Les puces, auxiliaires sexuelles ?

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    14/04/2014
    Les puces, auxiliaires sexuelles ?
    La planète sexe, vue et racontée par Agnès Giard.

    La presse s’extasie régulièrement sur des découvertes qui ouvriraient les clés du septième ciel : tel engin greffé sur le système nerveux peut rendre une femme multi-orgasmique. Tel autre peut guérir la frigidité. Mais que cachent ces inventions ? L’écrivain Bernard Pasobrola donne une réponse… à faire froid dans les lombaires.

    Dans un roman terrifiant, Sans crier gare surgit la nuit, l’écrivain français Bernard Pasobrola pose la question : et si les implants qui sont actuellement mis au point pour soigner la maladie d’Alzheimer, les TOC ou la frigidité n’étaient pas annonciateurs d’une menaçante dérive ?
    « Mon roman porte sur les neurosciences et la possibilité d’implanter artificiellement de faux souvenirs ou de faux sentiments », explique-t-il. Imaginons dans un futur proche -très proche- qu’un gouvernement cherche à reprogrammer le cerveau des délinquants, et que l’on puisse faire effacer des souvenirs douloureux… « Toutes choses, précisons-le, qui font l’objet de nombreuses recherches à l’heure actuelle. Savez-vous que l’on scanne le cerveau des prisonniers américains pour savoir si leur cortex sous-orbitaire ressemble ou non à celui d’un sociopathe ?

    Beaucoup de gens se déclarent disposés à ce que la science les réconcilie avec leur travail, leur conjoint ou leurs enfants. Le débat fait rage entre les experts médicaux à propos de la base neurale des émotions ou du sentiment amoureux. La presse féminine titre : “Pour ou contre l’amour sur ordonnance ?”, “Aimeriez-vous tomber amoureuse sur commande ?”. La coercition n’est pas nécessaire pour mettre en œuvre des mesures de ce type puisque les gens sont de plus en plus accros à la technologie et croient fermement en son pouvoir pour soulager leur souffrance ».

    Pour Bernard Pasobrola, nous sommes déjà en plein cauchemar et son roman de "proche anticipation" se base presqu’entièrement sur des faits réels. L’histoire ? Deux patients, en traitement dans un Institut de neurothérapie, tombent amoureux. Mais comment savoir si le désir qu’ils éprouvent n’a pas été implanté en eux ? Poussés par le besoin de savoir si leur amour a été programmé, les voilà qui affrontent un monde en pleine ébullition, marqué par les attentats, la crise sociale et les débats de société houleux pour ou contre la "reprogrammation" des asociaux… Pour écrire ce roman d’un réalisme glaçant, Bernard Pasobrola n’a pas eu besoin d’inventer : dans les années 70, plusieurs personnes accusent le très célèbre José Delgado, pionnier des "puces cérébrales", de leur avoir posé un implant en secret. Une femme va jusqu’à engager des poursuites. Elle réclame 1 million de dollars.

    Que sa plainte soit fondée ou pas, elle est en tout cas révélatrice du trouble occasionné par les expériences des savants fous de l’époque. Delgado -qui a implanté 25 aliénés mentaux- s’amuse à provoquer des réactions de désir chez certaines malades qui se mettent à faire des yeux doux et caresser leur médecin soignant… L’opinion public s’en émeut. Serait-il possible de transformer les gens en pantins ? Pour Bernard Pasobrola, la réponse est clairement oui. Sur son site internet, toute l’histoire du "mind control" est là, résumée en faits et en dates : de Galvani jusqu’à aujourd’hui, les scientifiques n’ont jamais cessé de vouloir, -par stimulation électrique du cerveau-, manipuler à distance nos émotions. Qu’en est-il de nos jours ? Il faut lire son roman pour avoir la réponse.

    [...]

    Nous sommes, actuellement, presque totalement acquis à la cause des implants. Pourquoi ? Parce qu’ils correspondent à un fantasme déjà bien ancré en occident : « le fantasme d’une jouissance sexuelle autistique, d’un onanisme purement cérébral – acte doublement incorporel puisque coupé à la fois de son propre corps et du corps de l’autre, dit-il. Dans notre tradition de pensée, le dualisme religieux et philosophique a largement favorisé la subordination du corps à la foi, au travail ou à la raison. Bien que le développement de la connaissance scientifique établisse plus que jamais l’unité du corps et de l’esprit, cette connaissance hérite, paradoxalement, de la vieille tendance à considérer que l’essentiel se passe au-delà de cette unité, dans une dimension désincarnée. La nouveauté de notre époque, c’est que la désincarnation prend l’aspect hybride d’un mixte neuro-technologique. Le désir de vivre son corps sur le mode hallucinatoire procède d’un inconscient dualiste qui n’a jamais cessé de nous hanter. C’est pourquoi il y a fort à parier que les « machines à orgasme » tout comme les brainchips, neurostimulateurs, nanopuces et autres implants de ce type sont promis à un bel avenir en dehors de leur usage strictement médical ».

    Sans crier gare surgit la nuit, de Bernard Pasobrola, éditions Vie du rail.

    http://errata.eklablog.com/avis-et-commentaires-sur-sans-crier-gare-surgit-la-nuit-a107172896