Il y a une difficulté avec tous ces articles consacrés aux réfugiés syriens au Liban : ils se focalisent presque systématiquement sur ceux qui sont dans des camps de fortune (près de la frontière syrienne), alors qu’il ne s’agit que d’une minorité des réfugiés au Liban. La grande majorité (les trois quarts, les deux tiers ?) des réfugiés syriens sont logés dans les villes et villages libanais. La carte de l’UNHCR qui circule en ce moment (voir @cdb_77) montre d’ailleurs que la répartition des réfugiés est la même que celle de la population libanaise, sur l’ensemble du territoire du pays :
C’est quasiment l’exact opposé de la Jordanie et ses immenses camps.
En décembre, cet article indique que 80.000 des 800.000 réfugiés au Liban vivaient dans des tentes :
▻http://www.lorientlejour.com/article/846406/au-liban-80000-refugies-syriens-vivent-sous-des-tentes-de-fortune-bal
C’est certes affreux, mais cela signifie que 720.000 ne vivaient pas dans des tentes. Ce qui est assez remarquable : essayer d’imaginer un million de réfugiés arrivant en France en deux ans, et se demander quel pourcentage se retrouverait enfermé dans un camp de tentes et de préfabriqués avec des barbelés autour.
Par ailleurs, ces articles consacrés aux petits camps au Liban plutôt qu’aux autres réfugiés syriens semblent se multiplier dans les médias ayant un certain agenda politique. Articles qui, tous, regrettent qu’il n’y ait pas de grands camps (façon Zaatari), avec généralement une mise en accusation du gouvernement précédent. Pourtant d’autres commentateurs, comme George Corm, déclarent très clairement qu’ils préfèrent qu’il n’y ait pas de camps syriens au Liban.
Un aspect pas inintéressant tout de même, c’est que dans les témoignages qui circulent, les Syriens au Liban survivent (survivaient ?) en s’intégrant dans le bas de l’échelle des boulots. Une fois dans un camp, c’est clair, ils seraient parfaitement exclus de la vie sociale et de toute possibilité d’activité économique (même peu reluisante).
Je ne suis pas choqué que les organisations humanitaires se focalisent sur les camps : ce sont certainement les situations les plus graves, et par ailleurs (surtout ?) c’est là de manière quasi exclusive qu’ils savent (peuvent) intervenir. Les familles syriennes logées chez l’habitant dans une petit village, je suppose que c’est un peu moins grave qu’un camp dépourvu d’eau, mais surtout je suspecte que les humanitaires étrangers sont totalement incapables d’intervenir de façon aussi diffuse sur tout le territoire libanais.
Quelques questions auxquelles je ne trouve pas de réponses :
– les nouveaux arrivants se répartissent-ils toujours de la même façon (très grosse majorité en dehors de camps de fortune), ou bien est-ce que désormais ils se retrouvent obligés de se regrouper dans des camps de fortune ? Si c’est le cas : pourquoi ?
– comme évolue la situation des Syriens présents depuis plusieurs mois (ceux qui vivent avec les Libanais) ? Est-ce qu’ils survivent de manière vaguement stable, ou est-ce qu’ils s’effondrent dans la misère après quelques mois, une fois que leurs économies sont épuisées ? par exemple : est-ce qu’ils parviennent encore à payer un loyer ?
– est-ce que la concurrence économique entre plus pauvres s’applique désormais entre anciens et nouveaux réfugiés, rendant la situation plus difficile pour les réfugiés eux-mêmes (dans un article, une dame irakienne raconte qu’elle n’arrive même plus à se faire embaucher pour faire la vaisselle) ? est-ce que le fait que les réfugiés soient répartis sur l’ensemble du territoire ne dilue pas ces phénomènes de concurrence ?
– Zaatari, c’est au mieux 150.000 personnes ; il y a déjà plus d’un million de Syriens au Liban. Quand on évoque l’idée de camps de réfugiés, on parle de combien de camps monstrueux façon Zaatari ?