Come ti chiami ? - Vacarme

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  • Pour une politique des noms

    " Ne plus avoir de noms, ne plus avoir de papiers d’identité, devenir plus encore qu’anonymes : innommables. C’est en un sens le rêve tantôt avouable, tantôt inavouable, de toutes les minorités. Parce que celles-ci savent combien les noms sont d’abord des opérations de pouvoir, permettant non seulement d’égrener mots d’ordre et mensonges, mais plus encore d’élever les uns, d’abaisser les autres, d’épingler les uns et les autres, fracturant le continuum naturel des multiplicités sociales en castes, classes ou races. Les noms relèvent par définition d’une violence symbolique - elle soutire à chacun sa singularité et son autonomie — et d’une violence réelle, celle que subissent au quotidien tous ceux qui ont le malheur d’être nés sous un nom maudit — arméniens, juifs, arabes, roms, homosexuels, tutsis, indiens... ; elle peut même être double, incluant par assignation dans un ordre celui qui voudrait s’en échapper et excluant par désignation celui qui voudrait en être — double violence symbolique qui conduit à une double violence réelle : d’un côté celle des pogroms, des ratonnades, des cassages de pédés, des massacres de masses — logique de la haine —, de l’autre celle des portes fermées, du « tu n’es pas des nôtres » — logique de la négation. La nomination est une violence discrète (qui ne se voit pas d’emblée, qui sépare), et réversible, comme en témoigne le génocide rwandais : Tutsis et Hutus furent d’abord des noms inventés par les colonisateurs pour diviser et mieux régner en favorisant les premiers aux dépens des seconds, semant ainsi les graines d’un renversement génocidaire à venir. Malheur aux nommés.

    Un nom, c’est donc d’abord le nom qu’un maître majoritaire (un Dieu, un père, une caste dominante, un conquérant, un parti…) a donné à un être jugé mineur et qui portera à jamais cette violence majoritaire, y compris quand le rapport se renverse et que le nom de l’opprimé devient celui de l’oppresseur. Car même quand cette nomination se fait censément au profit d’une minorité opprimée, c’est toujours aux dépens d’une autre : on parle de peuple pour ne pas parler de prolétariat ni de lutte des classes, mais on parle de « prolétariat » pour ne pas parler des sans-papiers et des minorités qui le constituent, voire il arrive qu’on parle du droit des minorités pour ne pas parler du peuple et du prolétariat. D’où le rêve de devenir innommable que le minoritaire peut ressentir, parfois contre lui-même, lui qui souhaiterait malgré tout « se faire un nom »."

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  • Come ti chiami ?
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    On en est donc là, les étendards au placard. Quel est le mot, qui aujourd’hui pourrait politiquement nous nommer ? D’être passés entre toutes les mains, les mots ont été polis jusqu’à glisser entre les doigts de qui voudrait les saisir. Les paroles fondent, soit parce qu’elles ont été trahies par l’histoire, soit parce qu’elles sont devenues de grands sacs mous impropres à dire correctement ce que l’on voudrait voir définir. (...) Source : Vacarme