• La démagogie fiscale ruine l’espoir d’une société plus juste
    http://www.inegalites.fr/spip.php?page=analyse&id_article=1992

    Le plan de 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques offre à notre pays des marges de manœuvre énormes. Si ces milliards avaient été utilisés pour répondre aux besoins de la population plutôt qu’à réduire les impôts, les services publics auraient pu changer de visage. Une occasion de construire une société plus juste vient d’être gâchée. Comment a-t-on pu en arriver là ? Si l’on veut avancer dans le débat, il faut essayer de le comprendre. (...) Source : Observatoire des inégalités

    • Le plan de 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques offre à notre pays des marges de manœuvre énormes. Si ces milliards avaient été utilisés pour répondre aux besoins de la population plutôt qu’à réduire les impôts, les services publics auraient pu changer de visage. Une occasion de construire une société plus juste vient d’être gâchée. Comment a-t-on pu en arriver là ? Si l’on veut avancer dans le débat, il faut essayer de le comprendre.

      Le président de la République a réussi à faire intégrer l’idée qu’il fallait économiser l’argent public. Jusqu’à l’équivalent de 50 milliards d’euros par an en 2017. Voilà une opération courageuse. Elle représente l’équivalent de l’ensemble du budget du ministère de l’Education nationale, du primaire au lycée. Les lobbies de la dépense - aussi puissants que ceux des niches fiscales - défendent déjà leur cause. Au premier poste évoqué, la politique familiale. Les conservateurs - qui par ailleurs voudraient doubler les économies budgétaires - sont déjà sur les barricades. Cela promet quelques beaux débats. On va raboter là où cela fait le moins de bruit, pas toujours là où l’argent public est le moins nécessaire : dans les prestations sociales notamment. Plutôt que d’utiliser ces économies pour répondre aux besoins de la population - dont toute une partie prend la crise de plein fouet - le gouvernement n’a rien trouvé de mieux à faire que de les jeter par la fenêtre : 46 milliards par an destinés à réduire les prélèvements des entreprises et des ménages.

      Cette politique [1], née dans les cerveaux d’une poignée d’énarques de l’Élysée, conduit à une faillite économique et sociale. Comment l’expliquer ? Trois grands facteurs ont joué.

      Premier point : le pouvoir a perdu le contact avec la société.
      Nous sommes entrés dans l’ère du gouvernement des sondages. En croyant répondre à « ce que veulent les Français » dans les sondages (« l’impôt est devenu intolérable » nous dit le premier ministre lui-même), les gouvernements hument l’air du temps, rien de plus. Qui peut répondre sérieusement « non » quand on lui demande s’il veut payer moins de taxes ? La démagogie des sondages est une impasse totale. Ceux-ci ne valent que pour ce qu’ils sont : une réponse vite faite à un enquêteur qui ne dit pas grand-chose de ce que l’on attend du politique.

      Au-delà, les partis sont devenus des clubs de notables. Les bases sociales militantes de la gauche ont disparu et se forment aujourd’hui au Front national. Leur réflexion se construit autour d’un club d’« experts » qui font parler d’eux en caricaturant la société à coup de petites phrases.

      Deuxième point : les catégories les plus favorisées maîtrisent la communication publique et savent utiliser les médias comme caisse de résonance.
      En pleine crise, on nous fait le récit de classes « moyennes » matraquées, alors que les revenus des 30 % les plus pauvres (les classes populaires et non moyennes) décrochent [2]. On met en avant quatre années de hausse d’impôts, qui ont suivi dix années de baisse d’un montant deux fois supérieur. Les « think tanks » portent haut et fort la parole des groupes favorisés.

      Troisième point : le gouvernement paie sa démagogie anti-riches de l’été 2012 [3].
      Faire payer les plus aisés, qui continuent de s’enrichir quand la France s’enfonce, est une bonne chose. Prétendre qu’eux seuls doivent payer dans une crise comme celle que l’on connaît aujourd’hui et que l’on peut s’épargner un effort plus général est un mensonge économique et une faute politique. L’universalisme de l’impôt assure la légitimité de la redistribution. C’est parce que chacun met la main à la poche, que l’on peut prendre au riche pour donner au pauvre. Concentrer l’impôt sur le revenu en exonérant encore plus de foyers est exactement l’inverse de ce qu’il conviendrait de faire.

      Que l’on soit de gauche ou de droite, l’alternative consiste à défendre le sens de l’effort collectif associé à un projet d’ensemble. Malheureusement, la démagogie l’a emporté dans les deux camps. Les économies budgétaires auraient pu servir pour moitié à assainir les finances publiques (chaque année, nous versons 40 milliards d’intérêts de la dette à des rentiers) et pour moitié à répondre à des besoins sociaux. Ouvrir 300 commissariats de quartier supplémentaires coûterait un milliard d’euros par an. 200 000 places de crèche, quatre milliards. 50 000 logements sociaux supplémentaires, 1,5 milliard. Un minimum social pour 200 000 jeunes de moins de 25 ans représente 1,3 milliard (voir notre « Évaluateur des dépenses publiques »>http://www.inegalites.fr/46milliards ). Toutes réunies, ces mesures valent huit milliards, soit moins d’un cinquième du pacte de responsabilité. Imaginez un instant l’impact de ces seules décisions.

      [1] Voir Pacte de responsabilité : une faute historique pour la gauche http://www.inegalites.fr/spip.php?page=analyse&id_article=1937&id_rubrique=64&id_mot=43&id_groupe=

      [2] Pour s’étonner quelques jours plus tard que « l’opinion » est devenue moins solidaire...

      [3] A cette époque, nous expliquions déjà l’erreur. Voir « Impôts : les classes moyennes doivent payer » http://www.inegalites.fr/spip.php?page=analyse&id_article=1613&id_groupe=9&id_rubrique=28&id_mot=3

      #inegalites #justice_fiscale #medias #oligarchie