Comme substantif, pauperes, « pauvres » prennent une acception concrète, parfois assez éloignée du sens originel. Chronologiquement, au rythme de l’évolution médiévale, pauper s’est opposé à potens, miles, civis, et de nouveau à dives. Dans les Capitulaires, le mot pauper, opposé à potens, désigne l’homme libre lui-même, qui a besoin de la protection royale, et que, dès le ixe siècle, l’évêque prend sous sa sauvegarde. Le terme exprime la faiblesse, en ce cas, plus qu’une infériorité. Celle-ci apparaît par voie de conséquence, sur le plan juridique notamment. Dans les villes, pauper, opposé à civis, traduit un « état » juridique fondé sur une infériorité pécuniaire, qu’exprime alors l’opposition à dives. Les textes relatifs aux institutions de paix opposent aux milites les pauperes, et englobent avec eux, dans la même catégorie de personnes ayant besoin de protection et se trouvant dans le même état de faiblesse, tous les inermes y compris les femmes de chevaliers sans escorte et les marchands itinérants. « Pauvre » est synonyme d’humble (humilis) et même, simplement, de faible. Le pauvre n’est donc pas seulement celui dont la faiblesse matérielle, physique ou morale appelle la pitié.
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L’exemption d’impôt doit retenir un instant l’attention ; en effet, il ne faut pas se faire illusion sur la terminologie employée par les documents fiscaux : l’exonération reculait assez loin ses limites supérieures. Le terme « pauvre » n’y exprime pas nécessairement l’indigence ; il semble qu’il en est de même de l’expression de nihil habens. Les vrais pauvres, on ne les mentionne parfois pas ; et c’est logique, puisque, dépourvus de tout, ils ne doivent rien. La notion du « pauvre fiscal » est très variable.