s’approfondit et qu’elle s’étend largement dans l’Union européenne. Certains imaginent le grand marché transatlantique comme la solution à la récession.....

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