Considérations sur une garde à vue

/Considerations-sur-une-gav

  • Considérations sur une garde à vue
    Journal d’un avocat
    http://www.maitre-eolas.fr/post/2014/07/09/Considerations-sur-une-gav

    Croire qu’un magistrat va se laisser aveugler par ses opinions au point d’abuser de ses fonctions pour nuire à un adversaire politique en faisant fi de la légalité révèle surtout le faible sens moral de ceux qui émettant ce soupçon révèlent qu’eux-même le feraient volontiers puisqu’ils croient que tout le monde ferait de même. Je fréquente assez les magistrats et me bagarre assez avec eux à l’audience pour savoir que fonder sa stratégie de défense sur les opinions politiques du juge est suicidaire. Les juges sont avant tout légalistes.

  • Considérations sur une garde à vue
    http://www.maitre-eolas.fr/post/2014/07/09/Considerations-sur-une-gav

    Deux de mes confrères ont connu la semaine passée les affres de la garde à vue, ce qui a ému une partie de la classe politique, ce qui sur le principe pourrait me réjouir, si je ne craignais que cette indignation ne fût pour l’essentiel causé par le fait que l’un d’entre eux est un ancien président de (...) Source : Journal d’un avocat

    • La garde à vue est toujours un jeu de dupes, mais jamais autant que dans le cadre d’une instruction. C’est une situation asymétrique et voulue comme telle. (...) L’avocat était banni de ce tête à tête.

      En 1897, une loi révolutionne la procédure française en faveur de la défense. Loi prise à la suite d’un énorme scandale politico-financier, l’affaire de Panama, qui avait vu des hommes politiques découvrir avec horreur la réalité de la procédure et réalisé avec effroi qu’elle pouvait aussi s’appliquer à eux. Ils l’ont donc profondément remaniée, en permettant la présence de l’avocat dès l’inculpation. Vous voyez que le débat sur la présence de l’avocat ne date pas d’hier. Aussitôt a été entonnée la ritournelle restée très à la mode de « c’est la fin de la répression, cette loi ne profite qu’aux bandits et laisse les honnêtes gens sans défense » qu’on chantonne à chaque petit pas des droits de la défense. Car en France, grâce au mot droitdelhommiste, on a fait des droits de l’homme une insulte et un épouvantail. Dans le pays qui les a inventé face à la tyrannie. Bel exploit.

      (...)

      Dans notre affaire, les juges ont opté pour l’option garde à vue. Pourquoi ? Très probablement parce qu’elles souhaitaient que les deux mis en cause soient entendus simultanément et dans des conditions permettant de s’assurer qu’ils ne pouvaient pas communiquer entre eux (sachant que l’un est avocat de l’autre), tout en ayant décidé de les déférer pour leur mise en examen ; témoin le fait qu’elles ont attendu jusqu’à 2 heures du matin pour les recevoir à cette fin. La garde à vue leur permettait de faire usage d’une contrainte que l’audition libre ne permettait pas. Elle est un choix rationnel, sans que cela ne retire rien à mes critiques de principe.

      L’ancien président a-t-il eu un traitement différent de celui réservé au justiciable lambda ? Assurément oui. Dans un sens plus favorable. Que ce soit clair : jamais un juge d’instruction n’a attendu à son bureau jusqu’à 2h du matin pour éviter à mon client de passer une nuit au dépôt (la prison du palais où les déférés sont placés pour la nuit). Au mieux ai-je eu deux fois un juge d’instruction resté joignable sur son mobile jusqu’à minuit passé pour lever la garde à vue de mon client une fois son audition terminée (et une fois bien qu’il ait gardé le silence). Le président honoraire est en outre sorti libre sans le moindre contrôle judiciaire, ce qui est très rare dans des dossiers où plusieurs personnes sont soupçonnées d’avoir œuvré de conserve.

      Entendons-nous bien : je ne regrette pas que l’ancien président de la République ne soit pas traité comme un délinquant ordinaire. Je regrette que les délinquants ordinaires ne soient pas traités comme des anciens présidents de la République.