Le Brésil va lâcher des millions de moustiques OGM contre la dengue

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    Le moustique sera-t-il le premier animal – ou plutôt insecte – génétiquement modifié que l’on va rencontrer dans la nature ? La question est posée alors que le Brésil est en train d’autoriser la dissémination d’un moustique transgénique stérile afin de lutter contre la dengue. Une nouvelle qui, au-delà de susciter des espoirs de parvenir à lutter contre cette grave épidémie, a provoqué la controverse et l’opposition de nombreuses ONG.

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    ... l’entreprise britannique Oxitec, étroitement liée au géant agrochimique Syngenta, a mis au point une lignée de moustiques Aedes aegypti mâles, modifiés par transgénèse, qui permettraient de contrôler la population des moustiques vecteurs. Elle a déposé une demande de commercialisation au Brésil en juillet 2013.

    Le 10 avril, la Commission technique nationale de biosécurité (CTNBio) – l’équivalent du Haut conseil sur les biotechnologies en France – a autorisé, par seize voix contre une, la dissémination dans l’environnement de ces moustiques de nom de code OX513A. Pour être effective, cette autorisation doit néanmoins encore être validée par l’Agence nationale de surveillance sanitaire (Anvisa). OX513A deviendrait alors le premier « animal » génétiquement modifié – avant le saumon transgénique américain surnommé « Frankenfish ».

    Des moustiques dépendants à la tétracycline

    Le principe de cette manipulation génétique ? Un nouveau gène a été introduit dans l’ADN des Aedes aegypti afin de les rendre dépendants à un antibiotique, la tétracycline. Sans ce médicament, les moustiques génétiquement modifiés ne peuvent pas survivre. Le laboratoire où sont élevées les souches de moustiques détruit ensuite les œufs femelles et ne garde que les mâles, qui ne peuvent pas piquer et ne sont donc pas vecteurs de la dengue. Ces moustiques mâles transgéniques sont ensuite relâchés dans la nature, en quantité deux fois supérieure à celle des moustiques non-transgéniques, pour se reproduire avec des femelles « sauvages », qui n’ont pas été génétiquement modifiées. Comme leur progéniture, porteuse du transgène, est privée de l’antibiotique, elle n’a que très peu de chance de survie. Résultat : la population des moustiques se réduit drastiquement et l’épidémie avec.

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    Des essais en champs ont été réalisés par Oxitec : trois millions de moustiques transgéniques ont été lâchés dans les îles Caïmans en 2009, 6 000 moustiques en Malaisie en 2010, et 17 millions au Brésil en 2011 et 2012 – où l’usine Moscamed, située à Juazeiro (Etat de Bahia), co-gérée par le ministère de l’agriculture brésilien, produit déjà des milliers de moustiques transgéniques. Selon les résultats communiqués par Oxitec, les tests menés dans les îles Caïmans ont montré une réduction de 80 % des populations de moustiques sauvages au bout de 11 semaines.

    Des risques de diffusion dans l’environnement ?

    Le problème, c’est que les ONG dénoncent le « manque de transparence » de la firme et le fait qu’aucune étude indépendante n’ait été réalisée pour contre-vérifier ces résultats. « La procédure d’autorisation n’est pas respectée : le public n’a pas été correctement consulté », regrette l’association Inf’OGM dans un communiqué. « Il n’existe aucun test de toxicité public qui prouve qu’être piqué ou avaler un moustique génétiquement modifié est sans danger pour les humains, les animaux domestiques ou sauvages », s’inquiète de son côté l’ONG anglaise GeneWatch.

    Car en réalité, les moustiques ne sont pas tous stériles. Selon Oxitec, 3 % de moustiques transgéniques parviennent tout de même à survivre, même sans présence de tétracycline. Et dans un environnement pollué, où cet antibiotique se retrouve dans les eaux usées, les larves ont un taux de survie de 15 % environ, précise Inf’OGM.

    « Il est peu probable que ce transgène diffuse largement dans la population sauvage de moustiques, estime Yvon Perrin, entomologiste et spécialiste de l’espèce au Centre national d’expertise sur les vecteurs (CNEV), hébergé par l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Ce gène a en effet pour objet de limiter la reproduction. De plus, contrairement aux insecticides, cette méthode est sélective puisqu’elle ne concerne qu’une seule espèce de moustiques, et que l’hybridation avec d’autres espèces de moustiques n’est pas observée dans la nature. » Mais de prévenir : « Malgré tout, si le moustique transgénique est relâché dans l’environnement, il faudra réaliser un suivi précis des populations pour savoir si le gène modifié est efficace et s’il se transmet aux populations sauvages. »

    Autre risque, pointé par l’agence de surveillance sanitaire brésilienne : l’extinction de l’espèce d’Aedes aegypti pourrait favoriser un moustique concurrent, le moustique-tigre (Aedes Albopictus), lui aussi vecteur des virus de la dengue et du chikungunya. « En détruisant une espèce, on libère une niche écologique pour une autre. Mais ce serait le cas avec toute autre méthode de lutte contre le moustique Aedes aegypti, par exemple à l’aide d’insecticides », remarque l’expert.

    Sur l’île de La Réunion, l’IRD pilote un projet de recherche, qui consiste à stériliser des moustiques mâles par irradiation, comme cela a été fait avec succès contre la lucilie bouchère, une mouche prédatrice des animaux et des hommes au Mexique dans les années 2000. Une autre méthode consiste à introduire une bactérie (Wolbachia) dans des souches de moustiques, qui lors de l’accouplement avec les femelles sauvages vont également introduire une stérilité.

    • Brésil : le transmoustique
      http://www.lemonde.fr/planete/article/2014/04/19/bresil-le-transmoustique_4404223_3244.html

      En réalité, les réticences des associations écologistes sont incompréhensibles. Bien sûr, toute intervention sur l’environnement comporte des risques et la dissémination de moustiques transgéniques ne déroge pas à la règle.

      Mais il y a un grave biais d’appréciation de ce risque à oublier que les Brésiliens cherchent déjà – et c’est assez naturel – à se protéger de la dengue. Et qu’ils le font en prenant, pour eux-mêmes et pour l’environnement, des risques infiniment supérieurs. L’utilisation massive d’insecticides organophosphorés, de carbamates, de pyréthrinoïdes, voire de DDT, produit déjà des effets mesurables sur les populations du Nordeste. Une étude épidémiologique publiée en 2012 dans la revue International Journal of Andrology a notamment montré que les petits garçons naissaient dans cette région avec des taux de malformations génitales importants corrélés à l’usage, domestique ou non, d’insecticides qui, de surcroît, détruisent non seulement Aedes aegypti, mais aussi, indistinctement, toute l’entomofaune auxiliaire.

      Une technologie qui permet de se passer de ces produits et qui, contrairement aux biotechnologies végétales, n’a pas comme corollaire la privatisation du vivant, devrait être applaudie par les défenseurs de l’environnement. Qu’elle ne le soit pas est un insondable mystère.