Les nouvelles fraiches - Scop Le Pavé

/les-nouvelles-fraiches

  • Auto-dissolution et refondations du Pavé
    http://www.scoplepave.org/les-nouvelles-fraiches

    extrait du "manifeste d’auto-dissolution et de refondations"

    Nous n’avons pas suffisamment su...
    Nous n’avons pas su identifier le modèle du « surhomme », patriarcal et capitaliste que nous avons embarqué avec et en nous dans cette aventure. Ainsi par exemple nous n’avons pas su nommer et prendre en compte les peurs inhérentes à nos exigences politiques, peurs qui ont provoqué et accentué les recours à des comportements virilistes, tant dans nos modes d’intervention que dans nos relations interpersonnelles.

    Nous n’avons pas su suffisamment résister aux sirènes de la société du spectacle et aux rapports de séduction-fascination qu’elles emportent avec elles, y compris dans nos rapports avec les stagiaires de nos formations. Nous n’avons pas su contrer les effets de notoriété, et empêcher que l’existence de cette structure mette dans l’ombre une myriade d’expériences d’éducation populaire toutes aussi riches que la nôtre et auxquelles nous avons parfois emprunté le patrimoine.

    Nous n’avons pas su suffisamment prendre en compte la réalité de la base matérielle de l’exercice du métier dans une logique économique de marché que nous contestons, c’est-à-dire à trouver un modèle économique qui permette de l’exercer sereinement sans se compromettre ni se résigner, sans entraîner un sur-travail structurel.
    Nous n’avons pas su travailler suffisamment les conditions de préparation, de bilan et d’accompagnement des suites de nos interventions ce qui aurait permis d’évaluer les effets de notre action, de construire l’art de notre métier, de travailler nos désaccords et d’améliorer la qualité de nos interventions pour faire de notre métier un ouvrage collectif permanent reconnu à sa juste valeur.

    Nous n’avons pas su nous appliquer suffisamment en interne ce que nous préconisons en externe. Nous avons ainsi géré trop souvent nos contradictions et désaccords dans une culture de l’affrontement qui put mettre à mal les personnes. De cette expérience, nous n’avons pas suffisamment réussi à faire émerger des règles et des lois encadrant l’exercice de notre métier ou de notre autogestion. A déconstruire trop souvent nos choix politiques, nos décisions, notre fonctionnement, nous avons parfois reproduit des formes de « lois de la jungle » et nous nous sommes épuisés-es tant et si bien que nous nommions déjà depuis quelques mois des situations de souffrance au travail sans arriver à nous en extraire. Il aurait certainement fallu faire face à ces constats, fabriquer du droit qui nous protège syndicalement et humainement, contre les effets de l’organisation du travail, tant dans nos conditions de travail que dans l’étalage de nos intimités personnelles et de notre intimité collective. Notre difficulté à respecter nos décisions, notre incapacité à répartir dans le temps la réalisation de nos désirs politiques, nos déconstructions permanentes, nous ont empêchés de voir dans la fatigue de toutes et tous les effets du sur-travail, les symptômes d’une autogestion non aboutie.

    Nous avons tenté de dénoncer et travailler « à l’extérieur » les dominations de tous ordres mais nous n’avons pas suffisamment pris en considération et travaillé en interne les effets de dominations émanant des rapports sociaux, notamment ceux de classe et de sexe, ni les effets de pouvoir liés aux formes de savoir reconnu ou non, ou encore les effets de pouvoir liés à l’ancienneté. Ainsi, nous n’avons pas suffisamment su faire émerger une égalité de droit à partir d’inégalités de fait, ni suffisamment reconnaître la qualité du travail de chacune et chacun à sa juste valeur pour qu’elles et ils aient le désir de poursuivre l’aventure.

    Nous n’avons pas su nous mettre à l’école des expériences de nos alliés-es, ni cultiver les savoirs-faire stratégiques de l’action collective issus des mouvements d’émancipation d’hier et aujourd’hui. Nous avons ainsi trop tard eu recours à l’extériorité pour nous aider à prendre de la distance d’un côté et à faire mouvement de l’autre : faire appel à un tiers nous aurait certainement aidé à travailler mieux ces rapports sociaux de domination en notre sein alors même que de nombreuses alertes tentaient de se faire entendre.

    Par ces options et pratiques, nous avons créé les conditions d’une situation de souffrance au travail et d’une tristesse que nous ne voulons pas permettre de continuer et que nous ne souhaitons pas répandre car elle est contraire à notre projet de société, c’est pourquoi après 7 années d’expérience intense
    nous décidons de mettre fin à la SCOP Le Pavé le 31 décembre 2014

    #travail #burn-out #autogestion #violence #classes_sociales #medias #souffrance_au_travail